L'auteur : Zaille
La course : Ultra Trail Tour Nancy - 109 km
Date : 18/5/2024
Lieu : Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Affichage : 492 vues
Distance : 109km
Objectif : Faire un temps
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Pourquoi ? Pourquoi je m’engage sur une course où j’ai tellement souffert l’an passé ? Pourquoi ? Pourquoi me retaper cette infernale succession de montées/descentes avec une nuit blanche dans la caboche ? Pourquoi ?
Un chrono de 15 heures
En fait, je n’en sais rien. Peut-être la proximité, le défi, la 14ème place satisfaisante de l’an passé ? En tout cas c’est très vite que j’ai inscrit l’Ultra Trail Tour de Nancy (UTTN) dans mon calendrier de courses 2024. C’est d’ailleurs l’épreuve qui est sensée me mettre en orbite pour d’autres défis aux kilométrages inavouables.
Malgré les déconvenues sur mes dernières courses, j’ai bon espoir de cette fois-ci terminer ces 109km et 3500m de D+ en meilleur état qu’à l’arrivée à Champigneulles l’an dernier. Je me fixe un chrono de 15 heures contre les 15h20 effectuées, un objectif pas déconnant pour une fois. Je pense m’être bien reposé avec 2 semaines très très légères et suis motivé et prêt mentalement.
Déterminé
La semaine d’avant course n’a cependant pas été sans interrogations ou doutes. Une douleur au tendon derrière le genou droit qui s’intensifie suite à un mauvais geste du quotidien, une dent bancale qui martyrise ma gencive et pour finir, un déluge sans précédent dans le Grand Est la veille de la course jouent avec mon moral.
Peu importe, c’est déterminé, la tête dans un tableau Excel que je définie ma stratégie avec mes temps de passages aux différents ravitos sur une allure décroissante au fil des km avec en point de mire les 15h escomptées. De la belle théorie mais je ne veux pas me lancer dans l’inconnu, il me faudra des points repères durant la course pour éventuellement me freiner si l’euphorie bien connue de début de course devait me donner des ailes en carton.
119 partants
Vendredi, soirée TV en famille, Koh-Lanta. A 22 heures tout le monde se couche mais moi je pars pour 2 heures de trajet en destination du territoire lorrain. Là-bas, je me gare au stade de Bellefontaine que je commence à bien connaitre à Champigneulles. J’y laisse ma voiture et mon sac de change, un bus devant nous chercher pour nous déposer à Nancy, place Stanislas pour le départ à 2h. La blague du soir est que la société de transport pensait devoir venir la nuit suivante … Oups ! C’est en catastrophe qu’un chauffeur sera sorti d’un sommeil probablement déjà bien entamé pour finalement nous amener 30 minutes avant le départ à la plus belle place du monde (source : les lorrains).
Il y a du monde et le speaker fait chauffer la place. Nous sommes 119 partants dont seulement 5 femmes que le directeur de course nommera une à une avant le compte à rebours final et la musique d’avant coup de feu. Je me place en dernière position, une manière de ne pas me laisser embarquer dans une cavalcade folle que je risquerai de regretter. De toute manière la course est maîtrisée les 3 premiers km par un cycliste qui nous ouvre la course le temps de sortir de la ville et c’est très bien comme ça.
13 minutes de retard
Comme souvent je réfléchis tronçon par tronçon, de ravito en ravito. Là il s’agit de faire 13km à 7:14, c’est à peu près ce que j’ai fait l’an dernier. Je suis confiant mais dès la première montée dans les sentiers, l’invité spécial de cette édition, la boue, affirme fortement sa présence. On patine, on glisse, tout ce que je déteste. Ma patte folle ne pipe pas mot pour l’instant mais le terrain est clairement taillé pour l’entorse ou pire encore.
Je me fais pas mal dépasser mais ça ne me fait ni chaud ni froid, mon objectif est plutôt la bonne gestion que la performance. Je me dirige vers mon premier checkpoint mais avec déjà du retard sur le programme annoncé malgré une dernière descente sur un chemin roulant plutôt bien exécutée. Je profite de la présence de WC pour un arrêt technique et ainsi éviter de me retrouver accroupi dans les bois quelques km plus loin. En sortant du ravito j’ai 13 minutes de retard soit 1 minutes par kilomètre. Si je perds 1 minutes sur tous les km … 109km … Le calcul est vite fait et ça donne le vertige …
L’impression de n’avoir aucun crampon sous mes chaussures
Pas d’inquiétude, la course est encore longue et peut-être que la fin de course sera plus rapide que prévu à l’image de ma LyonSaintéLyon. Cette nouvelle portion fait 23km avec 2h47 de prévues, c’est long mais je n’ai pas jugé nécessaire de remplir mes flasques à peine entamées. De toute façon j’ai le sac bardé de compotes, ça ira.
On enchaîne directement avec 4km de montée, je marche beaucoup dès que ça grimpe, à l’économie malgré ce potentiel retard qui prend de l’embonpoint au fil des bourbiers que l’on contourne tant bien que mal pour encore épargner, pour quelques km, chaussures et chaussettes. Quelques descentes nécessitent l’aide des arbres pour s’y maintenir debout. Parfois j’ai l’impression de n’avoir aucun crampon sous mes chaussures et d’avoir juste une semelle slick. Je galère dans les descentes mais aussi dans les montées pour les mêmes raisons. L’énergie dépensée est démultipliée sur ces tronçons et mes cuisses m’envoient déjà des signaux pas très rassurants après seulement 20km.
Une dégaine de goret
L’objectif est le km36, Custines, je sais que je vais y croiser la Nath. Ca fait toujours du bien de voir une tête connue qui vous encourage et puis j’aurai déjà effectué le tiers de la course ! Le jour se lève tout doucement même si en forêt on ne s’en rend pas forcément compte. Le jour se lève et moi j’ai envie de me coucher, mon horloge biologique n’est pas dupe, il est l’heure et bien plus que l’heure pour un M3 qui se couche la plupart du temps à 22h.
Comme une réponse inconsciente à mon souhait d’horizontalité, hop me voilà allongé ! Même pas en descente, sur du plat, une gadoue plus glissante que celles d’avant me fait perdre toute accroche et me voilà à mon tour maculé de cette peinture brunâtre qui couvre déjà depuis longtemps mes Altra slick. Pas de bobo juste une petite frayeur et une dégaine de goret. Je redouble donc de prudence et commence à m’agacer de ce fait pour lequel on ne peut blâmer, malheureusement, personne.
21 minutes de retard
La dernière descente avant le ravito, il fait bien jour, une belle vue sur la vallée embrumée et voilà à nouveau du gros chemin bien roulant, bien sec que je déguste sans modération en pensant au Coke qui m’attend juste en bas. Les bénévoles sont aux petits soins, on me remplit mes flasques pendant que je m’alimente. J’ai 21 minutes de retard, j’ai donc un peu freiné ma débandade et c’est plutôt rassurant.
Prochain tronçon dans 12km et 1h42 mais pas avant de passer faire un petit check-boost à la Nath en sortie de ravito. On s’est promis de se ravoir à l’arrivée, avant 20h et donc 18h de course maximum, j’ai vu large, très large …(euh … à suivre). Premier km je « déroule » à 6:00 et rêve de rattraper un peu de temps perdu malgré 2 grosses montées repérées avant le ravito du km48. J’ai repris un peu du poil de la bestiole mais le cuissot est bien atteint et ça râle à chaque montée.
Plus ça glisse, plus je me crispe
Grosse descente, bien raide. Il me semble que l’an dernier il y avait une corde pour nous aider ici mais là il n’y a que les arbres auxquels pour m’accrocher et éviter un 100m tout en glissade. Plus ça glisse, plus je me crispe et plus je me cr…. Je retombe mais là plus lourdement avec cette fois-ci un atterrissage sur une pierre avec le bras puis la tête dans la boue (heureusement pas l’inverse). Le coureur derrière moi vient aux nouvelles, je suis bien égratigné mais une fois de plus, rien de grave. Je suis quand même un peu choqué et le moral en prend un coup.
Moral ou pas, faut y aller et j’y vais. Je suis 39ème selon Laetitia qui m’envoie des SMS d’encouragement de temps en temps. Je suis agréablement surpris car je pensais être plus en arrière que ça avec ma progression de galérien. Dernière grosse montée avant le ravito installé dans un fort de la grande guerre mais non sans, peut-être en hommage aux combattants des tranchées, avoir mis les 2 pieds dans une mare de boue jusqu’à mi-mollet. Mes chaussures et mes chaussettes sont à présent de couleur uniforme, une espèce de camaïeu brun et beige.
Oublier mon objectif
Km48, je m’autorise un premier arrêt assis pour faire le plein et me motive avec l’objectif du prochain ravito qui marquera la mi-course. J’ai 35 minutes de retard et commence à oublier mon objectif de 15h. Les conditions de terrain et du bonhomme ne sont clairement pas au rendez-vous pour un exploit. Des pensées négatives me viennent, je les chasse aussitôt, je dois avancer, arriver au bout et puis c’est tout. Juste oublier la montre et aller de l’avant.
Un petit saut de 11km, mentalement ça le fait. Le terrain est à nouveau difficile mais pas de grosse montée, j’arrive à trottiner, pas très vite mais bon … Il y aura quand-même un beau morceau à franchir : un raidard où une corde fixe nous aidera à nous tracter à la force des bras. Pas très long mais éprouvant.
Le balisage jusqu’ici quasi-parfait commence à montrer des faiblesses et c’est en bas d’une descente plutôt compliquée que je me rends compte être hors parcours. Hors de question de faire demi-tour et me taper à la remontée ce que je viens de descendre et c’est grâce au GPX chargé dans ma montre que j’arrive à rejoindre la trace par un itinéraire bis. J’avais déjà rebroussé chemin un peu plus tôt suite à un croisement sans aucune indication mais bon, le trail c’est un peu ça aussi !
La surprise
Km59, le ravito des Baraques, on y repassera dans une quarantaine de km, ça sera le dernier ravito avant l’arrivée mais que c’est loin ! Je m’y installe prends mon temps, discute avec coureurs et bénévoles. Je recharge les batteries autant physiques que mentales. Le prochain arrêt sera à la base vie, le km70. Il y aura du chaud à manger et mon dropbag avec quelques douceurs persos.
Je suis 32ème, oui est alors ? J’en suis à la moitié et suis sérieusement entamé, le classement ne m’intéresse plus, je voudrais juste en terminer mais pour cela il faudra franchir la ligne, il n’y a pas d’autre alternative sauf …non, il n’y en a pas d’autre. J’ai une autre motivation, secrète. Je crois, j’ai détecté quelques indices, que Laetitia veut me faire la surprise de me rejoindre au ravito du km87 et faire, comme le règlement le permet, office de Pacer sur les derniers km. Je crois qu’elle se doute que j’ai reniflé quelque chose mais on s’astreint tous les deux au strict minimum via SMS. Je verrai bien …
La base vie
Quelques bonnes grimpettes et beaucoup de singles sur cette portion. Le temps passe un peu plus vite en compagnie d’un coureur avec qui je papote tout en marchant/trottinant. Il y a un peu moins de boue depuis un moment et cette boucherie est devenue un peu plus agréable malgré la fatigue qui s’installe insidieusement mais avec aplomb.
Km70, la base vie, je la rejoins après une longue descente en solitaire, c’est une sacrée étape de franchie. L’accueil est royal dans la salle de sport des étudiants en STAPS. On me propose dès mon arrivée de m’installer et me servir une PastaBox au fromage ou bolognaise au choix. Quel luxe ! On me ramène mon dropbag duquel j’extrais la meilleure cannette d’Orangina (What else ?) du monde. Je distille le saint breuvage dans mon gosier tout en attendant mon repas qui m’arrive dans la foulée.
Certains en profite pour se faire masser mais j’ai trop la flemme d’enlever les chaussures et toute la croute qu’il y a autour. Je prends juste mon temps pour bien m’alimenter et kiffe le moment présent. On est bien là mais il ne reste pas loin de 40km et ce n’est pas rien dans l’état où je suis. Le prochain arrêt c’est celui à partir duquel les Pacers, les accompagnateurs, sont admis et c’est innocemment que j’informe ma douce que mon arrivée à ce point se fera probablement que dans 3 heures. Elle sait que je sais, je sais qu’elle sait mais on feint tous les deux de ne pas savoir voulant tous deux préserver la surprise des retrouvailles … Qu’est-ce qu’on s’amuse !
Personne !!!
Allez, grosse montée, comme presque après chaque ravito. C’est parti pour 17km et un objectif de 3 heures. Dingue quand on y pense ! Du 10:00 au kilo ! Demandez-moi de courir à cette vitesse à l’entraînement et je n’y arriverai pas tellement c’est lent et pourtant là, je me bats pour les tenir difficilement durant cette longue section. Je me force à ne pas regarder la montre, je suis trop déçu à chaque fois de voir que je n’ai avancé que de quelques centaines de mètres. C’est long, lent, interminable mais je sais que je vais revoir Laetitia et sûrement aussi son frère avec Vanessa qui l’auront récupéré à la gare de Nancy pour l’amener jusqu’à Chavigny. J’ai hâte, l’émotion me guette, je suis exténué et les nerfs sont à fleur de peau.
J’ai fait le décompte presque km par km sur cette portion mais on arrive, dernière descente avec un coureur qui est accueilli par son épouse à l’entrée du village. Moi on m’attend probablement au ravito. Je crois reconnaître mon beau-frère, esquisse un sourire, un geste de la main, non ce n’est pas lui. Je continue, encore un dernier petit coup de cul juste avant un parking avec une tente, c’est là, j’aaaaaarrrriiiive !!!! Et là …. Personne !!! Enfin si, plein de monde mais personne !! Je tourne la tête dans tous les sens … Personne !!
Loup solitaire
Je m’assoie sur un banc, un bénévole vient me voir, il comprend que quelque chose ne va pas. Il propose de me servir, me prend les flasques pour les remplir. Un service 4 étoiles, merci à eux car là je suis au fond du trou. Tout s’écroule. Je me suis fait un film, Laetitia est à la maison avec les enfants et c’est peut-être mieux comme ça. A quoi bon accompagner un zombie qui galère à courir à la vitesse d’un marcheur. Je suis partagé entre déception et soulagement, c’est compliqué.
Un conciliabule se forme entre coureurs pour connaître le nombre de km restant et c’est le 22 qui l’emporte avec un 15 + 7. 15 jusqu’aux Baraques, le ravito qu’on connait déjà puis 7 pour torcher l’affaire. J’avais en tête, malgré un tableau Excel minutieusement préparé, que c’était 12+11 mais là, apprendre que le prochain ravito est à 15km me fout un coup de massue supplémentaire. Après le fond du trou, j’expérimente ce qu’il y en dessous, peut-être un espèce vortex, un trou noir ?
J’ai pris tout le temps qu’il fallait, je repars à la marche, la motivation en berne. Je vais finir en 16, 17 ou 18 heures mais je vais finir en loup solitaire. C’est ma nature, je suis un solitaire, je l’assume et donc j’avance et j’arrête de ronchonner, plus que 22km.
Je n’en peux plus
Je ne cours quasiment plus mais avance quasiment aussi vite que lors de mes séances de trotinages précédentes donc à quoi bon … J’essaie quand-même de temps à autre d’accrocher un coureur dans le mal comme moi. Parfois ça papote, parfois on se suit sans un mot mais on a tous le même objectif : arriver au bout !
Le profil est plutôt descendant et assez facile. Les passages boueux sont dorénavant épisodiques et en plus il fait beau, presque chaud, trop chaud. Je me surprends à chercher l’ombre ou à vouloir baisser les lunettes de soleil de ma casquette alors que j’en ai pas. J’ai parfois aussi des hallucinations. Toutes ces branches, pierres ou souches sont autant de source d’interprétation pour mon esprit fatigué. Là un vieil ordinateur, oh un serpent, un puma, une veille manette de jeu, une proue de drakkar … ça part dans tous les sens et ça m’occupe.
Je consulte mon profil et constate que la fête est bientôt finie, un bon coup de D+ nous attend. Effectivement, il est là, je m’arrête net, je n’en peux plus. Je laisse passer quelques coureurs du 64km qui nous ont rejoint après la base vie. Souvent ils me félicitent voyant à mon dossard que je suis sur la distance supérieure. C’est gentil et ça fait du bien. Je prends mon courage à 2 pieds et me lance, mains sur les cuisses. Encore 3km et c’est le dernier ravito, je me rends compte que je vais le faire !
Laetitia !
Hello !! Hello ? Non ! Mais oui ! Incroyable ! Laetitia ! Elle arrive en sens inverse, son plan était bien de me rejoindre au fameux ravito mais la SNCF en avait décidé autrement. Elle me raconte son histoire et moi je la regarde la bouche bée. Elle est évidemment en pleine forme et fait des aller/retour devant moi. Je suis désolé de lui dire que je n’arrive quasiment plus à courir. Je fais l’effort de temps en temps mais que c’est dur !
Après un nouveau passage bien boueux pouvant faire croire à des passages à guet de petite rivière on arrive sur la route. Au loin, après un pont d’autoroute, je vois le dernier ravito. Un coureur est devant moi et je le vois bifurquer à droite. Mais, non, que fait-il, je l’appelle, je crie, il n’entend rien à cause de son foutu casque audio. Laetitia se propose d’aller le chercher, je n’ai pas les jambes pour ça. Il est parti pour une nouvelle boucle vers la base vie si on ne l’arrête pas.
A deux pour les 7 derniers km
Je continue ma route vers le ravito et, surprise, la Nath qui nous attend, toujours aussi enjouée et enthousiaste, ça fait plaisir. Elle était de mèche avec mon épouse pour son rapatriement sur le parcours, grand merci à elle. Je me ravitaille une dernière fois en attendant la belle qui revient de sa mission de sauvetage. On pourrait rester là à discuter pendant des heures mais bon … Le ciel s’obscurci et l’orage gronde. Une petite pensée pour les bénévoles et les coureurs bien plus loin que moi qui vont prendre la rincée. On repart à deux pour les 7 derniers km.
Je trottine à nouveau, motivé par la ligne d’arrivée qui se rapproche et par ma meneuse d’allure personnelle. Voilà il pleut, ça ne pouvait pas attendre ? Ce n’est pas la pluie du moment qui me dérange mais plutôt la météo à l’arrivée qui va me priver de la convivialité d’une bière au pied de l’arche tant rêvé. Je ronchonne intérieurement une fois de plus mais j’ai passé les 100km et je vois enfin le bout, je réalise tout doucement que finir n’est plus une option.
Tu ne ressembles plus à rien là
Il reste deux difficultés, la première, une montée dans un pré sous des lignes électriques. Elle sera finalement assez courte, comme dans mes souvenirs, mais je suis trempé à présent. Le ciel est bien noir et le tonnerre gronde. On va très vite retourner en forêt à l’abri des feuillages juste avant le boss de fin de niveau, une montée bien calibrée où je vais mener un train de traileuses du16k.
Encore une descente à jouer l’équilibriste dans la boue. Laetitia me propose une grosse branche pour m’aider mais non, on va essayer de rester digne malgré ce festival de gadoue. « Allez !» Comment ça ? Tu crois que je fais quoi ? Je vais ! Je ne fais que ça ! Je vais ! Ce n’est pas le moment, il reste 2km. Je recommence à blaguer et demande quel signe je devrais faire en franchisant la ligne si proche : Cœur avec les doigts, doigt vengeur vers le ciel, … ? Fait comme tu veux, tu ne ressembles plus à rien là de toute façon. OK, merci đ
Pourquoi ?
On longe l’étang juste derrière le complexe sportif, on entend de la musique, un speaker, on arrive ! Je laisse passer une bande de copine du 16k pour avoir mon moment à moi. Laetitia bifurque et je me retrouve seul sur ces derniers mètres. Encore un peu de boue et l’arche, enfin. On me demande de lever les bras, je m’exécute. Je n’ai pas gagné, loin de là, mais quelle journée, quelle aventure, c’est fini, 17h29 avec beaucoup de souffrance, de doutes mais l’immense satisfaction d’avoir tenu coûte que coûte.
J’en ai chié comme jamais. J’ai l’impression d’écrire cette phrase à chacun de mes CR ces derniers temps mais là c’est du level expert. Il en aura fallu de la ténacité et beaucoup de questions restent en suspens : est-ce que j’en fait trop (ok, j’ai la réponse). Suis-je fait pour l’ultra ? Ne devrais-je pas me limiter à des formats inférieurs ? Y-a-t-il un sens à s’infliger autant de souffrances ? Pourquoi ? Et le serpent se mort la queue.
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