L'auteur : marathon-Yann
La course : 100 km du Val de Somme
Date : 12/10/2019
Lieu : Amiens (Somme)
Affichage : 1278 vues
Distance : 100km
Objectif : Pas d'objectif
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Somme toute, ce n’était peut-être pas une mauvaise idée, de s’inscrire aux 100 kilomètres de la Somme. Je le dis d’autant plus volontiers que ce n’était pas la mienne, mais celle de mon frère, qui pour son premier 100 kilomètres voulait un parcours plat et roulant. Je ne pouvais pas ne pas l’accompagner, même s’il était convenu que chacun ferait sa course, mon frère étant venu avec une accompagnatrice vélo, et moi avec la motivation et les doutes du coureur qui vient de réussir son meilleur 100 kilomètres, à peine un mois avant.
Soirée du vendredi soir idéale, que nous passons en compagnie de Stéphane et FX, qui représentent pour moi l’essence même du coureur d’ultra, par leur gentillesse, leur humour et leur palmarès qui n’ont d’égal que leur humilité. Nous passons la soirée à parler course à pied – qui l’eut cru ?- autour de bière et de pizza, avant de rejoindre nos chambres pour un bon somme.
Nous sommes près de 400 coureurs – somnambules ou insomniaques – à nous presser sur la ligne de départ le samedi, peu avant 6h30 le matin. Cette course, support des championnats de France, a attiré pas mal de monde, dont les coureurs du championnat, reconnaissables à leur dossard qui indique, dans leur dos, leur catégorie. Le temps de retrouver Eddie, et nous nous élançons dans la nuit, pour commencer par deux tours dans le parc de la Hotoie avant de rejoindre les bords de Somme pour un premier aller-retour d’une vingtaine de kilomètres.
Ces premiers kilomètres sont tout bonnement fantastiques. Courir la nuit au bord de l’eau me procure un plaisir intense, et à cette heure où j’avance à la vitesse paisible du cent-bornard encore frais, j’éprouve un sentiment de sérénité absolue. Au loin, le ciel pâli déjà, salué par le chant des coqs. Depuis combien d’années n’avais-je pas entendu le chant du coq ? Je pense à Chantecler criant pour faire lever le soleil : « Gloire à toi, Soleil, toi sans qui les choses ne seraient que ce qu’elles sont ! ». Chantez, petits coqs, saluez ce soleil qui, obéissant, se lève sur une si belle journée !
Déjà le 10ème kilomètre, nous retrouvons les accompagnateurs cyclistes qui forment une véritable haie d’honneur au milieu de laquelle nous nous engouffrons. Je cherche Laurence, qui doit accompagner mon frère, mais ne la reconnait pas, ébloui par les frontales encore allumées qui nous scrutent. (des frontales peuvent-elles scruter des coureurs ? je n’en sais rien, mais à ce moment particulier de la course je me permets cette licence poétique).
Avec le jour qui se lève, j’ai moins de mal à lire ma montre GPS. 10 kilomètres parcourus en 53 min, c’est parfait, même si je ne ressens pas la sensation de facilité qui devrait être la mienne. Le demi-tour est dans 6 kilomètres. Très vite, nous croisons les premiers, Jérôme Bellanca, une sommité qui fonce vers le titre de Champion de France à près de 15km/h, quatre, cinq autres coureurs, et pas loin la première féminine, qui me frappe autant par sa vitesse (elle finira en 7h45, performance de niveau mondial) que par l’immense sourire avec lequel elle répond à nos encouragements.
Km 16, à mon tour de faire demi-tour, l’occasion de croiser le reste du peloton, et mes amis qui sont dans la course. Eddie, qui avance bien, sans se douter qu’une douleur musculaire l’obligera à abandonner dans quelques kilomètres, Stéphane, serein, FX, qui devra malheureusement lui aussi abandonner sur blessure, et enfin mon Laurent, qui à mon grand soulagement est parti sagement.
Retour sur Amiens en longeant la Somme. Le jour s’est levé et nous voyons les impeccables jardins que nous devinions ce matin. Une péniche est amarrée, son nom, « Courage », résonne comme un encouragement pour les 80 km qu’il nous reste à parcourir. J’avance sur un rythme régulier, entre 5 :15 et 5 :30 au kilo, mais en ressentant certaines gênes musculaires qui me tiennent en éveil. Je leur somme de se taire, pour ne pas laisser l’ombre d’un doute s’infiltrer. Je discute avec 2-3 coureurs, de bons marathoniens qui découvrent les 100 kilomètres. Ils me demandent mon objectif, qui tient dans cette phrase, avec tout ce qu’elle contient de certitudes et d’incertitudes : « j’ai couru en 9h04 à Metz il y a un mois ».
Nous ne formons pas de peloton, mais sommes assez nombreux pour ne pas s’ennuyer, surtout à ce moment de la course. J’ai le sentiment de ne faire que remonter, ce qui n’est pas forcément rassurant sur la qualité de ma gestion de course. Les accompagnateurs cyclistes sont prévenants, me demandent si j’ai besoin de quelques chose, il règne un bel état d’esprit sur cette course. Il faut dire que je suis parti sans rien, les mains dans les poches, sans me charger comme une bête de somme.
Km 25, fin de premier aller-retour, début du second, plus long. Nous remontons maintenant la Somme vers l’Ouest, sur une trentaine de kilomètre. Le paysage est toujours aussi paisible, les bénévoles charmants, la météo idéale. Un accordéoniste joue « Bella Ciao » qui résonne étrangement à mes oreilles. Sur ce chemin de halage, je rejoins une concurrente qui avance bien, et m’interdit de la dépasser. Je m’incruste donc avec elle et son accompagnatrice vélo, me faisant distancer à chaque ravitaillement (comme souvent, je me contente de nourriture liquide), la rattrapant ensuite pour une balade silencieuse (je pense n’avoir échangé qu’un sommaire « ca va ? » avec elle, en 3h de course commune).
Déjà 42 km de parcouru, puis 50, passés en 4h25, comme à Metz il y a un mois. Les longues lignes droites peuvent sembler monotones et font des dégâts, pas mal de concurrents (surtout des championnats de France ai-je l’impression) semblant victimes de blessure. Pour ma part, tant que je suis au bord de l’eau, je suis content et continue sans me poser de question. Km 53, je croise de nouveau la tête de course. J’estime que j’ai une vingtaine de kilomètres de retard sur le premier ! Encore une fois, je suis bluffé par le rythme et l’immense sourire de la 1ère féminine. Km 58, une trentaine de canards semblent manifester sur notre chemin, et s’écartent à peine sur mon passage malgré mes sommations, étonnant. Puis nous passons au pied d’un beau château, et dans un petit village où se trouvent quelques supporteurs. Mais où est donc ce satané demi-tour ?
Physiquement, les choses deviennent plus dures. Je rêvais en secret d’attaquer la barrière des 9h, mais je vois bien mon allure diminuer, et abandonne cet objectif. Somme toute, c’est normal, il parait que quel que soit la distance, le « mur » apparait aux deux tiers, dont je me rapproche. Moralement, par contre, tout va bien. Croiser les premiers, atteindre le demi-tour (« il n’y a plus qu’à rentrer »), croiser le reste du peloton me fournit une belle distraction. Eddie et FX ont disparu, mais Stéphane est bien là, et je croise mon Laurent au Km 68. Il m’annonce la blessure d’Eddie, mais surtout me semble bien, je n’ai aucun doute en ce qui le concerne.
En ce qui me concerne non plus d’ailleurs. J’ai finalement été lâché par la féminine, qui finira une dizaine de min avant moi, et suis seul pour gérer la fin de course. Je découpe mon parcours en tranches de 5 kilomètres, avançant à 5 :45/kilo, et perdant 1 min à chaque ravitaillement, pour une moyenne de 10 km/h. Au grès des ravitaillements, nous faisons l’accordéon avec quelques coureurs. Je double un concurrent qui s’est arrêté dans un buisson pour un besoin naturel. Quelques centaines de mètres plus loin, il me dépasse en me donnant une tape amicale « bravo, tu as super bien couru, ne lâche pas ». J’avoue en retirer beaucoup de plaisir (ces mots sont justes ceux que j’avais besoin d’entendre) et une vague répulsion (s’est-il lavé les mains ?).
Plus que 10 km. Sur les ponts, les gendarmes arrêtent la circulation pour nous laisser passer, c’est d’autant plus gentil que nous sommes isolés. Les bénévoles du ravitaillement s’affairent : les marathoniens vont arriver, et ils sont pressés ! Ca me rappelle une plaisanterie : tu sais que tu es cent-bornard quand tu fais des marathons pour bosser la vitesse. Les voilà, ces marathoniens ! C’est vrai qu’ils vont à un autre rythme ! Mais ils n’oublient pas d’être sympas, combien d’encouragements ai-je reçu ?
Plus que 5 km. Mon allure est stabilisée, les kilomètres sont maintenant tous marqués, mais j’ai commencé le compte à rebours tous les 100 m maintenant. Encore 4km9, encore 4km8, … Retour dans Amiens, la maréchaussée me permets encore de passer tranquillement au milieu des automobilistes (heureusement car je ne suis pas forcément très lucide), puis j’aperçois le Parc de la Hotoie, très animé grâce au marathon, et au bout l’arche d’arrivée que j’atteins après 9h19.
J’ai le temps de savourer. Une bière, une douche, les kinés. J’appelle régulièrement Laurence qui me donne des nouvelles de mon frère : il court toujours, encore une douzaine de kilomètres. Je savoure une nouvelle bière en regardant l’arrivée des coureurs. Ambiance au combien détendue et agréable, de nombreux coureurs finissent avec leurs enfants qui nous offrent leur plus beau sourire. Je ne m’en lasse pas. J’apprends que je suis 3ème M1 de la course open, mais il n’y aura pas de podium, ca me semble normal vu le nombre de coureurs (du championnat) étant arrivés avant moi. L’œil rivé sur la ligne d’arrivée, j’entends les podiums du championnat de France et la Marseillaise qui les accompagne, souriant à l’étonnement des coureurs qui arrivent à ce moment-là.
Qu’ai-je ressenti lorsque Laurent paraît ? Beaucoup de choses, mais pas de surprise, je le savais capable d’une telle performance. J’ai la fierté de lui remettre moi-même sa première médaille de Cent-bornard, lui donne une accolade fraternelle, et le plante là pour aller attraper mon train, le dernier pour Paris. Somme toute un beau weekend, disais-je.
Merci à Laurence pour les photos de paysage et à Laurine Photos pour celle des coureurs !
8 commentaires
Commentaire de Laurent V posté le 24-10-2019 à 20:06:23
Bravo pour ce récit, pour cette belle course et pour m'avoir entrainé dans ta folie.
Et merci pour la remise de la médaille à l'arrivée ;-)
Commentaire de marathon-Yann posté le 25-10-2019 à 11:00:52
comme a dit le bénévole à l'arrivée : maintenant que je t'ai fais découvrir l'ultra, tu n'es pas dans la m...
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 25-10-2019 à 17:59:07
Bravo à vous Yann et Laurent, le cent bornes c'est toujours une aventure.
Commentaire de marathon-Yann posté le 29-10-2019 à 08:49:37
Merci Lutin, c'est effectivement une aventure sans cesse renouvelée
Commentaire de stephane36 posté le 31-10-2019 à 15:33:16
bravo a toi
belle aventure humaine les 100 kms...
Commentaire de marathon-Yann posté le 12-11-2019 à 18:54:49
Merci Stéphane. Le 100 kilomètres est effectivement une aventure qu'il faut vivre !
Commentaire de augustin posté le 17-01-2020 à 14:54:44
canon ce récit, comme toujours! bravo Yann! Ai vu que tu sera à l'EcoTrail, j'espere qu'on se verra comme au marathon de Marne & Gondoire! A bientôt
Commentaire de marathon-Yann posté le 19-01-2020 à 17:10:59
Merci Augustin, et rendez-vous à l'ecotrail !
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