Récit de la course : Paris-Brest-Paris 2007, par dbouriot

L'auteur : dbouriot

La course : Paris-Brest-Paris

Date : 20/8/2007

Lieu : Guyancourt (Yvelines)

Affichage : 6708 vues

Distance : 1230km

Objectif : Objectif majeur

9 commentaires

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Le récit

 

Un chemin de mille lieues commence toujours par un premier pas (Lao-Tseu)

Préparation

Cette fois-ci, je pars de presque zéro avec une reprise sportive fin 2006. La remise en forme passe par le ski  de fond, quelques footings et un peu de vélo. Je profite de la bonne météo du mois d’avril pour boucler les trois premiers brevets 200 (Versailles), 300 (Noisiel), 400 (Auxerre). Ce n’est pas toujours facile, je peine dans les côtes mais l’essentiel est de ramener les précieux cartons pour la qualification. Après une parenthèse raid o’bivwak, je reprend le vélo en juin aller faire le brevet 600 à Orléans puis l’Ardéchoise 600km en 3 jours. En juillet je m’offre une traversée du Massif Central : 8 jours de vélo à 130km/jour en moyenne montagne. L’objectif est d’être à l’aise dans les côtes et d’enchainer les jours de vélo. En aout, je fais deux sorties avec Fabrice, Alain et les triathlètes d’Etampes ; ils me font très mal aux jambes mais c’est nécessaire pour pouvoir suivre des groupes dans les moments difficiles. Je fais aussi une sorte de répetition de nuit avec le matériel que je prévois d’utiliser (c’est là que je détecte que le shifter 9 vitesses est hors service). Je vais de plus en plus souvent au boulot à vélo. Je limite les distances pour me reposer avant le grand jour. J’estime à 5000 km la distance parcourue depuis le début de l’année.
                                               
 

la machine

Je fais encore confiance à mon vieux vélo Pierre Perrin fait sur mesure en 1997 pour Paris-Brest-Paris. Je le trouve particulièrement confortable. C’est amusant de constater qu’il fait démodé même dans les coins les plus reculés du Massif Central. « Il ne date pas d’aujourd’hui, ton vélo ! » me lance un cyclo local avec qui je monte le Mont Aigoual.
J’ai équipé le guidon de mousse pour absorber les vibrations.
A l’arrière j’ai mis un pneu de 25 mm pour plus de confort.

Deux semaines avant le départ j'ai changé la selle en gardant le même modèle (trouvé sur ebay). L’ancienne était devenue trop molle.
 
 
 
 
 
 
 

l'équipement

  • Une sacoche de guidon Ortlieb garantie étanche (poids 3kg pleine)
  • Une sacoche de selle Décathlon grande capacité (poids 2kg pleine)
  • Eclairage avant Cateye Opticube HL-EL 530
  • Eclairage avant de secours et d’appoint à diodes
  • Support pour combiner éclairage et saccoche de guidon
  • 2 éclairages Arrière Sigma Diode « étanches » (vont prendre l’eau)
  • 1 frontale de casque à diodes
J’ai fait des essais de sacs à dos pour les brevets de 400 et 600 mais je préfère m’en passer pour cette fois.

le ravitaillement

  • une douzaine de barres : PowerBar, Isostar, Decathlon, PunchPower
  • 1/3 gateau Décathlon
  • 4 pommes de terre
  • 4 mini sandwitches fromage
  • boite de poudre mélange Maxim neutre – Isostar 450g (je vais oublier de prendre la dosette !)
  • Mini pharmacie : pansements, Doliprane, Cetavlon, crème solaire …
  • Couverture de survie
  • Papier toilette

le matériel de réparation

  • 2 chambres à air 23/25
  • rustines
  • outil multi-fonction : dérive-chaine
  • outil multi-clés, tournevis
  • petit chiffon, mini-burette huile de vaseline

l’habillement

  • cuissard corsaire
  • cuissard Assos  cher mais très confortable, indispensable
  • maillot Asac
  • maillot PBP
  • coldwinner manche longue
  • maillot Helly Hansen court
  • manchettes
  • jambières
  • gants gel
  • sous-gants soie
  • casquette
  • casque
  • chaussettes coolmax
  • chaussettes basses
  • goretex tactel

la stratégie

Suivant les conseils de Jean L, j’ai choisi le départ de 20h00. C’est le délai le plus court (80 heures) mais j’avais terminé avec 10 heures de marge en 1999. L’avantage, c’est que ça doit être aussi le départ le plus rapide (en peloton il « suffira » de rester dans les roues). Si je tiens un rythme raisonnable, je devrais éviter les queues aux contrôles.
Je vais profiter de tous les contrôles pour prendre un plat de sucres lents (pates, riz ou sucre lent), un coca ou thé glacé, une tartelette ou flan. Au minimum, chaque contrôle me coutera 30mn (contrôle, ravitaillement , éventuellement café, toilettes, préparation bidons, petits réglages matériels, petits bobos, application pommade …), ça peut prendre facilement une heure si il y a un peu de monde ou des petits trucs à faire (réglages, habillement, soin, toilette, etc …). A rajouter les temps de repos si nécessaire.
Le plus loin possible (jusqu’à Brest) je dois essayer un maximum de rouler en groupe, ne pas refuser les relais mais plutôt rester dans les roues. Après Brest, plus tellement de stratégie, ce sera sans doute dur de trouver des groupes.
Pour le repos /sommeil, je ne prévois pas de m’arrêter dans les dortoirs. Quand je sentirai une grosse envie de dormir sur le vélo qui m’empêche de progresser normalement, je sortirai la couverture de survie pour trouver un coin pour m’allonger et me reposer brièvement. Plusieurs arrêts assez courts plutôt qu’un stop long.
Je n’ai pas de vrai tableau de marche mais je vais profiter de mon expérience de 99 (de mémoire alors que je dois avoir un carton de controle quelque part) pour situer ma progression. J’ai aussi noté les heures de fermeture des contrôles. En 1999, j’avais terminé en 69h23mn avec un problème d’éclairage qui m’avait un peu retardé.Cette année j’ai d’assez bonnes sensations je devrais pouvoir améliorer mon temps de quelques heures : 65 h au mieux, disons plutôt 67 h. L’objectif principal reste quand même de terminer dans les délais mais il faut s’accorder une marge en cas d’imprévu.

le départ

Fabrice est passé me chercher à 18h00. Vers 18h30 nous sommes sur place. Je fais tout de suite la queue pour la vérification des vélos (symbolique). Il y a déjà beaucoup de monde et je me retrouve de justesse dans la dernière vague qui partira à 20h30. Ce n'est pas grave, j'ai tout mon temps. L'attente ne me semble pas trop longue, j'ai la chance de repérer quelques connaissances dans la foule des cyclistes et surtout mes amis Jean et Norbert. Parmi ceux qui viennent encourager les randonneurs il y a aussi Sylvie et Daniel, Lionel est là également, Denis et Lara sont perdus dans la foule. Daniel nous a même préparé une tarte aux pommes, génial ! Le temps passe vite et je suis presque détendu quand il faut dire au revoir et partir.

  

La première nuit

Je suis bien placé dans la vague, donc bien au chaud dans un peloton qui démarre vite comme prévu mais sans excès. Un premier incident à Montfort l'Amaury ou je perd mon éclairage de secours sur le passage pavé. Pas de panique, j'attend que tout le monde soit passé pour le ramasser. J'aurais du le fixer plus solidement mais j'ai dans mes affaires des colliers en rilsan d'électricien pour y remédier. La nuit est tombé assez vite et le peloton ressemble à une sorte de grosse chenille fluorescente. Le rythme baisse un peu quand nous rattrapons un gros peloton de la vague précédente. Malgré les premières côtes du Perche, j'arrive à Mortagne (km 140) en ayant l'impression de ne pas avoir encore entamé mes réserves. Après une courte pause, je reprend la route, mais cette fois-ci les pelotons ont laissé place à des groupes d'une vingtaine de cyclistes.
Drôle de rencontre : dans la nuit on a entendu venir un engin qui grinçait un peu, ça ne ressemblait pas au bruit d’un vélo. En effet c’était une machine du troisième type, un tandem couché où les 2 équipiers sont dos à dos et au lieu de pédaler ils pompent avec leur bras, effet de surprise garanti sur toutes les routes, impossible de passer inaperçu, l’engin idéal pour Michel T.-S.
 Je suis un moment un tandem (un vrai) puis je m'insère dans un groupe où les Américains (600 au départ !) font la loi et prennent les relais de bon cœur, ça m'arrange. Après Mamers, nous ratons une flèche vers Fresnay-sur-Sarthe. Arrivés à Alençon, il faut admettre ce que je me doutais depuis un bon moment: nous ne sommes plus sur la bonne route. Ayant trop confiance dans le fléchage, je n'ai pris ni carte ni boussole, j'essaye de prendre les choses en main car  pour moi il n'est pas question de faire demi-tour, nous devons être sur une route parallèle, je demande donc si quelqu'un a une carte dans le groupe et nous étudions ça à la lueur des frontales. Ce n'est pas catastrophique, après Alençon, il y a une route presque directe pour le contrôle Vilaines-la-Juhel. La traversée d'Alençon est un peu hésitante mais une fois Vilaines-la-Juhel indiqué sur les panneaux nous reprenons notre rythme. Ce ne sera qu’un péripétie et nous n’avons pas perdu beaucoup de temps.Contrôle à Vilaines la Juhel (km 222), ravitaillement. Je trouve aussi chez le dépanneur une vis que j'avais perdue (pour maintenir le support d'éclairage).

La première journée

Je ne me rappelle plus quand le jour s'est levé mais j'ai eu mon premier coup de barre à ce moment. Malgré les menaces de la météo, nous n’avions pas encore eu de pluie mais après Fougères (310 km) il s’est mis à pleuvoir et de plus en plus fort. J’ai d’abord cru que ça n’allait pas durer mais après plusieurs heures de pluie cinglante, je me suis demandé si ça allait s’arrêter un jour. Grâce à mon Goretex tout neuf je suis quand même bien équippé et j’ai juste un peu froid aux contrôles quand je dois m’arrêter. Sur le vélo, ça va à peu près mais il faut faire attention à ne pas faire baisser la cadence au risque de se refroidir . Dix kilomètres avant Loudéac (450 km), je crève alors que la pluie redouble mais je ne trouve aucun abri pour réparer tranquillement.

Comme la pluie ne s’arrête pas je commence à penser à l’abandon. Dans la journée, ce déluge, c’est gérable mais la nuit et avec la fatigue qui va forcément arriver qu’est-ce que ça va donner ? Ca me paraît insurmontable. Je crains aussi les blessures provoquées par les frottements des vêtements humides. J’imagine des stratégies pour déguiser cet abandon en passage aux contrôles hors délai. Les contrôleurs aussi sont inquiets, ils sondent le moral des cyclos. Je commence à envier les cyclos qui ont une voiture d’assistance : c’est beaucoup plus facile pour eux, ils peuvent se changer quand ils veulent, ils me narguent avec leur vélos 5 kg plus légers et en plus certains se font même suivre sur la route (strictement interdit). Je crains que l’assistance ne fasse la différence dans des conditions difficiles et que les « autonomes » ne soient contraints à l’abandon par manque de vêtements de rechange.
 Finalement comme je ne suis pas encore vraiment en difficulté, je décide d’aller jusqu’à Brest voir le temps qu’il y fait et puis d’aviser ensuite. Et puis ça ne roule pas si mal et j’ai de bonnes sensations. Il y a des groupes que j’essaye d’animer en prenant des relais de bon cœur (en plus j’évite les projections). Les côtes de Bretagne se succèdent mais je suis dans le rythme.
Enfin un peu après Loudéac, la pluie cesse. Ca aura quand même duré 150km soit 7 bonnes heures.
C’est à peu près à ce moment que nous croisons le premier groupe qui est déjà sur le chemin du retour. Ils doivent être une quinzaine avec déjà un gros écart sur les suivants.
A 20h30 je fais le compte des km parcourus en 24 heures : 504 km, nouveau record pour moi.

La deuxième nuit

En 99, j ‘avais dormi un peu à Carhaix (525 km). Cette année, je n’ai pas envie de dormir à ce moment et je continue vers Brest. Je discute un bon moment avec un Essonnien du club de Ballainvilliers. De temps en temps sur le bord de la route on voit des ombres allongées à côté de leurs vélos : ce sont des cyclos qui se reposent. Un peu plus tard je dois les imiter en m’accordant 2 courtes pauses. Je sors ma couverture de survie mais je ne dors pas vraiment.
On passe à Sizun où je jette un œil rapide sur l’enclos paroissial curiosité de la région. A part ça, je trouve l’arrivée sur Brest un peu sinistre. On traverse des villages où l’éclairage public est éteint depuis longtemps, il faut faire très attention aux pièges de la chaussée (dos d’âne, ralentisseurs, chicanes …). Personne dans les rues. C’est un peu normal en pleine nuit mais ce n’est pas du tout pareil dans les autres régions où dans presque chaque village il y a quelqu’un qui veille pour encourager ou aider les randonneurs. J’arrive donc à Brest (614 km) en pleine nuit et en traversant l’Elorn je devine la rade sur ma gauche puis je remonte vers le lycée où se tient le contrôle. L’ambiance y est endormie. Je suis seul à prendre mon plat de pâtes. Une bénévole lutte aussi contre le sommeil en lisant Pessoa.
Le bilan est vite fait. Je suis arrivé jusqu’à Brest qui constituait l’objectif intermédiaire principal. La météo est correcte (au moins il ne pleut pas et le vent n’est pas trop fort). Je me sens encore en bonne forme, je ne me traine pas dans les côtes et je suis au moins aussi bien que la moyenne des cyclos que je côtoie. Je ne ressens aucune blessure, pas de tendinite, la selle ne me fait pas souffrir. J’estime même être légèrement en avance et avoir de meilleures sensations que lors de ma participation précédente. Donc tout va bien, je peux basculer et prendre le chemin du retour.
La nuit ma vitesse est réduite et je dois m’arrêter fréquemment mais j’avance et c’est l’essentiel. La nouvelle montée vers le Roc Trévezel passe bien aussi de ce côté. Comme il fait nuit je ne reconnais toujours pas ce « tas » où j’étais passé avec Denis quand je faisais encore des raids. Sur la route je croise à mon tour tous ceux qui se rendent à Brest.
Le jour se lève avant que je ne sois arrivé à Carhaix (697 km).

La deuxième journée

La matinée commence avec de fortes émotions. Entre Plounevez-Quintin et Corlay, il y a beaucoup de circulation et j’ai l’impression que ni les camions ni les voitures ne respectent les limitations de vitesse. En plus il y a un fort vent de côté avec des raffales. Comme un premier camion m'a doublé alors que je revenais sur un vélo-couché et que j'ai vu le vélo-couché faire un écart d'un mètre, je me suis méfié. Lorsque j'ai entendu un deuxième monstre arriver sans ralentir je me suis bien rangé, roulant sur la ligne blanche qui limite la route, le camion en a profité pour passer sans ralentir ni faire semblant de s'écarter (il y avait une voiture en face) et là je me suis cramponné à mon guidon mais j'ai senti une énorme aspiration (heureusement qu'avec mon vélo et mon matériel j'approche les 110kg). A peine remis, un autre camion arrive en lançant un grand coup de corne, alors là je n'ai pas pris de risque , je me suis jeté sur le talus. A cet endroit j’aurais aimé voir des gendarmes et des radars pour calmer un peu les autres usagers de la route.
Je roule un peu en groupe avant Loudéac mais les côtes et une forte averse désintègrent rapidement ce groupe.
Au contrôle de Loudéac, je remarque sous un préau des sacs bien rangés avec un numéro. J’avais déjà vu ça à l’aller et ça m’intrigue. Est-ce que j’aurais loupé quelque chose ? L’organisation proposerait donc de laisser un sac à Loudéac (endroit stratégique à 450 et 773 km). Après enquête, cela n’a rien à voir avec l’organisation mais ressort d’une initiative « privée » des Américains.  Ca commence à m’énerver un peu surtout que j’ai les pieds mouillés dans mes chaussettes depuis plus de 24 heures et que je n’ai changé que de cuissard.
Après Loudéac comme après chaque contrôle, il est difficile de reconstituer des groupes car il n’y a plus assez de cyclos. C’est ainsi que je me retrouve encore seul alors que la forme est revenue. Pendant longtemps je vois quelqu’un loin derrière et un autre cyclo loin devant. Je fais l’effort pour regrouper tout ça mais je n’arriverais pas à m’entendre vraiment ni avec le danois ni avec l’allemand et un arrêt à un contrôle secret remet tout en cause. 20 km avant Tinténiac, il y a quand même un bon groupe qui me rejoint, les côtes sont montées en puissance et je suis étonné de pouvoir suivre facilement. Est-ce bien raisonnable ? Je relâche pour arriver à Tinténiac (858 km) en souplesse.
Après Tinténiac j’encourage systématiquement les derniers cyclos qui vont encore vers Brest et qui doivent être hors délai.
 A quelques km de Fougères, je ressens une douleur insupportable aux pieds. Comme je ne veux pas m’arrêter si près du contrôle, je déclipse mes chaussures des pédales et je pédale avec les talons. Ca faisait longtemps que je ressentais quelque chose aux points d’appui de la pédale mais petit à petit ça s’est dégradé jusqu’à faire très mal. Au contrôle, je vais voir les secouristes qui ne sont pas étonnés. Comme beaucoup d’autres, j’ai la peau blanche sous les pieds, presque prête à se décoller. Je change de chaussettes, met de la pommade (prévue pour la selle), fait un peu sécher les chaussures.
Je suis arrivé à Fougères (912 km) avant 20h30, j’ai donc parcouru 409 km pendant les dernières 24 heures. Il ne reste plus que 300 km et 30 heures de délais. De mémoire en 99, j’étais arrivé à Fougères à la tombée de la nuit, soit une bonne heure plus tard …

 

La troisième nuit

Elle commence plutôt bien, la route est bonne, droite avec des côtes mais peu de virages. Il n’y a pas beaucoup de voitures. Je dois quand même m’arrêter au ravitaillement « privé » à La Tanière. Les gens me proposent du thé et même de m’allonger un peu. J’en profite pour faire une courte sieste.
A peine reparti je suis rejoins par un groupe de 3 Américains (2 femmes et un homme). La leader, m’encourage et me propose de faire un bout de route avec eux. Je saute dans les roues et c’est parti pour une trentaine de km. J’ai l’impression que ça va un peu vite mais je m’accroche et je prend aussi les relais. Le style de la petite américaine me rappelle quelque chose. Elle mouline 2 fois plus que moi et ne s’arrête jamais de pédaler même dans les descentes. J’ai dû rouler avec eux en 99 … A regret je laisse filer ce bon groupe parce que ça va un peu trop vite et surtout je me rend compte que j’ai peur dans les descentes quand je suis en tête. Je vois mal la route et je crains de croiser une voiture qui m’éblouirait.
La pluie a commencé par une petite bruine. J’ai d’abord trouvé ça agréable, rafraîchissant. Et puis ça s’est densifié, une vraie pluie quoi, pas un déluge comme mardi mais quelque chose qui mouille bien.  J’étais alors dans un secteur vallonné, avec de petites routes qui tournent sans lignes blanches ni au milieu ni sur les côtés. Devant moi tout était noir, mon éclairage ne portait pas très loin et surtout n’avait rien à éclairer. La route, le ciel, les bas-côtés, tout avait la même couleur : noir. Ma frontale aurait pu m’aider mais les gouttes d’eau réfléchissait la lumière et m’éblouissaient en passant devant les yeux. Pour « arranger » la situation , l’eau sur mes lunettes déformait ma vision. J’ai essayé sans lunettes mais comme j’étais bien isolé, j’ai eu peur de rater les petites flèches réfléchissantes que j’avais déjà du mal à voir avec des lunettes sans pluie. A force de chercher à deviner la route et le paysage, et à cause du manque de sommeil, j’ai fini par imaginer ce que je ne voyais pas. J’ai vu des falaises, de la neige, des cyclos à la place des panneaux, des monstres dans les champs …
Nouvel arrêt à Lassay-les-Chateaux, je suis heureux de voir des gens en pleine nuit dans le village parce que je n’étais plus sur d’être sur la bonne route. Ils attendent leur fils et me proposent gentiment de me reposer un peu chez eux. Je n’ai pas envie de m’arrêter trop longtemps. Je cherche juste un petit abri pour reprendre mes esprits. Il est une 1h00, il y a un restaurant qui va fermer, on m’invite à me reposer un peu chez eux. Je m’allonge 10 minutes pendant qu’ils me remplissent mes bidons et me préparent un sandwitch.
Je repars mais je me traine encore jusqu’au contrôle de Vilaines-la-Juhel. Une rencontre sinistre dans la nuit : une ambulance avec gyrophare qui me demande si j’ai vu un cyclo qui serait tombé ? La pluie est maintenant soutenue et j’arrive au contrôle sans éclairage arrière. Le réparateur m’installe un nouvel éclairage pendant que je me restaure. Pour la première fois depuis le départ je m’endors vraiment pour quelques minutes. Poussé par la volonté d’avancer coûte que coûte, je me satisfait de ce court repos et je repars dans la nuit. Les conditions n’ont absolument pas changé. Les côtes et surtout les descentes (c’est là que j’ai vraiment peur) se succèdent puisque je traverse la région des Alpes Mancelles. Je vais mettre plus de 2 heures pour avancer de 25 km. Maintenant, je suis obligé de m’arrêter très souvent parce que je sens le sommeil m’envahir, je suis incapable de me concentrer sur la route qui se dérobe très vite. Je monte sur le vélo, pédale un peu et je me réveille un peu plus loin : j’ai dormi sur le vélo. Sans doute pas plus d’une seconde mais ça me terrifie et je préfère m’arrêter un peu avant de repartir. Brusquement la route est devenue très fréquentée, camions et voitures se succèdent à une cadence infernale mais ça ne fait qu’augmenter ma crainte. Enfin j’arrive à un village éclairé Fresnay-sur Sarthe, j’espère y trouver un peu de réconfort. Il y a effectivement quelqu’un qui a pris l’initiative de rester dehors toute la nuit pour signaler un changement de direction. Au bout du rouleau, je lui demande de l’aide. il m’indique le café en face, « le Bon Coin » qui va ouvrir, il est 6 heures. Au café, j’attend patiemment le lever du jour, en essayant de me reposer mais trempé, j’ai un peu froid.

La 3ème journée

A 7 h, il fait un peu jour et la pluie s’est arrêtée.
Même si cette nuit m’a secoué physiquement et moralement, je ne perd pas de vue l’objectif, je dis adieu aux clients du café (il y en a un qui note ma plaque de cadre pour « voir si j’arrive au bout », pour moi, c’est évident, je ne me pose même plus la question).
Jusqu’à Mortagne, mon rythme est redevenu presque normal (pas extraordinaire mais ça avance) avec quand même quelques pauses.
Au contrôle de Mortagne (1082 km), Il est encore assez tôt , je sais que j’ai toute la journée pour faire 150 km. Je ne vois plus ce qui pourrait m’arrêter. Pour la première fois depuis le départ, il y a même du soleil, ça me réchauffe, je change de maillot et je me met en court, c’est ça le vrai vélo ! Il y a deux bonnes côtes après Mortagne, c’est curieux comme je ne les avais même pas senties à l’aller. La je les monte tranquillement et puis je prend la première roue qui passe comme me l’a conseillé Fafa au téléphone. Seulement nous formons bientôt un petit groupe de 4 et les relais sont vraiment appuyés. Je me contente de rester dans les roues parce que je ne veux pas exploser tout de suite. Les côtes sont finies mais le vent est maintenant fort et défavorable. L’arrivée sur Dreux (1156 km) par un plateau désolé est interminable.


A ce dernier contrôle, l’ambiance a changé, on sent les cyclos plus décontractés, on prend même un peu son temps comme si on voulait encore profiter des derniers moments de cette randonnée. Je fais pour la première fois un brin de toilette : je me passe la tête sous le robinet pour ne pas faire trop peur à ceux qui seront venus m’accueillir à Saint Quentin.
Au départ de Dreux je me trouve dans un gentil groupe. Tout le monde s’attend, on roule tranquille. Ca discute pas mal et le parcours est devenu plus agréable, le vent n’est plus tellement gênant. En fait ce groupe est trop tranquille. Je m’endors un peu. Je préfère alors m’arrêter pour soigner mes pieds. C’est curieux d’observer que tout va bien ou mal en même temps. Quand je ressens la fatigue, j’ai les jambes qui me font mal, les pieds aussi, je ne tiens plus sur la selle et j’ai envie de dormir, je ne tiens pas le rythme des autres cyclos. Quand ça va bien, toutes les douleurs disparaissent, j’ai l’impression d’avoir la même forme qu’en partant, de pouvoir encore rouler pendant des centaines de km, etc… Pour moi, c’est bien la preuve que c’est la tête qui commande tout. Se croire arrivé trop tôt serait une grave erreur. Il faut absolument rester dans la course jusqu’au bout. Un coureur vient discuter avec moi, c’est drôle de voir que PBP impressionne même les cyclos les plus assidus. A l’entrée de Saint Quentin, un panneau indique l’arrivée à 15 km. Je calcule rapidement que je vais finir dans les mêmes temps qu’en 99. Je décide alors d’en mettre un coup pour viser une amélioration même symbolique. En respectant les feux, je finis à fond dans Saint Quentin. Pour fêter l’arrivée il s’est remis à pleuvoir assez fort mais ça ne me gène plus. Ce coup de fouet des 15 derniers km me permet de finir dans une bonne phase. Je termine sans émotion particulière comme si je rentrais d’une sortie normale. A l’arrivée, je suis accueilli par les mêmes qu’au départ : Fabrice, Sylvie, Denis, Daniel. Curieuse impression en terminant cette boucle. Il s’est passé tellement de choses en 3 jours, certains moments sont déjà confus et en même temps je retrouve les mêmes personnes au même endroit et à la même heure.

Je n’ai pas de vrais bobos mais quelques sensations bizarres : la bouche pâteuse avec une perte du goût, des dents sensibles. Je n’ai pas perdu de poids (un kilo mais vite repris et même mieux). J’aurai les pieds gonflés et légèrement ankylosés pendant quelques jours. Je suis guéri du vélo pour plusieurs semaines. Mais dans la tête, c’est l’euphorie, je ne sais pas comment je vais pouvoir attendre le prochain PBP.

 

           


A propos de l’organisation,  je trouve que l’inscription est plutôt chère (90€) pour les services proposés ( le contrôle électronique, le fléchage, les plaquettes de présentation, le buffet de clôture le vendredi mais il faut avoir gardé des réflexes pour manger du gâteau)
Tout le reste est « sous-traité » aux clubs et municipalités d’accueil. Il faut savoir que les ravitaillements, douches et dortoirs sont à payer en supplément de l’inscription. J’ai dû dépenser ainsi environ 80 euros.
Avec le prix d’inscription, j’aurais surtout aimé avoir le droit de déposer un petit sac pour me changer à Loudéac par exemple. Je ne peux m’empêcher de comparer avec l’Ardéchoise où pour 160 € on a 2 nuits en gîte demi-pension et le transport d’un sac, des ravitaillements pendant 3 jours.
Pour la sécurité, il y a des postes de secours et de soins à chaque contrôle. Seulement on a parfois l’impression d’être lâchés sur certaines routes sans avoir prévenu les autres usagers (automobiles, camions). Ca devrait être possible d’encadrer aussi un minimum la circulation routière (gendarmerie, radars).
Je suis quand même inquiet pour l’avenir de PBP parce que le club organisateur voudrait se désengager et je crains une exploitation peut-être plus professionnelle mais surtout plus commerciale dans le futur.

Pour finir, une citation de mon ami Thierry au retour d’une sortie particulièrement pluvieuse à mon avis : « Finalement on a eu de la chance avec la météo : on n’a pas eu de pluie ! »
J’y pense à chaque fois que je roule sous la pluie et ça m’aide …

D'autres récits sur         http://parisbrestparis2007.actifforum.com/1200-kms-f21/

9 commentaires

Commentaire de Khanardô posté le 20-09-2007 à 21:04:00

Respect...

Merci pour ton récit !

Commentaire de JLW posté le 20-09-2007 à 22:16:00

Merci dbouriot pour ce magnifique récit tout en humilité mais plein de réalisme et de sensibilité pour une épreuve hors du commun comme l'est l'UTMB pour les coureurs à pieds. J'ai un pote coureur-cycliste qui en était à sa 3ème participation cette année et j'ai pu assister un peu à sa préparation qui est vraiment impressionnante. Je suis vraiment content que tu nous fasses partager cette aventure qui mérite tout notre respect.

Commentaire de robin posté le 21-09-2007 à 10:33:00

Waouh !

Comme Khanardo , un seul mot : respect

Vraiment tres impressionné.

Merci pour ce récit

j'ai bien aimé la photo du panneau " liste de mes courses "

Rajalta connait pas !

Commentaire de dbouriot posté le 22-09-2007 à 10:32:00

Rajalta: course des frontières, traversée de la Finlande de la Russie à la Suède. Ca dure une semaine en ski de fond technique classique sur des pistes damées pour l'occasion et ça a lieu en mars. Pour l'instant je n'étais pas prêt techniquement parce que les étapes sont un peu longues (40 à 80 km).
http://rajaltarajallehiihto.ranua.fi/?deptid=9559

Commentaire de philkikou posté le 22-09-2007 à 16:05:00

DANTESQUE !!! surtout avec les condi=tions météos...je pense qu'on peut comparer cette épreuve tant au niveau préparation (physique et mental) que course à l'utmb ou la réunion...discuté sur l'ardéchoise avec un"papy" qui préparait comme vous paris brest paris...en participant sur 3 jours..j'étais (et je suis ) impressionné => chapeau !!!

Commentaire de robin posté le 24-09-2007 à 11:18:00

Merci pour les infos

robin moins ignorant maintenant

Commentaire de Bubaii posté le 26-09-2007 à 20:06:00

Salut Dominique,

Quelle aventure ton PBP dans des conditions pas vraiment au top pour le vélo.
Quel courage pour affronter une épreuve comme ça ou il faut le physique mais aussi comme tu l’as souligné, un mental terrible.
J’avais fais Paris-Nice avec toi en 2006 et, au cours des étapes, je me disais, il est costaud le Dom, avec son grand gabarit il grimpe les cols comme un poids plume.
Le PBP, ça forge !!
En lisant ton récit, on a vraiment l’impression de vivre l’aventure, superbe récit, je pense que tu détrônes Michel qui pourtant est un maître en la matière.
J’ai noté qu’à aucun moment tu as eu besoin de la crème solaire…
Tu dis, pas d’émotion à l’arrivée ? T’es vraiment blindé, Dom.Moi j’aurai versé quelques larmes…

Chapeau bas, Monsieur Dom.

Alain.

Commentaire de dbouriot posté le 27-09-2007 à 18:24:00

Salut Alain,

J'ai lu ton commentaire, très sympa.

Le mental, tu le sais comme moi c'est assez facile de l'avoir le jour J, mais c'est plus dur de le garder pendant toute la préparation et puis surtout après.
Avoir fini ce sacré truc ne m'empêchera pas de craquer au moindre vent contraire mais je crois quand même que ça va me donner un peu d'expérience. Après ça, je saurai que j'ai survécu dans des conditions un peu difficiles et je devrais pouvoir affronter les éléments avec sérénité mais je sais aussi qu'en la matière rien est acquis …

Le PBP, ça forge ! Tu as raison de dire ça. J'ai remarqué depuis longtemps que les parisbrestards avaient une attitude un peu particulière sur le vélo, un genre de force tranquille. Il y a parfois des mauvais moments à passer mais ils savent que ça va revenir. Et inversement quand ça rigole, ils se doutent que le coup de buis peut arriver très vite. Il me semble aussi qu'ils sont un peu plus solidaires sur la route et ça se vit très fortement au cours des brevets longues distances. C'est pour ça que j 'ai eu envie de faire PBP et j'aimerais être à la hauteur de cette sorte de confrérie.

Tu as encore raison de dire que ça méritait quelques larmes. Je pense que j'étais mur pour ça mais j'ai été distrait par une préoccupation chronométrique et je le regrette un peu maintenant.

J'espère qu'on aura encore l'occasion de rouler ensemble sur ParisNice mais j'ai l'impression que j'ai perdu un peu de facilité en côte cette année.

À bientôt,
Dominique

Commentaire de marco1965 posté le 30-04-2008 à 12:14:00

bravo a toi pourrais tu me renseigner comment je doit faire pour m inscrire pour cette course que je reve de faire je t envois mon mail (spectra1965@hotmail.com) merci et encore mes felicitation je suis de belgique marc noel.

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