récit aussi sur FB :
https://www.facebook.com/KevinPongerardSeaToPeak/posts/742578380164213
La course de quartier de Chamonix-Mont-Blanc.
On est sur la champions League du trail, certainement le plus gros événement au monde où tout le monde veut être. (ceux qui aiment se faire mal évidemment)
Le but, c'est de faire le tour du mont blanc, de Chamonix à Chamonix, en revenant un peu plus mince, et avec quelques courbatures.
10 238 coureurs partants. 2 236 ne verront pas la ligne d'arrivée.
Après 2 TDS de 146 km 9 100 d+, cette fois-ci, ce sera la grande.
L'Utmb 170 km 10 000 d+.
2627 coureurs au départ
838 abandons.
Et bien sûr les 10 000 d- qui vont avec. Ça reste toujours moins que le Tor des géants de l'an passé avec ses 350 km et 25 000 d+ en 107 h...
Le chemin de croix a commencé il y a longtemps pour pouvoir s'inscrire, à grand coup de passe-droit, tirage au sort et autres tours de passe-passe, pour pouvoir aller claquer de la fibre musculaire sur les sentiers.
Cette année particulièrement, report de course et covid oblige pour 2020 et 2021, le niveau est assez exceptionnel.
J'aurai donc la chance de ne pas miser sur mon sens de l'orientation en carton et je vais pouvoir suivre d'autres coureurs.
La veille, on a assisté au spectacle de Yohann Metay (la tragédie du dossard 512) pour bien se mettre dans l'ambiance de la course, à se dire que, ça se passe vraiment comme ça. (bordel)
Levé 12 h, on termine le sac et le package assistance que Priscilla, qui me supporte depuis presque 14 ans, aura le privilège de se trimballer une fois de plus (on est bon, j'ai recompté au cas où pour ne pas dire n'importe quoi).
Je n'ai rien oublié !! J'ai tout le matos, j'ai bien mes chaussures, j'ai bien un côté gauche ET un côté droit (j'étais parti avec deux pieds droits pour le marathon du mont blanc
).
Pas de colis perdu par Chronopost avec mes pompes gauche dedans non plus (qui ne m'ont toujours pas remboursé les enf... Ça fait deux mois)
Bref, tout va bien. Encore quelques soucis biomécanique, mais va falloir avec
.
La météo qui s'annonçait pluvieuse sera finalement ensoleillée sans cataclysme au milieu du parcours façon Tor des géants.
Le départ est prévu à 18 h le vendredi, je file déposer le sac d'allègement à l'autre bout de la ville, que je retrouverais à Courmayeur au km 80.
Après ça et ma dernière douche pour les deux prochains jours, il est temps d'enfiler le dernier costume de ma life.
Évidemment, comme d'habitude, je prends pleins de trucs que je n'ai jamais testés...
Direction le départ, je me range quelque part au milieu de la foule et s'ensuit 1 h 30 d'attente sous quelques gouttes de pluies avec un speaker qui nous ferait gravir l'Everest.
Les stars arrivent également. La course est diffusée en direct et même si je n'ai pas vu l'ombre de la godasse des premiers, on y est. Je touche le sac du mec, qui touche le sac du mec, qui voit le gars qui est en face de Kiki Jornet qui gagnera demain. C'est beau.
Soudain, à 2 min du départ :
Vangelis- Conquest of paradise. Des frissons, ceux qui doutaient ne doutent plus. Il y en a quand même trois qui abandonneront au départ, certainement blessés par la pluie.
18 h 00
C'est parti pour la cou... marche. Un monde de barge, il faudra un km pour s'élancer, avec un public ininterrompu sur les 5 premiers pour nous encourager. J'aperçois Prisci dans la foule et on s'élance enfin. Dans l'euphorie, on part comme si on n'avait que 10 bornes à faire, mais en vrai, il reste 31h45 de course... La faucheuse observe et attend son heure.
Au même moment, se déclenche la seconde grande course de la journée, l'UAMB. L'Ultra Assistance du Mont Blanc avec des suiveurs qui vont devoir trouver les bus et courir partout pour rallier les ravitaillements du parcours, en plus des spectateurs, dans un bordel innommable.
𝐂𝐡𝐚𝐦𝐨𝐧𝐢𝐱 -𝐒𝐚𝐢𝐧𝐭 𝐆𝐞𝐫𝐯𝐚𝐢𝐬 (𝟗𝟐𝟏 𝐦) 𝐢𝐥 𝐞𝐬𝐭 𝟐𝟎𝐡𝟎𝟕
𝟐𝟗 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬
𝟐𝟏.𝟔 𝐤𝐦 𝟗𝟐𝟏 𝐝+
𝟏𝟓𝟖 è𝐦𝐞
𝟐𝐡𝟎𝟕'𝟑𝟗" 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐮𝐫𝐬𝐞, 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟐𝟎 𝐦𝐢𝐧
Rapide remplissage des flasques après 40 min comme je suis parti à vide et direction le prochain point dans 1h20.
J'ai noté tous mes temps de passages/ que prendre aux ravitaillements et avec quelle quantité repartir, sur mon dossard. C'est fait pour du 30h30 sans pause (C'est sur ce temps qu'est basé l'avance/retard)
Ma côte itra (688/1000) est biaisée par mes Saintélyon et du coup, j'avais une estimation en 28h34... Un peu surestimée.
Le col de Voza (1657 m) est bien passé. Heureusement d'ailleurs, sinon ça promet d'être triste.
On entre dans Saint-Gervais pour prendre un gros bain de foule pour ce 1er ravitaillement. Forcément, on accélère un peu pour faire genre dans les montées, mais on n'hésitera pas à marcher dès qu'il n'y aura plus personne. Je rate Prisci dans la foule tellement il y a de monde, je recharge et repart pour Les Contamines.
𝐒𝐚𝐢𝐧𝐭 𝐆𝐞𝐫𝐯𝐚𝐢𝐬 -𝐋𝐞𝐬 𝐂𝐨𝐧𝐭𝐚𝐦𝐢𝐧𝐞𝐬 (𝟏𝟏𝟔𝟎 𝐦) 𝟐𝟏𝐡𝟏𝟕
+𝟒𝟕 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟔𝟗)
𝟑𝟏.𝟑 𝐤𝐦 𝟏 𝟒𝟐𝟎 𝐝+
𝟏𝟔𝟑 è𝐦𝐞 -𝟓 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟑𝐡𝟏𝟕'𝟒𝟎 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟑𝟎 𝐦𝐢𝐧
Les sentiers sont larges et il y a du monde pour ne pas courir seul. On va très vite (pour moi en tout cas) et sur un malentendu, je me dis que ça peut tenir comme ça jusqu'à l'arrivée (Non). On ne sait jamais, peut-être (J'ai dit non).
J'arrive très vite aux Contamines, première zone d'assistance, il est 21h17, j'avais une petite frontale qui devait faire le job jusque-là et récupérer ma grosse frontale qui est avec Prisci en plus du reste.
Sauf qu'elle n'est pas là. Bloquée dans des bouchons parce que tout le monde trouve plus intelligent de prendre sa voiture pour aller dans des bleds paumés de 1000 habitants où vont passer 2500 coureurs. Bus qui l'a déposé à 1 km du point de rendez-vous histoire que ce soit pratique.
Forcément voyant les minutes défilées, je l'appelle en râlant pour savoir où elle est à coup de "bordel qu'est-ce que tu fous ????". Je fais un petit tour au micro du speaker qui a un peu de mal avec mon nom en attendant. Pongérard. C'est facile non ?
Bref, elle arrive, j'ai dû perdre 10 min et 10 places, je récupère le matos et go pour la night. Ni merci ni merde. Cette ingratitude.
(En vrai, ce que j'aurais aimé, c'est d'aller assez vite pour arriver de jour à Chamonix. C'est pour ça que je courais un peu après le chrono. J'arrive toujours quelques heures après les premiers, et donc au milieu de la nuit. À chaque fois)
(Mais en vrai de vrai, ce n'était pas cool de ma part).
𝐋𝐞𝐬 𝐂𝐨𝐧𝐭𝐚𝐦𝐢𝐧𝐞𝐬 -𝐋𝐚 𝐁𝐚𝐥𝐦𝐞 (𝟏𝟕𝟏𝟒 𝐦) 𝟐𝟐𝐡𝟑𝟖
+𝟏𝟒 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟖𝟑)
𝟑𝟗.𝟔 𝐤𝐦 𝟏 𝟗𝟗𝟐 𝐝+
𝟏𝟕𝟔 è𝐦𝐞 -𝟏𝟑 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟒𝐡𝟑𝟖'𝟐𝟗 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟐𝟗 𝐦𝐢𝐧
On attaque la plus grosse montée vers le refuge de la croix du bonhomme (2456 m) ça fait une bonne étape à 1700 m d'altitude. Sinon la montée serait très longue avec 13 km à se farcir depuis Les Contamines.
Dans les abandons, on inclut ceux qui arrivent après la barrière horaire. Il y en a tout le long du parcours pour terminer en 46h30 maxi. Certaines vont faire mal surtout à la fin quand on se fait éliminer à 5 km de l'arrivée...
𝐋𝐚 𝐁𝐚𝐥𝐦𝐞-𝐋𝐞𝐬 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐞𝐮𝐱 (𝟏𝟓𝟓𝟏 𝐦) 𝟎𝟎𝐡𝟑𝟎
+𝟒𝟖 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟏𝟑𝟏)
𝟓𝟎.𝟐𝐤𝐦 𝟐 𝟕𝟖𝟔 𝐝+
𝟏𝟗𝟖è𝐦𝐞 - 𝟐𝟏 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟔𝐡𝟑𝟎'𝟑𝟖 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟑𝟐 𝐦𝐢𝐧
𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞 𝟓 𝐦𝐢𝐧
Le timing est toujours bon, je vais un peu moins vite (sinon l'avance augmenterait au lieu d'être stable), je monte bien, je descends bien aussi. On entre dans le rythme de croisière.
𝐋𝐞𝐬 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐞𝐮𝐱 - 𝐋𝐚𝐜 𝐂𝐨𝐦𝐛𝐚𝐥 (𝟏𝟗𝟕𝟗 𝐦) 𝟑𝐡𝟒𝟑 𝐝𝐮 𝐦𝐚𝐭𝐢𝐧
+𝟒𝟗 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟏𝟖𝟎)
𝟔𝟖𝐤𝐦 𝟒 𝟏𝟎𝟕𝐝+
𝟐𝟎𝟐 è𝐦𝐞 𝟗𝐡𝟒𝟐'𝟓𝟗
𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟒𝟎 𝐦𝐢𝐧.
On a passé le col de la Seigne (2516 m) après 10 km de montée depuis Les Chapieux. Il faisait froid, c'était génial, on passe sous les 10° et certains sortent la triple veste pendant que je profite en t-shirt (avec les manchettes tout de même)
On redescend vers le lac Combal dans des pierriers dignes du mont Faron au milieu de la nuit. Un secteur que je connais bien vu que la TDS passe par là dans l'autre sens.
Ça ne m'empêche pas de me rétamer dans la descente et de racler le sol sur 10 m avec le menton. Heureusement que ça ne m'a pas ouvert sinon il aurait fallu que je me rase ; Sans barbe, Prisci m'aurait quitté et tout et tout. Un pète à l'épaule, un autre à la cuisse droite, ça me fera un point sur le quadriceps qui restera bloqué en contraction pendant tout le reste de la course...
Un mec s'arrête pour m'aider et un second, voulant filer un coup de main aussi, tape dans le même caillou et manque de nous tomber dessus. Comme ça m'a énervé, je suis retourné en arrière pour arracher la pierre et la jeter hors du sentier parce que je sens qu'on n'allait pas être les derniers à taper dedans.
Moins vaillant pour le reste de la descente forcément, je fais plus attention. C'est toujours comme ça, tu passes un mec comme une balle à te dire olala qu'il est mauvais et tu t'exploses 10 m plus loin. Et là, il te dit que oui, lui aussi est tombé il y a 2 min, alors tu fais moins le beau. (C'est du vécu (
#varverdoncanyonchallenge))
𝐋𝐚𝐜 𝐂𝐨𝐦𝐛𝐚𝐥 -𝐂𝐡𝐞𝐫𝐜𝐫𝐨𝐮𝐢𝐭 (𝟏𝟗𝟕𝟔 𝐦) 𝟓𝐡𝟐𝟏
+𝟖 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟏𝟖𝟖)
𝟕𝟔.𝟓 𝐤𝐦 𝟒 𝟓𝟖𝟓 𝐝+
𝟐𝟏𝟒 è𝐦𝐞 -𝟏𝟔 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟏𝟏𝐡𝟐𝟏'𝟎𝟐 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟑𝟓 𝐦𝐢𝐧.
Je commence à avoir du mal en montée, sans doute à cause de la chute. Je temporise un peu pour passer l'arête du mont Favre (2434 m), il reste encore une très grosse descente pour rejoindre Courmayeur et la nuit commence à être très longue.
J'ai quand même essayé de suivre deux Polonaises dans la montée, mais il faut se rendre à l'évidence, elles grimpent mieux que moi. Bien sûr, sans compter le petit (gros) coup à l'égo pas misogyne du tout du mec qui se fait battre par deux filles, (beaucoup plus que ça en vrai)
qui sortent de nulle part.
Évidemment, comme je ne descends pas trop mal et que je suis plutôt rapide, j'arrive à redoubler toutes celles et ceux, qui m'ont doublé dans la montée. Alors, ont fait moins les malines hun ?? hun???? huuuun ?????? La cuisine c'est par là-bas
.
Je plaisante bien sûr, je suis aussi jaloux qu'admiratif devant l'endurance qu'elles ont.
C'est scientifique, les femmes sont plus endurantes que les hommes. (point) Ne chialons pas, on a tout le reste
(Prisci me regarde bizarrement à rigoler tout seul pendant que j'écris ça, mais ce n'est pas grave). J'en profite pour faire un coucou à Claire Bannwart dans la montée, qui mange des ultratrail toutes les semaines avec 9 ultra de plus de 100 km cette année et qui en plus de finir 2h30 avant moi pendant le Tor, terminera 20 min avant moi ici.
Il y a aussi la japonaise Niwa Kaori que j'ai aperçu après le départ. J'avais utilisé ses temps de passages pour faire le Tor mais j'avais mis 8h00 de plus finalement. Là, elle est encore 80 places derrière, mais elle terminera quand même, 2h avant moi... Ça calme. (le temps de faire le ména...)
Et au passage la gagnante Katie Schide en 23h15 alors que je lui mets 2 min 20 sur 10 km. Et elle, 8h25 sur 170k. Voilà. (Oui, j'ai tout analysé, je n’ai que ça à faire).
La vraie raison, c'est que comme elles sont à l'avant de la course, en mode compet, c'est le meilleur moyen d'avoir une prédiction optimale sur les courses en commun et c’est toujours plus simple de checker 20 filles que 300 mecs.
𝐂𝐡é𝐜𝐫𝐨𝐮𝐢𝐭- 𝐂𝐨𝐮𝐫𝐦𝐚𝐲𝐞𝐮𝐫 (𝟏𝟏𝟗𝟐 𝐦)
𝟓𝐡𝟓𝟑 +𝟏𝟓𝟔 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟑𝟒𝟒)
𝟖𝟎.𝟗𝐤𝐦 𝟒 𝟔𝟎𝟖𝐝+
𝟏𝟗𝟓 è𝐦𝐞/𝟏𝟗𝟎è𝐦𝐞 + 𝟐𝟒 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟏𝟐𝐡𝟏𝟓'𝟏𝟎 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟏𝟒 𝐦𝐢𝐧 𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞 𝟐𝟐'𝟑𝟎 (𝟐𝟕’𝟑𝟎)
La descente est fracassante 4.4 km 784 d- je suis descendu vite, trop vite. Et comme j'avais prévu d'arriver un peu plus tard pour laisser ma grosse frontale en conservant les deux de secours pour la journée, je suis donc coincé vu qu'il fait encore nuit (Les frontales de secours sont là pour faire jolie, il n'est pas question de les utiliser). J'ai mal regardé les heures de lever de soleil. Le crépuscule est à 6h12 et en montagne, ça sera un peu plus tard.
Du coup, je fais une pause un peu plus longue après avoir récupéré mon sac d'allègement, le moral est là, mais les jambes beaucoup moins, surtout la droite. Elle disparaîtra dans le néant dans moins de 10 km.
Prisci n'est pas là, comme j'ai mon sac et que je suis passé très tôt, on avait prévu de sauter ce point et le suivant.
Le jour se lève, let's go.
𝐂𝐨𝐮𝐫𝐦𝐚𝐲𝐞𝐮𝐫- 𝐀𝐫𝐧𝐨𝐮𝐯𝐚𝐳 (𝟏𝟖𝟎𝟎𝐦) 𝟗𝐡𝟒𝟗
+𝟐𝟐𝟖 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟓𝟕𝟐) 𝐡é𝐜𝐚𝐭𝐨𝐦𝐛𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐲
𝟗𝟖.𝟑 𝐤𝐦 𝟓 𝟖𝟐𝟑 𝐝+
𝟐𝟑𝟕𝐞𝐦𝐞 -𝟒𝟕 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟏𝟓𝐡𝟒𝟗'𝟐𝟗 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞 𝟏𝟔 𝐦𝐢𝐧.
La montée vers le magnifique refuge Bertone est fracassante, 4 km 800 d+ j'y laisse mes dernières forces de grimpeurs et on continue après un petit arrêt pour récupérer un peu. La japonaise Kaori Niwa me doublera à ce moment-là. Je ne la reverrai donc pas. Et elle va en doubler encore 80. touss touss.
C'est officiel, je suis cramé.
Il "reste" 12 km et 400d+ vallonnée pour rejoindre Arnouvaz. Je n'ai pas les mots pour décrire cette partie. C'est juste un enfer. 2h10 pour faire les 12 km et 41 coureurs m'ont doublé.
J'arrive à Arnouvaz, je sombre sur une table en me disant que je vais abandonner et que c'est très facile. Il suffit que je lance l'appli, j'appuie sur le bouton abandonner à côté du SOS sur mon téléphone et c'est fini. Ou alors, je donne mon dossard à n'importe quel bénévole du ravitaillement et je me casse. Ou alors, je monte dans un bus et je me casse. Ou alors, on vient me chercher et je me casse. Bon après, j’ai pas mal parlé de la course autour de moi, mais je suis sûr que je trouverai quoi dire dans mon sac des plus belles excuses 2022.
On ne va pas se mentir, ce n'est pas le top, en plus il reste le grand col ferret, (2529 m) et plus de 4 000 d+ à passer sur une jambe et je ne sais pas comment faire. J'ai une tendinite du psoas à force de frotter sur l'os de la hanche, du coup, je ne peux plus lever la jambe droite de plus de quelques cm. Et comme je suis full droitier et que c'est ma jambe d'appel, c'est pratique.
Voyant que je me liquéfie sur place, deux bénévoles viennent m'assister, me remplir mes flasques et m'apporter à manger. Merci les filles, sans ça je pense que j'aurais laissé tomber trois ou quatre fois.
C'est la portion sur laquelle il y aura le plus d'abandons d'ailleurs.
Le prochain point sera La Fouly en Suisse, Prisci n'est pas là, sinon il fallait repartir dans l'autre sens pendant 4h30 heures en changeant quatre fois de bus vu qu'il n'y a pas de liaison possible d'ici, entre l'Italie et la Suisse.
À pied, il n'y a "que" 13 km. Je mets des guillemets, il ne faut pas déconner, je vais mettre 3h30 à les faire.
𝐀𝐫𝐧𝐨𝐮𝐯𝐚𝐳 - 𝐋𝐚 𝐅𝐨𝐮𝐥𝐲 (𝟏𝟓𝟗𝟗 𝐦) 𝟏𝟑𝐡𝟏𝟗
+𝟏𝟏𝟗 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟔𝟗𝟏)
𝟏𝟏𝟐.𝟗 𝐤𝐦 𝟔𝟔𝟑𝟒 𝐝+
𝟐𝟗𝟑è𝐦𝐞 -𝟓𝟔 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟏𝟗𝐡𝟏𝟗'𝟓𝟔 𝐫𝐞𝐭𝐚𝐫𝐝 𝟑𝟐 𝐦𝐢𝐧. 𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞 𝟓 𝐦𝐢𝐧 ( 𝟑𝟐’𝟑𝟎)
J'ai changé de stratégie. Comme je n'arrive plus à monter, je vais les faire le plus lentement possible pour tenir plus longtemps. Il reste, en plus de ça, trois passages à plus de 2000 m à faire. Donc monter doucement et descendre en roue libre, sans forcer, pour éviter toute aggravation.
4 km 750 d+ en 2 h et 9 minutes. Voilà. 32 degrés et une montée en plein soleil. 67 personnes m'ont doublé pour l'occasion en comptant mon arrêt prolongé au ravitaillement et même des randonneurs aussi. Je me rassurais en me disant que j'avais quand même fait 100 km et pas eux, mais ils ont 20 kilos sur le dos.
Finalement, je n'y croyais plus, mais j'arrive en haut du grand col ferret 304ème pour redescendre sur La Fouly ou j'en redouble 11.
Alors, monter cool et descendre cool, mais moins, ça ne fonctionne pas trop mal. Il faudra le faire encore trois fois, ce qui me semble énorme.
Au passage, le 1 er doit passer la ligne d'arrivée dans 30 minutes alors qu'il nous reste encore 68 km
.
𝐋𝐚 𝐅𝐨𝐮𝐥𝐲 - 𝐂𝐡𝐚𝐦𝐩𝐞𝐱 𝐥𝐚𝐜 (𝟏𝟒𝟕𝟎𝐦) 𝟏𝟓𝐡𝟒𝟐
+𝟒𝟖 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟕𝟑𝟗)
𝟏𝟐𝟔.𝟒 𝐤𝐦 𝟕 𝟏𝟗𝟐 𝐝+
𝟐𝟕𝟑 è𝐦𝐞 +𝟐𝟎 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟐𝟏𝐡𝟒𝟐'𝟒𝟓 𝐫𝐞𝐭𝐚𝐫𝐝 𝟑𝟐 𝐦𝐢𝐧𝐮𝐭𝐞𝐬.
𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞 𝟐𝟎 𝐦𝐢𝐧 ( 𝟓𝟐’𝟑𝟎)
Je retrouve Prisci à La Fouly qui ne m'a pas quitté en jetant mes affaires par la fenêtre après mon emballement de la veille
. Je m'excuse quand même. On est plus à 10 min... Et de toute façon, j'arriverai la nuit pour changer. Ce sera une très grosse zone d'abandon aussi. Je vois des coureurs au bout de leur vie comme je l'étais un peu plus tôt. Je laisse mon tel à Prisci qui le rechargera pour Champex lac.
Je repars un peu plus en forme en roulant tranquillement jusqu'en bas de la vallée avant de remonter vers Champex. On passe dans des petits villages où les enfants ont préparé des petits stands d'eau pour nous aider sous la chaleur. Ils sont trop mignons ces petits Suisses. (Les chouquettes)
Avec de l'automassage au ravitaillement, mes cuisses souffrent beaucoup moins. Je ferai ça à chaque fois en espérant que ça fonctionne et que ça ne lâche pas avant la fin… Je veux dire, lâcher encore plus.
C'est donc parti pour les 3 bosses de fin.
𝐂𝐡𝐚𝐦𝐩𝐞𝐱 𝐥𝐚𝐜 -𝐓𝐫𝐢𝐞𝐧𝐭 (𝟏𝟑𝟎𝟓𝐦) 𝟏𝟗𝐡𝟏𝟔
+𝟑𝟖 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟕𝟕𝟕)
𝟏𝟒𝟐.𝟗𝐤𝐦 𝟖𝟐𝟖𝟖𝐝+ 𝟐𝟓𝟗 è𝐦𝐞 +𝟏𝟑 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟐𝟓𝐡𝟏𝟔'𝟎𝟔 𝐫𝐞𝐭𝐚𝐫𝐝 𝟑𝟗 𝐦𝐢𝐧𝐮𝐭𝐞𝐬
𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞 𝟏𝟗 𝐦𝐢𝐧 (𝟏𝐡𝟏𝟏’𝟑𝟎)
5 km 700 d+ à monter et la même chose à descendre. On a formé un petit groupe de grimpeur à 2 km/h et on s'en sort pas si mal. On a le droit à deux averses ou le plus long, c'était de sortir et de ranger la veste.
Finalement la montée est vite bouclée en seulement 1h40.... Ouais pas si vite que ça en fait, mais en live, je me trouvais bon comme je ne me suis pas fait doubler par 15 coureurs. En vrai, c'est que tout le monde est cuit comme moi, ni plus, ni moins. Par contre, la descente se fait en moins d'une heure et en général, c'est moi qui mène le groupe. Il faut dire que je m'économise pas mal en montée.
Arrivé sur Trient, on recommence le massage et Prisci gère le ravitaillement et je récupère le pack avec ma frontale (ma 5ème) pour la nuit.
Encore deux bosses.
𝐓𝐫𝐢𝐞𝐧𝐭 - 𝐕𝐚𝐥𝐥𝐨𝐫𝐜𝐢𝐧𝐞 (𝟏𝟐𝟗𝟐 𝐦) 𝟐𝟐𝐡𝟎𝟏
+𝟗 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟕𝟖𝟕)
𝟏𝟓𝟑.𝟒 𝐤𝐦 𝟗𝟏𝟏𝟖𝐝+
𝟐𝟓𝟓 è𝐦𝐞 +𝟒 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟐𝟖𝐡𝟎𝟏'𝟐𝟐 𝐫𝐞𝐭𝐚𝐫𝐝
𝟏𝐡 𝐩𝐚𝐮𝐬𝐞 𝟏𝟐 𝐦𝐢𝐧 ( 𝟏𝐡𝟐𝟐’𝟑𝟎) (𝐥𝐞𝐬 𝟏𝐞𝐫𝐬 𝐬’𝐚𝐫𝐫ê𝐭𝐞𝐧𝐭 𝟏𝟔 𝐦𝐢𝐧 𝐞𝐧 𝐭𝐨𝐮𝐭…)
4.26 km et 815 d+ à faire. Comme j'étais content de la montée d'avant, je refais la même, mais tout seul vu qu’il n'y a plus de groupe. J’arrive au sommet à 21h.
Je gère la descente, suivi par un autre Français. Je lâche l'affaire à force de taper dans les racines et ce serait quand même dommage de s'exploser maintenant (encore)
Je retrouve Prisci au dernier point d'assistance avant l'arrivée dans 4h. Je ne m'attarde pas pour arriver "rapidement".
𝐕𝐚𝐥𝐥𝐨𝐫𝐜𝐢𝐧𝐞- 𝐋𝐚 𝐅𝐥é𝐠è𝐫𝐞 (𝟏𝟖𝟖𝟐 𝐦) 𝟎𝟎𝐡𝟓𝟔
+𝟏𝟑 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟖𝟎𝟎)
𝟏𝟔𝟒.𝟔𝐤𝐦 𝟏𝟎𝟎𝟖𝟓𝐝+
𝟐𝟓𝟐 è𝐦𝐞 +𝟑 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬.
𝟑𝟎𝐡𝟓𝟔'𝟓𝟒 𝐫𝐞𝐭𝐚𝐫𝐝 𝟏𝐡𝟐𝟎.
7.27 km 900 d+. La dernière bosse avec le passage à Têtes aux vents à 2118 m.
en réalité, il y a une grosse liaison (qui monte) avant de monter (pour de vrai ce coup-ci).
Comme ça on a bien le temps d'admirer la montagne de loin dans la nuit avec son mur de frontale à perte de vue.
Quand j'arrive au pied de la bosse après quelques feintes de l'organisation, il reste 3.6 km 670 d+. La montée pure à une pente à 25 % (2.46 km 600 d+). Le terrain est atroce avec des rochers glissants partout, tu ne peux pas planter un bâton. 1h et 9 minutes de pleasure with the mountain. Même le grand col ferret, c'était de la pente à 17, voire 20% sur 2 km. Je ne raconte pas qu'on n’en voit pas la fin, j'évite de lever la tête, mais envoyant les lueurs des frontales au-dessus de moi, ça laisse peu de place au doute.
Finalement, on arrive en haut, avec un Américain qui me demande si dans une heure on sera bien arrivé. Je lui dis, écoute Boby ça me semble compliqué vu que je sais que ça prend une heure de descendre de La Flégère et on n’y est absolument pas.
On passe Tête aux vents 5 min plus tard et on arrivera dans 1h40 minutes...
3.5 km dans la caillasse pour rejoindre le ravitaillement que je vais mener de bout en bout suivi par 5/6 coureurs en 43 min. De temps en temps, il y en a un qui décroche. Finalement on arrive à 2 à La Flégère ayant perdu tous les autres.
Le dernier ravitaillement, ça sent bon la fin.
𝐋𝐚 𝐅𝐥é𝐠è𝐫𝐞-𝐂𝐡𝐚𝐦𝐨𝐧𝐢𝐱 𝟏𝐡𝟓𝟏
+𝟕 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐬 (𝟖𝟎𝟕)
𝟏𝟕𝟏 𝐤𝐦 𝟏𝟎𝟎𝟗𝟏 𝐝+
𝟐𝟒𝟕 è𝐦𝐞 + 𝟓 𝐩𝐥𝐚𝐜𝐞𝐬
𝟑𝟏𝐡𝟓𝟏'𝟓𝟏 𝐫𝐞𝐭𝐚𝐫𝐝 𝟏𝐡𝟐𝟏
La descente finale. Je repars avec 2 cookies fraîchement faits pas Julien du ravitaillement et on attaque les 6 km et 830 d-.
Je pensais que j'allais vite, mais je me suis fait déposer par deux mecs que je ne reverrais jamais. La descente en forêt est particulièrement technique alors ça me calme un peu jusqu'à ce que je vois l'heure d'arrivée sur ma montre.
Arrivée estimée à 2h09. donc 32h09 de course.
Il n'est pas question que je mette plus de 32h.
Je repars à fond pour gratter 9 min sachant quand même qu'une fois arrivé en ville, ça fera baisser la moyenne. C’est quasiment sûr que ça passe, mais dans le doute, il ne faut pas traîner.
Je croise les derniers grands blessés avec bandage et autres,dans la descente.
Je retrouve enfin (ENFIIIIN) la ville et longe l'Arve (La rivière, pas moi), avant de rejoindre l'arche dans le centre-ville. Pas mal de monde encore présent , Prisci est là bien sûr, il est 1h51 du matin, je passe la ligne et c'est terminé.
3 commentaires
Commentaire de Bruno Kestemont posté le 31-08-2022 à 15:52:01
Bravo et heureux de voir que je ne suis pas le seul à souffrir sur ce genre de parcours (j'ai été éliminé à Arnouvaz en 2017, ayant sous-estimé le temps de la descente jusque là). Moralité: une autre manière d'abandonner est d'arriver en retard ;)
Commentaire de Philippe8474 posté le 06-09-2022 à 16:29:34
Moins de 32H! Chapeau bas!! Bravo!
Commentaire de Bruno Kestemont posté le 07-10-2022 à 18:45:02
Bravo et merci pour le récit !
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