Récit de la course : Ironman de Lanzarote 2018, par Runfredo

L'auteur : Runfredo

La course : Ironman de Lanzarote

Date : 26/5/2018

Lieu : Lanzarote - Iles Canaries (Espagne)

Affichage : 676 vues

Distance : 226km

Matos : Cervelo S3

Objectif : Terminer

1 commentaire

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Ironman de Lanzarote 2018

J’ai pour habitude de faire des récits longs, je ne vais pas déroger à la tradition.

Après 3 ans sans Ironman et mon abandon à Atlantic City en 2015, je reprends un dossard pour l’Ironman de Lanzarote le 26 mai 2018. Pourquoi ce choix ? Parce que Rège y va pour la 3ème fois et que ça fait longtemps qu’il nous dit que c’est un des plus beaux triathlons. De plus, les quelques récits lus sur internet confirment que Lanzarote est une course à part, difficile à cause du vent et du dénivelé. De toute manière, cette course me fait rêver donc pas le choix, je clique rapidement pour ne pas avoir l’excuse de revenir en arrière. Il y a toujours un moment où il faut arrêter de réfléchir.

Depuis 3 ans, j’ai fait 2 half en touriste, Vichy et Miami en 2016, et la corrida de Noël en 2017. Autant dire que je manque un peu de références. J’ai néanmoins continué le sport en dilettante, au sein du club surtout, en coachant des groupes vélo le samedi matin et sur les sorties du groupe longue distance avec Rège.

Comme depuis mon 1er Ironman, je propose à Sébastien de faire ma préparation. Il connait très bien mes capacités, mes forces, mes faiblesses, mes états d’âme et j’ai une totale confiance en lui. Il est toujours à l’écoute de mes sensations et s’adapte en fonction de la situation. C’est très difficile comme mission. On commence donc ensemble en novembre et nous avons 7 mois pour réussir notre objectif.
 
Les rookies et cie
 
Je ne vais pas vraiment lui faciliter la tâche. Je ne fais pas de compétition de préparation, pas de stage et pas de sortie spécifique avant Lanzarote. Pour compliquer le tout, les conditions météo sont désastreuses depuis novembre et une bronchite me met à plat pendant 3 semaines en fin d’année. J’arrive à suivre la préparation dans les 2 derniers mois en sortant malgré une météo parfois désastreuse et surtout grâce au soutien d’Anne-Paule et des rookies. Anne-Paule, Laurent, Jean-Phi et Bruno m’accompagnent sur quasiment toutes les sorties durant le mois de mai. Mes potes trailers sont également là de temps en temps. Merci à vous.

Bizarrement, autant le début de la préparation me parait laborieux avec cette sensation que ça ne décolle pas, autant sur la fin, je n’ai aucune lassitude. Je n’ai pas eu de gros coup de fatigue comme j’ai pu en connaître dans mes préparations précédentes. Je pense que l’absence de compétition durant la préparation m’a permis de garder de la fraîcheur. Avec le recul, je ne suis pas sûr qu’une compétition 3 semaines ou 1 mois avant soit utile. On en sort fatigué, il faut récupérer et ça marque un coup d’arrêt dans la préparation. Enfin c’est mon avis.
A l’approche l’événement, je sens que je suis en forme. Je suis affûté, j’ai perdu 6 kg et j’ai de très bonnes sensations. Je ne vais pas vite certes mais j’ai une bonne caisse qui me permet d’aller loin. Et c’est l’objectif final, finir la course en profitant au maximum, l’idéal étant de ne pas terminer dans un sale état.
 
A l'entrée du club La Santa
 
Nous arrivons à Lanzarote le jeudi en fin d’après-midi. On part direct de l’aéroport au retrait des dossards qui se fait au club La Santa de l’autre côté de l’île. C’est une première découverte des lieux et je ne suis pas déçu. Nous sommes sur une île volcanique sans aucune végétation et les routes sont parfaites pour le vélo. On arrive juste avant la fermeture, il y a encore du monde mais ça se passe bien. L’ambiance Ironman est toujours aussi particulière. C’est un concours de sacs Ironman et de t-shirts finisher. Tout ce décorum peut sembler superficiel mais il ne faut pas s’y tromper, les triathlètes sont des dingues de sport et vont faire au moins 10 heures d’efforts.
 
Parc à vélo sur la plage, la classe

Le vendredi matin, je décide de faire une petite reconnaissance vélo sur les 10 premiers km histoire de tester le remontage de la machine. J’ai du mal à tenir le vélo avec le vent latéral et il y a une belle côte au bout de 5 km. Je prends un méchant coup de pression. Rège passe me prendre dans l’après-midi pour déposer les vélos et les sacs. Je stresse tellement que je n’imprime pas mon numéro de dossard. Je focalise sur le 1562 au lieu du 1561. Je multiplie les allers-retours pour réparer mes conneries et vérifier que tout est OK, j’en oublie même un bidon dans un coin. Je débloque complètement, je n’ai jamais été dans cet état.

La dernière nuit est horrible, je ne dors quasiment pas. Je suis en mode panique. Plusieurs fois, je dis à Anne-Paule que j’ai peur de ne pas aller au bout. 4h40, on va sur le départ avec Rège, Linda et Anne-Paule, j’ai le trouillomètre à zéro. Il fait nuit, l’ambiance sur la course est indescriptible, cette course est un mythe, j’ai l’impression d’être sur un truc trop grand pour moi, de ne pas être à ma place...

Oh le sourire crispé !
 
Direction la plage, je reste dans mon sas d’1h10. Anne-Paule est à mes côtés. J’ai le cœur serré, les émotions refluent et les larmes embuent mes lunettes. Le départ est donné après un compte à rebours du speaker sur « we will rock you » des Queen et la masse des 1800 triathlètes s’élance. Pas de rolling start, le départ se fait à l’ancienne, en courant sur la plage. Tout le monde se dirige en même temps vers la 1ère bouée dans une cohue indescriptible. Je pars sur la droite et décide de faire la bordure extérieure. L’eau est claire, un peu fraîche mais bonne et c’est un vrai bonheur de nager. Je sens le gout salé dans la bouche. Je pars un peu trop vers le large et je vois le peloton s’éloigner sur la gauche. Mais je m’en fous, je me sens tellement bien que je resterai des heures à faire des ronds dans l’eau. Malgré la densité des nageurs, tout s’est bien passé, il n’y a pas eu de bagarre. Un mec s’est même excusé quand il m’a donné un coup en faisant de la brasse. Les passages de bouées se font dans le calme.

Premier tour avant la sortie à l’australienne. Je check mon chrono, 37’, parfait ! Il y a la foule sur la plage. Avec ce monde, j’ai peur de ne pas voir les filles. Mais je me sens super bien, je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner. En redescendant dans l’eau, j’aperçois Linda et Anne-Paule, le soulagement. Petit coucou pour rassurer ma chérie et plouf, c’est reparti. Je travaille un peu mieux la trajectoire pour faire un tour plus propre. Bof, l’orientation n’est pas terrible, je mettrai 1h15 pour faire 4200 m à ma montre. J’ai vraiment dévié mais je suis content de mon temps. J’aurai au moins évité le bouillon.

T1 en 13’. J’ai beau tout faire pour aller vite, c’est le bordel. Je fais tout dans le désordre, j’oublie de trucs et au final, je perds du temps bêtement. Le coach va me tuer…

Le plat de résistance

C’est parti pour le gros morceau de la journée, 180 km de vélo avec 2800 m de dénivelé et surtout du vent. Il n’est pas exceptionnel cette année mais il est bien présent. Le premier défi est de réussir à sortir de la plage par une sorte de rampe très sèche. Heureusement, ils ont mis un tapis à cet endroit pour que les chaussures accrochent. Je dois être une des rares personnes à ne pas avoir de prolongateur. J’ai décidé de rouler léger et de mettre les mains en bas des cocottes en cas de besoin. Mon objectif est de gérer le vélo, de profiter des paysages et de rentrer relativement frais. Je retiens une phrase de Linda « de toute manière, dis-toi que tu pars pour une longue journée ». Tu m’étonnes…

Après avoir longé la côte sur 3 km avec le vent latéral, on se dirige vers le nord direction la route qui nous mènera vers Yaiza au sud-ouest. Avant cela, nous remontons vers Tias par la côte reconnue la veille, elle n’est pas très large et elle grimpe fort avec le vent de face. J’ai déjà tout mis à gauche sur le 36/28 et je mouline sans me mettre dans le rouge. Malgré tout, je double du monde. Puis, on bifurque vers l’ouest direction El Golfo pour faire une boucle le long de la côte. On a le vent dans le dos dans une longue descente. Je suis à 50 km/h sans pédaler. On croise les premiers qui ont terminé la boucle avec le vent de face. J’ai l’impression qu’ils font du surplace, le retour va être dur.

Beaucoup de plaisir sur cette route

On tourne à droite plein nord vers El Golfo et on se retrouve de nouveau avec le vent dans la figure. Ça remonte légèrement sur une route très sinueuse. La côte ouest est magnifique. Les marais salants, les petits ports de pêche et la côte escarpée taillée dans la roche volcanique en mettent plein les yeux. La route est belle et j’en profite un maximum, tant pis pour le temps final. Le revêtement est parfait, j’ai l’impression que la route est taillée dans la lave. Nous passons devant le surprenant lac vert que nous visiterons le lendemain avec la Rège Team.
 
 
 
La célèbre route vers le parc de Timanfaya

Une fois la boucle effectuée, on redescend au sud-est sur Yaiza puis on remonte vers le nord de l’île encore face au vent direction le parc national de Timanfaya. C’est une longue ligne droite ponctuée de petites bosses qui montent progressivement vers le village de Mancha Biancha. Ce passage est mythique. Par contre, c’est dur, on prend beaucoup de vent et la moyenne chute de nouveau, flûte...

On passe devant El Diablo qui semble nous lancer un sort. M’en fous, j’aurai ta peau.

El Diablo ! Même pas peur !

 
Là je ne sais pas où je suis mais je pédale

Ensuite, on redescend vers le sud pour attraper une route qui nous amènera vers Teguise. Nous avons le vent dans le dos, c’est une succession de mini-cols sur une nouvelle route rectiligne au milieu des volcans. Je suis tout le temps en prise avec ce parcours, magnifique mais terriblement exigeant. N’étant pas un cycliste puissant, j’ai l’impression de n’avoir aucun répit, heureusement que les paysages sont à tomber par terre. Bon c’est sûr qu’il faut aimer les volcans...
 
 
 
Un petit coucou à ma chérie

Anne-Paule me fait la surprise d’être présente au 73ème km dans la petite ville de Masdache sur la route qui mène à Teguise au nord-est de l’île. En tout cas, ça me fait un bien fou. Je lui souris même si intérieurement, je suis un peu moins serein. La route vers Teguise est difficile. Nous avons le vent de ¾ face. Ma moyenne ne décolle pas. C’est encore une succession de montées et de descentes qui font mal aux jambes. L’ambiance à Teguise est géniale. Il y a plein de monde. Je ne connais pas du tout le parcours, je le découvre au fur et à mesure. J’ai vaguement lu un récit qui parlait de miradors et d’éoliennes et je vais vite comprendre pourquoi…

Après Teguise, nous nous dirigeons en direction du mirador Del Haria ou de Los Valles, c’est selon. Nous abordons une côte assez raide et longue. Le vent n’est pas trop gênant car nous sommes abrités par la montagne. Je n’ai pas fait la moitié du parcours et j’ai l’impression que je roule depuis des heures. En fait, c’est exactement ça ! Je passe les 90 km dans la montée en 4h15 ! Aïe ! La pente s’accentue encore le long d’une petite route à flanc de montagne. En haut, j’aperçois 4 éoliennes qui tournent plein pot. Nous prenons un premier virage en épingle, je dois être à 10 km/h mains posées sur le cintre tout en force, sur le 36/28 bien sûr. La vache. J’approche d’un second virage en épingle juste sous les énormes éoliennes.

Et là, je comprends tout. Nous laissons derrière nous les éoliennes pour se prendre une côte de 300 m à +10% vent de face. J’aperçois des triathlètes au loin qui la font en marchant. Je suis debout sur les pédales à 7 km/h mais hors de question de marcher. J’arrive en haut carbonisé et encore sous le choc. Le pire, c’est que ça continue à grimper, moins fort certes, mais nom d’un zèbre, ça ne s’arrête jamais ! J’arrive ensuite dans la zone de ravitaillement perso où m’attendent 2 sandwichs. Je perds du temps à poser mon vélo, à trouver mon sac et à manger un sandwich que je n’arrive même pas à avaler. Le temps de comprendre mon erreur, je balance le tout et je repars dans une première grosse descente.

Je suis énervé, je m’en veux. Du coup, je ne calcule pas dans la descente. Je ne suis jamais descendu aussi vite. Il faut dire que nous sommes sur une petite route très propre taillée dans la roche et c’est tout simplement somptueux. C’est le méga pied de pouvoir lâcher les freins et de se relâcher un peu. Petite précision importante, le parcours est 100% sécurisé sans voiture. C’est vraiment un luxe de rouler sans la peur de se retrouver avec une voiture face à soi et du coup, je coupe allègrement tous les virages, ça change tout. Banzaï !

Nous arrivons au village Del Haria, village réputé pour son harmonie avec la nature. Il est lové au cœur d’une vallée, bordé de palmiers et joliment décoré de fleurs violettes. Bon, ça c’est dans mon récit mais je n’ai pas temps d’en profiter, je peste surtout à cause d’un nouveau coup de cul à la sortie du village. Puis, c’est un second coup de cul avant d’attaquer le deuxième gros morceau de la journée, le mirador Del Rio. Ces miradors servaient à repérer les pirates qui dévastaient régulièrement les villages. Les villageois se réfugiaient dans les grottes naturelles. Encore une fois, je découvre tout cela dans la course car je n’ai pas étudié le parcours. Là aussi, j’ai vaguement lu qu’après cette montée, tout était plus facile. Tant mieux car je commence sérieusement à être entamé et ma moyenne reste effrayante, au ras des pâquerettes.

L'île de la Graciosa

La montée vers le mirador Del Rio se fait à flanc de montagne, sur une petite route bordée d’un muret en pierre. C’est magnifique. Nouveau choc visuel lorsque je découvre la vue panoramique sur l’île de la Graciosa au nord de Lanzarote. C’est majestueux, l’île est bordée d’une eau turquoise au milieu de l’océan. En haut du mirador au km 110 se trouve l’un des nombreux ravitaillements vélo. J’en profite pour souligner la qualité des ravitaillements de cette course et la gentillesse des bénévoles. J’avale des litres de boisson ISO au rythme de 2 gorgées toutes les 10’. C’est nickel.
 
 
Après le mirador, nous abordons une longue descente vers le village d’Arrieta (où nous mangerons avec Anne-Paule 2 jours plus tard dans un petit restaurant au bord de la mer, une vraie tuerie). Bref, là encore, je décide d’y aller franchement surtout que nous avons le vent dans le dos. Nous longeons la mer à l’est. Normalement, la légende dit qu’à partir de là, c’est plus tranquille et que le vent favorable fait nettement augmenter la moyenne. Il y a effectivement 10 km vraiment sympa en descente mais une fois en bas, la série des petites côtes continuent leur travail de destruction et on retrouve le vent en latéral.

J'ai le don de faire des tronches pas possibles à vélo

Mon moral en prend un coup. Chaque montée me rappelle que les cuisses ont déjà bien donné et je commence à avoir mal aux reins à force de tirer sur le cintre. Le pire est à venir. Nous tournons à droite vers le milieu de l’île direction de nouveau Teguise. Cette nouvelle montée fait très mal physiquement avec le vent de face. Moralement, je prends cher. On doit être au 130 ème km et il reste encore 50 km à faire. Un rapide calcul mental me mène à + de 8h de vélo voire même 8h30 ! Après Teguise, je sais que nous avons un aller-retour d’une douzaine de km vers Las Laderas. Heureusement, l’aller se fait en descente vent de face et le retour en montée vent de dos. Lors du demi-tour, un triathlète est allongé les bras en croix et je croiserai son ambulance sur le retour. C’est à ce moment là que ma montre décide de s’arrêter, au 140 ème km environ. La course aura eu raison d’elle. Moi je suis encore debout.

Quelque part sur le vélo...

Après l’aller-retour, c’est enfin le retour vers Tias, le village qui se situait en haut de la 1ère montée. Vente ¾ de dos, nous reprenons la route avec sa succession de montées/descentes. Seule la perspective de terminer bientôt me fait encore appuyer sur les pédales. Je suis abruti par le vent, j’ai l’impression qu’il est partout maintenant. Dernière descente sur la petite route sinueuse du début qui mène vers Puerto Del Carmen. C’est là que l’on voit le panneau 170 km. Plus que 10 bornes sur ce parcours taillé pour les costauds. Je laisse aller le vélo pour en finir au plus vite. Il reste 5 km consistant en une sorte d’aller sur les hauteurs de Puerto Del Carmen puis un retour le long de la plage. Je retrouve Anne-Paule et Linda, un peu sonné, avant d’entamer le marathon. J’aurai passé 8h02 sur le vélo. Sans ma connerie de ravitaillement perso, je passais sous les 8h. Ça ne change pas grand-chose mais cela aurait fait mieux.

T2 : encore 11’ à perdre du temps pour me changer complètement et me passer de la crème solaire. Avec un indice d’UV de 10, la protection est obligatoire. J’ai pourtant le sentiment d’aller vite mais le chrono est impitoyable. Désolé coach…

Ce n'est pas plat ! 332 m d'élévation !

Je suis tellement heureux d’en avoir terminé avec le vélo que j’ai hâte de commencer à courir. La cap est simple, il y a une grande boucle de 21 km qui longe la côte vers Arrecife en longeant l’aéroport puis 2 petites boucles de 10,5 km dans le même sens sauf que l’on tourne avant bien sûr. Sans vouloir chipoter sur le dénivelé, le parcours n’est pas plat. Les boucles sont ponctuées de petits faux-plats que l’on pourrait presque prendre pour des côtes lorsqu’on est complètement cuit.

Psychologiquement, je me dis qu’après la grande boucle, d’une part, j’aurai fait la moitié mais en plus, je pourrai découper le parcours en 2 pour rallier la ligne d’arrivée. La 2ème boucle sera la plus terrible et la 3ème la plus facile puisque je l’aborderai pour terminer. La consigne du coach est de courir tout le temps sauf aux ravitaillements où je pourrai m’accorder un peu de marche pour boire et manger. Classique mais efficace...

1er tour au soleil dans la joie et la bonne humeur

Départ donc sur la 1ère boucle. Tout va bien, les sensations sont plutôt faciles. Je pense courir à 10 km/h car n’ayant plus de montre, je n’ai aucune idée de mon allure et de mon temps. L’ambiance est terrible. Lorsque je démarre, les 3 premières féminines arrivent dans un mouchoir de poche. La 2ème est inscrite en GA, respect. Il y a plein de monde au bord de la route, beaucoup d’espagnols et d’anglais. Les encouragements fusent de toute part, j’essaye de faire un petit geste de remerciement à chaque fois. Je croise Rège alors qu’il va faire son 2ème demi-tour, il a donc 22 km d’avance sur moi avec son chouchou jaune. Il a fait un super vélo. Je mesure la différence de niveau entre nous dans cette discipline et elle est énorme.

Ensuite, vient le passage le long de l’aéroport. Il n’y a personne, c’est chiant et un peu longuet sauf si on adore voir décoller et atterrir des gros avions. Puis, on retrouve un peu de civilisation mais globalement, on est seul jusqu’au 1er demi-tour. Je passe au 10,5 km en 6’16’’ soit environ 10 km/h avec les arrêts. Au retour, je sens que ça commence à tirer. C’est très progressif mais je m’enfonce progressivement dans une fatigue générale qui m’envoie des petits signaux négatifs. Je vais néanmoins courir pendant 20 km car à 1 km du premier demi-tour, sur la dernière bosse, je marche… merde. Par contre, premier chouchou jaune, ça c’est bon.

Il faut savoir que lorsqu’on commence à marcher, c’est comme un poison qui se diffuse, une petite voix qui appelle à renouveler l’expérience le plus souvent possible. C’est insidieux, on gratte du temps sur les ravitos, quelques mètres à chaque fois, on profite d’une légère élévation pour se trouver une excuse foireuse. Je n’ai pas de douleur, je ne suis pas blessé mais je suis juste fatigué, pas cuit mais fatigué.

La 2ème boucle sera réalisée en mode alternatif. Un restaurant installe un stand de soupe au poulet sur le parcours, c’est une attention très louable mais je n’en ai vraiment pas envie. J’essaye d’actionner tous les leviers de la motivation. Le plus important, ce sont tous les soutiens que l’on peut recevoir, toutes les personnes qui vous suivent à distance et surtout celles qui poireautent des heures sur place. Une pensée pour Anne-Paule et Linda.

Grillé par les filles...

J’essaye donc de courir lorsque je passe devant les filles histoire de ne pas me faire engueuler, j’ai ma fierté surtout avec Linda et son mental de championne et Anne-Paule qui ne me laisse rien passer. Car au fond de moi, je sais que je peux courir, il suffit juste que je me fasse violence. J’aurai passé beaucoup de temps sur ce tour mais je n’ai que ce que je mérite. Deuxième chouchou, bleu cette fois-ci. J’ai envie d’embrasser la gentille bénévole qui me le remet tellement je suis content. Vu mon état, je ne suis pas sûr qu’elle en ait envie.
 
 
L'appel de la ligne d'arrivée

Dernière boucle, dans ma tête, c’est “Fredo tu vas finir Lanzarote et c’est tout ce que tu voulais”. Ce sont ces moments-là qui sont géniaux. Le sport fait parti de ces expériences qui procurent de telles sensations. Donc je profite, je remercie tous ceux qui m’encouragent, je leur souris, transformé par le bonheur de terminer. Les bénévoles sont toujours là à proposer leur “Agua ! Cola ! Iso ! Platano !”, ils ont été super. Je cours un peu plus, forcément le mental transcende le corps, c’est la fête à l’intérieur. Anne-Paule me propose de m’accompagner sur les 3 derniers km. C’est interdit mais elle coure derrière les barrières dans la zone des spectateurs. La nuit commence à tomber, il est bientôt 22h et je vais finir l’Ironman de Lanzarote. Canon.


Heureux !

Les 100 derniers mètres sont indescriptibles. La joie est énorme, je tape dans la main de Rège qui s’est faufilé le long des barrières, les bénévoles me félicitent et le speaker hurlent mon nom. Il y a même la bande habituellement réservée aux 3 premiers sur le ligne. C’est la 1ère fois que je l’attrape et je n’ai pas envie de la lâcher. Je passe la ligne en un peu moins de 15h. C’est fait.
 
 
 
Non je ne suis pas sur le podium ;-)

Je suis sur mon petit nuage et je plane. L’organisateur du club de La Santa, un vieux Monsieur me passe la médaille autour du cou. On me remet une couverture de survie et puis plus rien. La zone est petite, tout se passe en contrebas sur la plage. Je descends vite récupérer mon t-shirt car je n’ai pas envie de traîner. Des dizaines de pompes à vélo attendent leurs propriétaires. Un autocollant avec le numéro de dossard est fourni pour les pompes. Il y a plein de petits détails qui rendent cette course quasiment parfaite dans son organisation.
 
 
Un peu de promo

J’ai hâte de retrouver Anne-Paule et la Rège Team. J’ai envie de partager ça avec eux, de les remercier pour m’avoir embarqué dans cette aventure et surtout pour leur soutien qui est indispensable dans ce genre de course. La suite du séjour sera consacrée à la visite de l’île avec la découverte d’endroits magnifiques.
 
La semaine aura été en tout point parfaite si ce n’est que je mettrai une semaine à récupérer mon vélo. Au retour, nous voyageons à côté de Romain Guillaume et de sa copine. Il nous raconte ses mésaventures avec son vélo pas adapté et son abandon prématuré. C’est un grand champion d’une gentillesse incroyable, j’espère de tout cœur qu’il pourra rebondir à Nice afin de se qualifier pour Hawaï. D’ailleurs, mon vélo est parti à Nice avec Romain Guillaume, il en a eu marre de rouler avec un escargot comme moi. L’ingrat.

En conclusion, je fais un temps final de 14h56. J’ai perdu un temps fou aux transitions et au ravito perso. En natation, j’ai fait 4200 m, c’est énorme, j’aurai pu optimiser ma trajectoire. En vélo, j’ai toujours autant de mal à me rentrer dedans, je suis sans cesse sur la réserve. Sur la cap, j’aurai pu m’épargner les marches hors ravitaillement. C’est le mental qui a joué car je n’avais aucun souci physique mis à part une grosse fatigue générale. Bref, le temps importe peu, je n’y allais pas pour faire un perf de toute manière et je termine dans un état très bon. Donc, le bilan est très positif. Et il est tellement positif que j’ai une furieuse envie d’y retourner alors que je n’aime faire 2 fois les mêmes courses. Je laisse passer un peu de temps avant de prendre une décision. C’est vraiment une très belle course, parfaitement organisée. On sent l’expérience derrière tout ça avec une atmosphère particulière qui nous ramène aux sources du triathlon longue distance.

Je terminerai ce long récit avec les habituels remerciements : Anne-Paule et ma famille pour leur indéfectible soutien, Sébastien mon coach et ami qui a une fois de plus réussi des miracles avec une pensée affectueuse pour Elsa, la Rège Team pour ces quelques jours passés ensemble, les potes et les rookies pour m’avoir accompagné dans les sorties difficiles, le club d’Issy Triathlon et les coachs, Rège encore une fois qui organise le groupe longue distance et enfin toutes les personnes qui m’ont encouragé de vive voix, sur Strava, par mail ou les réseaux sociaux. Sans vous tous, rien ne serait possible.

Il faut avouer que ça en jette !

1 commentaire

Commentaire de Laurent V posté le 06-07-2018 à 12:31:17

Bravo. Très belle course et beau récit... qui donne vraiment envie de s'y confronter, à Lanzarote

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