Le syndrome de l'impos’TOR

Pour ceux qui veulent un truc bien dans l’ordre vous pouvez aller l’excellent CR de Chirov, pour un truc ultra précis celui de Marat, pour voir a quoi ça ressemble, la vidéo de zinzin et pour tutoyer un brin de folie celui d’Alex est excellent. J’en ai lu des tas d’autres et vu quelques autres vidéos mais avec ça vous avez déjà l’essentiel.

On est le 21 Novembre, il m’a fallu un titre pour m’y mettre. Si certains ont « un goût d’inachevé », le mien est étrange, voir étranger. Je n’étais pas tiré au sort, j’ai été blessé pendant 2 mois avant la course, je l’ai « survolé ». Elle devait être la plus facile des « 4 fantastiques », dans un sens heureusement, sinon je n’aurais sans doute pas pu aller au bout. Elle devait être un aboutissement, elle est une rupture.

En fait j’ai une chance incroyable, la SP 360 grâce ou à cause d’Antoine, course dont je n’avais aucune conscience de ce que cela représentait et que j’ai fini je ne sais pas comment, l’Euforia dans les pas et la trace de l’Ecureuil, je n’ai jamais ouvert une carte ni regardé le parcours, la PTL, autonomie, haute montagne et orientation que des domaines que je n’ai pas pratiqué. Frisant même l’inconscience puisque que j’essaierai mon baudrier en pleine nuit arrivé devant une via ferrata et mes crampons pour une traversé de glacier. Et maintenant ce TOR ou le tirage au sort ne m’a pas pris et, comme par magie, pour la première fois, une inscription de complément ou c’est le premier servie qui remporte le droit de lâcher 900€. Puis la blessure début juillet qui annihilera tous mes espoirs de performance, déjà être au départ.

Alors c’est encore pire que d’habitude, pas de road book, aucune lecture du tracé, affaires préparées à l’arrache, pas de moyen de transport, pas de logement. Je compte sur les copains qui répondent présent comme d’habitude. Avec du recul j’ai vraiment un comportement d’assisté. Pour certains c’est un rêve, l’aboutissement d’une vie, j’ai l’impression que pour moi c’est juste que j’en suis capable alors je le fais, pourquoi ? J’en ai pas la moindre idée.

Donc me voila au départ de cette course mythique avec un programme simple, je suis Chirov le plus longtemps possible. Je ne sais rien, il connaît tout. Je ne maitrise rien, il maitrise tout. Inconscience et confiance. Bon en fait ça ne c’est pas du tout passé comme ça vu que dès la montée de l’Arp je n’ai pas de souffle, pas de jambes, un peu normal vu que j’ai pratiquement rien plus faire pendant 2 mois et ma grosse sortie c’est fermeur de la Skyrace de l’EB (Merci Jano) soit 9H10 pour faire 22km et 2000D+ soir un rythme plus lent qu’au TOR….

Heureusement ce n’est vraiment pas technique et le RB de Chirov qui doit nous faire finir en sub 130H nous mets déjà en avance dès la descente et le trottinage sur La Thuile. « Même pour faire mon CR je suis obligé d’aller voir celui de Boubou pour me repérer, même pas indépendant pour ça !!!! » Il fait bon, c’est très facile, on en profite même pour trotter parce qu’on a envie. Il y a beaucoup de ravito, rien de fou, mais c’est complet et surtout très rapproché par contre la première BV que l’on atteints un début de nuit sans avoir mis la frontale, ça c’était très con aussi parce que la visibilité était quasi nul, est un peu pourrie, le sac est dehors, faut bricoler à un endroit, manger à un autre, ce changer assis par terre, bref, pas optimal. Mais bon c’est le début de course donc pour l’instant on gère tranquillou. Pas de dodo et nous revoilà repartie dans la montagne.

J’ai bien sur pas trop de souvenir de la nuit, juste un flash de la descente du col de la fenêtre qui est impressionnante vu d’en haut mais sans vraiment de difficulté, on en trottine même une grosse partie. C’est de la chouette montagne sans arbre comme j’aime bien. Il fait chaud mais le rythme des ravitos et toujours important. On a bien l’épisode de la chute de pierres qui inquiète un peu Julien mais même sur un rythme cool on a beaucoup d’avance sur le RB, mais je sais bien que le sommeil va nous rattraper. Quand ? Ce sera la surprise. Arrivé à Cogne je commence déjà à payer ma non préparation. Alors que je n’avais eu aucune ampoule à l’X Alpine, je me retrouve avec une énorme sous le talon à droite et à la plante des pieds à gauche. J’ai suivie les conseils de Marat pour les chaussettes doubles peau D4, c’est un échec….. Elles ne sont pas douloureuses mais ce n’est qu’un début, donc je vide, remplie avec de l’éosine, je vide et strappe. Et je change de chaussure pour mettre les Olympus un poil plus large mais que je n’ai pas eu la possibilité de casser faute d’avoir pu courir en Juillet/Aout.

La troisième section, pour faire simple on monte et on descend. Pour moi ça a été la pire, on quitte vite la montagne dans la descente pour se taper des dizaines de km de chemin pourries dans les arbres pourries, le long de rivière en fond de vallée pourries, ça pue la merde de chien (pas que) pourries et c’est long, c’est long, c’est long, interminablement pourries. Le tout sans dormir pour moi et avec les pieds qui commencent à fumer. Mes pompes aussi sont pourries !! Aucun maintient de l’avant pieds et donc le pied se balade et je sens que ça va pas être chouette à l’ouverture. C’est vraiment le moment que je déteste le plus. Je trouve ça nul, trop de base vie qui nous oblige à redescendre en fond de vallée pourries et se retaper des montées pourries dans les arbres pour accéder à la vrai montagne. Le TOR est vraiment spécial pour ça, en haut c’est top, mais on passe énormément de temps à faire du yoyo et de la transition. Franchement par rapport aux 3 autres courses c’est vraiment la plus facile à cause ou grâce à ça, mais pour moi je trouve que c’est la moins montagne et moi j’aime bien la montagne (sans arbres) !

Une fois repartie en haut c’est cool, bon le sommeil commence à faire son travail de sape mais je tiens encore le choc, par contre les pieds sont déjà bien hachés et le pansement posé par la podo m’a provoqué une sale ampoule comme je déteste, entre les gros doigts de pied, celle qui m’avait tant fait souffrir à la SP. C’est là que je touche mes limites, pour certains la gestion dune douleur d’ampoule n’est pas un problème, je ne sais pas faire ça, je ne pense plus qu’à ça, je ne sais pas m’en détacher. Je n’arrive pas à passer le cap.

La troisième nuit arrive avec son lot de problèmes liés au non sommeil jusque là. Au final j’avance quand même en suivant les pas de Julien. Je me vois parlé à mes enfants, dire n’importe quoi, mais en mode conscient. Je suis au dessus de moi, je survole et rigole de la situation à de nombreuses reprises. Je connais cet état, je le maitrise même si c’est totalement débile. Tout cela n’a aucun sens.

La course continue sans moi et avec moi. Les cols défilent, les images des vidéos de zinzin me reviennent. J’ai l’impression d’être déjà passé là alors que ce n’est pas le cas et plus loin, aucun souvenir de ces chemins pourtant empruntés lors de la PTL. Mes souvenirs sont diffus, confus, le tibia de Julien qui gonfle et rougie me faisant penser au problème qu’avais eu Jano à l’EB, le temps qui passe, le temps perdu pars une mécanique de problèmes/solutions qui ne s’enclenche plus.  Des souvenirs de Galette/Saucisse, d’échange avec les bénévoles, David qui passe,  des souvenirs de polenta aux fromages, au ragù,  à rien du tout mais dont je me gave.

La pluie nous ralentie encore, je me contente de suivre, et continue de prendre de mauvaises décision, je m’habille trop et j’ai troqué les lentilles pour les lunettes, bien sur une tonne de buée sur les lunettes je dois m’arrêter tous les 10 mètres pour essuyer les lunettes, j’ai bien essayé de remettre les premières chaussures mais les pieds ont gonflés et c’est impossible, je suis obligé de finir avec ses chaussures qui me font mal aux pieds, je tente tout un tas de trucs pour les ampoules, chaussettes fines, double chaussettes, je strappe tout, j’enlève tout sans que cela ne change rien à part le temps qui s’égrène. Julien continue d’avancer donc je continue de le suivre. Il n’y a plus d’avance sur le RB à l’entame de la dernière section. Mais tout ça est si loin de moi. Toujours là sans y être vraiment. Ce n’est pas les quelques minutes de sommeil grappillés de-ci de-là qui change grand-chose. Je me shoot aux gels Maurten Caféine pour tenir. C’est n’importe quoi. Julien est lucide, calme, méthodique et conscient, c’est une bête de mental, je ne suis qu’un suiveur bordélique et inconscient. Son tibia gonfle, rougi et commence à chauffer au fil des kilomètres. Sa vitesse est ralentie depuis longtemps, au final ça m’arrange, je n’ai pas à rentrer dans mes retranchement. Je le pousse à aller voir le docteur, une fois, deux fois, puis à St Rhemy la sanction tombe, il doit arrêter.

C’est tellement injuste pour lui. Il m’accompagne encore comme pour me pousser à finir. La sixième nuit est devant moi, il reste 25km, mais je sais ce que c’est 25km à la fin d’une course de ce type, 10H d’errance, 10H à ce demander ce que l’on fait là. Alors j’appelle ma femme et je lâche tout ce que j’avais enfoui depuis des dizaines d’heures, je pleure comme un gamin sur des km.

Mais encore une fois la chance est là pour moi. Je ne sais pas comment je tombe sur un Autrichien, Michael Forster (En fait il est Allemand!!!!). Il commence à envoyer dans la montée vers Frassati et je le suis, encore une fois, je baragouine de l’anglais, on discute, on avance bien, je ne peux pas vous dire la vitesse ascensionnel vu que ma montre m’a lâché à St Rhemy, mais suffisamment pour transpirer. Et j’ai presque plus mal aux pieds, plus sommeil, juste avancé le plus vite possible. Je fais encore la feignasse à Frassati en pensant que le docteur pourrais faire quelque chose à mes pieds. J’y reste beaucoup trop longtemps ce qui me fait « perdre » le sub 130H. (il termine en 129H33, comme quoi j’ai pas su saisir ma chance jusqu’au bout, de toute manière à cet instant, j’ai pas de montre et donc j’ai même pas conscience que je pourrais quand même accroché le SUB 130). La monté vers Malatra est lente, je suis avec un Français et même si je voulais aller plus vite je n’ai pas envie d’être seul. Aucune émotion, tout à déjà été évacué plus tôt. Il fait encore jour et je veux juste finir au plus tôt.

Alors j’essaie de trottiner, c’est lamentable comme vitesse mais ça passe, ça passera jusqu’à l’arrivée passée à 22H30. J’ai évité la sixième nuit, je suis vraiment chanceux.

C’est facile après course de se dire, si, si, si. Mais non c’est comme ça. Beaucoup de chose ont été faite en dépit du bon sens malgré la force et la bienveillance de Chirov. Clairement c’est lui qui aurait du finir la course et pas moi.

J’ai plein de leçon à tirer mais je sais très bien que je n’en ferais rien. Juste le fait de pouvoir le faire me suffit malgré tout ce que cela implique. On passera encore 2 jours sur place, 2 jours ou j’ai l’impression d’avoir été présent et absent à la fois. Il me faudra pratiquement  2 mois pour récupérer mon rythme de sommeil, mais pas encore l’envie. Je voudrais tellement être Chirov, David, Julien, Jano, Galette, Boubou et même Sébastien. Je ne sais pas si ce CR va être utile à quelqu’un, il l’est peut être à moi. On verra avec le temps. Je suis un impos’TOR.

Ps : La montagne est belle la haut.

Ps’ : J’ai eu aussi des tas de moments de chansons, de rigolades, de bières et de partage.

Ps’’ : Merci, merci, merci Chirov

Ps''' : J'ai toujours mal au dos. Je n'aurais plus eu mal le temps d'un TOR.