L'auteur : L Espadon
La course : Ultra Trail du Vercors - 86 km
Date : 10/9/2022
Lieu : Villard De Lans (Isère)
Affichage : 918 vues
Distance : 86km
Objectif : Faire un temps
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Objectif : 16h, éventuellement 15h (ça ferait du 6km/h).
Contexte : grosse entorse 3 semaines avant lors du parcours des crêtes de l'échappée belle (non terminée). Ultra douloureuse (j'ai failli tourner de l'oeil et vomir) mais sans gravité d'après le médecin et le kiné. J'avais une vraie incertitude sur le départ mais avec les séances de kiné la récupération est hyper rapide. Je prends donc le départ, avec un strap.
1ère section : Villard -> Corrençon
Caca express juste avant le départ : il y a la queue, on attend, ... ça commence à être tendu... c'est mon tour, on est 1min avant le départ... Paf, chiottes turques... je déteste ça... on arrive sur la ligne de départ (avec le poto Gawal) quelques secondes après qu'il soit donné. Ouf.
On débute la première montée d'un bon pas mais en maîtrise pour pas se cramer. Les flambeaux sur le bord de chemin mettent une ambiance très sympa. Il y a une petite redescente très technique (que je prends donc très prudemment) juste après le premier col. Suit un long passage en balcons : alternance de passages roulant puis cassant, le pire pour les chevilles, je suis en vigilance max (un peu tendu même).
On finit par se détendre et accélérer un peu. Un train s'installe juste derrière nous (le poto Gawal me suit, et un groupe se forme ensuite, qui ne semble pas vouloir doubler) et je mène l'allure. On rejoint un autre groupe ; c'est compliqué de doubler donc on décide de rester derrière, mais j'ai un peu l'impression d'être sur les freins.
Le lever du soleil sur les falaises du Vercors avant la montée au pas de la balme est magnifique. Arrêt pipi avant d'entamer la montée, et c'est parti. On monte assez vite, on double des gens qui ont déjà l'air en sur-régime (pas bon signe pour eux). On entame ensuite la descente et assez vite on se met à bien dérouler. On arrive au ravito de Corrençon 3h50 après le départ. C'est très en retard sur ce que j'avais envisagé (je tablais sur 3h30). Je pointe à la 175e place.
2ème section : Corrençon -> Méaudre
La partie qui suit est en dents de scie. Ca commence par monter et Gawal a un bon rythme ; je suis. Ca devient ensuite plus vallonné et je relance régulièrement. Gawal me dit qu'il va temporiser. Je propose de rester avec lui mais il me dit de faire ma course (je n'avais pas idée que l'abandon commençait à lui trotter dans la tête). Je le lâche, persuadé qu'il me rattrapera à la faveur des montées (où il est plus rapide que moi).
Je continue donc ma course, me sentant très bien. Je double quelques personnes (pas mal en fait). Quand on me double, j'ai ce réflexe bête de regarder la couleur du dossard : bleu pour les relais, jaune pour les solos comme moi. Un relayeur me double et je vois que le gars devant moi a le même réflexe :-)) du coup quand je le double je lance "dossard jaune !". On se marre un peu ; il me dit qu'il faut faire sa course et je lui fais remarquer qu'on peut néanmoins pas s'empêcher de faire attention à ça (alors même qu'on ne joue pas une place au classement ; l'objectif pour les gens comme nous c'est juste d'arriver au bout en ayant pris du plaisir). Je le laisse, et puis 10min plus tard j'entends derrière "tut-tut-tut, attention, dossard jaune en approche" :-)). Le camarade rencontré juste avant m'a rattrapé ; on va faire une bonne partie de la descente vers Villard (où on refait un bref passage avant d'aller sur Méaudre) en papotant de tout et de rien. Lui il s'est inscrit au dernier moment, sort d'une gastro, n'a jamais fait de distance si longue, et va donc de ravito en ravito en avisant à chaque fois s'il continue ou pas. Il finit par me lâcher, mais comme il doit faire des "pauses toilettes" régulières on arrive grosso modo à Villard en même temps.
Il reste une bosse pour rejoindre Méaudre, qui se trouve au-delà de la mi-course (en distance). Premier coup de chaud dans la montée. Je gère, mais c'est un peu dur ; ensuite dans la descente je commence à avoir mal aux cannes. Il reste ensuite un peu plus de 2km de plat pour rejoindre la ravito. On se force à courir : au début c'est le mental qui fait bouger les jambes (qui commencent à être raides) mais ensuite ça déroule mieux.
Je rejoins le ravito de Méaudre en 8h (de retour dans les temps envisagés), où je pointe à la 145e place. J'y retrouve Gawal qui a abandonné à Villard au 40e km.
3ème section : Méaudre -> Lans
Cette section fait 21km mais il y a un petit ravito à seulement 6km de là, après deux petites bosses. J'avale la 1ère à toute vitesse (enfin, c'est mon impression...), mais la 2nde me semble bien longuette (en vrai, c'est surtout la partie plate entre les deux bosses qui me semble interminable - je n'arrive pas à courir). En haut de la 2nde bosse je croise des secouristes qui aident une personne emmitouflée dans une couverture de survie :-( Bon, ça a pas l'air d'être trop grave.
In fine, j'ai eu l'impression d'avancer plutôt bien mais je mets un temps fou à parcourir ces 6km. Le micro-ravito d'Autrans fait du bien ! D'autant qu'on repart ensuite pour une grosse bosse qui va nous mener à Lans. Le moral est un peu entamé par l'approche d'une montée de 950D+ dans la chaleur ; je me dis que je ne tiendrai jamais mon plan de course... puis un bénévole m'annonce 650D+... ah ouais c'est pas la même !!! Comme souvent quand je suis crevé je commence à m'embrouiller sur le profil !
Je me trouve très lent. les sensations sont mauvaises mais en réalité, même si je me fais pas mal doubler, j'avance quand même à un rythme raisonnable. Je double une relayeuse en souffrance (j'ai honte mais ça me fait du bien) et on m'annonce plus que 200D+. Encore de la montée, un peu de plat sur les crêtes, puis la descente sur Lans débute... et là je suis vraiment très très lent !!! Les jambes font tellement mal. La descente me semble interminable, et arrivé en bas on m'annonce encore 3km de plat (sur du bitume, en plein soleil) avant le ravito qui se trouve de l'autre côté de la vallée. Bouhouhouhou. J'ai plus de jambes et je marche sur le plat. Je m'alimente et m'hydrate pourtant bien depuis le début de la course, mais je n'ai plus de jus et beaucoup de fatigue musculaire.
Je rejoins in fine le ravito de Lans au bout de 11h54 de course (il m'a fallu presque 4 heures pour faire 21km). Je suis dans les temps que j'avais envisagés mais sans aucune marge... vue ma forme ça va être compliqué d'aller chercher un finish en 16h. Je suis 130e.
4ème (et dernière) section : Lans -> Villard
Mes craintes vont se confirmer lors de la dernière ascension de la journée. Cette dernière section fait à peine 18km mais pour 1200D+. Les trois premiers km de montée sont très difficiles : on a chaud et c'est raide (avec des passages de quasi escalade : aucun danger ni même de réelle difficulté technique, mais quand on n'a ni jus ni jambe c'est pas génial).
On rejoint un ravito liquide ajouté par l'orga (quelle bonne idée !) au pas de la tinette (bifurcation vers le parcours de repli, pour ceux qui y passent après 20h30). Je continue mon ascension à pas de fourmi. On a deux gros coups de cul en haut des pistes de Lans, puis ça redescend. Le gars avec qui je cours à ce moment me dit qu'on entame la dernière descente ; il a l'air sûr de lui mais ça me semble bizarre et je lui dis (je connais le Pic Saint-Michel et je sais qu'on n'y est pas passés). Il s'avère que j'avais raison ; le camarade est dégouté (je l'avais mis en garde !).
Dans l'ultime montée je croise le très sympathique Franck Derrien (accompagné de son éternel Teddy) qui nous encourage. Très sympa !
Arrivé au Pic, je suis 127e, et j'ai mis presque 3h pour faire 10km de montée. On mange un bout, on sort la frontale et le coupe vent (le soleil est sur le point de se coucher, c'est d'ailleurs très beau !), et on attaque la descente... comme un escargot :-)) Le début est assez technique, les jambes sont encore bien congestionnées de la montée, et je voudrais pas me refaire la cheville à seulement 8km de l'arrivée. Je me fais doubler à tout va par des gens qui sont au taquet ! Sur la descente vers le col de l'arc, quelqu'un est dans sa couv' de survie, assisté de secouristes, attendant l'hélico... ça incite à la prudence.
Petit à petit les jambes se détendent, et moi aussi ; l'euphorie d'une arrivée proche me gagne et me donne des ailes : je déroule de plus en plus. Après 1-2km à dérouler je suis au taquet et je lâche complètement les chevaux. J'ai l'impression de sprinter ; même quand ça remonte je continue de courir. Et je double...
Cette deuxième partie de descente est du pur plaisir. J'ai l'impression de voler. Ma lenteur dans la dernière montée et dans la 1ère partie de cette descente aura raison de mon objectif de 16h, mais là je suis en mode "doubler autant de gens que possible, et arriver le plus proche possible de l'objectif même s'il est foiré".
123e au chrono du dernier km, je double encore 2 personnes avant l'arrivée (je mets seulement 4min à couvrir ce dernier km), où je passe la ligne en 121e position après 16h18 de course. Chrono objectivement pas terrible mais je m'en fous : je suis shooté aux endorphines et j'ai eu une journée haute en couleur avec des sensations fortes et variées.
Et puis j'ai fait une belle remontada :
- 175e au km 23,5
- 145e au km 50
- 130e au km 71
- 127e au Pic Saint-Michel (km 81 ?)
- 123e à 1km de l'arrivée
- 121e à l'arrivée
Mais surtout : la cheville a tenu !!!
3 commentaires
Commentaire de samontetro posté le 16-08-2023 à 12:42:46
Bravo, belle course toute en progression!
J'y étais côté bénévole, avec les deux médecins pour l'hélitreuillage de nuit au Pic saint Michel :-). Rien de grave pour le coureur mais dans le doute il a été pris en charge pour aller faire quelques examens et en a été quite pour une petite frayeur (quand fatigué tu te retrouves avec 1500m de gaz sous les pieds pendu de nuit par une "ficelle" sous un hélicoptère). L'UTV ça fait des souvenirs!
Commentaire de L Espadon posté le 27-08-2023 à 17:32:21
Merci d'avoir été présent comme bénévole sur cette course. L'orga et l'accueil étaient juste extra !!!
En effet ça doit faire des souvenir de se retrouver suspendu à 1500m du sol à la tombée de la nuit ! Il se souviendra de son UTV :-)
Commentaire de samontetro posté le 28-08-2023 à 09:11:34
Ce que l'histoire ne dit pas c'est qu'a 2h du matin le Directeur de course était au CHU pour aller récupérer ce coureur sans papier et sans argent et le ramener à Villard de Lans où l'attendait sa voiture! Les journées des bénévoles peuvent être très looongues! :-)
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