L'auteur : Coureur du 34
La course : FestaTrail - Hérault Trail
Date : 20/5/2023
Lieu : St Mathieu De Treviers (Hérault)
Affichage : 666 vues
Distance : 78km
Objectif : Pas d'objectif
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Préparez le popcorn, asseyez-vous confortablement et éteignez votre portable : c'est parti pour le retour du Coureur du 34 !
Résumé des derniers épisodes : début 2019, j'ai une tendinite au tendon d'Achille que je soigne trop tardivement. Suivent 3 années blanches passées à soigner des blessures à répétition : tendinite à gauche, deux fois puis une autre à droite, puis déchirure au mollet... une interminable épreuve de patience et de questionnement (est-ce que je pourrai recourir un jour sur du long, et quand) surtout quand on n'a jamais connu de blessure auparavant.
Mais en 2022, j'aperçois enfin la lumière au bout du tunnel car ces blessures semblent m'oublier. Je retrouve prudemment le goût du dossard en automne sur de courtes distances avec les 15 kms de St Gély puis le Trail des Carrières de Beaulieu. Sur un coup de tête (ils sont fous ces Romains), j'enchaîne sans trop de problème en décembre avec la Veni Vici, version 45 kms, Pont du Gard → Nîmes, courue tranquillum pas rapidum. Je suis de plus en plus confiant sur ma « guérison » complète et définitive.
2023 démarre par un trail du Coutach très éprouvant pour cause de maladie type angine, bref, je le termine dans la douleur. Seul point positif : mes craintes de rechute s'éloignent toujours plus.
Comme dit le dicton, « En mai, fais ce qu'il te plaît ». Qu'à cela ne tienne, je m'inscris sur l'Hérault Trail 78 kms et 3400 de D+ . Pourtant, je n'ai pas couru une telle distance depuis 2018 et ne suis clairement pas préparé pour un dénivelé aussi solide. Pourquoi tant d'inconscience ? Peut-être que toutes les blessures ne sont pas guéries finalement, notamment à la tête, héhé. En vérité, j'en ai tellement envie, je veux revivre un long trail après toutes ces années de frustration, revivre cette parenthèse enchantée dans le morne quotidien, où l'on se retrouve en tête à tête avec soi-même, ce voyage intérieur comme extérieur, au plus près de la Nature dans le blanc des rochers, le vert des sous-bois et le bleu du ciel, avec la joie de l'accomplissement devant la démesure de l'effort, dans une modeste ambition, celle de venir à bout de la distance obstinément. Bref, j'adore le trail.
Dans la navette qui nous amène au point de départ à Brissac, je discute avec mon voisin originaire de Lens, un chti très sympa qui prépare la Diagonale des Fous. Bref, nous voilà à 7 heures du mat sous l'arche de départ pour 77.890 kms et 3400 m de D+ officiels. J'ai décidé de trotter sans montre donc je ne pourrai pas vérifier par moi-même mais nombre de coureurs ont constaté des distances supérieures au delà de 80 kms et un D+ proche des 4000m : l'inflation touche décidément tous les secteurs.
Comme d'habitude, j'ai trop chargé mon sac de barres et gels énergétiques. J'ai pris la frontale parce que dans l'hypothèse où je réussis malgré tout à rentrer vivant à St Mathieu-De-Tréviers 78 kms plus loin, le Soleil aura certainement déjà pris congé.
L'animateur et l'animatrice au départ mettent l'ambiance mais galèrent grave avec la sono, on ne s'improvise pas David Guetta comme ça. Le ménestrail, un trailer mélomane qui joue du ukulélé tout en courant est encore présent cette année et son répertoire des grands classiques de la chanson française apporte une peu de légèreté dans le peloton : chapeau et merci.
On the road agaaaaaaain ! Le départ est donné avec d'entrée, la montée bien raide au château de Brissac, puis des montagnes russes pour rejoindre le couvent de ND du Suc. Là, nous filons sur le monotrace grimpant en sous-bois qui démarre au fond du parking. Coucou à la statue de la Vierge, pas le temps d'une pause pèlerinage. Je trotte-marche très tranquillou bilou derrière un groupe de coureurs bavards. Cela contient mes ardeurs et c'est exactement ce que je recherche.
Nous sortons du sous-bois au niveau d'antennes sur le large DFCI qui continue à monter doucement vers le Roc Blanc, point culminant du massif de la Séranne et de la course. J'alterne petit trot et marche jusqu'au sommet : la 1ère grosse difficulté est avalée sans indigestion. Nous apercevons au loin le Pic St Loup, l'oeil de Sauron, nous surveille. Peu après le vertigineux passage en corniches, nous basculons dans le versant nord de la Séranne qui dévale vers le village de Gorniès : à ce niveau, un bénévole enjoué fait l'aiguillage et nous lance un « à toute à l'heure » car le parcours repasse par là. J'ai compris « à toute allure » alors j'accélère un peu.
La descente est un peu glissante (il a plu la veille) et pas bien large mais ça se passe sans casse. Nous avons quelques vues magnifiques sur la vallée de la Vis, longeons une ferme en rénovation. Tout au fond des gorges, un monotrace dans la caillasse nous amène au temple et traverse le cimetière de ce village. C'est le premier ravito, km 15 et 2h20 de course. Bananes et jambon feront ma collation ici comme aux ravitos suivants.
Tout va bien, je suis relax, motivé, la météo est top et le cadre exceptionnel. Un peu de goudron, et nous retraversons la Vis par un joli pont, pour entamer un sentier botanique et bim, ça repart en montée en sous-bois. Je raccroche un groupe de 3 coureurs qui relatent leurs exploits respectifs, ça m'occupe une grande partie de la montée qui alterne le raide, l'étroit, des faux plats techniques, puis une large piste roulante qui nous amène plein ouest avant de repartir en direction du Roc Blanc par un sentier pas toujours bien visible mais le balisage est irréprochable. Ce final n'en finit pas de ne pas finir : quand on remonte les gorges de la Vis, on trouve le bout long (tu l'as, tu l'as ?). Un dernier raidillon droit dans le pentu, poil au nez, nous ramène au joyeux bénévole et marque la fin de la boucle de Gorniès. Mais l'ascension fait des heures sup, il faut encore croquer un bout de Séranne avant la plongée sur St-Jean-de-Buèges. Pour la première fois de l'Hérault Trail, je me lâche un peu dans les épingles pierreuses que je connais si bien et fais une descente plutôt rapide en doublant de nombreux concurrents. L'atterrissage au 2nde ravito se fait en douceur, km 32 pour 5h20. Je me sens toujours frais, de quoi rendre jaloux un gardon.
Je repars une 3ème et ultime fois dans les pentes de la Séranne en compagnie de mon partenaire Lensois récupéré dans la descente précédente. Parler permet de ne pas trop voir passer l'effort. Le trail, c'est aussi faire de belles rencontres. Il me dépose quand nous rejoignons les crêtes. La fin de cette montée donne les premiers coups de canif à mes cuisses: les bosses s'enchaînent sans fin dans le karst, je ne peux pas courir et les jambes commencent à être lourdes. « Séranne, ma Séranne ne vois-tu rien venir ? » contai-je en plagiant Perrault. Enfin, nous passons tout au sommet de Peyre Martine qui marque la bascule vers Pégairolles-de-Buèges. Le ciel s'assombrit et sa colère va bientôt éclater. J'arrive à faire la descente décemment même si j'ai des départs de crampes dans les cuisses. Les crampes, l'histoire de ma vie de traileur... Au hameau du Méjanel, un ravito fruitier « off » me fait le plus grand bien avec de la pastèque, melon et fraise. C'est bon, j'ai presque le quota des 5 fruits et légumes par jour. Un dernier effort est demandé car Pégairolles se mérite, ce village est perché. Une averse nous accueille à ce 3ème ravito : voilà, la pluie est de la partie, exactement au même endroit quand j'avais fait le 120 kms de l'UltraDraille en 2018. Elle ne nous lâchera plus. Environ un marathon, 42 kms, et 7h20 de course se sont écoulés.
Nous repartons avec le Lensois un peu dégoûtés car trempés désormais. La bonne nouvelle, c'est que nous ne souffrirons pas de la chaleur et que les 3 plus grosses difficultés du trail ne sont désormais qu'un souvenir. Le parcours restant est bien moins exigeant. D'ailleurs le Lensois me dépose et cette fois-ci, adieu, je ne le reverrai plus. Je remonte désormais seul vers le plateau du Causse-De-La-Selle par un sentier grimpant transformé en petit ruisseau dans lequel mon moral se dissout. Mais, quand il rejoint enfin le DFCI puis la longue draille qui mène au village, je peux trottiner tout le long et regagner quelques points de sérénité.
Le Causse-De-La-Selle arrive au bout du km 52, en 8h50. Après une courte pause, banane et jambon au menu, je repars sous la pluie battante, définition d'une pluie qui ne renonce jamais. Physiquement, la fatigue montre ses dents mais ne mord pas encore.
Je repars seul encore avec une plongée mode patinoire vers le barrage Bertrand. Je traverse l'Hérault, court répit de bitume, et entame la remontée en face tout doucement : trot sur le plat, marche dès que ça monte, refrain de cette 2nde moitié de course. Des coureurs me rattrapent. Je tape la discut avec un docteur du Havre très sympa et nous poursuivons ensemble jusqu'à St-Martin-De-Londres. Quelques courtes vraies montées et longs faux-plats plus loin, le 5ème ravito nous tend ses bras. Nous courrons depuis 61 kms et 10h20. J'en profite pour retirer mon tee-shirt version serpillière et enfiler une veste imperméable : en cette fin d'après-midi, je crains d'avoir froid. Les bénévoles sont vraiment cools, comme tous ceux rencontrés avant. Nous prenons un bon café chaud mais faisons l'erreur de céder à l'appel d'un cake aux olives, trop indigeste en temps de course. Je repars et le recrache illico à la sortie.
La détermination d'en finir est chevillée en moi, je vais boucler ces 78 kms même si je dois marcher 100% des mètres restants. Avec le docteur, nous grimpons à Mas-De-Londres dans un petit rythme puis dévalons dans le ravin du Patus : c'est boueux, ça glisse un peu avec la pluie mais ça passe encore. Nous sommes maintenant dans les pentes du Pic St Loup, le dessert de l'Hérault Trail. La pesanteur fait sa loi et chaque mètre coûte, l'enchaînement des montées a fait des copeaux de mes jambes. Au dernier ravito de Cazevieille, nous ne nous arrêtons que pour boire. Cela fait 70 kms et 11h50 que Brissac est dans le rétroviseur. Et yeeees, je n'aurai pas besoin de la frontale.
Une intense montée en monotrace nous ramène sur le GR bien connu en territoire du Mordor : il pleut encore et toujours, c'est gris, ça monte raide dans les rochers, il ne manque que des Nazgul pour compléter ce sombre tableau. Je suis à la peine. Le docteur est plus frais que moi mais il reste tout de même à mes côtés, sympa. Et badaboum, un moment de flottement et je me ramasse dans les rochers savonnettes en me blessant la main. Je me relève hagard, avec des petits vertiges et soudain, mon moral met un genou à terre. Je dois faire un début d'hypoglycémie alors je prends un nouveau gel. Le docteur me rassure et veille sur moi tel un St Bernard tout le long de la descente piégeuse et démoniaque vers St-Mathieu-de-Tréviers : merci mille fois. Je vais de mieux en mieux et l'atteinte du village termine de me requinquer. Je remercie une dernière fois le docteur qui peut terminer à son rythme et moi, je savoure ce dernier km à la petite cuillère en trottinant sereinement.
Je boucle ainsi presque 80 kms en 13 heures et quelques poignées de minutes, rassuré de ne pas avoir ressenti de douleur aux blessures effacées et satisfait d'avoir terminé propre, sans défaillance ni grosse gamberge, cinq ans après avoir réalisé une distance équivalente.
L'Hérault Trail est exigeant notamment pour les cailloux omniprésents sur le parcours : le règne minéral est sa signature, sa marque de fabrique. Quant à l'organisation, elle est irréprochable avec Françoise en cheffe d'orchestre, un balisage master classe, des bénévoles impliqués et des ravitos bien répartis sur le parcours.
2 commentaires
Commentaire de laulau posté le 31-05-2023 à 13:47:32
Belle performance pour une reprise. J'adore le secteur mais plus en rando qu'en trail, trop de cailloux pour moi pour courir !
Commentaire de Coureur du 34 posté le 07-06-2023 à 11:31:30
Merci. Je suis surtout content d'avoir terminé "propre" sans bobo, sans coup de barre physique ni mental. Enfin, quand je dis "propre", je ne parle pas des fringues de course évidemment :-)
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