L'auteur : marathon-Yann
La course : Grand Raid Ventoux - 100 km
Date : 27/4/2019
Lieu : Gigondas (Vaucluse)
Affichage : 1608 vues
Distance : 100km
Objectif : Pas d'objectif
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Un trail dans plus beau département de France ! C'est de cette façon – un brin aguicheuse- qu'Adrien m'avait vendu le Grand trail du Ventoux. 102 km, 5100 m de D+, une balade m'a-il assuré. Bingo, c'est vendu, cette balade me semble tellement cool que je m'autorise même à participer au marathon d'Annecy 14 jours avant, ce que je ne regretterai pas.
Merci les vacances, nous profitons de l'occasion pour explorer la région en famille. Maison du facteur Cheval, Cité du chocolat, Musée de la chaussure, famille et amis, avant même le début de la course la balade est un succès.
Nous retrouvons le vendredi Adrien et Clément, le troisième larron de la farce, et partons ensemble retirer nos dossards. Le retrait a lieu dans une cave à vins de Gigondas - tout un programme - et une bouteille nous est offerte. Nous allons ensuite à Venasque nous installer dans un gîte à proximité du départ. Proximité toute relative, la propriétaire nous indique vaguement le départ du chemin qui nous mènera en une demi-heure au départ, si on ne se perd pas. Avec un départ prévu à 5h du matin, nous acceuillons avec enthousiasme la proposition de mon épouse (la véritable héroine de cette aventure) de nous conduire en voiture à Venasque.
La nuit est courte (forcément, avec un réveil à 3h45) et rythmée par de fréquents réveils. Je me surprends à rêver que je cours, je cours non pas dans les montagnes qui nous attendent demain, mais sur le circuit parfaitement plat des 12h de Bures. Décidément, mon inconscient est aussi fou que moi ! A moins que ce ne soit sa façon de me protéger des 5100 m de D+ qui constituent une grande nouveauté pour moi.
Le réveil est facile, et lorsque nous sortons je suis aussi heureux de la température plus agréable qu'attendue que du ciel étoilé magnifique. Mon épouse nous dépose à Vénasque, nous avons juste le temps de rejoindre le départ et de poser nos sacs dans une camionette, avant d'entrer dans le sas pour écouter le maire qui s'est levé bien tôt pour discourir de la beauté du parcours et donner le départ.
Nous avions prévu de courir ensemble, mais dès les premières centaines de mètres nous nous perdons de vue, avant de nous engager dans des singles qui ne favorisent pas l'attente. De toute façon, à ce moment de la course nous avancons tous à la vitesse du coureur qui nous précède, me semble-t-il. Quand le chemin s'élargit un peu, Clément me dépasse et me dit qu'Adrien est juste derrière, je continue donc au même rythme.
Il y a toujours quelque chose de magique à courir à la frontale, et un sentiment d'émerveillement à voir le jour se lever progressivement, en core plus en montagne. Un côté chèvre de Monsieur Seguin, même si pour nous le combat ne fait que commencer. A ce sentiment s'ajoutent le plaisir de découvrir le paysage, qui me frappe d'abord par les odeurs qui me parviennent, et une réelle ivresse de courir en pleine nature. Au jour levé, je m'attends à voir Manon des sources dans les champs (je sais qu'Adrien me dirait que ce n'est pas le même département, mais je pense qu'il est un peu chauvin). En attendant d'en discuter avec lui, les sentiers sont bien agréables, et cette première partie parfaite pour courir.
J'ai beau avoir le sentiment d'en garder sous la semelle, toujours pas d'Adrien. Je lui laisse un message au premier ravito (km 24), mais ne voyant sa réponse que 4 km plus tard, j'en déduis un peu bêtement que j'ai 20 min d'avance sur lui. J'apprendrai plus tard qu'il a un peu jardiné sur cette première partie. En attendant je n'ai pas le cœur de patienter 20 min sur le bord du chemin à regarder passer les concurents, et continue donc à mon rythme.
Nous entrons dans les splendides Gorges de la Nesque. Je me régale, à regarder ces arbres recouverts de mousse et ces falaises creusées par l'érosion, même si pour la première fois de la journée le chemin met au défi mon vertige et ma peur du vide. La présence de deux secouristes en VTT ne me rassure qu'en partie ! Dans certains passages il faut mettre les mains, dans d'autres je descends sur les fesses, et mets les pieds dans l'eau pour traverser le cours d'eau qui est en bas des gorges. Nous remontons ensuite l'autre versant pour un passage qui n'est pas mon préféré !
La suite sera plus simple, et plus facilement courable. Je crois qu'entre la sortie des Gorges et le chalet Reynard, je ne ferai plus que doubler. J'ai oublié le cable de ma Suunto à Paris, et ai fait donc le choix – bien malgré moi – de courir sans GPS. A chaque ravitaillement je demande combien de kilomètres nous avons fait, où se situe le ravitaillement suivant, c'est largement suffisant et en harmonie avec mon état d'esprit de la journée. C'est cool, le trail ! C'est Game of Trail ! D'ailleurs, fait inhabituel, je prends le temps de sortir mon téléphone pour faire des photos ou échanger avec Adrien et mon épouse.
Après une belle descente, nous remettons vers le Chalet Reynard, qui correspond à peu près à la mi-course. Je me sens toujours en forme dans cette montée, alternant marche et course, et ne faisant que doubler. J'appelle mon épouse pour la prévenir que je pense arriver vers 11h30 au Chalet, où elle avait prévu de pique-niquer. Elle me réponds sur un ton un peu énervé qu'elle est en train de finir de nettoyer le gîte, et je me sens un peu minable de m'amuser dans les montagnes (qu'elle adore en plus) pendant qu'elle gère tout l'aspect logistique. Pas de trace non plus de ma cousine Juju (compagne d'Adrien), mais je croise au Chalet Reynard Clément, qui finit de se changer. On nous annonce -10 ressentis en haut du Ventoux ! Je prends moi aussi quelques affaires chaudes (c'est fou le bien que peut faire un petit bonnet!), pose ma traditionelle question aux bénévoles (qui me répondent que le prochain ravitaillement est dans 2 heures), et repars, juste après Clément, à l'assault du Ventoux.
Adrien à l'assault du sommet du plus beau département du Monde
Le paysage est lunaire, il ne ressemble à rien de ce que je connais. Des pierres et rien d'autre, c'est impressionant. Ce qui m'impressionne aussi (d'une façon moins artistique), c'est le chemin à flanc de montagne, qui fait réapparaitre ma peur du vide. J'avance prudemment et perds définitivement Clément de vue. Je regarde la vallée, magnifique en contre-bas, mais reste très concentré sur l'endroit où je pose mes pieds. Je pense à Adrien qui a mis des semelles « anti-cailloux » dans ses chaussures, et me demande si, telle la mer devant Moïse, les cailloux s'écartent de son chemin. En attendant je me félicite de mes Brooks, qui s'avèrent très confortables sur ce terrain. La neige fait son apparition sur les bords du sentier. Comme les bénévoles l'avaient annoncé, j'arrive en haut du Ventoux en 2 heures. Pas question de trainer, le vent est fort et la météo franchement désagréable. Je prends un bol de soupe, et m'engage sur un nouveau tronçon de 16 km de descente.
Ami skieur, lecteur cycliste, ne m'envie pas trop vite ! Sur les sentiers que nous empruntons, il y a tellement de pierres qu'il est impossible de courir. Après 4 kms enviton, les chemins deviennent plus courables, et j'en profite de nouveau (même si je m'égare une première fois, malgré l'impeccable balisage). Je suis sensible aux variations de la végétation, qui suit l'altitude. La descente vers Malaucène est interminable, mais se finit bien : à l'approche de ce ravitaillement, situé aux ¾ de la course, je vois mes enfants, qui m'accompagnent sur 100 m. Quel bonheur !
Je retrouve mon épouse et prends des nouvelles de tout le monde. Clément est passé une demi heure avant moi. Adrien est en souffrance, plus d'une heure derrière moi. Ils finiront tous les deux. Surtout, je suis rassuré de voir que ma famille s'amuse et passe une bonne journée. Gonflé à bloc, je repars pour le prochain ravitaillement, qui n'est qu'à 6 km de là, me dit-on.
Clément au km 76
La première partie est roulante, j'en profite pour échanger quelques mots avec Freeman. C'est assez rare, la plupart du temps nous sommes seuls sur les chemins, ce qui n'et pas forcément pour me déplaire. Nous grimpons ensuite une nouvelle colline, et je commence à m'inquiéter ; plus d'une heure que je cours, et pas l'ombre d'un ravitaillement ? Je suis devenu si lent que ça ? Pourtant, malgré les doutes, cette partie du parcours, avec ce sentier technique, la bruyère qui me griffe les mollets et la vue sur les dentelles, est celle que je trouve la plus jolie du parcours.
Après 1h40, j'arrive au point d'eau annoncé. On m'y annonce que le prochain ravitaillement est à … 6 km, au pied d'antennes que nous voyons au loin. A d'autres, on m'a déjà fait le coup ! Je pars donc d'un pas un peu flageolant, commencant à payer les efforts fournis depuis ce matin. Pour la première fois de la journée, quelques gouttes de pluie viennent nous rafraichir et rendre plus glissant le parcours. Je chute, puis me perds une nouvelle fois, avant d'être rappelé par un coureur. Le coup de moins bien se confirme. Nous grimpons une nouvelle colline, et j'arrive aux fameuses antennes, comprenant alors « qu'au pied des antennes » signifie « dans la vallée sous les antennes »... C'est reparti pour une descente prudente.
Dernier ravito. Je demande deux fois aux bénévoles la distance jusqu'à l'arrivée, ils me garantissent 11 km. Un peu découragé, j'appelle mon épouse pour lui dire qu'il me faudra encore 2-3h pour arriver, et pour me donner du courage j'allume la fonction GPS de ma montre. Je suis à la fois content de pouvoir enfin quantifier mon avancée, et assez lucide pour me féliciter de ne pas l'avoir fait plus tôt, tant cette façon de courir me fait perdre l'intérêt pour le paysage. Nous sommes pourtant dans les dentelles, une nouvelle merveille de la nature traversée par le parcours.
Nouvelle colline, péniblement franchie. Arrivé au sommet, il reste, à ma montre, 5 km, 1 heure environ. Pff. Et là, au milieu de nulle part, je vois arriver mon ado de fils, qui a remonté la file de coureurs pour venir à ma rencontre. Cette course est décidément extraordinaire, et sa beauté n'est pas que dans le paysage !
Mon ado me décrit les kms qu'il reste à descendre, et me dit plein de gentilles choses qui resteront entre nous. Après 3 km de descente, que je cours bien sûr (comment faire autrement?), nous retrouvons ma femme et ma fille qui se sont aussi avancés. Avec les enfants, nous finissons en courant sur des chemins plus agréables que jamais, nous faisant dépasser par quelques concurrents, dont la première féminine. Cela n'a aucune importance, je bois les encouragements de mes enfants et en profite au maximum. Derniers virages, derniers cailloux, et arrivée sous l'arche colorée, en 15h47.
Un organisateur me serre la main, et me donne un écusson à broder où je veux, me dit-il. Il aurait pu me remettre une médaille, une coupe ou une nouvelle bouteille de vin, je n'aurais pas été plus heureux, rien n'égalant les souvenirs de tout ordre qui resteront attachés à cette course, et que j'ai essayé maladroitement de retranscrire ici.
9 commentaires
Commentaire de Runphil60 posté le 05-05-2019 à 22:46:44
Bravo pour ta course et ton récit , CÀ me fait devivre la course !
Pour un coureur plutôt de route, tu réalises une belle course de trail ;-)
Content d’avoir partagé rapidement qq mots avec toi
Runphil60 avec une casquette de Freeman
Commentaire de Runphil60 posté le 06-05-2019 à 13:24:55
Bravo pour ta course et ton récit , CÀ me fait devivre la course !
Pour un coureur plutôt de route, tu réalises une belle course de trail ;-)
Content d’avoir partagé rapidement qq mots avec toi
Runphil60 avec une casquette de Freeman
Commentaire de marathon-Yann posté le 06-05-2019 à 16:54:37
Ah ben oui, mais si tu as une casquette de Freeman, comment je te reconnais, moi ? Bravo pour ta course et content moi aussi des quelques mots échangés.
Je ne vais pas me lancer dans une comparaison route/trail, mais je dois avouer que je trouve du plaisir dans les deux formes de course.
Commentaire de Ze Man posté le 06-05-2019 à 21:30:59
CR dynamique et entraînant à souhait ! Pure perf, bravo !
Commentaire de marathon-Yann posté le 10-05-2019 à 07:59:44
Merci Ze !Je ne sais pas si c'est vraiment une perf, en tout cas c'est une course à laquelle j'ai pris beaucoup de plaisir.
Commentaire de trailman83 posté le 11-05-2019 à 17:01:59
Merci pour ce récit qui montre bien les différentes parties du parcours.
On s'est peut etre croisés car je finis 6mn derrière toi. Si t'as vu un mec avec des Crocs aux pieds c'était moi :-)
Juste un conseil pour les prochains participants : ne pas sous estimer les derniers 25km. En théorie c'est quasiment plat par rapport au reste quand on regarde la coupe du parcours, mais en fait c'est plein de coups de cul bien raides avec aussi 2 montées de 350m+; et comme tu dis à certains endroits la végétation est agressive.
Commentaire de trailman83 posté le 11-05-2019 à 17:05:14
Merci pour ce récit qui montre bien les différentes parties du parcours.
On s'est peut etre croisés car je finis 6mn derrière toi. Si t'as vu un mec avec des Crocs aux pieds c'était moi :-)
Juste un conseil pour les prochains participants : ne pas sous estimer les derniers 25km. En théorie c'est quasiment plat par rapport au reste quand on regarde la coupe du parcours, mais en fait c'est plein de coups de cul bien raides avec aussi 2 montées de 350m+; et comme tu dis à certains endroits la végétation est agressive.
Commentaire de marathon-Yann posté le 13-05-2019 à 17:31:32
Ah non, pas vu de crocs, ca m'aurait marqué ! Avec tout ces cailloux, tu as survécu ?
D'accord avec toi, les 25 derniers kms ne sont pas facile, j'ai été surpris en regardant le profil de la différence entre le ressenti et le modeste D+ annoncé
Commentaire de trailman83 posté le 13-05-2019 à 21:32:41
J'ai tellement bien survécu que personne ne m'a doublé ni dans les cailloux ni dans les descentes :-)
J'avais un doute sur la descente de 1500m- (une première pour moi en Crocs) mais c'était nickel : pas un échauffement ni douleur. Mieux qu'il y a deux ans avec de "vraies" chaussures.
J'ai d'ailleurs eu droit à une photo finisher des chaussures à l'arrivée (elle est dans l'album photo des arrivées)
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