Récit de la course : Patat'Off 2024, par Zaille

L'auteur : Zaille

La course : Patat'Off

Date : 2/3/2024

Lieu : Vesoul (Haute-Saône)

Affichage : 218 vues

Distance : 63.87km

Objectif : Battre un record

Partager :

2ème essai sur une course horaire

Ça fait quelques années que je suis quelques zinzins de l’ultra sur les réseaux. Tout a commencé avec mes premières envies de centbornard, je n’imaginai pas alors qu’un 100km n’était en fait qu’une porte d’entrée d’un monde peuplé de doux-dingues où les courses n’ont plus aucune limite kilométrique.

 

27 inscrits

C’est à force de clics hasardeux dans cet univers peuplé d’initiés qu’un jour je suis tombé sur la sympathique PATAT’OFF. Une course horaire de 6 heures à Vesoul organisée de façon totalement OFFicieuse par Fabian et Martial, deux passionnés de la longue distance. Le nombre d’inscrits y est très limité et c’est grâce à Joseph, un autre ultra-fondu mais aussi membre de mon club, que ma demande de participation a été adoubée, quel honneur !

Oui, quel honneur car sur la liste des 27 inscrits il y a quelques noms au palmarès vertigineux : vainqueur de l’infernal trail 200, podium au championnat du monde des 24H, podium UTMB, finisher Tor des Géants et Tor des glaciers, sans parler des chronos de références sur 100km, 6h, 24h, 48h et au-delà qui donnent le tournis… Le syndrome de l’imposteur me guette !

 

Un circuit de 2,22km

J’ai une seule et unique expérience sur une course de 6 heures. C’était l’an dernier à Xonrupt-Longemer avec au final un kilomètrage d’un peu plus de 62km, rien de folichon d’autant que l’exécution de cette marque s’est faite sans la manière et dans la douleur. Cette fois-ci j’espère bien pouvoir mieux m’en sortir avec en plus un objectif revu, évidemment, à la hausse : 67km.

L’épreuve est prévue sur un circuit de 2,22km dessiné aux abords du lac de Vesoul-Vaivre. Le départ est prévu à 9h et comme j’avais opté pour une chambre d’hôtel pas loin (Vesoul est quand-même à 3h de chez moi), je suis totalement détendu au réveil tout en étant absolument impatient de relever ce nouveau défi. J’ai également hâte de passer une belle journée avec des passionnés de course à pied de très grand niveau.

 

A l’aise

En arrivant, je repère de loin une petite tonnelle installée sur un parking, c’est là. De toute façon on a eu toutes les infos par mail. Je ne suis pas le premier et suis accueilli chaleureusement par Martial et Fabian tous deux en train de peaufiner le poste de ravito. Je suis tout de suite mis à l’aise, beaucoup de coureurs se connaissent confrontent leurs dernières anecdotes d’ultra. Je reconnais Christophe, l’inventeur de quelques dingueries à pied. Joseph et Florine, des amis RIMois, arrivent aussi et rejoignent le grand papotage.

Avec les dossards personnalisés, un petit pot de miel nous est offert. Incroyable et gentille attention pour une course sans droit d’inscription mis à part une participation toute symbolique pour couvrir à minima les frais de ravito. Je dépose mon cabas de ravitaillement perso pas loin et rejoint le groupe pour le départ imminent, juste après les quelques mots de bienvenue de nos gentils organisateurs.

 

Premiers tours

Un coup de pétards et c’est parti. Le ciel est mi-figue mi-raisin mais avec 11°C, je crois qu’on peut dire que c’est une belle journée pour courir. On découvre le parcours avec le premier tour en suivant Fabian et son VTT. Le circuit se fractionne en plusieurs tronçons qui seront autant d’objectifs intermédiaires pouvant rendre la répétition des tours plus digeste.

Je me suis fixé une allure de 5:15 environ sachant qu’il faut que je reste sous 5:22 de moyenne pour atteindre les 67km à la fin de ces 6 heures. Evidement les premiers tours se font très facilement et évidemment je suis tenté par quelques tours plus rapides. Je me résonne, je me ralentis même si régulièrement je suis à un peu sous 5:10.

 

Impression de déjà-vu

Très vite je me rends compte que je suis 2ème avec aux avant-postes, Ray, largement hors de portée pour moi. Je dépasse régulièrement les mêmes personnes en n’oubliant jamais un petit mot d’encouragement pour eux. Certains ne sont clairement pas là pour la performance mais juste pour passer un bon moment entre amis, j’adore !! Bientôt une heure de course et je décide enfin à me ravitailler un peu. J’attrape une de mes flasques et marche un peu pour boire, jusqu’ici tout va bien.

Pas trop de calcul mental pour l’instant, je suis à 5:14 de moyenne, j’attends la 2ème heure pour faire la règle de trois. Je dépasse Florine et Joseph, ils me confirment que je suis 2ème. Cool mais bon, la route est encore longue … Et voilà, « plus que » 4 heures et 23km au compteur. La multiplication est facile, je suis sur une base de 69km et l’impression de déjà-vu ne me rassure pas. En effet, c’est un copier-coller du scénario de mon premier 6h et la conclusion ratée de ce dernier me hante déjà.

Au bout de 3h je suis toujours sur une base légèrement inférieure à 69km mais c’est dans la demi-heure qui va suivre que le déclin tant redouté va s’amorcer. Je commence à avoir du mal à tenir les 5:15 puis les 5:20, puis 5:30 … C’est la dégringolade. Je tiens bon autant que possible jusqu’à la marque des 4h et 45km au compteur. Il me reste 2 heures et je sais déjà que mon objectif de ce matin est à oublier ! Ray vient de me dépasser, sa foulée est encore impeccable. On a échangé 2-3 mots, je lui souhaite bonne continuation et on se dit à tout à l’heure … Dans 2 heures.

 

Plus que 3 tours

Il faut que je me ressaisisse ! Allez, moins de 2 heures à tenir c’est-à-dire une heure et quelques … Prochain ravito je m’autorise une pose assise et … Un Orangina, ma dope à moi. Je descends une demi-canette du doux nectar cul-sec et même si la sensation est un délice, je suis de suite pris à partie par mon estomac qui va essayer de renvoyer la livraison à l’expéditeur. Il s’en faut de peu pour que je pourrisse la zone de ravitaillement.

Je repars, inquiet avec un bide rebelle. Je me vois à tout instant me soulager derrière une haie, un arbre mais finalement le mal va passer même si à présent impossible de courir sous 6:00. Je me force cependant coûte que coûte à ne pas marcher en dehors de la zone de ravitaillement. Que c’est dur !

Encore 40 minutes, je m’assoie. Plus que 3 tours environ, ça fait du bien de se le dire et je partage mon enthousiasme passager avec quelques-uns de mes concurrents.  Un peu de fromage, du saucisson, des bretzels et c’est reparti. Avant-avant-dernier tour, avant-dernier tour. Vitesse de croisière, 6:15. Je n’ai même plus la force d’encourager les rares coureurs que je dépasse encore. Je suis essoufflé et le cardio me dit de ralentir, d’arrêter mais non, pas maintenant.

 

Seconde place en sursis

Dernier tour, je suis rejoint par Joseph, il arrête. Il a rempli sa mission en emmenant Florine aux 50km, bravo, je suis content pour eux. Je lui dis que Christian est à mes trousses et que ma seconde place est en sursis. Effectivement, je le vois arrivé de loin, sa foulée est reconnaissable entre toutes. Longue avec les bras qui balancent avec ampleur. Il ne court pas à l’économie mais il s’agit de Christian FATTON, la légende, le plus titré de nous tous, et de loin, très très loin. Malgré l’âge, malgré ses pieds opérés et récalcitrants, il ne lâchera rien.

Joseph me secoue : « Allez Eric, on va le faire, il reste un tour ». Je ne m’arrête pas au ravito, je « fonce » dans les pas de Joseph. On échange quelques mots mais recourir à 5:45 me demande un effort inouï. Je tiens bon mais j’entends déjà le souffle lourd de mon assaillant. Je résiste un temps puis finalement le laisse me dépasser. En fait, il y a une règle que Joseph vient de me rappeler. Si l’on passe la ligne avant les 6 heures, il faut refaire un tour et un prorata de distance sera rajouter en fonction du reliquat de temps et de l’allure de l’ultime tour (je sais, ce n’est pas claire expliqué comme ça).

 

Bon pour un nouveau tour de manège

Je ne veux pas totalement me griller car je sais que je passerai la ligne avant les 6 heures et qu’il faudra donc que je me batte 2,2km de plus ! Noooon !! Franchement je n’en ai plus envie, je m’étais fait à l’idée d’arrêter là mais Joseph insiste et me trouve la motivation nécessaire pour y retourner. Car effectivement c’est ce qui va se passer. Christian passe la ligne et moi 30 secondes plus tard mais avant la fin des 6 heures, il faut donc continuer, on est bon pour un nouveau tour de manège.

A ce moment, Christian et moi avons la même distance au compteur. Tout va se jouer sur l’allure de chacun sur ce dernier-dernier tour mais … que se passe-t-il ? où est Christian ? Joseph, se retourne, scrute : « Il arrête !! Il arrête ». Incroyable, le champion jette l’éponge. A-t-il bien assimilé la règle ? Le jeu n’en vaut-il peut-être pas la chandelle ? Ces pieds sont peut-être trop douloureux ? En tout cas le match est joué, quelque soit mon allure, s’il ne se remet pas en selle, on va me comptabiliser quelques mètres de plus qui me feront passer devant lui.

 

Satisfaction

La course est finie et je termine mon dernier tour en tout petite foulée en compagnie de Joseph. Dans ma tête je suis 2ème mais ce que je ne savais pas c’est que le coureur qui trottine avec nous depuis un moment et à qui on explique la subtilité de la règle n’est autre que l’actuel second. Je ne le saurai qu’une fois arrivé en voyant les classements. Dommage mais la satisfaction de la bataille menée avec la légende Christian FATTON vaut beaucoup plus qu’une place, même d’honneur.

J’arrive exténué et m’assoie de suite sur une chaise. Une Tourtel m’aidera à reprendre mes esprits avant d’aller serrer la main de l’athlète hors-norme qu’est Christian. En bon fanboy je lui demande même de me dédicacer un livre en son honneur (Figures d’ultra) que j’avais ramené pour l’occasion. L’an dernier il faisait encore 70km sur cette même course, c’est dire à quel point, malgré ce classement, je suis loin de ce monstre de l’ultra.

 

110 mètres

Bon alors … Combien ? 63,87km, 1,5km de mieux qu’à Xonrupt-Longemer, je suis donc plutôt content sans être comblé … Evidemment. Le fameux second me chipera la place si longtemps occupée pour 110 mètres mais ma troisième place a été sauvé de justesse, 70 mètres, je n’ai donc aucun regret.

Ray fera un peu plus de 68km, loin devant et Julia, l’épouse de Christian, une autre légende, sera la première féminine avec 63,51km. Les 2 vainqueurs se verront gratifié d’une patate d’or, ça ne s’invente pas ! La course se prolonge par un moment de convivialité qui ne sera clos que par l’arrivée de la pluie qui nous avait pourtant quasi-épargné aujourd’hui. Merci pour tout et peut-être, je l’espère, à l’année prochaine.

Aucun commentaire

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Version grand écran