L'auteur : mickarvignac
La course : Le Grand Trail des Templiers
Date : 22/10/2017
Lieu : Millau (Aveyron)
Affichage : 4012 vues
Distance : 76km
Objectif : Pas d'objectif
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MON TRAIL DES TEMPLIERS
Tout est parti d'une bouteille à la mer sur facebook : en janvier Stéphane lance un appel pour des personnes intéressées désirant participer aux templiers (et par la même occasion convaincre son frère).
Didier, karine, Christophe, Jerome le M. , Stevan et un "collègue " se portent volontaires . La vidéo de promotion me fait rêver, mais bigre c’est 76 kms en montagne quand même ! Je n'avais jamais fait plus de 42 kms jusque là. Le lendemain je participe à ma première course depuis 4 mois. Guénin, je souffre sur la fameuse côte de Manéguen. J'écrirais ce jour-là : on ne rêve pas des templiers quand on est pas capable de courir la côte de Manéguen.
Voir 7 personnes de la bande courir sans le journaliste attitré, j'avais envie vraiment d'être au cœur de l'action, quitte à abandonner.
C'est en juin, au matin du 58 kms de l'ultramarin auquel je m’apprête a participer, que j'apprends que j'ai un dossard. En effet, Jérome se désiste. La course du jour me confirme que j'en suis capable. Même si le dénivelé fait toujours aussi peur (3500 mètres).
ENTRAINEMENT
Dès mi –juillet, je commence l'entrainement. Christophe me suis peu après. La peur d'échouer nous oblige à prendre les choses au sérieux. Puis vient Stevan. Très vite les séances longues durent 3 à 5h. La difficulté réside dans la recherche de dénivelé. La montée de Ste Barbe au Faouêt restera un bon spot. Début septembre, Stéphane et son frère Jean vincent nous rejoignent. Le groupe apprend à se connaître et acquiert ses certitudes lors d'une sortie le long du gr341 de Quistinic à Hennebont.
Je dois aussi apprendre à marcher avec des bâtons. Un mois avant la course, nous avons droit à un cours accéléré de Jacques. C'était impeccable pour la suite, merci Jacques.
Le 1er Octobre le trail des mauves en vert du coté de Nantes, forme de répétition générale, fait figure de bon test: 63 kms en 1500m de dénivelé. Je le fais à la très cool (trop, je frise la première barrière horaire). J'y apprends la patience. Je finis très frais, un peu gêné de se faire féliciter. Restera un bon week-end, de bons moments de plaisirs. Jean-vincent se fait même flasher pour excès de vitesse par une relayeuse sur facebook.
MILLAU NOUS VOILA
Enfin le moment tant attendu depuis des mois. Le vendredi 20 octobre, nous prenons l'avion pour Montpellier . Au départ de Nantes, nous faisons connaissance de Thomas, le fameux collègue qui s'est greffé à l'aventure dès le début. A Montpellier, au bout de 10 minutes, Christophe très en jambes, se fait flasher avec notre véhicule de location.
Notre hôtel est rustique, perdu dans la campagne, mais il a le mérite d'être accueillant et proche de Millau. De suite, je marque l'endroit du coin de bar, ou je serai dimanche soir à boire ma bière.
Bonne ambiance le soir, je suis sérieux, d'autres non.
Le samedi matin, veille de la course, nous sommes deux à faire un petit échauffement, pendant que d'autres préfèrent randonner. Karine, la fille du clan, arrivé pendant la nuit par voiture, nous a rejoint. Nous faisons ensuite route vers Millau pour récupérer nos dossards. Bémol, le salon du trail est sympa mais il est à 1,5 km du parking (et de la ville), ce qui fait que l'on piétine beaucoup..
pendant le salon du trail
près du pont de Millau
Une fois rentré à l'hôtel, nous préparons nos sacs. Le mien est préparé depuis une semaine. Dans la chambre , Jean-Vincent tourne en rond tel un lion en cage. Il fait les 100 pas et aimerait commencer ce soir à 18h00. Moi j'essaie de me reposer. D'un coup Stevan se liquéfie.Il vient de se rendre compte qu'il a oublié sa poche à eau. "Ce n'est pas comme si Mickael nous avait pas envoyé une photo de ce qu'il faut envoyer "se moque Stéphane. Il en est quitte pour faire un allez-retour à Millau pour l'achat d'une poche à eau.
Christophe et Stéphane ont pris au salon du trail un décalcomanie du tracé: Christophe rate son tatouage: il le fait à l'envers (cîmes vers le bas). On a des pros du tatouages avec nous :)
Le soir, l'hôtel nous fait un repas spécial course. Juste avant je reçois des messages de ma famille. Mes filles ont fait des dessins pour m'encourager, c'est trop mignon, merci mes filles ! Par téléphone ma plus jeune me précise qu'elle m'a fait une crotte. Je ne comprends pas sur l'instant jusqu'à que je vois le message. Mes filles ont appris à envoyer des sms, ne sachant pas encore trop écrire, elles ont vite appris le smiley, et ce week-end elles ont trouvé celui du caca. Du coup j'ai droit à de nombreux sms... de Crotes. Est-ce prémonitoire ?
Le repas est copieux; je fais mon gourmand. L'ambiance est bonne, on se marre bien , mais il faut se coucher tôt car demain lever 4h00 ! 22h00 tout le monde est couché. J'essaie de dormir. Je n'y arrive pas, je n'aurais pas dû manger autant. Je fais la pré-course : le match avant le match, lunettes de soleil ou casquette de pluie ? semelles ou pas ? 4 ou 7 barres de nutritions ? Partir vite ou pas ?
Bon sang ! Et Stevan qui ronfle comme un sonneur ce soir ! arg !
Résultat : NUIT BLANCHE. Je n'arrive pas à dormir. Suis maudit!
4h00!! Bipbip mon réveil est brutal. Je mange mon gâteau sport. Je suis contrarié de n'avoir pas dormi convenablement. Les préparatifs sont laborieux. Hé oui, ce matin, Mickael est Chafouin (ha! Ha! comme tous les matins se moque Gwladys). Derniers préparatifs, je n'ai pas pu boire de thé comme je l'avais prévu à l'hôtel car dès que je descends , Karine complètement stressée me presse : Allez micka ! Il est 45 !!go go go !! Il fait très froid dehors, brrr, on est vraiment fou! Petit rappel nous sommes 7 a prendre le départ : Mickael, Steven, Stephane, Jean-vincent, Christophe,Karine, et thomas.
Voici en gros ce qui nous attends
A Millau, nous attendons la navette qui nous déposera ...500 m plus loin.
A 5h45, nous marchons au milieu de milliers d' ombres (2300 coureurs) dans la nuit en direction du départ. J'ai froid, je claque des dents, les autres ont des problèmes intestinaux. Je me dis que moi aussi je risque l'occlusion intestinale...
- Mickael ! Mickael ! Plusieurs fois, Jean Vincent me cherche dans la nuit pour éviter que nous nous perdions, mais je finis par les lâcher. Par chance j'aperçois des toilettes disponibles à quelque mètres du départ. J'en ressors quelques minutes avant le signal. Paniqué je vais tout droit, je débarque sur la route. Je comprends très vite que je suis au milieu des élites qui s' échauffent , c'est simple j'ai un camelback et pas eux... Je me dirige vers la ligne de départ en me disant je vais passer par là.. Pas trop clair dans ma tête.... Un dame surgit et me coupe la route et m'intime l'ordre de sortir de l'esplanade, sous les yeux d'un américain barbu amusé. Je m'exécute, je cherche mon sas et j'aperçois Karine qui me hèle. Je passe la barrière pour être à ses côtés. Nous attendons le départ prévu dans la minute.
Après un long psaume,c'est le silence. Ensuite l'hymne des templiers, la musique d'Era résonne. J'ai vu des tas de vidéos et de récits sur les templiers, mais je dois dire désolé, je n'ai jamais été fan de la musique d'Era. Donc navré Karine, je n'ai pas pleuré comme tu l'avais parié, par contre sur l'arrivée, je ne promets rien...
D'ailleurs je suis ailleurs, pas trop réveillé. Nous sommes placés un peu loin de la musique, un peu trop près de l'arrière du peloton, je n'ai pas trouvé le sas 2 (- de 12h00), et surtout un peu loin de mes autres camarades.
LA COURSE
Paf ! C'est partit ! Au milieu de la fumée rougeoyante des fumigènes , je me lance a peine conscient que c'est exceptionnel. Puis dans la nuit noire, j'essaie de dépasser. C'est laborieux. Karine en profite pour jeter un gars à terre😉.
Ce que j'ai vécu
Au bout de deux kilomètres, vient la première difficulté (400m): la montée de carbassas. Tout le monde marche déjà. Je suis trop couvert, j'ai chaud. Je dois enlever mon sac pour enlever ma veste. Je repars, mes bâtons de marche en profitent pour se faire la malle, une fois, deux fois,trois fois. J'essaie de les remettre en courant, en marchant, impossible ils tombent par terre. Je dois définitivement m'arrêter et refaire la fixation (une fixation que j'ai bricolé sur mon sac à dos une semaine avant). Je remets ma veste, j'ai re-froid à marcher. Je profite du premier village et de ses lampadaires pour y passer du temps pour ne plus jamais y revenir. Je ne me rends pas compte mais pendant tout ce temps ,beaucoup de monde me passe devant. Sans le savoir, le reste de la course va se jouer pendant ces 5-10 minutes.
Je repars en me disant que tout se rattrape sur la fin. La première montée est longue et se marche difficilement, mais cela avance très lentement. 5 Russes braillards avancent avec des bâtons de marche, alors que cela est interdit avant le premier ravitaillement... Disons dans 22 kms. Cela me fout en rogne... Oui, je ne suis pas trop du matin.
Arrive le haut du plateau.Nous sommes sur la première causse (1950 ème). Enfin, on lance la machine, les chemins forestiers s'enchaînent, il y'a du monde. J'en profite pour dépasser sans trop forcer, la tactique étant de commencer doucement jusqu'au ravitaillement du midi. J'essaie de me freiner, je me force à ne pas trop en faire, Manu (mon voisin) m'a bien dit qu'il fallait en garder sous le pied pour la fin. Le soleil se lève petit à petit, ambiance clair obscur. Le sol de ce plateau est à moitié sableux. Au bout d'un moment, je repasse à 11 km/h, je dépasse petit à petit des gens... jusqu'à un arrêt pipi. C'est là que je vois une centaine de personne me repasser devant... Je viens de perdre tout ce que j'ai dépassé pendant une demi heure....(Christophe, lui nous racontera, que lors d'un arrêt, il aura eu l'impression de voir passer une armée lumineuse).
J'ai des problèmes digestifs, c'est compliqué de courir vite. Certains on sortis les bâtons,alors qu'on a toujours pas le droit grrrrr..,
Cela restera une traversée brumeuse comme mon état mon esprit.
Puis 9h00 arrive. J'entends qu'on atteindra difficilement la barrière horaire, je n'en crois pas mes oreilles. Deuxième bouchon, arrêt total. Au bout de 5 minutes, on repart. Nous amorçons la descente du premier plateau pour atterrir au premier ravitaillement du village de Pereleau.
deuxième bouchon -10 minutes.
Le chemin est étroit et glissant, donc nous n'avançons pas trop vite. J'en profite pour admirer le paysage des causses avec leurs végétations automnales magnifiques. houaah !!!
22ème km, 3h20 de course : 1970ème
Au 22ème km,le petit village de Pereyleau. J'adore ce cliché traileur : quand on descend de la montagne au bout de quelques heures, débarquant au petit village avec les encouragements des habitants. Cette ambiance, cela donne des frissons. Le ravito c'est byzance! Il y'a tout ce qu'il faut pour boire et manger. Je m'acharne sur les chips, je prends mon premier thé de la journée pour me réveiller.
Deuxième difficulté de la journée. Nous pouvons prendre nos bâtons. Je suis deux anglaises pendant 450 mètres. Nous n'avançons pas. Impossible de dépasser, je suis philosophe et patient, je sais que la journée va être longue, autant s'y reposer... 1h00 plus tard ! Arrive enfin le haut plateau, je recommence à courir, j'avais un peu oublié ce que cela faisait.
Nous passons au milieu d'une vieille église en ruine, et là j'ai cette petite émotion, car plus que la musique d'Era, j'ai rêvé plein de fois d'y passer en revoyant les vidéo. Elle était là mon émotion Karine.
32ème kilomètre, 5h11 de course
32 ème kilomètre, étape à St André de Vezines, le public est là, malgré le froid, la pluie et le vent qui s'est levé . Je passe 10 minutes au ravito, le temps de prendre un deuxième thé (pour enfin me réveiller) et deux bonnes soupes chaudes. Certains de mes confrères tremblent de froid, je me demande s' ils finiront. Je ressors, je suis transis de froid, c'est très très dur de repartir, je me dis qu'en courant je vais me réchauffer. A ce moment vient le doute de la journée, le moral est au bas, je ne vais pas continuer si j'ai toujours aussi froid. J'aurais tort. Comme pour me répondre le soleil se découvre petit à petit et les timides rayons de soleils me réchauffent. S'ensuient de magnifiques paysages qui me comblent. Je me dis ouais! C'est aussi pour ça que je suis venu, chouette balade !
Du haut de cette causse, le paysage est sublime, et je ne suis pas le seul à prendre des photos. Nous descendons une causse pour franchir une autre, au milieu un château en ruine, et plus loin j'aperçois d'autres coureurs suivant la trace en zigzag le long de la causse.
Moment magique. Au loin on aperçoit le pont de Millau et donc l'arrivée. Il reste du chemin (je me dis que la journée n'est pas finis).
Certaines pierres ont de drôles de formes, nous franchissons celle en forme d'arche. C'est là qu'une des bénévoles nous lâche :
-allez !allez ! jusqu'ici c'était de l'échauffement, maintenant c'est le plus dur...
Nous venons de franchir le 40ème kilomètre... reste 36...
Nous redescendons ensuite et j'avoue que passer les moment d'euphories, je fatigue un peu. De plus, les 5 russes du départ en profitent pour me dépasser, cela achève mon moral. Vite un gel, la descente est technique. Une lassitude s'installe, c'est vrai qu'au bout de 7h00, je fatigue un peu.
43 ème km , retour à la civilisation : Traversée du joli village de la Rogue Ste Marguerite (43 kms). Des femmes tapent sur des casseroles pour nous accueillir. C'est un ravitaillement en eau, je traîne 5 minutes et go pour la destination principale de la journée. Pierrefiche, le ravito principal ou j'ai prévu de me poser et manger.
Je dois franchir d'abord une nouvelle difficulté de 400 mètres, la 3ème de la journée. Cela n'avance pas beaucoup. Je commence à m'impatienter, les gens ont l'air content du tempo. Un ancien v3 à lunettes épaisses se pose sur le bas-côté pour souffler, il a l'air épuisé et entamé. Je lui conseille de bien se reposer et souffler avant de repartir.
Certains essaient de doubler, mais c'est beaucoup d'énergie pour peu de places gagnées. Dans les rangs, j'entends les grincements des dents " il a l'air pressé celui là" ! Cela ne m'incite pas trop à en faire autant. Non, c'est vrai, ce n'est pas une course, c'est plutôt une randonnée. Je déplore aussi le silence de nos trailleurs, rien que le tic tic des bâtons de marche. Au bout de 35 minutes, je peux enfin gambader et m'attaquer au ravitaillement principal.
Pierrefiche 47ème kms 7h53 de course 1837ème.
J'y passe vingt minutes, c'est LA vrai étape de la journée. Ma stratégie était claire: y aller doucement jusqu'à pierrefiche sans m'occuper des autres sachant que le plus dur était à venir, ensuite faire le point. Je mange tout ce que je peux, je bois thé et soupe, je m’assois 10 minutes, je remplis d'eau gourdes et camelback. Je regarde mes messages : encore des messages avec des smileys de crottes d’encouragements !
Je profite d'avoir un peu de réseau pour faire le point sur les copains.
Ho put...naise! j'avais deviné par un premier sms de ma femme que je n'étais pas partit très vite par rapport aux autres, et que rassurée elle m'encourageait à continuer comme ça....
...Mais là... je découvre que j'étais à la rue par rapport aux copains. ok comme prévu la course commence. D'abord Jean-Vincent, 15 minutes d'avance c'est jouable.
Galope, galope, tout autour de moi les gens sont entamés. Je suis pratiquement le seul à courir. J'en profite pour dépasser allègrement, la rage de m'être endormi pour motivation. Une fille est tombée sur une pierre, elle a le genou en sang, on s'arrête pour lui prodiguer les premier soins, elle a l'air plus sonnée par le choc.
Je continue sur le plateau. Mais nous devons franchir le flanc de la causse et là rebelote difficile de doubler, une certaine impatience commence à me gagner. Il y a moins de monde en serre-file aussi, il est plus facile de doubler un noyau de 5 personnes que 50. Arrivée à un raidillon, cela n'avance plus , cela arrange tout le monde mais pas moi. Je ronge mon frein. Au bout de 15 mn, finalement je double dans un effort inconsidéré sous le coup de l'énervement. Horreur ! je m'aperçois que c'est papi v3 avec lunettes épaisses qui mène la danse, celui qui était épuisé 20 kms plus avant !
Les jambes sont là, je me suis bien alimenté, je double de plus en plus facilement. J'entends :
- laissez passer, il y'en a qui ont encore des jambes.
Je pense très fort à une remontada, car on m'a bien précisé que la fin était difficile et qu'il en fallait garder sous le pied (hélas,on ne me m'avait pas précisé que le chemin était monotrace). Je redescends ensuite la cause de plus en plus esseulé, pour l'avant-dernière étape : Massebiau.
J'aperçois soudain Karine. Surpris je l'appelle plusieurs fois. Elle ne se retourne pas, et me répond faiblement. Elle ne va pas bien, a vomit, ne s'alimente plus et est frigorifiée, car très faible. Je n'ai pas grand-chose à lui offrir à part de la sporténine. A 2 kms il y a le ravitaillement, elle va y abandonner. Elle m'incite à continuer, elle est blanche, j'ai beaucoup de doutes à poursuivre, j'aurais dû l'accompagner, surtout si j'avais su la suite qui m'attendait, je n'étais plus à cela prêt.
La descente est très caillouteuse avec des pierres qui roulent sous les pieds au moindre pas, c'est très dur. Je déteste, mes pieds hurlent de douleurs. Deux gars me passent. Je les entends dire:
- Hé mais c'est pas le gars qui nous a mis 100 mètres tout à l'heure ?
- Ouais ! c'est bien lui, se moquent t'ils...
Peu après je me casse la figure dans une mare, le cul trempé dans la gadoue. Il est grand temps que cette descente se termine.
Le pont de la rivière kwai ? non, Massebiau et sa dernière barrière horaire
Massebiau 66 kms 11h29 de course. 1716ème
Le petit village de Massebiau, c'est le dernier ravitaillement en eau. Quand on passe le pont de Massebiau avant la barrière horaire, on sait qu'on finit la course (j'avais vu une vidéo ou le mec en pleurait de franchir le pont et ainsi la dernière barrière horaire... pour l’anecdote il n'a pas finit la course). L'entrée est magique, une ambiance de feu, il y a un peu de musique et dans un dernier virage avant le pont, des gens qui font la holà. Dans l'allégresse générale, je tape les mains à la ronde. Puis derrière moi, j'entends des voix dégoûtes: j'avais oublié mes mains sales suite à ma chute dans la gadoue.
Je passe le fameux pont de Massabiau, synonyme de dernière barrière horaire. Il reste 10 kms, je sais que je vais le faire... Je prends conscience de ce que je suis en train d'accomplir.
Mon coeur se serre. Les spectateurs son extras. La fatigue, les heuresdpassées à courir, ces gens qui m'encouragent avec mon prénom, c'est juste trop.. je ne les regarde plus, par peur de craquer.... Juste un pouce pour dire : vous êtes formidables.
J'ai décidé de ne pas m'arrêter à ce ravitaillement car je sais que j'ai assez d'eau. On ne perd plus de temps. Juste avant de repartir, je jette un coup d'œil à la ronde, j'aperçois Jean-Vincent. La première pensée : Et d'un, au suivant ! !
Assis au sol, il me fait signe un de la main, je vais à sa rencontre. Ça va mec ?
- Ho non ça va pas, j'ai les genoux qui coincent, j'étais pourtant bien partit avec Stevan mais au 50 ème kilomètre j'ai mon genou qui m'a lâché !
- Et tu vas pouvoir continuer ?
-J'espère ! Qu'il me répond.
Je lui donne tout ce que j'ai, sporténine, gel et pastilles isostar, tout ce qui peut l'aider, et qui ne m'ont pas servis, et je lui dit :
- Bon bah moi j'y vais.
-Attends, je préviens ma sœur que je vais avec toi....
C'est malin, j'ai maintenant la lourde responsabilité de ramener le frère de Nath et Séphane à bon port....
la montée de la cade
Nous grimpons la 4 ème et dernière difficultée de la course: La célèbre cote du cade. Je la monte motivé, suivit de près par Jean-vincent. Il n'a pas mal aux genoux quand il monte, c'est quand il descend qu'il a des douleurs. Il nous reste 10 kms à parcourir, une misère. Je fais le fanfaron:
- houa ! ça ce mange ça ! pressé d'en finir.
Une portion plus douce et puis on remonte, et là j'avoue le coup de bambou. La cote est plus dure. Sur le bas-coté, des gars qui n'en peuvent plus, ont mis le clignotant. Ils sont assis là, épuisés, tentant de se refaire la cerise, le regard perdu au loin, pas un regard sur nous.
Enfin la fin. Jean-Vincent parle et s'étonne que je ne lui réponde plus. J'avoue, je ne fais plus le fanfaron et j'essaie de me remettre difficilement de la dernière difficultés. Est-ce l'altitude ?
Toujours est-il que Jean-fafaron, lui, sort des blagues à quiconque,au dernier ravito, à l'arrivée de la ferme de la cade:
- Alors, elle sont où les pom-pom girls ?
La ferme est un lieu magique et chaleureux. Feu de bois, soupe chaude et tout ce qu'il faut pour s'alimenter: elle est comme je l'imaginais. Jean-Vincent blague avec une bénévole côté boisson, qui lui répond positivement. Moi j'essaie de me requinquer: soupe chaude,chips chips chips, petit sandwich, chips, chips chips chips...et encore chips. Jean- Vincent se sent comme chez lui .
-Ha t'es là ! Je te cherchais,qu'il me dit. Bon si tu me cherches, tu me trouveras là bas.
Et le voilà qu'il repart pour draguer la serveuse. Au bout d'un moment je lui fait signe qu'il faut partir. Il reste 7 kms.... (je me demande s'il s'est bien alimenté).
Brrrr, il fait froid, il y'a du vent, il pleut et la nuit tombe. C'est dur de quitter cet endroit chaleureux.
Jean-bogosse ne peux plus courir, je presse le pas pour nous réchauffer. Nous avons très froid, je claque des dents. Il faut absolument que l'on se réchauffe. Nous empruntons ensuite un sentier en balcon de long de la causse, il faut descendre. Premier grincement de dents, puis de temps en temps des cris de douleurs. Jean-tamalou souffre le martyr. Il n'arrête pas de dire qu'il a les genoux en vrac. Le chemin descend abrupte et est très glissant, bref casse gueule et dur pour le bonhomme qui a mal au genou. Nous avançons doucement et péniblement. Je le devance en annonçant les difficultés a venir. Laissant passer d'autres coureurs, il s'excuse à chaque fois d'être un handicapé , annonçant son arrêt de travail mardi (Jean-Michel appréciera :)).
Aux gens étonnés que je laisse passer, je leur dit : allez-y j'accompagne l'infirme plus haut, (cela fait bien rire).
Il fait maintenant nuit noire, on ne projette pas trop loin la lumière. Il faut éclairer ses pieds, je joue à l'éclaireur du sentier. Au bout d'un long moment, la portion devient plus horizontale. Au contrebas, on aperçoit les lumières de Millau. Il faut faire attention, le chemin n'est pas large et le précipice n'est pas loin. Un bâton trop loin et je sens le vide, c'est vraiment dangereux. Je me fais une frayeur, j'entends encore les cailloux descendre en contrebas. Puis j'annonce la montée :
• Mickael tu es où ? Que j'entends.
• Plus haut !
Efffectivement cela peut surprendre, mais au bout de quelques mètres de montée on voit des pierre devant soi... hé oui, il faut pratiquement escalader la falaise à mains nus.
Jean-peuplus, n'en veux plus :
• Dis moi que tu vois la fin s'il te plait.
Hélas c'est encore loin. J'essaie tant que je peux d'éclairer le chemin, lui, et la colonne de coureurs qui suivent bien sagement la trace.
C'est long, mais enfin nous arrivons sur le dernier plateau. Puncho d'agast : l'antenne qui domine la vallée. Le dernier point culminant avant de redescendre sur Millau.
- Quoi, descendre ! gémit Jean-naimarre.
Hé oui nous avons monté sur des rochers pour redescendre ensuite.
Nous arrivons à la grotte du hibou. Passage emblématique des templiers, nous passons au milieu d'une grotte pour nous retrouver sur l'autre versant à 2 kms de Millau.
Jean-Dicapé descend avec grande prudence. Il a trouvé un copain handicapé sans bâton, c'est très glissant et très dur pour eux. Je leur conseille de s'accrocher aux arbustes à proximité. Arrive enfin le panneau du dernier kilomètre.
Ma femme m'appelle, elle s'inquiétait: il était prévu que je sois à l'arrivée depuis une heure. Je la rassure que c'est pour bientôt, mais je dois raccrocher car la descente est abrupte. Tant pis pour le dernier bisous aux filles avant le coucher. Un peu plus tard, j'entends des sms qui viennent du téléphone; mes filles me souhaitent surement bonne nuit avec des sms de coeur et de crottes (je verrais à l'arrivée que je ne me suis pas trompé).
Mais nous devons encore attendre 500 mètre pour une fin de calvaire. Le chemin se fait plus plat, nous entendons la sono de l'arrivée.
Soudain je vois 10,20,30 coureurs me dépasser en courant, je ne comprends pas, d'où sortent ces gens ?
- Allez Jean vincent, vient ! je crie dans la nuit.
Je vois une lampe ventrale arriver, c'est bon. Au bout d'un moment je me rends compte que ce n'est pas mon Jean. Je reste là planté, à voir ces dizaine de gens me dépasser, la rage au ventre, hésitant. Il est où mon Jean-pala ? Tant pis ! j'y vais, la mort dans l'âme. Je court vers l'arrivée, avec remords et doute, je me fais féliciter par les derniers spectateurs :
- bravo vous l'avez fait ! (ils sont encore formidables à cette heure!).
Un peu perdu et décontenancé,je franchis la ligne d'arrivée, un peu déçu d'avoir laisser Jean-Vincent derrière, mais non sans un geste pour mes petites femmes qui suivent l'arrivée à la vidéo.
J'ai rêvé tant de fois de mon arrivée, de faire le guignol, que j'ai du mal à réaliser. Au bout de 5 minutes et près de 50 coureurs (sur 500 mètres)Jean-naifini arrive en marchant. Enfin ! Nous sommes définitivement finisher en 15h20 !
Moi 1777ème en 15h18
Lui 1827ème en 15h23
Au restaurant nous nous faisons applaudir par Stevan et Stéphane qui sont restés nous attendre.
J'ai un peu de mal à savourer une victoire personnelle tellement j'ai subit les événements. Au bout d'un moment jean-vincent devient blanc, il a envie de vomir, il s'éloigne et puis... tombe dans les pommes, rattrapé in-extremis par Stevan. Heureusement une femme a vu la scène et lui prodigue les premiers soins. On en est quitte pour une petite frayeur.
Malaise sans conséquence. Je pense quand même que le gars est allé au bout de lui- même avec ses douleurs au genoux, et qu'il a du puiser un peu...
On finira a l'hotel, moi avec mes bière et Jean dans sa couverture chauffante épuisé et satisfait.
Les résultats de la bande :
618 ème en 11h50 Stéphane
626 ème en 11h50 thomas
909 ème en 12h38 Stevan
1312 ème en 13h45 Christophe
1758 ème en 15h19 Mickael
1807 ème en 15h24 Jean-vincent
2028 ème Karine abandon au 60ème.
Au bilan j'en garde une petite frustration d'avoir raté le départ et en définitive la course. Restera la beauté des paysages, d'une course atypique et mythique, de l'avoir finis (chose inimaginable il y a quelques mois), une aventure formidable avec de sacrés gars. Je me suis bien amusé, merci les mecs. Prêt à le refaire.
Mickael
5 commentaires
Commentaire de Shoto posté le 09-01-2018 à 18:47:03
Sympa ton récit plein d humour. Bravo pour ta place de finisher. J etais sur l integrale des causses et ton récit me fait prendre conscience de la grosse densité de coureurs sur ta course.
Commentaire de Shoto posté le 09-01-2018 à 18:48:41
Sympa ton récit plein d humour. Bravo pour ta place de finisher. J etais sur l integrale des causses et ton récit me fait prendre conscience de la grosse densité de coureurs sur ta course.
Commentaire de Shoto posté le 09-01-2018 à 18:48:50
Sympa ton récit plein d humour. Bravo pour ta place de finisher. J etais sur l integrale des causses et ton récit me fait prendre conscience de la grosse densité de coureurs sur ta course.
Commentaire de GlopGlop posté le 11-01-2018 à 13:20:53
J'adore ce type de récit ! Très détaillé et communiquant au possible. Cette course, on l'a vit et c'est là tout l'intérêt des récits. Quelques photos (de jour) auraient été les bienvenues pour compléter notre projection dans ton enfer du jour !
In fine beaucoup de détails à conserver et à se souvenir. J'y penserais certainement lors de la MAxiRace d'Annecy en Mai.
Commentaire de mickarvignac posté le 22-01-2018 à 22:50:44
Merci de vos commentaires :)
je suis désolé mais le copié collé à enlevé certaine photos. Vous trouverez de superbes photos ajouté au récit ici :
https://sway.com/gMHXnYvBgqzAoG3e
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