Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2019, par coincoin29

L'auteur : coincoin29

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 17/10/2019

Lieu : Saint-Pierre (Réunion)

Affichage : 2277 vues

Distance : 167km

Objectif : Pas d'objectif

5 commentaires

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Trail de Bourbon 2019

La distance étant plus courte, j'inaugure les récits 2019 du Grand Raid avec le Trail de Bourbon!

En ce qui me concerne, premier ultra supérieur à 100km et premier voyage à la Réunion, je découvre donc l'épreuve à plusieurs titres.

Après une préparation assez légère mais conséquente suivant mes critères (quelques courses de 40-50km depuis le printemps) et malgré une très grosse fatigue nerveuse due à une activité professionnelle récente compliquée, j'arrive relativement confiant par rapport à mon objectif de terminer.

Le format (115km - 6500m d+) me semble jouable au regard de mon état et je ne regrette pas à ce titre de m'être risqué sur la Diagonale car je préfère clairement finir le Bourbon que bâcher la Diagonale (et il m'arrive de temps en temps de bâcher...)

J'ai comme beaucoup placé la course au milieu d'une quizaine de vacances en famille qui me permet de récupérer et de visiter une partie de ce que l'île peut offrir.

Je récupère mon dossard le mercredi dans un cadre plutôt organisé ce qui est une bonne surprise, l'ambiance est bon enfant et les profils semblent variés (âge, sexe, locaux, métro, etc).

Le vendredi, je décide d'utiliser la navette vers Cilaos au départ de la Saline. Après une petite inquiétude sur le point de rendez-vous, je vois des t-shirt "bleu et blanc" arriver ce qui me rassure, il s'agit d'une bande de québecois qui ne semble pas venue pour poser du lino...une "jeunette" piercée que je trouve un poil "instagrameuse" de prime abord s'avèrera être la future gagnante féminine et 6ème au scratch en 17h Surpris, bref, une tueuse (ça me calmera avec mes préjugés...).

Le trajet vers Cilaos, bien que pittoresque et rigolo (la voisine de siège brésilienne qui donne une idée du rayonnement des courses du Grand Raid, les bouchons et marche arrière de part et d'autre, le chauffeur créole) dure tout de même 2h30 ce qui casse un peu, d'autant plus que la nuit précédente a été courte et que je n'ai pas réussi à faire de sieste.

Arrivé à Cilaos, c'est parti pour 3 heures à poireauter, mais l'organisation plutôt bien huilée et la possibilité de se poser rendent le tout très vivable.

Départ - Caverne Dufour (11,2km -1425d+): 21h, c'est part pour le gîte du piton des neiges. Je pars dans les derniers en me disant que les éventuels bouchons ne sont rien par rapport à la rouste que je prendrai si je partais trop vite. L'allure est pépère, une première montée légère suivie d'une descente également courte mettent tout le monde en jambes. Le cadre est très agréable bien qu'étrange, il fait chaud mais la végétation dans la nuit et la longue traînée des frontales me font plus penser à la Scandinavie qu'autre chose.

La montée proprement dite au gîte n'est pas simple, ça grimpe assez sec et quelques bouchons se forment du fait de l'étroitesse des chemins mais aussi à mon sens, du profil très étrange de certains participants qui ne me semblent pas mais alors pas du tout parés pour une course de ce type. J'en viens à avoir mal au coeur pour une mamy assez costaud qui est littéralement à la dérive après 45mn de course, je n'avais jamais vu cela ailleurs...

La température dégringole très vite et je finis la montée en t-shirt+ veste + gants (que j'avais pris au cas où au vu de l'avis de kikoureurs). Il est un peu plus de minuit, je suis un poil à la bourre sur mes "projections" mais j'arrive sans être entamé, autour de la 1150ème place (au fond quoi :-) ) au ravito où je teste la dynamalt que j'ai connu sur le forum et qui sera une de mes révélations réunionnaises de ma quinzaine!

Caverne Dufour - Hellbourg (24km -1513d+): je ne traîne pas au ravito même si un gars est obligé de m'aider à sortir ma chaussure coincéé dans une roche (encore une première), je me décide à attaquer en descente car j'ai quand même eu l'impression de traîner un poil. C'est plutôt technique mais sec au début et du coup, je récupère un bon paquet de places (même si pas mal de concurrents avancent en zigzaguant bras écartés pour ne pas qu'on les double...tant pis, ça m'apprendra à ne pas être parti assez vite!). Il fait nuit mais avec la lune et le ciel dégagé, c'est vraiment super beau. En revanche, la seconde partie de la descente est plus problématique: le vent se lève, quelques gouttes apparaissent et le sol est ici resté bien humide, surtout, des très gros bouchons apparaissent qui me font vraiment regretter ma stratégie très prudente. A de nombreuses reprises, on s'arrête net, le rythme est sans cesse cassé: c'est chiant d'autant plus qu'il y a moyen d'envoyer du pâté. En voulant doubler, je me prends un arbre dans l'épaule (sans gravité même si je le sens encore une semaine après) et une branche qui me fait saigner le crâne pendant quelques minutes, ça devient sauvage!

Une dernière descente me mène néanmoins à Hellbourg sans trop d'encombres, il est 4h du mat, j'ai récupéré 300 places. Tout va bien même si j'ai un peu sommeil. Le ravito est convivial et l'ambiance est bonne, je n'y traîne cependant pas pour éviter de potentiels autres bouchons.

Hellbourg - Plaine des Merles (38km -2700d+): Après le ravito, on enchaîne sur une petite portion "route" où je m'efforce de trottiner sans me perdre (j'ai un peu de mal avec l'espacement des rubalises), une petite descente puis ça remonte, il commence  faire plus clair, la frontale devient moins utile. Je me sens sur un faux rythme et du coup, au risque de la payer plus tard,j'attaque pas mal sur le début de montée, en partie parce que le paysage n'y est pas terrible et parce que pour la première fois depuis que je cours, j'ai emmené de la musique que j'aime (Idles, Tool, etc).

Au bout d'un moment, le jour se fait et je commence à apprécier le cadre de cette seconde partie de montée qui s'avèrera de plus en plus beau au fil des minutes (passages "forêt vierge", petit cours d'eau bucolique, cascades...). J'arrive à la bascule vers le cirque de Mafate et ne peut m'empêcher de prendre quelques photos tant c'est sublime des deux côtés. Niveau course, j'ai fait quelques pauses de 30s-1mn dans la montée mais rien de terrible, je suis environ 700ème. J'échange quelques mots avec des coureurs mais globalement, je ferai tout au long de cette course mon Bernardo ce qui aura finalement sans doute un impact plutôt négatif.

Plaine des Merles - Marla (44km - 3000md+): Sur cette portion, c'est simple, tout va bien, je suis bien réveillé, j'ai la patate et du coup je descend à fond (tout est relatif) les marches, bref, je passe un excellent moment. J'arrive à la base-vie de Marla en 630ème position environ. Je fais une bonne pause, content d'être bien lucide (ça ne durera pas...)

Marla - Roche Plate (54km - 3400d+): Je décide de me calmer un peu au vu du kilométrage restant à parcourir et de la chaleur qui monte. Je rattrape pas mal de monde dans la descente et aussi, surprise, dans la montée qui suit. L'arrivée à Roche Plate se fait un peu attendre mais au bout d'un moment, on y arrive quand même. J'ai fait toute cette partie avec un rasta qui tient un bâton de sucre de canne en tout et pour tout (disqualification ? Clin d'œil)! Il y a pas mal de couverture dorée au ravito, je traîne un peu car les pieds chauffent et qu'il y a de la Dynamalt! J'essaie de m'étirer vite fait le dos et je repars vers la claque du jour.

Roche Plate - Maido (65km -4400d+): sur cette portion, clairement, je ramasse bien, il est midi environ, il fait très chaud et contrairement à la visite en famille 3 jours avant, le ciel est très dégagé! Je me traîne tout du long même si je double quand même quelques concurrents de la Diag en grosse souffrance. Je zappe la marque des 25% et des 50%de montée du coup je ne sais pas où j'en suis et commence à gamberger. Je m'arrête vers la marque des 75% (celle-là je la vois) et fais une pause de 10mn pour cause de "plus de jus". Il y a en tout cas une belle solidarité sur cette portion.

J'arrive finalement en haut puis au ravito en état physique potable mais touché mentalement (un poil les larmes aux yeux en fait). La montéé m'a un peu fait baculer du côté "obscur". Malgré cela, je suis environ 500ème donc je n'ai a priori pas plus souffert que les autres. Je fais le point, me dit qu'il y a une belle descente à suivre et a priori à gérer et me lance donc avec pour objectif de rattraper ceux qui m'ont doublé dans le Maïdo.

Maïdo - Ilet Savannah (76km -4400d+): je me refais un peu la cerise sur cette portion tant sur la partie roulante que sur la partie "escaliers espacés" et double pas mal. Je me rassure en me disant que j'ai les jambes pour courir. Je m'enflamme d'ailleurs un poil et fait fausse route sans conséquence sur 2-300m maisje m'énerve de rajouter de la distance à une course comme celle-ci.

Je reviens vers la civilisation et aussi (sans le savoir) vers une partie de course qui va beaucoup moins me plaire...J'arrive à Ilet Savannah en 420ème position, il ne va pas tarder à faire nuit et les choses commencent à "merder": je récupère mon sac "vie" pour aller me doucher mais il y a une queue monstre aux douches (il doit y en avoir 3...), les toilettes sont comdamnées et ayant ouvert leur porte, je comprends pourquoi. Bref, ça gueule pas mal sur les moyens mis en oeuvre en la matière et clairement, c'est très light...

Je trouve un robinet pour me "doucher" à l'arrache, je gamberge en me rendant compte que j'ai perdu mon gobelet obligatoire et mon casque audio sur lequel je comptais pour la seconde nuit, j'ai une petite tremblotte, bref, je perd un peu pied. Je me décide à repartir car je commence à penser à l'abandon. Je mange un cari poulet comme un cochon, un bénévole me file un fond de bouteille pour faire office de gobelet et je repars.

Ilet Savannah - Chemin Ratinaud (84km-5100d+): on traverse la rivière des galets puis on monte dans la poussière. Je ramasse sec, mon t-shirt tout propre est déjà trempé et je regrette déjà de m'être percé une ampoule au talon droit car ça brûle pas mal! Je ne suis plus du tout lucide malgré la gentillesse des locaux qui nous offrent à boire et à manger. Je suis un petit groupe dans les cannes à sucre au milieu des gars de plus en plus nombreux qui vomissent, c'est pas top.

Chemin Ratinaud - Possession (91km -5300d+): Je suis toujours classé pareil à chemin ratinaud, j'esssaie de dormir en mettant le réveil à la montre mais ça ne vient pas donc je repars un peu plus crevé. La succession de montées descentes (grottes de Kalla je crois) qui suit est juste horrible, hyper cassante, technique, poussiéreuse et se fait les uns derrière les autres avec quelques clients qui se disent toujours que c'est le meilleur endroit pour doubler...

J'arrive comme une loque à la Possession (400ème environ) et pour la première fois de ma vie, je déplie la couverture de survie. Je m'allonge en programmant 30mn de dodo, commence à m'endormir et là, la cheffe de centre (adorable au demeurant) me dit que les systèmes d'arrosage de la Possession risquent d'être activés là où je dors avec des compagnons d'infortune et qu'il faut bouger vers le bîtume pour dormir (car sinon elle doit appeler M. CHICAUD pour savoir si...)!!! Je lui dit que ce n'est pas grave, me reprend une dynamalt et repars en me disant que je vais me faire 48h sans dormir 5mn...

Possession - Grande Chaloupe (101km -5650d+): Je ne courrai pas une seconde sur cette portion. On m'avait dit que le chemin des anglais était plus facile de nuit car pas de rétention de chaleur par les pierres et bien je n'ai pas été convaincu :-) j'aurai passé 3h30 (purée, 3h30!) à me faire rouler les ampoules sur ces sales caillasses et doubler par à peu près tout le monde. Je crois même avoir dormi les yeux ouverts pendant quelques minutes en suivant la ligne de cailloux du milieu du chemin! La descente finale est infâme mais elle me permet de redoubler quelques concurrents alors que c'était l'inverse depuis 3h.

J'arrive à Grande Chaloupe, me restaure, récupère 15mn sur un lit de camp sans dormir et repars pour la dernière portion pour finir comme je peux car il n'y a plus d'objectif de place ou de chrono à ce stade.

Grande Chaloupe - Colorado (110km -6500d+): je n'ai qu'un vague souvenir de cette partie qui commence je crois avec un simili chemin des Anglais puis ensuite par des parties bitumées interminables entre les habitations. Je passe à un check point tenu par deux jeunes en leur demandant si je ne tourne pas en rond car je crois les avoir déjà vus,ils rigolent: non ils ne m'ont pas vu, c'est moi qui déraille. Un grand nombre de concurrents dorment dans des endroits de plus en plus improbables et parfois dangereux à mon sens, bref, chacun fait comme il peut. Le soleil commence à se lever et du coup je me dis que même crevé de chez crevé, ça devrait m'aider à finir. La fin de montée est plutôt jolie même si je ne l'apprécie plus et le chant des oiseaux fait passer la pilule, j'arrive tranquillement à Colorado en devisant avec un concurrent sur l'intérêt relatif de la course après Ilet Savannah, sur le côté terriblement cassant de la course et sur notre remise en question d'une éventuelle participation à la Diag.

Colorado - La Redoute (115km -6500d+): je me dis que je vais finir en beauté avec une belle descente, et bien non,je vais tout faire en me traînant pour cause de genoux dégommés, de plante de pied en feu et de veste de de trail dans une main tout du long car je n'ai même plus la lucidité de la ranger dans mon sac :-). Je vais donc mettre 1h30 pour 5km de descente en jurant à chaque fois que ça remonte (et ça remonte souvent), beaucoup de monde me double mais ce n'est plus le souci, je termine la descente, arrive enfin sur le stade pour faire un quart de tour et récupérer la médaille. Il est 7h30, je ne réveille pas toute la famille pour ça et file metrouver un (rare) coin à l'ombre pour piquer un petit somme! J'ai bouclé le truc en 34h30 environ et je suis 450ème environ.

Voilà, voilà! En résumé, une course que j'ai trouvée très dure mais surtout en raison de la lassitude qu'engendre sa seconde partie à partir d'Ilet Savannah. Pour la partie "Cirques" et malgré la nuit, c'est tout de même assez sublime.

Sur la question de la nuit justement, bien que reposé au départ, j'ai trouvé très délicat le concept d'une course de 34h dont 20h sont nocturnes (c'est bien sûr aussi mon niveau qui veut ça).

L'ambiance de la course est chaleureuse même si personnellement, je me suis trouvé très esseulé (mais c'est également mon attitude sur cette course qui veut ça).

L'organisation est perfectible (bouchons (et encore, je ne fais pas partie des arnaqués de la Mascareignes), couchages, toilettes et douches à Ilet Savannah)) et pourtant je ne suis généralement vraiment pas difficile.

Bref, une belle expérience globale (malgré de sales moments que je n'ai pas voulu occulter dans le récit), un chrono que je pensais meilleur mais je dois apprendre la gestion du sommeil sur ces distances et si je ne devais garder qu'une image (positive), le cadre majestueux de la bascule entre cirque de Salazie et Mafate, un souvenir inoubliable :-)

La Diagonale attendra un peu ou longtemps!

 

 

 

 

 

 

5 commentaires

Commentaire de Shoto posté le 29-10-2019 à 18:14:50

Tout le monde parle du GRR mais moins souvent du trail Bourbon qui est une course bien difficile aussi et qui gagne à être connue. Merci pour ton récit complet qui n'occulte pas les mauvais moments. Très intéressant. Bravo à toi.

Commentaire de Bardaine 35 posté le 30-10-2019 à 11:05:36

Bonjour, j ai plus ou moins les mêmes sensations de course , surtout après ilet savannah que je n ai pas du tout apprécié, deux passages sur les chemins des Anglais n étaient pas bon pour le moral non plus. Descente sur la Redoute avec une crevasse pied gauche pour couronné le tout.
Pour avoir discuté avec un local post course ( 3 diagonales et Bourbon cette année), rencontré par hasard à St Leu , il me disait que Trail Bourbon est plus difficile par son dénivelé plus raide , en écartant bien sur l endurance plus importante sur le Diagonale.
Je garde aussi beaucoup de belles images , la Reunion est magnifique , tout comme les locaux
et arriver à la Redoute est une victoire .

Commentaire de coincoin29 posté le 01-11-2019 à 10:33:22

Merci à vous, Bardaine 35, tu as fini en combien de temps sans indiscrétion? Tu as passé deux nuits pleines de course?

Commentaire de Bardaine 35 posté le 13-11-2019 à 19:39:27

Bonsoir , Deux nuits dehors , total 35h52 place 512 . Et déjà presque l envie d y retourner

Commentaire de Arthur974 posté le 12-12-2019 à 12:18:49

Sympa ton récit !
Effectivement, il est bien connu ici à La Réunion que la "fin", à partir de Sans Soucis, est désagréable (euphémisme) et ne sert qu'à rajouter du D+, de la technicité (descentes Gde Chaloupe, Colorado), et des km... Les ressources mentales deviennent vitales sur ces 35-40 derniers km ;)
Je rejoins Shoto et Bardaine sur la difficulté de la Bourbon, souvent sous-estimée.
Personnellement, j'ai bien plus souffert sur le Bourbon 2019 (23h45) que sur la Diag 2018 (42h), malgré une meilleure préparation : départ plus violent, allure globale des raiders plus rapide (cassage de fibres + importante en descente). D'ailleurs, le taux d'abandons était plus important sur le TdB que sur la Diag en 2019.

Rien ne t'empêche de te projeter sur la Diag l'an prochain, ajoute un peu de volume à tes entraînements, 1 ou 2 weekend chocs avec du sentier en nocturne pour t'habituer à gérer le sommeil, et tu seras prêt ;)

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