L'auteur : poucet
La course : BRM 1000 - Le 1000 du Sud
Date : 6/9/2021
Lieu : Cotignac (Var)
Affichage : 1425 vues
Distance : 1000km
Objectif : Terminer
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Préambule …
Comme un clin d’œil au temps qui passe, dix ans après ma première participation, c’est avec la belle Kia électrique de Laulau Bretzel que nous avons traversé la France afin de rejoindre Cotignac, petite bourgade de caractère bien plantée dans l'arrière pays varois, avec ses oliviers, son rosé réputé, ses terrasses ombragées et surtout son fameux 1000 du Sud. La fin du voyage nous à conduit sur la colline qui surplombe le village par la vieille route de Salernes pour s'enfoncer au cœur de la garrigue, là où s'écrivent les belles histoires à l'accent provençal. Joliment aménagé par Sophie et Bernard sur le grand terrain où ils résident, le nouveau camp de base y est bien caché, en pleine nature, bercé par le chant des cigales.
Sous le grand préau nous avions a disposition une cuisinette avec toute la popote , en face un bloc sanitaires spacieux et tout l’espace nécessaire pour planter sa tente ou garer sa roulotte L’endroit idéal pour initier une autogestion conviviale, facilité par l'esprit collectif de la toujours nombreuse colonie allemande, organisée et disciplinée. Après avoir encouragé et applaudi les copains qui avait choisi le départ du Lundi soir à 20h, attaquant ainsi cette grande balade directement par la nuit nous avons pu partager une bonne gamelle de pâtes et profiter de la douceur de la soirée
Je préfère les départs du petit matin, après une bonne nuit de sommeil, même si pour le coup celui a été perturbé par les assauts de moustiques provençaux voraces. Un solide petit déjeuner plus tard, il ne restait plus qu'à fixer le GPS sur le vélo … Sauf que le support ne se trouvait plus à sa place sur la potence, probablement que l’élastique a cédé durant le voyage. Le genre d’imprévu qui ne tombe jamais au bon moment. Heureusement j’avais fourré un petit rouleau de chatertone dans la sacoche de cadre et j’ai pu bricoler un système D à l’arrache, tout juste avant que la cloche ne retentisse 7 fois pour l’heure du second départ … Ouf.
Le petit groupe du Mardi s’est alors élancé prudemment et tranquillement sur le chemin qui rejoint la vieille route de Salernes. Arrivé au bitume je me suis rendu compte que j’avais oublié d’accrocher ma petite pompe sur le cadre … Pfff, demi-tour immédiat pour aller récupérer l’indispensable accessoire, en semant comme il se doit la banane accrochée sur la sacoche de guidon … Vraiment laborieux ce départ. Heureusement Laulau avait encore plus trainé que moi et n’était pas encore parti et j’ai pu ainsi retrouver ma petite pompe dans le coffre de la voiture.
Le temps n’est plus pour moi à la recherche d'un meilleur chrono et je ne veux plus connaître les souffrances de la précédente édition pour rentrer coûte que coûte le Vendredi soir. J’ai pris le parti de la surenchère dans le plaisir et pour ce faire d’utiliser l’intégralité du temps accordé par le règlement afin de profiter au maximum de la balade … Ceci dit, sur une telle épreuve je sais bien que le plus compliqué est d’éviter de gaspiller du temps en arrêts inutiles. Mon plan était donc déjà compromis par ces premières étourderies.
Rendu à ma solitude dans la fraîcheur du petit matin je n’ai pas été tenté d’accrocher des roues trop rapides et j’ai retrouvé la sérénité en progressant à mon rythme sur les voies classiques du 1000 du Sud en traversant les villages provençaux à peine éveillés. Avec un flashback toujours émouvant dans la ligne droite avant Tourtour en me remémorant l’épisode fameux des marcassins dix ans plus tôt avec le Bridou.
A la sortie de Jabron alors que le soleil réchauffait enfin l'atmosphère, la paisible D252 permettait de rentrer dans l’aventure tout en douceur pour aller flirter avec l’altitude 1000 au hameau St Thyrs. Je n’ai pas souvenir d’être déjà passé par ici, la petite route qui se faufile entre les falaises pour plonger sur Castellane est superbe. Le bitume était humide, nous sommes passés juste après l’averse. Midi n’était pas loin, quelques randonneurs faisaient la tournée des épiceries où étaient attablés aux terrasses. J’ai opté pour l’arrêt boulangerie, la formule casse-croûte étant toujours rapide et efficace.
L’anecdotique petit Col de Cheiron permet de faire glisser tout ça, nous amène sur les rives du lac de Castillon puis dans le Val d’Allos. La route s’élève tranquillement en suivant le cours du Verdon. Les choses sérieuses débutent à la sortie de la station de ski lorsque les lacets s'enchaînent sur un bitume immaculé pour rejoindre le Col d’Allos. Là aussi le panneau est tout neuf pour la photo du second contrôle. L’après midi tire sur la fin, a plus de 2000m la fraîcheur est bien présente, le coupe-vent s’impose pour dégringoler sur Barcelonnette ou on récupère illico quelques degrés.
Il est un peu plus de 18h, après quelques emplettes au Carrefour Markett, je profite des derniers rayons de soleil pour me poser sur un banc et engloutir une salade de pâtes et un coca. Glisser deux bananes et une boite de crème Mont Blanc dans la poche en prévision de la nuit. L’une des deux féminines arrive quelques minutes plus tard, nous progressons sur un rythme similaire et nous croisons régulièrement au fil de nos arrêts respectifs. Mes lacunes en allemand ne me permettent pas d’échanger autre chose qu’un sourire complice et solidaire avant de reprendre la route. Je ne m’attarde pas car je veux absolument en finir avec la redoutée piste de la Sylve avant la nuit … En remontant la vallée je me remémore les bons moments passés à l’occasion de chacune de mes participations au DFU. Cette belle épreuve qui allie humanité et dépassement de soi m’a permis de mettre un pied et ouvert des perspectives vers les raids au long cours en montagne.
C’est un fléchage VTT qui indique le début de la piste, sans surprise mon Merckxx se montre peu coopératif pour enfiler ces lacets rustiques recouverts de grosses caillasse, de bancs de sable, régulièrement balafrés par les rigoles en ferraille assurant l’évacuation de la flotte. Nous évoluons en forêt, la vue est complètement bouchée, ce passage n’offre aucun intérêt autre que celui de contourner le début du Col de Larche interdit aux cyclistes. C’est exactement comme nous l'avait décris Sophie et je serais bien mal inspiré de lui en tenir rigueur. Je le savais, personne ne m’a obligé … Le cul planté sur la selle, appliqué à ne pas chasser, agrippé au cintre qui virevolte dans tous les sens, je n’avance pas plus vite qu’un marcheur. Concentré sur les dix mètres à venir, il me faut quelques minutes avant de me rendre compte que mon Garmin n’affiche plus de trace. Mais quel blaireau ce Poucet, je comprends alors que je suis monté trop haut, j’avais pourtant bien lu les indications données par la feuille de route mais j’ai quand même loupé la bifurcation sur la gauche vers Meyronnes. Le panneau indicateur était posé à l'envers et ce n’était même pas un piège puisque Sophie l’avait bien signalé. Bref, de retour au carrefour je m’empresse de faire la photo contrôle avant d’enfiler mon gilet et d’allumer mon phare pour m’engager dans une descente guère plus réjouissante, arc bouté sur les freins dans les parties les plus raides. Quel bonheur de sentir à nouveau le bitume glisser sous les roues. Il reste une dizaine de kilomètres pour rejoindre le Col de Larche, c’est plutôt roulant. A défaut d’admirer le paysage nous pouvons profiter d’un beau ciel étoilé. Seul Eole avait décidé de contrarier le plaisir d’être là.
J’ai mis moins de temps à éplucher une banane pour la dévorer que d’enfiler laborieusement les couches indispensables pour affronter la très longue descente sur le versant italien. Trente kilomètres plus bas nous quittons cette grande route, peu fréquentée la nuit, pour une voie secondaire avec un peu de relief de temps en temps. La nuit est très douce et il est temps de débâcher. C'est la dernière fois que j’apercevrai les lumières de la miss allemande lors de cet arrêt. J'avais prévu de passer la première nuit sur le vélo et cette longue transition par la plaine italienne était juste idéale pour borner tranquilou.
A l’affût d'un bon plan pour fermer les yeux, j'ai trouvé mon bonheur sur un banc posé au pied d'une église, un peu avant l'objectif théorique de 300 bornes que je m'étais fixé . Bien planqué un peu en retrait de la route sur laquelle il n'y avait aucune circulation. J'ai dormi deux heures enroulé dans ma couverture de survie (bien mieux en fait que le bivy d’où l'on ressort trempé à tous les coups) avant que deux roquets ne viennent m'aboyer aux oreilles … ah les cons !!! Heureusement la crème Mont Blanc m'a remis de bonne humeur, un SMS de Bretzel qui caracolait devant m'annonçait une zone de travaux un peu plus loin et le quatrième contrôle dans une descente.
Tout était juste … C'était un sacré chantier, une tranchée béante avec des engins au fond, des monceaux de terre partout, un plan genre cyclo Koh Lanta en fait. Laulau m'avait précisé que ça pouvait passer sur la gauche, mais bon … Je me suis donc glissé dans la broussaille avec la lampe du téléphone pour un repérage préalable avant de m'engager avec le vélo sur le dos. Vraiment chaud le passage !!! Quant au second indice, c'était bien de le savoir car ce n'est pas dans les habitudes de Sophie de mettre des contrôles en descente et j'aurais plutôt eu tendance à chercher la fameuse Madonna Delle Grazie perchée sur un pétard .
La remontée vers le Nord sous un ciel bien gris en traversant de tristes bourgades sur une route plutôt défoncée à l'heure où la circulation se faisait plus intense n'a pas été le meilleur souvenir de la balade. Je désespérais d'apercevoir une enseigne annonçant un réconfort pour l'estomac et le plaisir des papilles … Et puis je suis enfin passé devant une petite cafétéria sur un place animé ou j'ai pu commander d'opulentes viennoiseries, tout l'opposé du café (longo pourtant) qui remplissait à peine un dé à coudre. Tout juste si on pouvait y mettre un sucre !!! Patrice m'a rejoint un peu plus tard, nous avons fait quelques kilomètres ensemble avant qu’il ne s’arrête à son tour pour la pause petit déjeuner. La gourmandise aurait pu m'inciter à l'accompagner mais la raison l'a emportée ...
Vraiment je n'ai pas été déçu de quitter la grande route de Sestrière très fréquentée pour bifurquer à droite et rentrer sur les routes légendaires du Giro, bien plus calmes. La montée vers Pra Catinat est la première véritable difficulté du parcours. Elle permet de rejoindre le second secteur muletier, une belle piste en balcon, facile et agréable, offrant de très belles perspectives. Ce n'est pas vraiment un soulagement de retrouver le bitume car les deux derniers kilomètres vers le Col de Finestre sont à nouveau redoutables. Le col offre une jolie vue sur les lacets qui plongent sur Susa. Une piste délicate où j'ai dû déchausser dans les virages labourés et pas vraiment plus marrante dans la caillasse des bouts droits face aux motos. J'ai dû stopper plusieurs fois pour soulager mes doigts crispés et ma nuque déjà bien endolorie. Lorsqu'on rejoint enfin le bitume ce n'est pas fini, cette descente est interminable …
En bas c'était l'heure de la sieste, toutes les boutiques étaient fermées. Miraculeusement j'ai aperçu une enseigne Lidl à l'opposé de la trace … Tout nickel pour manger pratique sans perdre de temps. C'est durant ma petite pause pique-nique que j'ai appris les déboires de Laulau qui était lui aussi à Susa, probablement à l'autre bout de la ville en attendant de pouvoir faire réparer son Pinarello, carrément désabusé par autant de malchance. De mon côté les voyants étaient au vert, il ne restait plus qu'à passer le Mont Cenis avant de rejoindre le studio airb@b réservé de l’autre côté pour une véritable étape à Lanslevillard, ou selon Mister Google il devait être possible de trouver restaurant et épicerie … Je pensais que l’affaire était pliée en passant devant un panneau Mont Cenis, juste à la frontière. J’avais même passé un coup de fil au logement pour avancer mon horaire d’arrivée et je me voyais déjà siroter une mousse à la première terrasse du bled. L’euphorie est retombée comme un soufflé en comprenant que la série de lacets au fond légèrement sur la gauche il allait bien falloir se les taper … Arrivé la il fallait encore contourner tout le lac avant d’aborder enfin le final du vrai Col du Mont Cenis. Interminable, mentalement j’ai pris un gros coup de gourdin. La descente dans le vent glacial ne m’a pas réconforté. 19h était à peine passé lorsque je suis arrivé au studio à Lanslevillard. Aucun restau n’était ouvert, l’épicerie avait déjà baissé le rideau …
Mais la gentillesse de Florine, la charmante hôtesse, m'a sauvé la mise. D’abord en acceptant qu’un (Patrice), puis un second (Bretzel) compagnons de galère me rejoignent un peu plus tard pour partager le studio … Puis en nous offrant de quoi préparer un plat de pâtes pour le soir et du café pour le lendemain matin. Alors après la douche réconfortante nous avons fait la fête aux coquillettes avant de tomber dans les bras de Morphée.
Je n’avais pas les yeux en face des trous Mercredi matin et je me suis accordé un petit jardinage dans les ruelles du village avant de revenir sur la trace et d’apercevoir les feux arrière des copains danser dans la nuit. Le Col de la Madeleine d’entrée aura vite fait de me réchauffer, sur la route déserte les idées se remettent en place tout doucement. Les premières lueurs se sont immiscées dans les premiers lacets après Bonneval, le plan c’était d’être au sommet de l’Iseran pour profiter du lever du soleil. Mais les montagnes étaient enveloppées dans la brume, a défaut de nous offrir les paysages espérés l’atmosphère du moment rendait plus épique encore notre progression vers le toit de la randonnée. Sans concertation nous étions quelques-uns à avoir adopté ce plan de route et à nous retrouver là- haut un peu avant 8h. Le temps de quelques photos et d’enfiler la garde robe en devisant sur nos nuits respectives et sur la journée à suivre … Bien emballé je me suis élancé le dernier sur le versant isérois. Dès les premiers lacets j’ai compris que les douleurs dans la nuque allaient être un gros sujet à traiter rapidement. Le premier étant de trouver d’urgence un fournil bienveillant pour une petite pause réconfortante. J’imaginais qu’il y aurait un attroupement de vélos en traversant Val d’Isère, mais les copains ont préféré poursuivre. Tant pis, va pour un petit déjeuner en solitaire. J’ai trouvé mon bonheur et craqué plus que de raisons devant les viennoiseries énormes et envoûtantes de la boulangerie Chevallot.
Entre les tunnels déglingués, les feux régulant les nombreuses zones de travaux, la circulation intense, l’interminable descente vers Bourg St Maurice n’aura pas été une partie de plaisir. Quel contraste de température en arrivant en bas, probablement 15 degrés de gagné par rapport au sommet de l’Iseran. J’ai retrouvé Patrice confortablement installé dans un abribus pour la grosse opération débâchage, et pour ma part j’ai temporisé encore un peu jusqu’à trouver une pharmacie … Les douleurs musculaires dans la nuque commençaient à devenir vraiment insupportables et je ne voyais pas bien comment j’aurais pu poursuivre dans ces conditions. J’ai donc acheté des patch Flector et Patrice a eu la gentillesse de me coller la première bande sur la zone sensible. L’effet a été immédiat, soulageant autant l’esprit que le physique. Sous un soleil éclatant je suis reparti le cœur léger et gonflé à bloc par une agréable petite route en balcon en direction d’ Aime. Mais l’embellie aura été de courte durée, de sombres nuages investissant le ciel alors que le patch de Flector glissait sous l’effet de la transpiration. Il fallait maintenant serrer les dents pour se faufiler le long du torrent dans le sauvage vallon du Cormet d’Arêches. Une ascension redoutable pour rentrer dans le Beaufortain par une voie inédite empruntant à nouveau une piste dans le final. En tous cas à vélo, car ce passage je le connais bien pour l’avoir emprunté en trail à chacune des mes participations à l’UTB ou un ravito bienvenu permet de se lâcher sur le Beaufort. Mais pour cette fois pas de bénévole à disposition et je m'accorde juste une petite pâte de fruit sorti de la sacoche après le selfie sourire en compagnie de Patrice retrouvé là-haut et avant la bascule grimace sur le versant opposé dominé par la Pierra Menta. En passant devant le lac éponyme, plutôt que de croiser les Fées et de croire à un coup de baguette recouvrant la piste d'un beau bitume tout neuf, c'est un groupe de cow-boys à motos dans un nuage de poussière qui m'a déporté dans les fourrés. J’ai dû m’arrêter quelques fois encore pour soulager autant mes cervicales que mes doigts, tout raides sur les freins. J’en ai profité pour semer mes mitaines accrochées sur la sacoche ... Cette descente aura bien entamé le bonhomme, elle secoue gravement la carcasse mais évidemment c'est très beau. On n'est pas complètement sorti d'affaire lorsqu'on retrouve le bitume, il faut encore relancer avant de découvrir enfin le lac de St Guerin blotti dans son écrin. Je m’étais fixé Beaufort comme objectif ravito mais la fontaine d’Arêches tombait à pic pour abréger l’attente d’un moment de réconfort et dévorer la part de pizza achetée a la boulangerie du matin.
Je me serais bien accordé un arrêt dégustation à Beaufort mais l’heure tournait bien trop vite et il était plus raisonnable d'enchaîner. Je connaissais l’embranchement vers la petite route de Molliesoullaz juste avant Queige pour y avoir séjourné lors d’un UTB. Sur le petit pont j’ai retrouvé Patrice et Denis à l’heure du débâchage, nous avons enfilé les lacets chacun à notre rythme, balançant entre le chaud et le froid suivant averses et éclaircies. Les puristes le considèrent hérétique, les inconditionnels y voient un sanctuaire, le Col des Cyclotouristes a fait l’objet de bien des palabres avant qu’un panneau y soit replanté en 1973. En tous les cas il est clair que ce n’est pas la voie la plus simple pour rejoindre Alberville, c’est une difficulté qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère sur la route du 1000 du Sud et qui mérite bien un petit contrôle.
Quel choc en retrouvant l’effervescence de la ville a l’heure des sorties d’usine et de bureau. J’avais repéré le Carrefour Markett à proximité de la trace pour y faire le plein avant la nuit. Avec Patrice nous sommes rentrés dans la galerie avec nos montures et avont posés nos casques le temps de quelques emplettes … Deux cyclos non casqués dans une galerie ça ne pose aucun problème, par contre non masqués si. Retour brutal sur la planète Covid.
Un Coca et une banane plus tard, je reprends la route pour remonter la vallée de l’Isère. Patrice est reparti plus vite et roule à son rythme devant, on doit se retrouver à La Chambre ou j’ai réservé un studio airb&b pour la nuit. Il faut donc au préalable passer de l’autre côté de la montagne. Le bitume fume, le soleil hésite entre deux averses, il me tarde d’être au pied de La Madeleine. Le jour tire sur sa fin quand j’aperçois le panneau sur la droite qui indique le col à 24 km. Ouille, c’est une découverte et je me dis que ce n’est pas encore gagné avant de glisser sous la couette. Les premiers lacets sur une large chaussée sont plutôt exigeants. La sonnerie de mon téléphone retentit alors que le profil se fait plus conciliant. C’est Laulau qui se trouve une dizaine de kilomètres devant et m’informe qu’il nous retrouvera à La Chambre et qu’il gère un plan bouffe avec un copain qui crèche dans le coin. A Bonneval il est temps de passer le gilet et d’allumer les feux, le replat qui suit est bienvenu. Dans les derniers lacets, je retrouve Patrice qui lutte contre les assauts du marchand de sable.
Le panorama est paraît-il exceptionnel. Mais bon, à 22h avec la brume et la bruine j’ai eu toutes les peines à reperer l’énorme stèle qui marque le sommet du col. Quelle corvée dans ces conditions que de retourner la sacoche pour trouver les fringues et enfiler la totale avant de s’envoyer sur les lacets détrempés du versant Maurienne. Cette ultime descente de la journée nécessitant une concentration extrême m’a paru interminable … Enfin nous sommes arrivés à La Chambre ou nous attendait Laulau avec des pizzas et des bières. Un bon plan airb&b, les proprios sympas informés de notre arrivée tardive avaient laissé le grand studio du RDC en accès autonome, en toute confiance. C’est peu dire que nous avons apprécié ce bon moment de réconfort partagé et quelques heures de sommeil sous la couette.
Même le réveil à Laulau était fatigué, il nous a généreusement accordé un petit bonus. En vérité ce n’était pas forcément un cadeau pour un petit calibre de mon espèce, obnubilé par la gestion au plus juste d’un timing toujours serré. Le petit déjeuner goulument expédié j’ai profité de l’assistance Bretzel pour replacer un patch Flector tout neuf et tout propre sur les cervicales et j’ai laissé les deux costauds gérer le rangement pour repartir au plus vite. A peine deux kilomètres dans les rues désertes de la ville encore endormie et j’étais au pied du fameux Glandon que m'avait décrit Laulau dans les moindres détails, même pas surpris de me trouver déjà planté dans les premières rampes. Le plan était identique à celui de la veille, débuter par un grand col pour se chauffer rapidement et profiter du levé du jour sur les plus hauts sommets. Les premières lueurs sont apparues sur le replat à la sortie du village de St Collomban, quand le ronron des trayeuses témoigne que l’activité humaine reprend. Alors la vallée des Villards s’est découverte à mes yeux, la chaussée s’est rétrécie pour se faufiler par la brèche sauvage, les cascades annonçant un final plus redoutable encore.
Le passage au sommet qui marque le 12ème contrôle est un énorme soulagement. C’est en effet le dernier col hors catégorie de la balade, il reste moins de 300 km et le profil promet une fin de parcours plus raisonnable. La longue descente qui s’annonce promet d’ailleurs une belle récompense mais les terribles lacets de la côte des Sagnes plombent le bel élan, viennent tempérer les enthousiasmes et rappeler que l’affaire n’est pas encore dans le sac.
L’estomac un peu saturé des viennoiseries absorbées depuis 3 jours, j'ai fait l’impasse sur la boulangerie initialement repérée dans la traversée d'Allemont où tout un troupeau était regroupé. J’ai poursuivi jusqu’au pied du Col d’Ornon pour débâcher et liquider la salade de pâtes trimbalée depuis le Carrefour Markett d’Albertville. Il était à peine 10h et je pouvais envisager sereinement de rejoindre l’épicerie de Valbonnais de l’autre côté du col. A ce stade de l'épopée, l'anticipation de la logistique bouffe est omniprésente dans les esprits, il n’y avait a priori pas de soucis pour boucler les 30 bornes jusqu’à l’épicerie qui selon Google était ouverte jusqu’à 12h30. Je me suis même accordé un petit break sur face de bouc avant de reprendre la route. Après le redoutable Glandon le Col d’Ornon paraît presque anecdotique, dans la descente je m’autorise un clin d’œil au Parquetout puisque Sophie nous a épargné cette année. Il est 12h10 lorsque j’arrive à l’épicerie, le type ferme son rideau, et le nuage qui passe sur le village trouve marrant d’arroser tout ça … Purée les boules. Dépité je rejoins le le trio installé sous le préau : Sacha, Michael les teutons bioniques et Denis qui gentiment me propose une bouchée de lentilles saucisses. Glups, rien que l’idée me donnerait presque la nausée. Allez hop, j’ai encore une boite de Mont Blanc dans la poche et ça, ça glisse tout seul. Même si je ne comprends pas grand-chose à la discussion, ces instants de papotage sont réconfortants. Je sollicite l’assistance de Denis pour mettre mon patch miracle bien en place sur la région douloureuse.
Nous poursuivons par les routes classiques du 1000 du Sud. Alors que les lacets de Ponsonnas me mettent à nouveau à l’ouvrage, Sacha me double avec une facilité déconcertante. Nous contournons l’Obiou pour rentrer dans le Dévoluy. Dans la traversée d’un hameau, je rattrape le Denis tout penaud avec le cuissard en lambeaux, il m’explique qu’il s’est vautré bêtement. Heureusement sans dégâts sur le bonhomme, ni sur le vélo. Le défilé de la Souloise nous dépose au pied du col du Festre, l’ascension par ce versant est plaisante. J’ai la surprise de retrouver Laulau Bretzel à la sortie d’Agnières en Dévoluy, dans cette longue rampe ou je me souviens avoir explosé une roue lors de ma première participation. A cette époque, FB n'avait pas encore anesthésié les forums et j’avais miraculeusement été dépanné par Jeff grâce à un message de Sophie sur Super Randonneur, l’esprit de la longue distance … Que de changement depuis !!!
La Maison du Col du Festre est probablement le lieu le plus emblématique du MDS. Nous y sommes toujours accueillis avec bienveillance. Une tablée allemande descend les bières avec un bel enthousiasme, au four et au moulin Claire la patronne assure le service avec le sourire. Je lui en ai tellement rabâché les esgourdes que Laulau tente une commande de la spécialité locale … A cette heure avancée c’est une sacrée belle surprise de voir Claire revenir avec deux copieuses assiettes d’oreilles d’ânes, ces délicieux raviolis garnis d’épinards accompagnés de jambon de pays et de salade !!! Un bonheur pour les papilles et un plaisir de pouvoir partager ces instants avec Laulau. J'espérais pouvoir trouver là une bande de strapp pour maintenir correctement le Flector , mais Claire avait liquidé tout son stock avec les fondeurs de l’hiver passé. Alors Bretzel m’a ceinturé le cou à l'aide du rouleau de chatertone miracle. Avant de quitter à regret les lieux, nous n’oublions pas de commander des sandwichs pour la nuit.
La descente par le versant sud est très rapide, après avoir traversé la grande route de Veynes le contraste est saisissant. Nous sommes au pied du Col d’Esperaux, l’ambiance devient clairement méditerranéenne et il fait chaud. L’ascension est facile, je termine avec Laulau. Denis arrive quelques instants plus tard. L’après-midi tire sur la fin et nous profitons d’un ciel enfin estival pour la photo contrôle numéro 14. Denis a trouvé un hôtel à Sisteron, Laulau prévoit de passer la nuit sur le vélo . Je plonge le premier car je dois rejoindre absolument mon lieu d’hébergement du soir avant 22h, c’est l’heure limite fixée par mon hôte … Le profil est descendant, nous cheminons quelques instants ensemble le long de la Durance. Je renonce à suivre Denis, le plus vaillant du trio, probablement motivé par la proximité de son hôtel. Laulau trainasse dans les vergers et je retrouve ma solitude à l’heure d’allumer les lumières. Comme un mirage, Sisteron apparaît enfin dans la nuit. Mais il me reste encore une quinzaine de kilomètres pour aller jusqu’à l’Escale, un village dont le nom m’inspirait une belle étape. Il était 21h30 lorsque je suis arrivé sur la petite place devant l’église, c’est là que mon hôte est venu me récupérer pour me conduire jusqu’à sa maison par un labyrinthe de sombres ruelles. Rien à voir avec les airb&b précédents, on rentre dans une vieille maison avec une entrée exiguë ou je suis invité à laisser mon vélo avant d’emprunter un escalier abrupte qui couine. En fait, le gars met sa chambre à disposition au second étage et lui il pionce dans la cuisine au premier … La piaule est sympa, bardé d'affiches de concerts et de portraits de guitaristes. C’est minuscule, une fois le convertible déplié, même en taille Poucet on a du mal à bouger. Imaginez un mec normal … Enfin, il parait qu’il y a une grande terrasse, mais bon je n’en ai pas vraiment profité. Étrange impression. Ceci dit pour 4 petites heures de sommeil ça fait le job …. J’avais même royalement le droit à un petit café le matin.
Puis je me suis échappé tout en douceur en évitant de faire couiner les vieux planchers pour ne pas réveiller le maître de maison vautré sur le canapé en dessous. La veille j’avais évidemment pris le soin de semer des petits cailloux pour retrouver la sortie … Quelle étonnante douceur à l’heure de se remettre en selle sous un magnifique ciel étoilé, en cuissard court avec simplement les manchettes et le gilet de sécurité, la socquette et le cœur légers. J’avais tellement souffert l’an passé dans le final et je mesure le bonheur de finir ce 1000 du Sud avec d’aussi bonnes sensations. Je déguste le Col de l’Espinousse avant une dernière photo contrôle au sommet. Mais à peine engagé dans le descente j’ai eu la désagréable impression de rentrer dans un frigo, j’étais déjà congelé au premier village ou un abri bus tombait à point pour un emballage du Poucet en bonne et due forme. La montée après La Begude allait vite me réchauffer. A la sortie d’un lacet j'ai aperçu une frontale et un gilet jaune : c’était Patrice croisé pour la dernière fois la veille à la Maison du Festre, qui sortait du fourré ou il avait pioncé. Alors nous avons terminé la nuit ensemble jusqu’à trouver la boulangerie espérée sur la place du marché de Riez, à l’heure ou la vie reprend. Puis nous avons fait route commune, en savourant le jour levant sur l’épilogue de notre aventure. Quelle émotion de grimper la petite route pour rejoindre le camp de base …. Nous sommes arrivés à 10h, avec une petite heure de marge sur le délai accordé, accueillis par Sophie rayonnante, visiblement aussi heureuse que nous, sous les applaudissements des copains attablés autour d’un petit déjeuner tardif et/ou d’un apéro précoce.
J’ai vraiment adoré ce final, une douce euphorie a alors enveloppé tout le reste de la journée. De l’entrecôte frite à l’ombre des platanes sur la place du village, à la balade dans les ruelles de Cotignac justifiant un petit réconfort chez le glacier, jusqu’aux grandes tablées du soir au camp de base qui avait les traits du village gaulois de la fameuse bande dessiné … Des instants endorphinés à point, partagés avec celles et ceux qui ont vécu cette aventure exceptionnelle. J’espère que la recette me permettra de durer encore quelques années pour arrondir mon compte et atteindre le palmarès des déca finisher inauguré cette année par le Vieux Bridou et Michael Richter
Remerciements chaleureux à Sophie et Bernard .
11 commentaires
Commentaire de philkikou posté le 29-10-2021 à 12:21:46
Chouette de la lecture récit vélo passionnante pour ce week-end pluvieux
Commentaire de jpoggio posté le 29-10-2021 à 21:32:21
Lu comme ça en sirotant une infusion, ça donne envie de se mettre pour de vrai au vélo.
Merci du partage.
Commentaire de poucet posté le 03-11-2021 à 12:41:46
Attention jogging, on chope vite le virus 😉
Commentaire de philkikou posté le 30-10-2021 à 15:00:42
Et pour moi lu en écoutant le dernier album de HF Thiéfaine ... sacrée balade bien gérée... Je confirme, les arrêts en vélo, tu n'as pas vraiment l'impression de t'arrêter longtemps, toujours surpris à la fin par le temps d'arrêt sur ta sortie, alors en Ultra, il faut surement êtretrès vigilant ! Merci pour le partage, ça donne envie d'aller trainer mes roues dans certains coins en mode randonnée ;-)
Commentaire de poucet posté le 03-11-2021 à 12:45:20
Ah mais toi tu as déjà le virus Philippe 🤣🤣🤣 .... eh oui,c'est incroyable le temps que l'on peut passer à bouffer et en arrêts de tous genres 😉
Commentaire de Bert75 posté le 31-10-2021 à 14:10:20
En te lisant, on a presque l'impression que c'est facile cette petite ballade de 1000 bornes agrémentées de quelques cols mythiques! C'est bizarre, parce que moi, ce matin, dès la côte des gardes j'ai explosé!
Merci, c'est toujours un plaisir de lire tes (grandes) vadrouilles.
Commentaire de poucet posté le 03-11-2021 à 12:48:40
Merci Bert75 😊😊😊 ... En réalité c'est plus facile à lire qu'à faire en vrai 😉.
Commentaire de L'Dingo posté le 04-11-2021 à 13:28:35
C'est un très agréable CR, qui est un peu long à lire , mais 1000 bornes c'est normal ça ne se parcourent pas un 1mn ;-)
En tous cas on mesure bien la difficulté de l'épreuve du fait de sa longueur (en plus du parcours).
Merci beaucoup Poucet pour nous relater une aventure peu ordinaire et encore Bravo ;-)
2 petites remarques:
J'aurai aimé avoir un paragraphe sur l'organisation et les règles d'un tel BRM ( orientation, assistance etc...)
Kikourou ,dans les CRs ,ne facilite pas la mise en page des photos au fur et à mesure du récit on y peut pas grand chose.
par contre mettre une image du parcours et le lien vers openrunner en tete de CR permettrait à ceux qui ,comme moi n'ont qu'une connaissance partielle des lieux, d'avoir un bon suivi de l'aventure.
RdV ici pour d'autres tours de roues .
Commentaire de poucet posté le 05-11-2021 à 16:10:34
Hello L'Dingo. Oui, je suis d'accord avec toi : c'est un peu long. Sinon merci pour tes excellentes remarques ... J'ai modifié mon récit en conséquence eu ajoutant un préambule avec des liens sur le règlement BRM (organisations gérés par l'Audax Club Parisien), le site du 1000 du Sud (ou l'on peut retrouver d'autres récits, des photos, des vidéos), et le parcours 2021 sur Openrunner. Bonne lecture et au plaisir de voir sur un BRM (ça débute à 200 km, il va y en avoir une multitude en 2022 puisque Paris Brest approche). Bon WE
Commentaire de la buse de Noyarey posté le 23-11-2021 à 14:31:30
Ben moi , je n'ai pas trouvé ça trop long ; ça a égayé toute une journée de boulot .Je note le coup du patch flector parce que moi c'est pas au bout d'une journée mais plutot au bout de 100 bornes que j'ai mal aux cervicales et a l'épaule. Autrement , petite question : jamais de vol a deplorer sur ce genre d'épreuve quand vous laissez le vélo pour aller au ravitaillement ? , tu fais ça a Grenoble , c'est sur que le vélo , tu ne le retrouves pas.
Et bravo pour la perf
Commentaire de poucet posté le 24-11-2021 à 07:50:39
Merci la buse ... Oui tu as raison, c'est moyen prudent de laisser son vélo n'importe ou pour aller faire une course ici ou là. Certains trimballent des petites cadenas. Perso je suis du genre confiant, mais bon ... C'est noté, je ne viendrai jamais a grenoble a vélo alors
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