L'auteur : Zaille
La course : Ultra Trail Tour Nancy - 107 km
Date : 27/5/2023
Lieu : Champigneulles (Meurthe-et-Moselle)
Affichage : 1211 vues
Distance : 107km
Objectif : Terminer
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C’est crescendo que j’ai franchi quelques paliers depuis le début d’année. Aussi bien sur route (semi, marathon, 100k) que sur les chemins (30k, 52k, 34k). En trail, il y avait encore une marche à franchir pour cocher la case ultra et c’est très tôt, en janvier, que je me suis inscris à l’UTTN roi Stan, l’Ultra Trail Tour de Nancy avec ses 107km et 3740m de D+.
La suite logique
Quoi ? Un ultra trail autour de Nancy ? Ouais, j’ai eu un peu la même interrogation mais effectivement avec un profil en dents de scie perpétuelles on y arrive tout en ne dépassant presque jamais les 400m d’altitude. C’est spécial, les traileurs alpins vont détester mais moi j’y vois une opportunité pas loin de chez moi pour me faire les mollets sur un format que je ne connais pas très bien.
L’expérience personnel pouvant se rapprocher le plus de ce nouvel objectif serait un 80km/3000D+ exécutés l’an dernier dans les Vosges du Nord ou un OFF de 107km/3700D+ couru avec 2 amis sur le GR53. On peut donc considérer cette course comme la suite logique à mes rêves de longues distances. Le seul bémol, et j’en suis largement conscient, ce sont les courses enchaînées depuis le début de l’année.
Il y a une semaine je terminais un 34k/1300D+ sans me ménager et j’ai l’impression que mes jambes m’en veulent encore en m’envoyant quelques signaux de fatigue ou de lassitude ces derniers jours. Difficulté supplémentaire, l’heure du départ à 2h du mat’ ! Ce qui est synonyme pour moi de nuit blanche car je vais partir de chez moi vers 22h00 pour arriver vers minuit à Champigneulles, l’arrivée, d’où une navette m’emmènera à Nancy pour le départ donné depuis la célèbre place Stanislas. Tout ça évidemment après une journée de boulot bien sûr !
Estimation difficile
Il est environ 1h du mat’ quand j’arrive avec un troupeau de traileurs sur la place Stan’ où touristes et étudiants fêtards se marrent en voyant des gars en short débarquer. Tout au bout, des barrières et une timide arche gonflable signale le départ. On n’est pas très nombreux, 127 au départ. Je récupère donc très facilement le dossard et dépose mon dropbag prévu pour le km62.
Assis par terre dans un coin, j’essaie encore de me reposer un peu, je suis fatigué, moi qui me couche à 22h00 d’habitude. Le temps est long et je commence à avoir un peu froid malgré la veste. J’ai hâte d’y être et de me confronter à ce nouveau chantier. 13h30, c’est ce que j’ai programmé sur PacePro avec pour espoir de rester, au pire, aux alentours des 14h00. Estimation difficile mais que je juge cependant plutôt réaliste avec un 100k/900D+ sur route couru en moins de 10h00.
Une sono est installée, un speaker commence à s’égosiller et chauffe le peu de public sur place. Je me soulage la vessie une dernière fois et me place sous l’arche. Quelques consignes et le départ est donné sur une musique dans le plus pur style UTMB. On fait le tour de la statue de Stanislas juchée au milieu de sa place pour repasser sous l’arche avec un public devenu soudain plus bruyant, à force d’alcool j’imagine 😊
Maux de ventre
Les 3 premiers km sont « maîtrisés », on est donc contraint de suivre sagement une trottinette électrique le temps de sortir de la ville. Ces premières foulées sont un peu rapides à mon goût, 5:30, 5:40, va falloir se calmer ! On est finalement lâcher dans la forêt et directement dans une première montée sèche où tout le monde enclenche le mode rando. J’ai très vite trop chaud et m’oblige à me garer de côté pour remballer définitivement ma veste, on n’a pas fait 4km pour l’instant !
Les chemins sont étroits et très encombrés de racines. Ça monte, ça descend, à droite, à gauche. Un vrai sac de nœuds absolument pas roulant. Si c’est tout le long comme ça, les 14h00 vont être à oublier très vite ! En plus j’ai un autre problème … Le repas du soir ! La digestion est faite mais un poids reste à évacuer et des maux de ventre commence à me faire comprendre l’urgence. De plus en plus je me rends à l’évidence, je vais devoir m’arrêter une nouvelle fois alors qu’en 5km j’ai déjà 5 minutes de retard sur mes estimatifs. OK, il en reste des paquets de km pour se refaire mais je commence déjà à émettre de sérieux doutes sur mes pronostics.
Km8, une bifurcation à gauche, je m’extirpe du tracé vers la droite, je n’en peux plus, j’ai un truc à faire. A peine installé, voilà qu’une frontale se dirige vers moi : non, ce n’est pas par-là ! OK, j’éteins ma lampe pour arrêter d’attirer des runners dans mon coin d’intimité. Heureusement que j’ai toujours un paquet de papier mouchoir sur moi, l’expérience du vieux briscard. Ça va mieux même si je sens que le travail est quelque peu inachevé. Tant pis, on ne va pas y passer des heures non plus !!
Le jour commence à se lever
Pas mal de monde est passé devant moi, c’est donc une première remontada où chaque petit point lumineux au loin sera un nouvel objectif. Ça va beaucoup mieux maintenant et je gambade tranquillement. Des portions plus larges rendent la progression plus facile. Notamment une première grosse descente vers le premier ravito au km13 où je ne m’arrêterai pas, j’en ai déjà fait plus qu’assez, des arrêts !
Dans la poche j’ai un profil sur lequel j’ai repéré les ravitos et les principales difficultés. Là je sais que c’est parti pour 2-3km de montée, je marche. Il va être 4h du matin, j’irai bien me coucher, mes yeux sont fatigués. On n’est pas sorti de l’auberge ! Les petites montées et descentes se succèdent inlassablement, le plat connait pas. Bientôt une grosse descente vers le second ravito au km28. Le jour commence à se lever et on voit enfin un peu de paysage. La descente vers Custines offre une belle vue sur la vallée et un moment de quiétude somme toute agréable.
Comme prévu via les réseaux, la Nath, une amie de jeunesse, est là au second ravito pour un papotage bien plaisant tout en buvant mon premier Coke de la journée. Un Tuc, un Saucisson et un selfie plus tard me voilà reparti. Un peu de bitume et … un nouveau mal de bide ! Il va falloir y retourner mais on va quand même attendre de rentrer en forêt 😊 On va y être très vite par une nouvelle grosse montée. Je suis seul et j’ai tellement la tête dans le guidon que ce n’est que grâce à ma montre que je me rends compte que je ne suis plus sur le parcours. Ouf, il n’y a que 200m de montée de trop, j’opère un demi-tour et retrouve le balisage pourtant bien visible.
Ravito plutôt original
Grosse descente, coupée à vif dans la colline, tout droit. Mince alors ! Je vais devoir descendre sur le cul là ! C’est raide et il n’y a pas vraiment d’accroche. Je tâtonne du pied et puis vois finalement une corde d’escalade accrochée à un arbre. Elle n’est pas là pour les chiens celle-là ! Effectivement, elle me sera d’une grande aide dans cette descente faite presque en rappel. En retrouvant enfin un nouveau concurrent, on se marre en parlant de notre descente en cordée.
La descente vers Pompey fera sonner un rappel de mon alarme gastrique d’il y a quelques km. Cette-fois, plus le choix, vite, très vite … Un bosquet, personne ne me voit, ouf … Je me sens à nouveau bien mieux. J’ai fait 33km, tout va bien, la promenade peut continuer. Je retrouve un peu plus loin mon ami d’avant. On a fait un tiers, ça me fait du bien de le dire et lui du bien de l’entendre.
Km39, nouveau ravito, plutôt original. Il prend place dans une batterie fortifiée de la première guerre mondiale que l’on va totalement visiter intérieur/extérieur. Très bonne idée que ce petit aparté historique. Je vais prendre mon temps pour remplir mes flasques et m’alimenter comme il se doit. Le prochain arrêt sera dans 11km durant lesquels je continuerai à dépasser pas mal de monde avec toujours l’espoir (fou ?) de faire un sub14.
Ça déroule pas mal par ici
Les chemins se ressemblent un peu tous, j’ai même parfois l’impression de déjà-vu. Montées sèches à y mettre presque les mains, descentes casse-gueule, gros chemins, village et repeat. Ces descentes faites en pas chassés tout en glissade ne plaisent d’ailleurs pas des masses aux tendons arrière de mon genou droit. Je crains d’avoir le même mal que sur mon 80k de l’an dernier où je ne pouvais plus courir dans les descentes sur les 40 derniers km. Pensons à autre chose, on verra bien …
Km50, ravito. Je massois un peu tout en me rassasiant. Un coureur qui semble connaître la région me promet un parcours plutôt roulant jusqu’à Maron, le ravito du km62 où m’attend mon sac d’allègement. Rien de mieux que pour me remotiver. Mon genou couine de plus en plus mais si les descentes ne sont pas de l’ordre du précipice les prochains km, je devrais gérer. On n’est pas encore à la moitié mais on y est pas loin, vamos !
Effectivement, ça déroule pas mal par ici. Je fais des kilos à 5:10 sur ces gros chemins en faux-plat descendant, un vrai bonheur. A peine je dépasse un coureur que j’en vois un autre en ligne de mire pour être ma prochaine victime. Mon chrono se porte également de mieux en mieux. Mon retard sur les 13h30 diminue de kilo en kilo malgré quelques bon raidard en mode crapahutage à s’accrocher aux arbres pour ne pas tomber en arrière.
Arrêt Grand Prix F1
Km62, le ravito amélioré. Je rentre dans la salle et y attrape direct mon dropbag pour en extraire mon élixir, ma sainte myrrhe : une cannette d’Orangina que je descends en deux gorgées. Quel bonheur ! Je m’installe sur une chaise directement à côté de la table de ravitaillement où l’on me propose du chaud. OK pour les pâtes. J’avais expérimenté ça sans conséquence désagréable sur mon dernier cent bornes. Je suis en mode arrêt Grand Prix F1. Je me dépêche, échange mes flasques vides avec de nouvelles pré-remplies avec de la poudre iso, me frictionne genoux et hanches avec un anti-inflammatoire et descends 2 verres de Coke. Go !
7-8 minutes de « perdues » mais me voilà requinqué. J’ai sûrement encore grapillé quelques places car d’autres sont restés bien plus longtemps surtout qu’il y avait des masseurs sur place ; grand luxe mais chronophage !
Je commence à douter
Ça monte, c’est plat, ça remonte. Je trottine dès que je peux mais je suis de plus en plus lent, je le sens. Je commence à ressentir une sorte d’épuisement et mon objectif premier, et même second, s’envolent. J’envoie un message à mon épouse : HAE 16h15. Un chrono de 14h15 qui ne me déçoit pas encore mais j’ai comme la vague impression que ça ne va pas aller en s’arrangeant. J’ai un coureur dans le viseur mais je ne m’en approche quasiment pas. Il a des bâtons et j’avoue que ça à l’air de bien l’avantager, il s’en sert plutôt bien.
Finalement je rejoins le gars, le dépasse et le distance même un peu jusqu’à un moment où il me remonte accompagné d’un autre runner. Je commence à me faire dépasser, le début de la fin, je commence à être sérieusement cuit. Je souffre de plus en plus et commence à douter sur ma capacité à boucler le chantier.
What ? Un top15 ?
Mais qu’est-ce qu’il fout là lui ? Un coureur vient en sens inverse. On n’est pas bon ! Le marquage orange que l’on suit depuis presque 1km est celui d’une autre course (bah oui, nous c’est rose)! Nooooon !!! On consulte la cartographie de nos montres et effectivement, on n’est plus sur la trace. Demi-tour et direction le tracé. Un chemin forestier nous y mènera pour finalement n’avoir que très peu de détour, ouf. On redouble de vigilance.
Km75, ravito, plus des 2 tiers mais ce qu’il reste à accomplir me semble énorme. Un petit coup de boost me revigore quand-même un peu quand un des bénévoles nous apprend qu’il n’y a qu’une dizaine de coureurs qui sont passer pour l’instant … What ? Un top15 serait-il jouable ? Incroyable ! Bon, on va avancer, quoi qu’il arrive, avancer quel que soit l’allure. On est tous dans le même bateau (galère).
Mon premier DNF ?
Je repars avec mes 3 compères mais ceux-ci prennent très vite le large. Moi j’ai juste l’impression de déambuler dans la nature tel une pauvre erre. Je suis à bout, j’ai mal à l’aine, au genou, j’en ai marre. Je doute, je ne suis pas fait pour ça, je n’ai pas le niveau, pourquoi je m’inflige ça, où est le plaisir ? Et si c’était mon premier DNF ? Même Kiki l’a connu ça, pourquoi n’y aurais-je pas droit aussi !
Le prochain ravito est dans 7km, une des étapes les plus courtes. Les calculs vont bon train avec ce qu’il me reste de lucidité. Je me rends compte que si je fais 15h ça sera bien ! Ce n’est pas encore la cata mais juste une belle petite claque derrière la tête qui va peut-être me rappeler qu’on ne joue pas à la roulette russe sur ce genre d’épreuve. Il faut que j’arrête de me plaindre, personne ne m’a contraint à faire ce que je fais donc … FERME TA GUEULE ULTRA-TRAILEURS DE MES ….
Je suis sur les hauteurs et pour la première fois je m’arrête prendre une photo. En contre-bas, la Moselle et à mes pieds une voie d’escalade. C’est limite dangereux, surtout pour un gars qui a des jambes en carton. Je profite malgré tout du paysage tout en descendant un chemin qu’il faut plutôt dé-escalader que courir. Un peu plus loin, un photographe pour qui j’arrive, je crois, à esquisser un sourire. Il m’apprend que je suis 3 minutes derrière un coureur, ma lenteur est donc toute relative me dis-je.
Je cours comme un camionneur
Km82, je retrouve mes 3 amis au ravito. Deux sont déjà entrain de repartir, le 3ème pas pressé, 4 Diagonales dans son CV, est plutôt détendu. C’est peut-être ce qu’il me manque, un peu de désinvolture ! C’est peut-être là le secret d’un ultra réussi, se détacher de la notion de chrono qui de toute façon, à mon niveau, sera toujours anecdotique. En repartant j’envoie un message à Laetitia annonçant mon degré avancé de cuisson et une HAE de 17h.
Le prochain ravito est dans 11km, ça va être long mais que faire … Le schéma est un peu toujours le même avec ses répétitions de montées et descentes reliées par des petits sentiers qui pourraient être buccoliques dans d’autres circonstances. J’ai de plus en plus de mal dans les descentes, on me fait remarquer que je cours comme un camionneur, ça me fait marrer. C’est vrai que ma foulée doit être assez destroy, à l’image de mes jambes en fait.
Je ne sais pas si j’hallucine mais j’ai sans arrêt l’impression que quelqu’un arrive sur moi. J’entends des pas, des branches qui craquent, un souffle. Si je pouvais faire un top20 est-ce que ça sauverait ma satisfaction si difficile à obtenir parfois ? Au dernier pointage je suis 15ème et 2ème M3 mais tout cela ne tient qu’à un fil et à quoi bon ? Ce que je veux le plus, c’est : ARRIVER !
Le cagnard
Mes hallucinations deviennent réalité, un coureur me dépasse, j’imagine que ce n’est que le premier d’une longue liste mais je m’accroche quand-même. Je trottine toujours encore à 8:00 ou même 9:00 mais j’avance coute que coute. On arrive dans une ville, du bitume, c’est un peu plus facile. Je suis content de voir un peu civilisation car j’aurai quand même fait beaucoup de km seul au milieu de la forêt (OK, c’est du trail, c’est normal). Une descente me mène vers un grand parc à traverser. Il est environ 14h et je me rends compte qu’à l’ombre en forêt ce n’était pas si mal. Ici c’est le cagnard et pas beaucoup d’ombre.
Je passe les 90km, le prochain ravito arrive après une montée sur un plateau balayé par le vent où l’on s’adonne au cerf-volant. C’est chouette comme sport ça, je vais peut-être y pense au lieu de … Km93, enfin, la pause Coke. Je retrouve 2 têtes connues alors que 2 autres quittent les lieux. Des sièges de voiture font office de canapé et je m’y vautre avec délectation. Je prends mon temps, les minutes m’importent peu. Si je finis 16ème, peu importe le chrono, ça ne sera déjà pas si mal …
En sortant, message à ma douce : km93, souffrance. Oui, je sais rassurer mes proches comme il se doit. Un bénévole m’indique que la liaison jusqu’au prochain ravito sera plutôt cool (mouais) mais qu’une montée KV-Style installée sous des poteaux électriques m’attend après. Il rigole, moi pas … Enfin si, car franchement la fin approche à grand pas (c’est très imagé) et l’abandon n’est clairement plus une option. Le chrono, on s’en fout. Le top20 est acquis même si je surveille régulièrement mes arrières au cas où un train de 5 poursuivants venait à débouler de je ne sais où.
7km
Cette jonction est effectivement plutôt tranquille. Courable dans sa grande majorité dans une espèce de forêt aménagée pour promeneurs citadins. Il y a bien de temps en temps un petit raidard mais bon … Ca ne me fait plus rien, moralement du moins. Le km99 est passé et je suis toujours en pleine savane. Il est où ce dernier ravito ? Km100, Enfin !!
Je tape la discussion avec un jeune bénévole tout en improvisant un inédit sirop abricot/Sainte-Yorre. Je m’assure qu’on est bien au Km100 car 10m avant un bénévole me disait que c’était le Km90 (je vous laisse imaginer le coup de massue). OK, et donc il reste bien 7km. Oui, pas de souci. En rigolant (qu’est-ce qu’on se marre ici), je lui demande s’il peut me faire attestation là-dessus car ma Garmin me dit qu’il reste 9km (pour un total de 109 au lieu des 107 annoncés). A ce stade, le moindre mètre à son importance mais oui, oh joie, il ne reste bien que 7km.
Cerveau sur OFF, jambes sur ON
Je repars le cœur léger mettant le décompte final en route. Plus que 7 !! Je retourne dans la forêt, seul, comme depuis de nombreux kilomètres. Ah !!! Enfin !! Le voilà le boss de fin de niveau ! La montée sous les poteaux électriques. Effectivement, c’est raide, très raide même si on a vu pire aujourd’hui. J’y vais tranquille (pas le choix de toute façon). C’est un pré et donc on a une bonne accroche. Le corps penché sur l’avant, j’appuie sur les cuisses, c’est la dernière.
J’arrive en haut, étonné de la difficulté relativement courte et finalement assez vite avalée. Je jette un œil en contre-bas : personne. OK, ça va le faire, 16/127, pas mal pour un galérien non ? Je me remets à trottiner en forêt et fini par entendre une sono au loin sur la gauche. Emotion ! Emotion de très courte durée ! Le fléchage part, lui, sur la droite ! Quelle blague, mais non ! Une montée, encore une et pas un petit morceau. D’en bas je ne vois même pas le bout. Le chemin ou plutôt l’espèce de ravine, est encombrée de pierres semblant être posées çà et là par un esprit sadique, le même qui a rajouté cette difficulté au km104, à 3km de l’arrivée …
Résigné, j’y vais, que faire d’autre ? Cerveau sur OFF, jambes sur ON, j’escalade. Tout ça aura bien une fin, bientôt la délivrance. Il va rester moins de 3km avec du plat puis une descente, je vais le faire, en un peu plus de 15h mais je vais le faire. Tout à une fin même les montées les plus infernales, me voilà en-haut. Bon là, terminé, c’est la fin. Il est où le stade ? Je suis toujours en pleine forêt. Km105, km106, … Bordel de m… Km107, je suis toujours en train de trottiner alors que je devrais déjà être acclamé par une foule en délire (c’est moi qui délire là).
15ème … 14ème
Au loin, des promeneurs, la civilisation. Mais … Dingue … Pas possible … Mon pote multi-diagonaliste qui marche avec un ami. Mais, qu’est-ce que tu fous là ? Il est cuit et me dit d’y aller, lui ne peut plus courir. Il me confit que son pote est venu le rejoindre et qu’il reste probablement 3km … Gloups, je pense au petit jeune au km100 qui était prêt à me signer une attestation du kilométrage restant. Si j’avais la force j’irais retourner le voir et lui expliquer le nombre de mètres entre 7 et 10km 😉
Un dernier signe de la main à celui qui vient de m’offrir la quinzième place et me voilà reparti. Vitesse de croisière 7:30, en descente ! J’ai pourtant l’impression de voler, j’entends à nouveau la sono du stade, cette fois c’est bon. Un virage en épingle et … Oh !!! Le 14ème qui marche péniblement avec ses bâtons. Je le dépasse. Toi aussi t’as 108 ? Oui, lui aussi.
On rentre en zone urbaine, je reconnais vaguement les lieux par où je suis passé juste après minuit déposer la voiture. On est tout proche. Quelques encouragements. J’ai le sourire, enfin, à nouveau. On passe une zone enherbée et on rentre à nouveau dans un petit bois ….. Aaaahhhhaahhhh. Je me parle à voix haute. Mais ce n’est pas possible ! Si !! Le fléchage est bien là, c’est bien là. J’ai l’impression d’être à 5 mètres du stade mais sans jamais m’en approcher. Km109, je ne vois toujours pas ce foutu stade. Dingue ! En plus, sans me retourner, j’ai l’impression que j’ai un poursuivant. Je suis 14ème et je ne vais pas lâcher le morceau. J’accélère encore une dernière fois.
110km
Le stade, il est là, des gens, plein de gens, des encouragements. J’arriiiiive. Je monte sur la piste. Je passe une première arche, ce n’est pas là. J’entends mon nom : Eric, 14ème roi Stan. Un dernier virage et … 15h19 pour 110km. Je m’arrête net, je suis épuisé et manque de m’écrouler. La Nath (oui c’est « La » chez les lorrains) est là, elle m’a encouragé sur ces derniers mètres libérateurs et m’accueille juste après la médaille autour du cou.
On peut dire que j’en ai bavé comme jamais ou du moins comme depuis longtemps. Je ne me sens pas très bien mais accepte volontiers la bière que mon amie me propose. Je m’assoie mais aimerais plutôt me coucher. Mes poursuivants arrivent à leur tour, on se tape dans les mains. On a vécu une sacrée aventure ensemble.
Je me dirige vers la salle où je pensais trouver une salle de repos, il faut que je m’allonge. On me dirige finalement vers le poste de secours avec ma mine crayeuse et mes lèvres bleues. Quelques minutes de repos les pieds surélevés me rétabliront la tension qui était au dans les chaussettes. Je retrouve un semblant de forme, me douche et me fait masser, quel bonheur. Une nouvelle bière accompagnée cette fois-ci d’une tarte flambée viendront peaufiner ma remise sur pied avant de reprendre la route. Quelle journée !!
3 commentaires
Commentaire de marat 3h00 ? posté le 01-06-2023 à 10:30:06
Merci pour ce récit où l'on peut voir qu'en Alsace aussi il y a des esprits taquins chez les traceurs/organisateurs.
Bravo pour t'être accroché, c'est toujours à la fin que l'on voit son abnégation payer.
Commentaire de poucet posté le 01-06-2023 à 14:58:08
Les plaisirs de l'ultra !!! Ça fait un excellent récit. Bravo
Commentaire de PhilippeG-640 posté le 23-03-2024 à 10:34:57
Bravo et super récit, vraiment très rigolo avec beaucoup d'humour.
On se met bien à ta place ayant vécu ce que tu traverses...
J'adore car souvent je ressens ce que tu écris mais j'essaye de m'éloigner de ces pensées négatives pour ne garder que le meilleur.
Le parcours décrit à l'air très sympa, il faudrait que je l'essaye un jour car cette année je ne viens que pour les 32km de la "mirabelle".
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