Récit de la course : La Montagn'Hard - 106 km 2019, par Sanderine

L'auteur : Sanderine

La course : La Montagn'Hard - 106 km

Date : 6/7/2019

Lieu : St Nicolas De Veroce (Haute-Savoie)

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Distance : 106km

Objectif : Terminer

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La Montagn'hard 100 2019

 

Avant propos : ce récit est très très long ... c'est pour me souvenir.

 

Avant la course :

 

J’avais terminé mon dernier récit sur le TAR 2018. Arrêtée à 5 minutes et quelques de la dernière BH du Delevret, au bout de 14 heures, j’avais écrit que je retournerais courir cette dernière portion pour finir la boucle ; j’ai menti (il commence bien, le récit...), je ne l’ai que skié plusieurs fois, lors de mes sorties de ski de rando...

 

Ensuite, pour terminer 2018, je m’étais inscrite aux Défis du Jubilé mi-octobre (63 km et 2 700D+), départ de Saint-Maurice en Suisse, avec mon mari. Départ à l’arrache totale à deux minutes avant le coup d’envoi (donné par un prêtre devant une abbaye), les dossards, récupérés 5 minutes avant, étaient déjà dans les cartons. Superbe journée avec mon mari, je l’ai fini et cela m’a même donné des points pour pouvoir m’inscrire à l’OCC (que je ne ferais pas car pas de chance au tirage au sort). Mais … à ras les pâquerettes des BH, sans mon mari pour me booster, l’aurais-je fini ? Sans doute que non.

 

Souvenir de cette course : mon mari : «Mais tu cours, là ??? Il faut courir maintenant» genre GROS CONSEIL A SUIVRE, alors que oui, je courrais bien à ses côtés ou tout du moins, j’en avais l’impression. «Désolé, mais je n’arrive pas à courir à côté de toi, tu as un drôle de rythme que je n’arrive pas à suivre» – gloups. Je n’avais pas bien vu la fin de la course aussi : presque 14 km de plat avant l’arrivée… Anyway ...

 

S’il ne m’avait pas poussé à la dernière descente, je ne passais pas la dernière BH, c’est sûr à 99,999 %. J’ai eu le mérite de lui faire découvrir un truc nouveau : regarder sa montre en course et s’intéresser aux BH. La question fût donc : «Est-ce que je sais courir finalement?» Le choc ! J’ai quand même écrit deux récits sur Kikourou :)

 

Il y a donc un truc qui ne va pas : l’entraînement.

 

Ayant 3 enfants, un boulot aux horaires atypiques mais qui me laisse tout de même des plages horaires intéressantes en semaine, j’ai toujours un autre truc à faire, j’ai du travail. Oui … mais … ça progresse pas des masses et je suis toujours dans les derniers. Une ou deux sorties le week-end, avec du dénivelé, (toujours), toujours les mêmes parcours, en mode (il faut bien le reconnaître) tranquillou / tranquille / quiet / peace / easy / relax / la nature est belle / etc. Pas toujours dans le rouge si vous voyez ce que je veux dire.

 

Avoir fini les 63 km et 2700 m de D+ mi-octobre était super mais finalement … me voilà de nouveau face à cette réalité, après l’arrêt du TAR : oui, ce sont des supers journées, des paysages fabuleux, je boucle la boucle mais il manque quelque chose. Je suis vraiment trop juste. Impossible de le nier. Autant tout faire en off ! Mais moi, j’aime bien le balisage et les ravitos des courses, c’est toujours ça de moins à prendre dans le sac.

 

J’entame donc l’hiver avec des sorties de ski de rando plutôt régulières pour entretenir cette endurance que j’aime tant … car jamais dans le rouge en fait. Je ne vais faire que de la rando pendant cet hiver 2018 – 2019. Depuis un certain retour en hélicoptère de mon mari lors d’une de ses sorties, je suis devenue méfiante/peureuse pour le hors-piste (que j’adore pourtant).

 

Je choisis des itinéraires balisés, comme celui pour la montée au Prarion depuis les Houches, pour un maximum de 850 m de D+ … C’est quand même pas beaucoup… Car j’ai bien dans l’idée de retenter la MH60 cette année avec un autre état de forme mais je ne change rien à mon «entraînement», prise par mes obligations professionnelles et familiales : cherchez l’erreur ! Bonjour le changement !

 

Et puis, je ne sais plus bien comment cela s’est enchaîné ensuite, dans cette période incontournable des inscriptions de début d’année, où c’est trop cool de cliquer pour une inscription sur une course, en ayant regardé le profil bien calé dans son bureau. Première nouveauté : la MH devient génératrice de points UTMB cette année. 5 points au chaud pour mon mari qui attend un départ UTMB depuis longtemps, il veut tenter la MH100 car « on ne sait jamais » (il a misé aussi sur l’Ultra Race d’Annecy, qu’il bouclera sans problèmes). Gestion des points, quand tu nous tiens.

 

Il m’entraine avec lui dans cette aventure : et pourquoi ne pas tenter la MH100 ensemble cette année ? Au début, c’est plutôt non (« t’es malade ? ») et puis à la fin, je vous passe les détails, c’est fait : me voilà inscrite pour la MH100 2019 avec en prime mon mari sur la même course que moi (« eh … tu cours, là ? Faut courir maintenant !»).

 

Gloups. Mes petites montées bucoliques / ski de rando ne vont pas suffire, ça, j’en suis sûre. Mes « entrainements sauce maison » (je fais du dénivelé et rien que du dénivelé) non plus : ma petite expérience m’a prouvé que c’était insuffisant, toujours trop juste. Ma préparation mentale de visualisation ? Indispensable mais ne remplace, aux dernières nouvelles, ni coeur, ni jambes. Il va falloir opérer LE changement. TADAAAAAAAAAAAAA !

 

Par où commencer ?

 

Je vais refaire le régime LCHF (régime lipides élevés et peu de glucides) pour être en mode endurance longue pour ce samedi 6 juillet. Mais il faut que je sois adaptée au moins 3 mois pour en avoir les bénéfices. L’année dernière, j’avais tellement galéré (et le mot est faible) pendant le début d’une course en n’étant en LCHF que 5 semaines avant, je ne veux pas revivre le même cauchemar en mode ZERO ENERGIE. Cette année, c’est décidé : je veux mettre toutes les chances de mon côté. Le premier but est de ne pas avoir de tendinite et de tenir le plus longtemps possible, sans trop manger. Je commence donc le régime LCHF le 25 mars 2019. C’est parti !

 

Deuxième point : il faut que je m’entraine vraiment, sérieusement. Oui, mais comment ? Je ressors un plan d’entraînement 100 km de Nature Trail sur 12 semaines, écrit par Philippe Propage. Vous qui me lisez, vous n’en avez plus besoin depuis longtemps mais on ne rigole pas, merci. Je n’ai jamais suivi un plan d’entrainement de ma vie. Il est écrit en préambule qu’il faut avoir validé les étapes intermédiaires avant de se lancer sur de telles distances. Je n’ai jamais fait plus de 65 km. Je n’ai pas validé 80 km par exemple. Mais il n’y a pas ce genre de format à Saint-Nicolas le premier week-end de juillet...

 

Le titre de ce plan est « Pensez à marcher ». Mais c’est parfait pour moi, ça ! Il a l’air super sympa Philippe Propage. Sur une seule page, 12 semaines de préparation s’étalent. Peu de petits bonhommes allongés sur un lit signifiant les jours de repos mais plutôt des nouveautés pour moi comme « Séance côte » et « Vitesse ». Pour la partie « Rando-trail » et « Marche », c’est mon rayon, pas de soucis, mais « Jogging facile » ou « Jogging vallonné », cela fait longtemps que je ne vais plus courir autour du lac à côté de chez moi et que dès qu’une côte arrive, je marche - pour garder mon énergie, même pour 2 h d’entrainement - même une pente à 1%.

 

Le nombre de séances est conséquent pour quelqu’un qui ne s’entraîne que le week-end mais il faut savoir ce que l’on veut. Car à force de se dire « je ne pourrais pas faire 4 séances par semaine », on n’organise jamais l’emploi du temps pour le faire. Avec le LCHF et le plan d’entraînement, si j’arrive à les suivre, je veux au moins me dire qu’en cas d’échec, j’aurais tenté ce qui était possible pour être à peu près préparée.

 

Suivre ce plan d’entrainement en débutant le LCHF n’est pas évident au début, car ce régime épuise les premières semaines. Mais malgré quelques gros coups de mou, je tiens bon. Je découvre les séances de côte. Très difficiles au début puis ensuite, je sens qu’il y a un véritable mieux : je cours, à ma vitesse, mais je cours. Je me tiens exactement au programme, limite à la minute près (j’ai dit qu’on ne rigolait pas). Il me permet de changer mes lieux d’entrainement. Je redécouvre des sentiers, j’en découvre des nouveaux et c’est … génial. J’essaie de varier et aucune monotonie ou de démotivation ne s’installe. C’est un bonheur que de suivre ce plan. Je reviens vraiment sur ce que j’avais écrit dans mon premier ou deuxième récit.

 

Les séances de vitesse sont très difficiles aussi (les plus difficiles). J’ai le regard fixé sur la montre quand il faut aller très vite, à la seconde près. Je découvre un univers nouveau. Les semaines allégées arrivent toujours au bon moment : il est trop fort ce Philippe :)

 

Je ne fais qu’une exception lors du week-end de l’Ascension qui est censé être une grosse semaine alors que nous partons pour le week-end prolongé. Je fais une exception aussi dans le régime à ce moment-là mais je ne suis pas une machine. Je rebascule quelques séances sur la semaine suivante sinon je le suis à la lettre.

 

Cela a un côté rassurant et je regarde souvent la dernière case du plan « ULTRA TRAIL 100 KM » écrit en lettres majuscules, comme une promesse. Si vous suivez le plan, ma bonne dame, le succès est garanti, c’est assuré. C’est écrit ! Toute une préparation de plusieurs mois pour une seule journée (ou plutôt deux !).

 

J’ai arrêté de compter le dénivelé alors que je ne jurais que par cela avant. Au tout début des « Jogging vallonné », je n’arrive pas à tout courir et, vient ensuite un jour où ça y est, j’ai couru 1h30 sans jamais m’arrêter. De petites victoires en petites victoires, je veux progresser. Beaucoup de plaisir dans cette préparation, de la difficulté à tenir quand même au début mais je mets un point d’honneur à faire toutes les séances (et même si cela ne va pas très vite parfois, au moins je suis sortie). J’apprends la régularité et la persévérance.

 

En semaine 8, le dimanche, il y a une « Rando-trail » de 5h de prévu. Le hasard du calendrier, couplé à un changement de séances dans le plan suite à l’Ascension, fait que je m’inscris à une course La Comblorane à Combloux (36km ; 2400 m D+) au tout dernier moment (en piquant l’idée initiale à mon mari, merci) : autant profiter du balisage et des ravitos.

 

Et là, je dis merci Philippe Propage. Je relance dès que je veux (quelle sensation inédite!!!), je suis en forme, et pour un format similaire à la Swisspeaks 35 de l’année dernière, je mets … 2 heures de moins ! (bon, c’était une course calvaire ZERO ENERGIE mais quand même). Le temps était pourri, pluie et nuages bas, le terrain super glissant mais ce fût un vrai bonheur, course très sympa en tous les cas.

 

Je ne finis pas à 10 minutes de la BH (ça tombe mal pour une fois, il n’y en avait pas !), je finis bien, en forme, avec l’envie de continuer, pas de lassitude, pas envie que cela se termine absolument. Je suis en LCHF à ce moment là depuis plus de 2 mois, le corps répond bien. Je teste même mes nouvelles chaussures Kalenji lors de cette course : elles accrochent très bien dans la boue. Je double en montée : je ne suis pas dernière : la ligne d’arrivée n’est pas sur le point d’être démontée : je n’ai pas vu de serres-files : les vieux démons semblent s’éloigner.

 

Mais il reste encore du travail car d’une, la préparation n’est pas terminée et que de deux, la MH100, ce n’est pas tout à fait le même ratio km/D+. Avec l’enchainement des séances, dont des séances de partie plate, je ne note plus du tout le dénivelé. Je coche juste d’une croix en mettant la date les séances réalisées.

 

Nonobstant, mon mari commence à me demander si je fais beaucoup de descentes car c’est cela qui fera mal sur la MH … et ben, quoi ?, qu’est ce que tu dis ? comment dire, pas tant que ça … Ce n’est pas trop écrit dans le plan de Philippe, en gros, rien n’est écrit sur le dénivelé, uniquement le type de séances et leurs durées. Du coup, ce n’est peut être pas ça le plus important dans la préparation ? On se rassure comme on peut.

 

Les trois dernières semaines, je dois composer avec les aléas climatiques traversés (tempête de grêle le samedi 15 juin – commune classée en catastrophe naturelle - et canicule 10 jours après). Je m’autorise donc des fusions de séances, à l’image du temps.

 

Pour la sortie le lendemain de la grêle, j’ai la très très fine intuition de faire un parcours dans la forêt la plus dévastée de la région : coup au moral de voir les arbres déracinés, donc mental en berne (bien bien, la préparation mentale, bravo !), jardinage intense, pas du tout fait ce qui était prévu, l’impression de tourner en rond.

 

L’avant-dernière sortie de 3 h, que je suis censée marcher, est une petite reconnaissance de la fin du parcours de la MH100. Départ des Chattrix, Mont d’Arbois, descente raccourcie sur les chalets du Mont d’Arbois à Megève, remontée à droite de la piste des étudiants (je ne connaissais pas), Mont Joux, descente.

 

Lors de ces petites reconnaissances, j’ai ma carte IGN (on ne rigole pas, je la fais à l’ancienne) car je me perds, je n’arrive pas à trouver les sentiers, je fais des détours parce que je dois traverser un champ avec des vaches, taureaux, chevaux qui, comme par hasard, dès qu’ils me voient arriver, se mettent à souffler fort. Même les oies que j’ai pu croiser parfois, ailleurs, … soufflent : elles doivent faire comme moi. Je n’aime pas trop ça, des bêtes d’une tonne qui soufflent (oui, par ici, les oies font une tonne).

 

Du coup, je fais plein de variantes en me disant «toi, le jour de la course, tu seras bien au chaud dans ton étable», un brin sadique, car je sens qu’il y aura la canicule. La suite du récit me fait à posteriori bien rigoler.

 

Arrivée au col du Christ, je pensais qu’on repartait pour l’épaule du Mont Joly, cela me paraît démesuré mais non, on redescend (en fait, je n’ai toujours pas compris si le parcours initial nous faisait remonter à l’épaule ?). Ces pistes, je les connais par cœur, c’est ma vie l’hiver avec mes enfants en ski alpin, c’est notre terrain de jeux en famille. C’est tout un bonheur que de les arpenter en ayant la forme, même si le coup de chaud de cet après-midi là a été compliqué à gérer.

 

Mon mari me pose quand même la question le soir où je lui raconte mon dernier petit parcours «Mille variantes» : «Mais t’as fait 2 000 m, là?». Pourquoi tu me parles de la côte 2000? Et vas-y qu’on se refait un petit calcul rapide «1 400!...SIC ». Un petit doute s’installe. Je fais bien ou pas bien question dénivelé ?

 

La préparation mentale est très présente aussi. A la question «est-ce que je vais y arriver?» s’ajoute aussi «est-ce qu’il va faire chaud?». Car cette avant-dernière sortie est faite sous le début de la canicule et ce n’est pas évident. Au moins, j’aurai fait un petit entraînement « four à pizza ». Je lis des astuces que l’on voit dans les magazines (« écrivez votre scénario »). Il est bien dans ma tête. Je n’arrêterai que sur blessures ou à cause des BH. Je veux trop la vivre cette course, même si le profil est complètement dément pour moi. Première nuit complète, première fois 100 km, il faut bien que je commence une fois, non ?

 

Et cette fois, c’est pour bientôt. Tous les coureurs que je verrais samedi l’ont bien vécu une fois. C’est mon tour. Mais quelle idée d’avoir choisi cette course pour une première ? Il doit bien y avoir des 100 km avec 100 m de dénivelé, non ?

 

8 000 m de dénivelé ? Impossible de se les représenter, même mentalement. Je découperai donc montées par montées le parcours. Tous les matins, quand je me lève, je vois le Mont Joly, et tous les matins, je pense à cette première montée. Puis, je vois à gauche le Prarion et devine à droite Megève. Oui, je vais le faire.

 

Je veux le faire.

 

La semaine avant la course

 

Autant j'ai bien aimé l'entrainement, autant la dernière semaine est plutôt compliquée. Le stress commence à monter. Je ne fais presque plus rien. Je pense beaucoup trop à la course. La veille, je ne suis pas super sereine. Je vais chercher ma dernière fille à l’école pour son dernier jour. Je rigole bêtement pour un oui ou un non dès qu’on me parle, je ne suis pas très nette ce dernier vendredi : il faut vraiment que ça commence !

 

Le soir, je vais chercher nos deux dossards avec mes enfants. Bien sûr, on me demande, alors que j’attends mon tour, si je suis la compagne du coureur devant moi. Non non, c’est moi qui court, ça se voit pas l’affutâge ?

 

J’évite de regarder les autres coureurs / coureuses : des tueurs. J’essaie de voir des casquettes Kikourou mais je sais d’avance que je n’arriverai pas à les aborder, c’est bête mais c’est trop intimidant. Je suis pas nette en plus, je suis trop stressée, cela ferait une belle entrée en matière, tiens. « J’ai rencontré une folle, elle a dit qu’elle avait déjà posté sur Kikourou, je me demande bien qui c’est ?, elle était pas très nette».

 

Le jour de la course

 

Levée tout de suite, petit déjeuner comme d’habitude (œufs, fromage, sel), tout est prêt, on y va ! On ne va pas partir avec la frontale car le jour se lève suffisamment. J’y suis. Mon mari la fait avec moi, en entier, cela me donne de la force. C’est lui qui me dit qu’il n’y a pas besoin de frontale, il regorge de détails pratico-pratique, cela me rassure de partir avec lui, il s’y connaît, il a l’expérience, j’en profite ici pour lui dire : Merci !!!

 

Le départ est donné et c’est le début. Assez vite, nous sommes les derniers. L’itinéraire a changé pour le tout début mais c’est pas grave. Il fait bon, je sens que ça va. Je ne sors pas mes bâtons ! Mais même si on est derniers, dès que la pente s’élève, on voit du monde.

 

J’ai vu plein de coureurs Kikourou au départ mais ma timidité fait que je n’ose pas me présenter. Je n’arrive pas à franchir ce cap, d’aborder une personne que je ne connais pas. C’est un peu dommage d’ailleurs car je vous lis si régulièrement… après coup, j’ai regretté ma timidité car j’avais reçu ici même un super accueil … mais je n’arrive tout simplement pas à me présenter, n’étant pas du tout active sur le forum.

 

La forme est là, tout se déroule bien. La montée au Mont Joly est tout simplement géniale, c’est super beau, c’est une idée parfaite de commencer ainsi. Le petit parcours en crête aussi. Tout est parfait dans ce début de course. Je l’ai tellement rêvé cette course, j’y suis. Je vois des coureurs Kikourou, je suis à côté d’eux et d’elles !

 

Au premier ravito des Tierces, je ne suis pas la dernière. La BH est à 8h40 et nous y sommes à 8h06 donc je ne suis pas à 3 minutes de la BH ! Ouf ! Il y a encore un peu de monde au ravito, ça me rassure (je suis traumatisée par les ambiances « on démonte dans 5 minutes ! »).

 

Je sens quand même une différence dans la gestion de l’effort. Déjà, toutes mes pensées sont tournées vers la gestion de cet effort. Je n’ai pas beaucoup pensé à autre chose que CETTE GESTION. A tel point que je vais avoir du mal à décrire les détails. Mon mari reste avec moi mais nous nous parlons peu.

 

Après le premier ravito des Tierces, on emprunte un sentier à flanc que je connais pour l’avoir déjà emprunté. Et là, qui je vois ?

 

Une énorme vache, bien au-dessus de nous. Le problème ? Elle commence à dévaler la pente à toute allure dans notre direction, oui, j’écris bien dévaler. Jamais vu ça ! Le parc est juste à côté, je l’emjambe rapidement. Même mon mari (qui les connaît bien, il est du genre à les tapoter et à leur parler) s’est demandé ce qu’elle avait cette vache à débouler aussi vite vers nous ; on aurait dit un chamois de 1 tonne qui souffle : tous mes ingrédients favoris réunis ! Elle a été capable de me sortir de mes pensées et elle m’a fait peur (je n’ai pas été la seule à me demander si elle allait pas foncer sur nous, on était sur son terrain et par ici, on ne rigole PAS avec les terrains).

 

C’est vrai qu’elle est longue cette descente mais sur le coup, je ne m’en rends même pas compte. C’est quand j’ai lu les récits que je me suis dit qu’effectivement, elle est assez longue. Je suis entièrement concentrée à avancer, à courir, des petites relances quand je le peux mais le temps passe d’une manière tout à fait inédite. Je sais que l’effort sera tellement long que j’ai comme coupé un canal de décompte du temps, ce qui n’est pas le cas habituellement. Remarquez que j’écris comme si je faisais 50 courses dans l’année !

 

Au Pontet, il est 9h54 et la BH est à 11h. C’est rassurant. Je m’alimente et bois bien, mon mari partage avec moi mon rythme, sans imprimer le sien mais j’ai l’impression qu’il me porte à un autre niveau. Si vous ne comprenez rien à ce que j’écris, c’est normal…

 

Toujours bien ce ravito du Pontet, où je revois une bénévole comme l’année dernière que je connais.

 

On repart du Pontet et je demande à mon mari s’il faut courir sur la partie plate. Il me dit que non, que la journée n’est pas finie (tu m’étonnes). Et nous entamons la montée pour atteindre le Bolchu. Pour moi, le Bolchu, c’est la tente, je veux voir la tente !!! Mais nous n’y sommes pas encore. C’est la partie de la course que je n’ai pas reconnu. Le col de la Fenêtre, c’est en rando à ski que je l’ai fait la dernière fois que j’y suis allée et pas par cet itinéraire.

 

J’avance en mode automatique. Il fait chaud mais la première partie est ombragée. La pente parfois est raide. Vers les pistes de ski de la Bûche croisée, nous remontons quelques coureurs qui accusent le coup. Ce n’est pas encore mon cas, cela arrivera bien tôt ou tard. J’ai finalement peu de souvenirs de cette montée. En boucle, dans ma tête, c’est que je n’en suis qu’au début ; je n’autorise pas mes pensées à aller au-delà du prochain ravito. Je ne me demande pas où est ce que nous en sommes par rapport au parcours global. La course ne fait que commencer !

 

J’en profite ici pour glisser que le balisage est absolument parfait. Les ravitos aussi, les bénévoles rencontrés jusqu’ici aussi. Je suis admirative du balisage : tout ça sur 100 km, c’est un travail colossal. Merci !

 

Au moment de voir cette fameuse tente que j’ai « lu », vu sur vos photos, une drôle de sensation m’envahit : elle est à ma portée. C’est sans doute un peu bizarre à comprendre, mais vous ne pouvez pas savoir ce que cela m’a fait ! Je vous ai dit que je n’étais pas nette.

 

Il est 12h35 quand nous l’atteignons après un passage en dévers qui a laissé des traces dans mes chaussures : je sens mes pieds et pas de la bonne manière. Je me pose au ravito, super comme tous les autres, boire de la soupe et manger du salé. J’y suis et j’y crois pas ! C’est une journée magique. Il y a encore du monde, certains sont allongés, il y a de la vie … et j’en fais partie ! Je n’ose pas rentrer dans la tente pour voir l’intérieur.

 

Nous rencontrons même un voisin à cet endroit, qui paraît étonné de nous voir tous les deux sur cette course (enfin surtout moi je pense!). On papote un peu, c’est rigolo.

 

On reprend jusqu’au col de la Fenêtre, que je n’ai jamais atteint par ce côté : c’est très très beau.

 

Ensuite, j’ai peu de souvenirs de la descente si ce n’est que je commence à sentir mes orteils dans mes chaussures ; elles accrochent très bien mais je crois qu’elles sont un peu trop serrées : je ne les ai testé que sur 36 km au mois de juin, sans doute pas assez, et en entraînement.

 

Et un truc nouveau aussi : des échauffements apparaissent vers les aisselles, à l’endroit de la manche du Tshirt, qui frotte et fera apparaître plus tard comme des griffures. Cela s’avère inédit, j’ai toujours le même Tshirt de course et même s’il fait chaud, ce n’est pas la canicule de 2015. Je vais commencer par me focaliser sur ce point précis de détail à la c... : cela me fait presque mal. J’ai juste changé de sac (avant, je prenais celui de mon mari) ; peut être que ce nouveau sac fait que je n’ai pas les mêmes mouvements au niveau des aisselles.

 

Pourtant je l’ai testé à l’entraînement mais pas assez.

 

Arrivés vers le plan de la Rollaz, je reviens en territoire connu. Pour mon mari, cela doit être la 150eme fois qu’il y passe depuis l’année dernière !!!

 

Concernant l’alimentation, pour l’instant, je me suis bien alimentée au ravito et j’ai consommé des barres et des compotes par ailleurs. Pour prévenir la montée qui nous attend vers Tré la Tête, je mange un peu de … saucisson. Cette montée, c’est la descente de la MH60 de l’année dernière, où une tendinite s’était déclenchée, cela avait été le début du calvaire. Je ne me souviens pas l’avoir déjà fait dans ce sens. Allez, il faut y aller, un peu de fatigue à ce moment-là apparaît.

 

Je suis toujours en mode gestion, c’est incroyable, je ne pense à rien d’autre que d’avancer. Mes pensées ne divaguent pas sur des sujets personnels, intimes ou autres, il n’y a rien d’autre que d’« éprouver » la course, dans tous les sens du terme.

 

Durant la montée, je suis surprise de voir quelques coureurs assis ou au téléphone ou en train de consulter leur smartphone. Je me demande ce qu’ils font. Et à un moment, un coureur nous dit que la course du 100 km va être basculée sur la 60 car il y a un risque d’orage annoncé.

 

Honnêtement, immédiatement, je n’y crois pas trop car rien n’annonce un changement de temps et je me dis que nous devons attendre une confirmation de la part de l’organisation, comme un SMS ou un bénévole qui nous le dit. Après coup, j’aurais dû me dire qu’il tenait l’info de l’organisation donc c’était bien officiel mais je devais être un peu fatiguée dans cette montée.

 

Puis très vite, je me suis dit que j’avais de la chance de faire une course pensée par des gens sérieux et pro car je n’ai aucune, mais vraiment, aucune envie de tenter le col du Tricot par temps d’orages par exemple. Habitant la région, je vois à peu près ce que cela donne un orage en montagne.

 

Sincèrement, je me dis que si la course devait s’arrêter après l’entraînement, le régime LCHF, et bien, ce serait une drôle de surprise : je n’avais pas du tout anticipé cela, un changement de parcours PENDANT la course. Avant, oui, mais pas pendant.

 

Puis, non loin de Tré-la-Tête, un autre coureur nous annonce encore qu’on bifurque.

 

Et à cet instant-là, c’est vraiment étonnant, le canal mental « 100 km » lâche. Mon mari et moi, nous asseyons pour regarder le téléphone, on appelle même nos enfants. Nous atteignons Tré-la-Tête et un bénévole nous annonce bien que la course est reportée sur le 60 km.

 

Mais c’est quoi déjà le parcours du 60 km ? Qu’est ce qu’il reste à faire depuis Tré-la-Tête ? Pourquoi j’ai pas regardé le parcours ? Comment gérer cette fin de course ?

 

Il nous propose le peu de bière qu’il reste, nous hésitons puisqu’il y a encore quelques kms mais nous acceptons. Même si c’est un fond, super sensation, elle est super fraîche ! Merci. Nous sommes pointés après le ravito à 15h.

 

Nous entamons la descente. Mentalement, pour moi, ce n’est plus pareil. Tout d’un coup, comme par hasard, j’ai super mal aux pieds dans mes chaussures beaucoup trop petites et mon Tshirt me fait souffrir le martyr au niveau des aisselles, à chaque mouvement, le martyr je vous dis. Comment aurais-je pu faire 100 km ?

 

Je ne vais même pas arriver à faire les 60 km à ce rythme.

 

Mentalement, c’est compliqué. Je ne me souviens plus de la descente dans la combe d’Armancette. Je n’ai pas d’images en particulier qui reviennent. Je suis complètement déboussolée par la marche à suivre. Le problème du T-shirt prend des proportions hallucinantes. Je ne focalise que là dessus. Ondes négatives, bienvenue !

 

Arrivée à la Frasse, une bénévole nous reçoit et nous indique que la course s’arrête là. Je suis déçue de ne même pas pouvoir refaire le 60 km et immédiatement après, soulagée vu l’état de mes pieds et des frottements (ont commencé à saigner). La course est arrêtée à la Frasse. C’est fini. On se regarde avec mon mari. C’est comme ça.

 

Tout s’arrête.

 

Mentalement, tout s’est arrêté aussi. On descend tranquillement vers les Contas attendre la navette, avec d’autres coureurs, plein d’humour et de bonne humeur. Mais même ça… encore du mal à le comprendre … j’aurais pu rentrer à pied à Saint Nicolas avec mon mari, tranquilles, on était partis pour 100 km après tout et bien non, comme tout s’est arrêté, je n’arrive pas à rentrer à Saint Nicolas à pied des Contas !!! En plus, nous connaissons bien les sentiers pour nous y mener : c’est quand même incroyable, non ?

 

On a bien rigolé dans la navette de retour, avec le chauffeur qui prend une petite route des familles, à fond la caisse, dans les rires et les commentaires des autres coureurs. Une super ambiance ! Bizarre d’arriver à Saint Nicolas par navette, alors ça : ce n’était pas du tout prévu.

 

Le soir, fin du LCHF … et fin du rêve !

 

L’aventure s’arrête ici mais elle a été source d’une multitudes de connaissances, sur moi et mon rapport avec cette activité.

 

Mon bilan « MH100 / 2 » :

 

- anticiper le fait qu’une course puisse s’arrêter pendant, mon mantra sera dorénavant : « je n’arrête que si je suis blessée, par une BH ou parce que la course est arrêtée »,

 

- courir avec mon mari, c’est génial ! Il me fait me dépasser. Merci à toute ma famille pour son soutien, pour tout,

 

- plus de 3 mois sans glucides, c’est quand même un peu long, je pense que cela m’a permis de pouvoir courir sans trop manger, pas eu de début de tendinite, mais j’ai du mal à évaluer les plus-values finalement. Je ne sais pas si je le referais,

 

- faire une course de préparation un mois avant et arriver à peu près normalement, donc gagner en confiance ; enfin, comprendre ce que « relancer » veut dire !

 

- un plan d’entraînememt pour quelqu’un de limite comme moi, c’est quand même pas mal du tout, surtout quand on a des résultats, merci Philippe Propage des conseils de préparation, c’est bluffant,

 

- c’est dommage après coup de ne pas avoir abordé les kikoureurs / kikoureuses, je suis sûre que cela aurait été très sympa (point à améliorer!),

 

- je n’aime pas les vaches qui se prennent pour des chamois,

 

- j’aime les trails et particulièrement, en montagne,

 

- j’ai acheté de la crème NOK peu de temps après, pour la première fois,

 

- j’ai changé de chaussures et elles sont extra,

 

- cette course est particulièrement attirante et belle, son parcours est tout simplement somptueux, c’est une course qui mérite tous les qualificatifs et son organisation est parfaite,

 

- je ne sais pas si l’année prochaine, il faudrait peut être essayer de terminer un 80 km avant de se lancer dans le 100, je crois même que j’en suis sûre,

 

- je ne sais toujours pas si j’aurais pu la terminer, et cela reste la grande question. Je n’ai même pas fait la moitié et je commençais à un peu fatiguer et avoir mal avec ce foutu T-shirt. J’aurais pu me changer à Bionnassay mais je n’y étais pas encore. Les cuisses auraient-elles bien tenues en descente ? Comment savoir ? Je pense que j’aurais dû faire plus de dénivelé. A la Frasse, tout ce qu’il restait à faire laisse rêveur (le Tricot, le Prarion, Plancert, retourner à Megève, revenir par la piste à côté des étudiants) … c’est tout de même … énorme …

 

- le mental dicte tout, l’envie d’une course aussi,

 

- merci au forum Kikourou et aux valeurs que vous véhiculez, cette bienveillance dans vos récits et vos propos, qui font du bien dans les vies que nous menons, et que je lis toujours avec assiduité,

 

- Prochain objectif : le trail des aiguilles rouges 2019 !!! La revanche de la BH !!! Ouais, ben j’y suis pas encore ...

 


 

2 commentaires

Commentaire de bubulle posté le 25-08-2019 à 11:42:47

Un jour tu y arriveras à venir faire coucou au départ, c'est sûr ! Bravo pour ce beau début de course qui était plus que prometteur et laisse évidemment un peu de regrets, certainement....mais comme il y a aussi plein de positif dans cette expérience, ce n'est que partie remise.

Bonne chance pour le TAR!

Commentaire de Free Wheelin' Nat posté le 25-08-2019 à 18:02:19

Quelle a été frustrante cette MH 2019, taf d'ac... Bon, la prochaine fois sera la bonne et les kikoureurs seront certainement ravis de mettre une tête de plus sur un pseudo ;-)
Profite bien du TAR!

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