L'auteur : tikrimi
La course : LyonSaintéLyon
Date : 30/11/2019
Lieu : Lyon 07 (Rhône)
Affichage : 3488 vues
Distance : 152km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
Cette LyonSaintéLyon aurait dû être un DNS, mais au final, c’est au moment d’aller bosser le lendemain que j'ai fait mon DNS.
J’ai une histoire un peu compliquée avec la SaintéLyon. J’aime vraiment cette course qui me convient bien : il ne fait jamais très chaud, pas de grosses montées, et j’adore la nuit. Par contre, j’ai déjà acheté 4 dossards, pour seulement 2 départs (et oui, je suis souvent malade à cette période).
Je n’avais pas prévu de m’inscrire à cette LyonSaintéLyon, mais ma mise hors course pour une barrière horaire dépassée de 5 minutes après 24h20 de course lors de l’UTMB m’a laissé un goût amer… très amer. Si je veux pouvoir continuer à rêver d’UTMB, il me faut une course à 5 points. Après l’UTMB, les jambes vont bien, le mental est là… bingo, SaintéLyon me revoilà, mais cette fois si, je ne paierai pas la navette pour me rendre à Saint-Etienne.
Début octobre… fracture de la clavicule dans une descente à l'entraînement. Le chirurgien me dit qu’après 6 semaines, la consolidation fibreuse est faite, et que je peux courir. Je n’ai pas demandé trop de détails, car on n’a pas forcément la même définition de ce qu’est “courir”... donc je garde espoir.
J’ai continué à marcher un peu, à faire du home trainer, à soigner les autres bobos de ma lourde chute, mais à moins de 3 semaines de la course, il faut se rendre à l’évidence : la dernière fois que j’ai couru plus de deux heures, c’était pour l’UTMB. Il faudrait être complètement cinglé pour se rendre au départ. Hummm, cinglé… ben oui, et en plus j’ai fait 3 sorties avec les CRAPAST, où je me suis régalé. 9 jours avant la course, je prends la décision que si personne ne veut de mon dossard, et bien il sera pour moi!!!
L'avantage quand on n’a pas prévu de faire une course, c’est qu’il n’y a pas de pression. Je sais que je suis capable d’aller dire bonjour à Arclusaz à Soucieu-en-Jarrest, et on verra ensuite si ça peut aller plus loin.
Au départ, je croise Bertrand (un collègue de travail), Xavier (avec lequel on avait galéré lors de la promenade des bûcherons il y a deux ans), et tout plein de kikous: Tom, Raya, … . Petite émotion en passant sous l’arche du départ (vais-je la revoir dimanche?). Je pars avec Xavier. Comme il court à domicile, il s’arrête tous les 100 mètres pour dire bonjour, et du coup son allure me va bien, mais rapidement, je laisse filer quand il commencera vraiment à courir. C’est beaucoup trop rapide pour moi… je suis un diésel, et je manque un peu de repères et et beaucoup d'entraînement. Quand je vois que Tom est toujours derrière… je sais que c’est toujours trop rapide. Un peu avant Chaponost, premier jardinage en suivant le peloton. Je passe tout de suite ma montre en mode navigation (que je garderai jusqu’à la fin). Suivre un balisage de course à l’envers… ben y’a des fois où l’on ne sait pas d’où la course arrive. Jusqu’à Saint-Genou, je passe de groupes en groupes. On est tous sur des allures très faciles, et ça discute beaucoup. Enfin moi, ce n’est pas une allure si facile. En me fixant un objectif d’environ 12h, j’ai très peu de marge sur mon allure SaintéLyon… mais je suis assez facile pour discuter.
1er objectif rempli… je dis bonjour à Arclusaz. Je repars avec Raya et Marathon-Yann, on se dit qu’on va quand même très vite, mais bon, ce sont des parties plutôt roulantes. Je laisse encore filer, puis dans une côte, tout un groupe du LUR me rejoint. Me voici maintenant avec les “historiques” de cette LyonSaintéLyon… feu 180. On fait le même constat. 13 heures de temps limite, c’est pas de la rando, il faut quand même pas mal courir. Ils m’informent qu’il sont sur un objectif de 12h15, mais en prévoyant des bonnes pauses aux ravitos (du moins plus longues que les miennes). Bon, je suis plus ou moins dans mon plan de course. On arrive à Sainte-Catherine. 2ème ravitos après 44km… c’est là que l’on se rend compte que l’aller n’est pas vraiment une course. Ravito top, je prends mon sac d’allégement, je me ravitaille bien, crème les pieds, et go. Aucune raison de ne pas aller à Saint-Etienne, tout va bien. Je retrouve Xavier, et Damien d’Amiens (c’est comme Brice de Nice ou Igor d’Hossegor… sauf que Damien, ben lui il est d’Amiens) avec lesquels je vais passer un bon bout de chemin, mais j’ai un problème de frontale (une batterie mal chargée). Je passe sur la frontale de secours, mais elle est beaucoup moins puissante. Du coup je ralenti un peu l’allure. C’est pas le moment de tomber, car je sinon je vais avoir du mal à expliquer ça à mon chirurgien. Je passe rapidement à Saint-Christo. Routine classique de ravito, mais je ne traîne pas car le froid et la pluie commencent à tomber, et je suis habillé plutôt léger.
Pour la première fois de la journée, je fais de longues parties tout seul, et à Sorbier, je commence à bien jardiner. A suivre la trace, on va un moment se retrouver avec un petit groupe dans un terrain vague puis à devoir escalader une barrière pour se remettre sur la bonne route. Dès que l’on est en zone urbaine, la trace ne suffit pas, il faut aussi un fond de carte. Jusqu’à présent, j’avais beaucoup fait la navigation pour tout le monde en suivant la trace sur ma montre, mais maintenant il est temps de laisser le relais à ceux qui utilisent le smartphone.
Je retrouve Raya pour les derniers kilomètres, et on arrive à Saint-Etienne en 12h. Ca laisse deux heures avant de repartir. Il faut encore marcher un peu pour rejoindre l’espace “VIP”. Je croise alors Tom et Massimo au moment de rentrer dans la salle. Ca fait toujours plaisir de croiser des têtes connues. Avec Tom, on s’est rencontré lors de notre première SaintéLyon en 2014. Il court dans une autre planète que moi (environ 8h30 de mémoire en 2015), et Massimo va terminer cette édition 29ème en 7h24… stratosphérique.
Pour moi ça sera un ravito royal. Il fait chaud pour se changer, il y a à manger, à boire, on ne se marche pas dessus, et j’ai même eu le temps de fermer les yeux 10 minutes.
Fin de l’acte 1. Franchement, pour moi c’était un pur régal, mais maintenant il faut rentrer à Lyon. Avec nos dossards jaunes, on peut partir dans le SAS des élites (à côté des Manus Meyssat et Gault, Cédric Fleureton, … et l’année prochaine Massimo). Je ne vais pas me priver de ce plaisir… et surtout éloigner la barrière horaire le plus loin possible.
Je repars avec Damien. On laisse vite partir les fusées, puis on rentre dans notre petite allure. On s’attendait à avoir la pluie au départ… mais c’est sec. Je suis beaucoup trop couvert pour trottiner. Je m'arrête pour retirer une couche. Ce petit geste m’a peut-être sauvé mon retour, car pour ne pas avoir froid… il ne faut pas avoir chaud avant. La pluie finira par arriver. Je remets ma veste, et passe en mode marche (toujours dans l’optique de ne surtout pas transpirer… et surtout parce que ça commence à être long, et que c’est encore très long ce qu’il reste).
Arrivé au ravito de Saint-Christo… je me suis trop refroidi, et je suis complètement frigorifié. C’est déjà un festival d’abandons. J’attrape tout ce que je peux dans mon sac (pantalon de pluie, gants), mais je m'énerve à ne pas trouver mes gants de pluie. Je sors de là au plus vite, car j’ai besoin de me réchauffer… et je sais que ça va bien monter en forêt. Bon… je suis toujours en vie et j’avance. Par contre, je ne me suis pas occupé de mes pieds, et je sens que ça va être un carnage avec cette flotte, mais pas grand chose à faire, tout est trempé. Je n’ai jamais vu autant de couvertures de survie de sortie. Je suis à deux doigts de sortir la mienne. J’ai des idées noires, mais je reste concentré sur ce que j’ai à faire. J’ai bien dans mon sac des petits mots d’encouragement de ma compagne et des mes enfants (ils sont là depuis l’UTMB), mais impossible de les sortir sous ce déluge. Il me semble me rappeler où j’ai mis mes surgant en Gore-Tex. Je m’accroche à ça pour les sortir à Sainte-Catherine, et je repars de suite. Impossible de se poser dans ce ravito ouvert. Quand on repart, je croise pas mal de traileurs qui rebroussent chemin. Je m’accroche au fait que Saint-Genou, ce n’est “que dans 8 kilomètres”, mais j’ai vraiment froid. Bon plus le choix, il faut courir. Chaque pause de pied est douloureuse. J’ai des échauffements de partout, et les tendons qui sifflent, mais au moins je me réchauffe. Je traverse le ravito de Saint-Genou sans pratiquement m’arrêter (je n’ai presque pas bu depuis Sainte-Catherine). Le jour vient de se lever, la pluie commence à cesser, et je sais que je vais finir. Je lance quand même la machine à calculer du traileur épuisé : putain, j’en ai encore pour entre 7 et 8 heures pour terminer ce chantier!!!
Je me remets à courir pour en finir au plus vite, mais ça ne va pas durer très longtemps. Mes ampoules aux pieds éclatent une par une, du coup je change d'appuis… mais les tendons des genoux n'apprécient guère cette solution de contournement. Bref, un long chemin de croix jusqu’à Lyon de ravitos en ravitos. Le prochain ravito est à chaque fois l’objectif, mais je m’y arrête peu car il n’y a rien dans les ravitos qui puisse me soulager. Je veux juste en finir pour que ça s’arrête.
Lyon approche lentement. C’est assez paradoxal cette sensation de souffrir, et de vivre au même moment des émotions décuplées. Il y a une semaine je voulais vendre mon dossard, mais dans quelques minutes, je vais franchir la ligne d’arrivée. Je suis allé puiser très loin dans le mental, un peu dans l’expérience et le physique, mais je suis finisher en 12h04 à l’aller, et 16h04 au retour.
Enorme bravo aux bénévole, certains on du en baver encore plus que nous à rester en position statique, et certainement à une prochaine.
5 commentaires
Commentaire de TomTrailRunner posté le 02-12-2019 à 22:52:28
Respect : franchement chapeau d'avoir fini décuplé.
Ravi de t'avoir brièvement recroisé
Commentaire de Arclusaz posté le 03-12-2019 à 10:49:13
quel truc de fou !!!!!!! franchement, j'aurais pas misé beaucoup sur toi compte tenu des circonstances et de ton manque d'entrainement. c'est très très impressionnant ce que tu as fait, tu es vraiment costaud. Bien content de t'avoir vu mais à Soucieu pas à St Genou !
Commentaire de tikrimi posté le 03-12-2019 à 11:21:56
Oups... je vais corriger les lieux :).
Commentaire de arthurbaldur posté le 05-12-2019 à 22:54:43
Un énorme bravo, purée qu'est ce que j'aimerai pouvoir vivre ça encore une fois.
Commentaire de Twi posté le 07-12-2019 à 18:26:46
Epoustouflant !
Moi qui n'ai fait que le retour, j'admire cette résilience des dossards jaunes, et en particulier la tienne vu les péripéties du récit !
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.