Récit de la course : Marathon de Séville 2019, par marathon-Yann

L'auteur : marathon-Yann

La course : Marathon de Séville

Date : 17/2/2019

Lieu : Séville (Espagne)

Affichage : 920 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Sur les remparts de Séville

Même si Séville évoque inévitablement un air de Carmen, ce n'est pas une Espagne d'opérette qui s'offre à nous pour ce weekend andalou, mais une Espagne authentique, proposant du jambon au petit-déjeuner, des orangers généreux, des ruelles étroites, une cathédrale sompteuse, des palais de cet incomparable style mudéjar -tout en finesse (à la différence de mes récits), qui ne peut que laisser admiratif. Une Espagne qui pousse l'authenticité jusqu'à inviter une confrérie de chanteurs pousser la sérénade sous nos fenêtres, tard la nuit qui précède le marathon. Moments magiques.

 

Le jour n'est pas encore levé quand je rejoins le départ, situé depuis cette année près de la plazza d'Espana, en plein centre-ville. Une armée de concurents silencieux, pour la plupart vétu du coupe-vent rose offert par l'organisation, converge vers les consignes. L'heure est à la concentration, nous sommes loin des plaisanteries bruyantes de l'avion, ou de l'efferfescence perceptible en ville le samedi. Les consignes. Le lieu,où, pour reprendre les mots d'Olivier Cabera, on se sépare du secondaire (portefeuille, clé de voiture, vêtements, etc) pour courir à l'essentiel (sa compétition et son rendez-vous avec soi-même, dans sa nudité la plus totale).

L'accès aux sas est rapide et bien organisé. Si j'annoncais prudement avant la course – m'en convainquant presque – que je voulais faire simplement du mieux possible, il y a des signes qui ne trompent pas : j'ai mis mon maillot rouge de l'Ecotrail, avec lequel j'ai déjà battu deux fois mon record sur marathon. Dans mon sas « 3h à 3H15 », je suis d'ailleurs l'un des rares coureurs à ne pas avoir un maillot de club. Je veux faire quelque chose aujourd'hui, et pour ça une stratégie bien assumée : me coller aux basques du meneur d'allure 3h, et rester avec lui le plus longtemps possible. Simple.

Stratégie qui manque de faire long feu : dès le départ, pris par le trafic, je vois s'éloigner ce gros ballon bleu. Je profite de l'avenue large, le long du Guadalquivir, pour me rapprocher de l'objecif. Nous passons ensuite sur un pont pour entamer une première boucle d'une douzaine de kms. La météo est idéale, les larges avenues bordées de palmiers ou d'orangers sont roulantes, le public bien que peu nombreux ici ne manque pas de nous encourager, il n'y a qu'à rester près du ballon bleu. Basique.

 

photo : site de la course

Cette première boucle passe rapidement. Signe qui ne trompe pas, je ne suis pas distancé aux ravitaillements (qui ne proposent que du liquide, ce qui me convient bien). Autre signe positif : je cours « tête haute », assez lucide pour regarder le paysage et mes compagnons de course. C'est du sérieux ! Ca ne discute pas, ca joue même des coudes dans les virages. Parmi eux, un coureur se distingue, déguisé en boxeur. Son short est adapté à la course, mais l'on devine que son casque va lui tenir chaud, et c'est un spectacle particulièrement distrayant de le voir essayer d'ouvrir ses gels avec ses gants. Enfin, dernier signe positif : je vois partout des signes positifs.

 

Olé ! photo : site de la course

Fin de la première boucle. L'ambiance est ici indesccriptible, la foule qui était venue pour le départ se masse de part et d'autre de la route, ce ne sont pas des spectateurs mais des afficionados qui nous portent littéralement. Je dois me freiner pour ne pas dépasser le ballon 3h.

J'étais parti de la même manière à Pise, il y a deux mois, mais avait préféré lâcher le meneur d'allure 3h dès le 13ème km, me sentant en sur-régime. Il faut dire d'avec un record sur semi en 1h29, j'ai peu de marge ! Mais pas question de lâcher si tôt aujourd'hui. Visons la lune, quitte à nous retrouver dans les étoiles. Et la lune a aujourd'hui la forme d'un gros ballon bleu. 

Surprise au Km 18. Après un nouveau ravitaillement, le ballon 3h a disparu ! Son porteur est toujours présent, je ne sais pas s'il s'en est débarassé volontairement ou non, et ne parlant pas espagnol je n'ose pas lui demander. Je surveille ma montre : 10 sec de perdues au Km 19. Je prends la décision de me débrouiller seul. Enfin, seul...Il y a une belle densité de coureurs à ce rythme, dont notre boxeur. Je choisi ceux qui ont la meilleure tête et me mets dans leurs pas.

 

Semi passé en 1:30:25, toujours dans le bon tempo. Je me donne comme objectif de rester 10 km comme ça, espérant que la perspective d'améliorer mon record, voire d'atteindre les 3h, me donne l'énergie d'aller au bout. Et comme je suis décidément un garçon positif, je goute au plaisir de courir librement, à la sensation, sans avoir un suivre un bête ballon bleu...

 

Km 25. Nous sommes dans une partie moins touristique de la ville, mais les spectateurs ne manquent pas. On sent que les coureurs locaux sont attendus par les copains, qui n'hésitent pas à les accompagner sur quelques centaines de mètres. Je verrai plus tard que ces kms seront les plus rapides de la course. 

Km 30, passage au pied d'un des stades de Séville, celui du Bétis, dont la mascotte nous tape dans les mains. Est-ce le fameux stade du France-RFA de 1982 ? Pas de tragédie (sportive) aujourd'hui, mais les choses deviennent plus dures... A partir du km 33, je commencerai à perdre 15-20 sec/km. Sans que je sache qui de la tête ou des jambes lâche en premier, l'objectif « sub 3h » est abandonné ; reste l'objectif « record personnel » (3:04).

Retour vers le centre-ville, et passage par la splendide plazza d'Espana. A chaque km, j'affine mon pronostic : 3:07 ? 3:06 ? 3:05 ? 3:04 ? Ces calculs me motivent et me tiennent compagnie. Je saute le dernier ravitaillement pour gagner quelques secondes, fait attention à ne pas me vautrer dans les rails du tram, passe sans un regard devant la cathédrale. Plus que 500 m ! L'ambiance est indescriptible, mais je ne vois que mon épouse que j'embrasse. Elle me dira plus tard avoir mis des boules quies à cause du bruit. 200 m ! Je crie « Vive le Roi » pour respecter une tradition séculaire (que j'ai découverte la veille en lisant Zatopek), et franchi la ligne en 3:03:41, nouveau record.

 

La fierté viendra plus tard. A l'arrivée, je suis simplement... fatigué. Je félicite mon boxeur, qui me demande de remplir un (long) formulaire pour le Guinessbook : il vient de battre le record du monde du marathon couru déguisé en boxeur, et a besoin de témoins. Il est venu d'Australie pour ça !

 

La suite est délicieuse. Je retrouve mon épouse, et nous déjeunons de tapas, en regardant passer les derniers coureurs. Jeunes ou plus agés, souriants ou grimaçants, à leur niveau ou blessés, tous ont l'admirable volonté de finir, y compris après le passage de la voiture balais. Du balais au palais, il n'y a qu'un pas : nous nous retrouvons avec mon frère Laurent et Ophélie - auteurs de belles courses eux aussi - pour la visite de l'Alcazar, splendeur des splendeurs. La course est déjà loin, mais ce weekend est inoubliable !

 

4 commentaires

Commentaire de Ze Man posté le 25-02-2019 à 22:34:42

Quel chrono ! Bravo champion ! Toi qui voulais reprendre les bases de la gestion de course à ton dernier marathon... on peut dire que ça a porté ses fruits. Félicitations encore

Commentaire de marathon-Yann posté le 26-02-2019 à 13:06:02

Merci Man !
je pense que si je veux aller chercher les 3 heures, il faut que je bosse la vitesse plus que l'endurance. Pour ça, tu risques de me croiser de nouveau sur des 10 kilo et des semis ! Mais pour le moment, j'entame une série d'ultras

Commentaire de Gibus posté le 09-03-2019 à 18:23:26

Chapeau, quel chrono.
Pour le stade (Batiston contre Schumacher) je crois bien que c'est celui là.

Bons ultras

Commentaire de marathon-Yann posté le 12-03-2019 à 16:12:08

Merci Gibus ! Il y a tellement de stades à Séville que je me posais la question !

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