L'auteur : PaL94
La course : TOR330 Tor des Géants
Date : 10/9/2017
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 2295 vues
Distance : 321km
Objectif : Terminer
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Le vent glacial, comme venu de l’Arctique, balaye les maigres nuages au-dessus du col et la Lune peut enfin éclairer de sa lueur blafarde, les reliefs endormis. Et là sur le col apparait le vieux berger décharné, sa houppelande rapiécée claquant au vent, il me pointe de son doigt squelettique et me lance l’anathème : « Tu n’as pas encore compris, jamais tu ne verras les Géants ! ». A demi courbé sur mon bâton cassé comme prosterné, j’implore une raison mais comme Thetis le fit hors du Styx, la douleur de mon tendon d’Achille m’arrache aux marécages brumeux du sommeil post–course sans que j’obtienne de réponse.
Maudit, il faut croire que c’est vrai. Déjà en 2015 avec une très bonne forme, la non information de l’arrêt de la course, m’avait entrainé vers l’ascension du col Fenêtre en pleine tempête de neige et les chutes répétées dans la descente abrupte m’avait trempé jusqu’aux os et amené l’hypothermie dont il m’aura fallu une semaine pour en sortir.
Oui mais j’avais fini la 4K toute aussi difficile et j’arrivais avec du supplément d’entrainement et d’équipement pour pallier à toute éventualité. Une bonne course en Juillet et de l’acclimatation dans le Beaufortain et le Grand Paradis devait achever ma préparation.
Mais déjà les mauvais présages s’enchainaient. Deux semaines après le début de l’acclimatation, je ressens une fatigue diffuse, pourtant je n’ai pas forcé. Simplement je sens que j’ai du mal à tenir un rythme en montée. Pas grave, peut-être trop d’activité depuis Juilllet entre le travail, les travaux de la maison et le changement professionnel. Je ne prends donc pas de risque et calme le jeu, en me reposant. La dernière petite rando faite avec ma blonde nous voit confrontés à un vent glacial à faible altitude et malgré les gore-tex, nous nous refroidissons. Une petite crêve, rien de méchant et que le doliprane contient sans problème mais qui m’a rendu plus frileux. Ca va passer et puis je n’aurais qu’à augmenter les couches.
Derniers jours à Courmayeur et je suis obligé de passer chez un médecin pour régler un pb d’échauffements qui s’est transformé en mycose. Décidemment pas de chance mais j’arrive avec mon italien rudimentaire à me faire comprendre et le médecin me prescrit la bonne pommade qui règlera ce soucis en 2 jours. Y a de l’espoir !
Dimanche matin sur la ligne de départ, un seul contrôle des bracelets qui ne serviront pas souvent et le départ est donné avec 20mn de retard ! Ça commence bien et j’espère qu’ils tiendront compte car je me vois proche de barrières sur la fin. Il fait beau c’est déjà ça mais le vent est glacial même en plein soleil. J’ai revêtu les manchons offerts à l’ultra d’Andorre et finalement je ne les enlèverai plus de toutes la course. Enfin le départ est donné et nous déroulons dans l’artère piétonne avant de descendre vers Dolonne.
Encore un mauvais présage, je sens que ‘’je ne suis pas dedans’’. Je me fais doubler par des coureurs que je sais à mon niveau sans pouvoir les suivre. Et bien ça promet ! Bon mais on est sur un ultra et on le sait tous, cela n’est pas irréversible.
Montée sur le col de l’Arp, je suis dans le troupeau et tiens mon rythme sans difficulté mais je ne peux pas accélérer, bizarre tout de même, comme si le moteur était bridé. J’arrive au col pour confirmer mes impressions, 5mn de plus qu’en 2015 !
J’ai toujours peur de ces 20mn d’écart du départ et j’essaye de les récupérer dans la descente et effectivement j’ai un peu rattrapé à Baité Youlaz. La Thuile ensuite et 11mn d’arrêt. Je repars avec 8mn de retard sur 2015. Je fais route vers La Joux avec Sénateur Jean-Mi pas en grande forme lui non plus et qui me confie qu’il a les jambes en chewing-gum. Il arrêtera rapidement car aucun plaisir pour lui et en tant que sénateur il n’est pas en manque de finish mais il paye le contrecoup de l’extraordinaire saison 2016 qu’il a fait.
J’ai beau pousser sur les bâtons je sens bien qu’il y a comme un frein à main et même si à La Joux j’ai refait mon retard par rapport à ma feuille de route je sais que je suis à peine dans les temps de 2015. Cela se confirme sur la montée vers Deffeyes, à l’aise mais en retrait en vitesse. Ca me désespère un peu mais je me dis qu’à force ça va revenir.
Le col au pas dans la Brume et le froid mais un beau panorama dégagé nous attend au sommet et tout le monde reste un peu pour en profiter.
Descente vers Promoud, je me réjouis car comme il n’a pas plu, le pierrier ne sera pas glissant ce qui est appréciable. Arrivée au ravito dans les temps et je galère avec mes bidons qui ont tendance à fuir et me maculer de boisson énergétique. C’est le genre de petits incidents un peu gênants mais sans grande gravité et pourtant qui me mette en rage. Ça m’inquiète cette irritabilité, c’est disproportionné. Je ne suis pas serein ! Bon et bien un bon Crosatie et ça va te calmer !
La montée comme d’habitude et une fois le collet atteint, les fameuses marches tant appréciées. Ça monte, toujours bridé mais ça monte. La nuit est tombée et j’atteins le col plus tôt que prévu. Ah ça me rebooste, je préfère ça.
Descente sans problème au lac du Fond puis direction Planaval dans ce beau vallon que nous ne pouvons apprécier de nuit à sa juste valeur. La lune finir par sorti et nous éclairer un peu et cela donne une ambiance un peu féérique.
En guise de baguette magique je n’ai que mes bâtons et il ne faut pas simplement les agiter pour qu’arrive le sort de vitesse, il faut pousser ! C’est ce que j’essaye de faire pour gagner du terrain et ma course contre le temps. Pourtant là encore je sens comme un frein. L’arrivée à Planaval me confirmera que j’ai un peu perdu. Un ravito express et direction Valgrisenche puis Bonne que je ne connais pas.
Je connais le chemin vers le premier et sais que je vais pouvoir tracer. Ca se passe comme prévu mais ça sera un peu plus dur pour la montée vers Bonne. La ma feuille n’avait pas bien pris en compte tous les paramètres et j’arrive donc à la base vie avec 25mn de retard !
Je récupère mon sac et surprise il faut le laisser dehors pour aller manger et se changer à un autre endroit. Ça m’agace un peu, je comprends, vu l’exiguïté du restaurant mais ça n’est pas très pratique. Restaurant d’abord donc et je mange vite fait. Un café pour se tenir éveillé et je sors, fais mes changements dans la rue et rends mon sac à la sortie. J’avais prévu 1heure d’arrêt mais je repars au bout de 25mn. Du coup, j’ai rattrapé mon retard et grappillé sur les 20mn du départ. Ça me va mieux. L’espoir revient, me revoilà dans la course !
Il faut maintenant atteindre le Chalet Epée et pour cela tout d’abord traverser le barrage et rattraper l’ancien tracé. Un peu de rab pas bien prévu dans ma feuille de route.
Je fais route seul et me fais doubler régulièrement et je ne rattrape personne. Est-ce cette solitude ou le froid polaire mais le chemin me semble bien plus long qu’en 2015 où pourtant je l’avais arpenté sous une pluie battante. Mais bon je fini par y arriver. Pas mal de traileurs dorment la tête sur la table, il n’y a pas que moi que ça éprouve. Je repars après 5 mn pressé d’affronter le col Fenêtre qui m’avait assassiné afin de conjurer le sort.
De ce côté-là la pente n’est pas bien méchante et on peut l’apercevoir au loin. Fatigue ou malédiction mais il faut traverser des cours d’eau et en posant un pied sur une pierre mal assurée je finis dans le torrent. Me suis bien esquinté la hanche et le coude et trempé les gants de soie. Pour le reste le gore-tex m’a protégé. Je décharge une série de juron à l’encontre de cette saloperie de pierre et me traite de tous les noms ce qui a le mérite de me réchauffer et de dissiper la tension tellement j’ai craint de m’être cassé quelque chose. J’entendais quelques cloches au loin mais peut être couvraient-elles le ricanement moqueur d’un vieux berger ?
Les doigts gelés et la rage au ventre je reprends mon ascension de plus belle sans m’arrêter jusqu’au col. Col que j’atteindrai dans les temps. Bon et bien la descente raide maintenant et sans neige cette année, ça change tout. J’y vais tranquille mais sans trainer je veux atteindre Rhemes rapidement. Les lacets s’enchainent et petit à petit les lueurs du jour apparaissent facilitant la progression. Je me sens revivre et le moral remonte. Peu avant la base je croise une vielle connaissance, Dom, croisé sur le Cro Magnon 2005 et les Utmb. On échange quelques mots et il m’explique qu’il attend son fils qu’il a converti à l’ultra-trail.
J’atteins la base avec un peu d’avance mais du retard par rapport aux temps de 2015 alors que nous avions galéré dans la descente mais sans tenir compte de l’allongement dû à Bonne. Ce n’est pas si mal et je me ravitaille rapidement. Le jour est bien levé et tous les sens sont en éveil, j’en profite donc pour partir au bout d’un quart d’heure question de grappiller encore sur la montre.
Direction l’Entrelor. Mis à part le final, je sais que c’est roulant. Et donc j’y vais d’un bon pas. D’un bon pas bridé malgré tout. Je ne comprends pas ce qui coince. J’avais mis cela sur le compte de la fièvre mais malgré l’antipyrétique pas de changement. Je me console en me disant que cette allure sur la réserve me permettra d’encaisser la distance. C’est vrai que pour l’instant malgré ce motif d’insatisfaction, les jambes vont très bien et ne donnent aucun signe de fatigue. La préparation n’était pas si mal !
Me voilà au pied de la pente terminale et je dois dire que je préfère la monter que la descendre. C’est un peu laborieux mais tout arrive et j’atteins le col avec ô surprise 8mn d’avance. Ah je savais bien que ça reviendrai !
Il n’y a plus qu’à se laisser couler jusqu’à Eaux Rousses. La descente est longue mais roulante. Je me fais rattraper dans celle-ci par Claude avec qui j’ai binômé sur la 4K. On discute un peu en descendant et finalement il prend le large. Ça, ça m’inquiète, je nous sais de force identique mais je vois que je ne peux tenir son allure. Toujours ce bridage. Je me raisonne en me disant que chacun sa course, l’objectif étant le final.
Je passe au hameau avec l’abreuvoir qui m’avait coûté une infection et ne commets pas la même erreur mais trempe la tête question de me rafraichir.
Plus bas je recroise Dom venu à la rencontre de son fils. Quelques mot et je file sur une section en lacet encore plus roulante et où je trottine rapidement. J’arrive au ravito avec de l’avance sur ma feuille et en ayant récupéré les 20mn du départ. Très bien ça me fera un matelas !
Je me restaure et vais tenter une sieste dans la tente mais renonce au bout d’un quart d’heure. Trop d’adrénaline et de café, pas moyen de s’assoupir. Tant pis direction le Loson donc. Je pars avec de l’avance sur ma feuille de route.
La montée n’est pas si dure que cela sauf à la fin mais là encore je ressens l’incapacité de forcer le pas et je me fais doubler par des hordes de traileurs que j’essaye de suivre sans succès. A force je les connais tous un peu car ils passent plus de temps aux ravitos et me redoublent ensuite. Bon ben comme dirait Lapin faut prendre son mal en patience. C’est ce que je fais et cela durant 5 heures. Peu avant la fin j’enfile mon gore-tex car même en plein soleil le vent est piquant. Bonne idée car il se déchaine sur l’autre versant à l’ombre. Je marque mon temps et constate que j’ai perdu mon avance et fais plus lent que 2015 où je n’en pouvais plus. Re-coup au moral. Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Bon pas le temps de tergiverser il faut rallier Sella et rapidement. En descente cela va un peu mieux même si la fatigue de deux jours consécutifs et de plus de 8000m de D+ se fait sentir. Les jambes, elles, vont très bien même, à croire qu’elles ont leur vie propre.
Sella, j’ai refait mon retard. Je ravitaille express et pars vite fait pour oublier dans quel état j’y étais arrivé deux ans auparavant. La grande descente vers Cogne. Je la connais bien et plusieurs fois arpentée. Je m’y lance avec la perspective d’un bon arrêt à la base vie.
Ça sera un peu long et sans performance car l’accumulation et la nuit qui est tombée ralentissent mon organisme. C’est donc sans record mais sans encombre que j’atteindrai la base vie dans les temps avec toutefois un moral en chute libre.
La base vie ; comme je n’ai pas prévu d’arrêt long, je récupère mon sac et file direct à la douche. Douche chaude qui est le bonheur du traileur. Changement d’équipement et je prends le temps de soigner mes deux grosses ampoules aux talons. Pas le temps d’attendre après les podologues. Je mange et après un café, repars avant minuit comme prévu. J’avais espéré gratter sur les temps de 2015 pour m’accorder une pause sommeil mais je suis trop court alors je me promets une sieste à Sogno. Et puis autant le dire, j’ai peur de rester trop longtemps à Cogne et me trouver incapable de repartir.
A peine sorti de la base vie je suis saisi par le froid et complète mes couches dans la rue du village. Même le sur-pantalon est enfilé. Moi qui ne suis pas frileux des jambes, là je me sens incapable de supporter la morsure du froid. C’est vrai que cette année le vent est horriblement froid et surprend les Valdotains eux-mêmes. Arrêt au stand expresso à la sortie du village et on part à l’assaut.
L’avantage de la section suivante considérée de transition, c’est qu’elle est bien moins dure que les deux précédentes et permet de ménager ses forces pour la suivante, dite technique. Mis à part quelques raidillons, la montée se fait en pente douce vers le col. Ça ne doit donc pas poser de difficulté mais quand on n’a pas dormi depuis deux nuits, on trouve cela fatiguant. Je commence à y voir mes premières hallucinations et bien entendu me fait doubler par ceux que j’ai devancés à la sortie de la base. Je ressens la fatigue mais le moral est revenu, je sais que je vais dormir à Sogno, il faut simplement que je me traine jusque-là. Je passe Lillaz puis Goilles et c’est presque 9 km de faux plat qui me séparent du refuge.
J’arpente seule les contreforts de la vallée. Seul mon timer qui me rappelle qu’il faut boire, me tiens compagnie. Mais lui aussi, a des faiblesses. Depuis le col Fenêtre et ma chute dans l’eau il ne sonne qu’en dessous d’une certaine altitude et s’il ne fait pas trop froid. La sensation de soif vient donc souvent sans qu’il me prévienne. J’ai troqué mes bidons et rempli ma poche à eau plus en capacité de garder un peu de chaleur de mon dos. Ca semblait pourtant une bonne idée mais est ce que je ne l’ai pas assez rincé, la poche pourtant neuve me délivre une boisson avec un arrière-goût qui me fait recracher la dernière gorgée prise. Et ça me brûle la gorge. Je mets cela sur le compte de ma crève et me promet de bien rincer la poche au refuge.
Ca a été long mais j’arrive enfin à Sogno et file direct au dortoir. J’ai beau titubé de fatigue, impossible de m’endormir. Tant pis je prends un demi endormisseur et finis par sombrer.
Au bout d’une heure qui m’a paru une seconde, le bénévole me réveille. Un peu groggy, je m’extrais péniblement de la chambre pour affronter la froidure extérieure. Je reprends vite fait un café et pars pour affronter la pente terminale du col.
Je suis encore un peu ensommeillé mais je fais l’ascension dans un meilleur temps que prévu. L’arrivée au col avec les premières lueurs achèvent de me réveiller
C’est maintenant plus que de la descente vers Donnas. Enfin avec quelques remontées sinon ça ne serait pas drôle. Je passe Miserin et ensuite fait une halte à Dondena où je re-rince ma poche à eau sans succès notoire. Il y a vraiment un souci mais je me dis que c’est le plastique trop neuf qui donne ce gout détestable. Apres un vrai expresso, je repars direction Chardonney. Malgré tous ces déboires et comme j’ai économisé du temps, je me trouve maintenant avec une heure d’avance par rapport à ma feuille. Preuve que même si je me sens bridé l’allure n’est pas si mauvaise. Comme quoi il faut toujours s’accrocher.
Peu de temps après mon départ je me fais rattraper par Claude qui avait pris deux heures de sommeil et semble en pleine forme. Nous allons descendre ensemble toute cette belle vallée entrecoupée de passages de ponts sur un splendide torrent, paradis des pêcheurs. Nous atteignons Chardonney avec toujours mon heure d’avance puis Pontboset. Enfin nous arrivons sur Bard et nous sommes arrêtés au passage à niveau et poireautons pour attendre les deux trains. Ensuite nous arpentons les différents passages dans la chaleur de cette basse altitude et rejoindre la base vie de Donnas où je constate qu’étonnamment mon avance a fondu d’une demi-heure. Rien de grave et surtout c’est là que commence la section technique, alors ne pas s’exciter !
Même protocole : douche, traitement des pieds, changement de vêtements et repas avec une bière bien désaltérante. Je m’étais fixé de partir avant 18h et je quitte la base, repus et confiant à 17h00 pile. Très bien, j’ai de la marge car je sais que je vais perdre du temps par rapport aux barrières horaires qui fixent si on les suit simplement 21h pour les 54km et 5000de d+ de cette section pas évidente. Mon collègue Jean Pierre en avait mis 24 et il est bien meilleur que moi. Prudemment je me suis accordé 27h pour les faire.
Je fais route un temps avec un Valdotain qui connait bien les deux protagonistes de VDAtrailers et de la région. Tout en devisant sur leur conflit nous arrivons à Pont St Martin où un Jean-Mi reposé, me distille ses conseils sur cette partie de la course. Il m’enjoint de ne pas m’exciter sur Sassa et Coda et que ça va passer tranquille. Je le quitte ayant perdu mon italien pour affronter la première tranche vers Perloz. J’avais en mémoire les escaliers qui m’avaient éprouvé en descente. Ils sont bien là et bien raides. J’y vais de mon pas tranquille sans m’arrêter mais ça chauffe bien. J’ai l’impression que la forme est revenue. Il faut dire que les températures sont plus clémentes et que l’arrêt m’a fait du bien. J’ai toujours ce goût abominable dans ma poche à eau et ça me brule la gorge. Bizarre pour du plastic.
Apres le passage par les câbles nous descendons sur Perloz où un ravito au son des clarines nous attend. Je remange un peu et vais re-nettoyer ma poche à eau. Je la remplis de coca dégazéifié qui devrait régler le problème.
Allez maintenant la descente vers la rivière. Pas mécontent de la faire dans ce sens. J’ai en mémoire le grand moment de fatigue qu’elle m’a procuré dans l’autre sens.
Remontée sur la Tour d’Herreraz et c’est ensuite la montée vers Sassa par le chemin qui coupe les lacets de la route. Plus nous gravissons plus la pente s’accentue. Je n’en avais pas gardé ce souvenir. Plus ça monte et plus le moteur se bride, plus je bois, plus la gorge me brûle. Décidemment on m’en veut ! Je garde mon calme je sais que ce n’est que le début de la section donc il faut prendre son mal en patience. J’arrive à Sassa avec un retard non alarmant mais qui prouve que j’ai marqué le pas. Apres plusieurs ‘’brodo con pastina’’ je rentre dans le bar au chaud pour rajouter des couches car maintenant nous sommes à 1300m et le vent et le froid n’ont pas l’intention de céder du terrain. Comme je n’en peux plus du goût de ma poche eau je récupère une petite bouteille d’eau qui traine et qui bien rincée va me servir de bidon. Ca plus une bouteille entière d’eau pétillante et je vais pouvoir oublier ce fichu goût.
Bon la montée vers Coda. Jean Mi a raison il ne faut pas vouloir faire un temps là-dedans sans se rincer pour la suite. Ça monte raide ! La nuit est bien installée et le biorythme est redescendu. Là encore je marque le pas. Je fais une pause pour me re-crémer les pieds en espérant que cela me fera passer l’essoufflement. Mais non ! C’est dur c’est tout. Je me prends à désespérer d’arriver à Gressonney dans les temps. Je me pousse quand même car j’aperçois le collet du plateau. Une fois celui–ci atteint la pente est moins rude mais beaucoup plus encombrée. Pareil, j’avais effacé cela de mes souvenirs. Il faut préciser que je l’avais fait de jour ce qui facilite l’évolution.
Cette partie jusqu’à Coda pourtant pas si dure va m’achever. La fatigue et bien là. J’ai prévu de dormir à Barma mais j’aurais peut-être dû m’arrêter à Sassa. C’est un pauvre pantin abruti de sommeil et de fièvre qui poussera la porte du refuge tant et si bien qu’un bénévole se précipitera pour me soutenir et m’emmener jusqu’à la salle du ravito. Je dois faire peur car j’ai droit tout de suite à l’infirmière à qui j’explique mon mal de gorge qui me rappelle mon infection de 2016. Elle me demande comment je me soigne (doliprane) et me dis que ce que je fais ne va pas et qu’il faudrait arrêter. Je ne suis pas trop sûr de quel l’arrêt elle parle et je lui dis rapidement que je veux dormir. Elle laisse courir et on m’entraine dans un dortoir. Là encore impossible de m’endormir sans un demi-cachet.
Le réveil et toujours cette sensation de s’être à peine endormi. Je mange un petit peu et file rapidement pour éviter l’infirmière. Direction Lago Vargno. Le petit col Sella d’abord et ensuite on bascule pour suivre la vallée dans un terrain bien caillouteux et encombré. Il faut contourner plusieurs épaules de la montagne avant de s’arrêter au sympathique ravito non officiel et fermé l’an dernier. Un bon feu nous y attend et on se laisserait bien tenter de s’assoupir devant dans les transats. Pas de ça traileur ! Le bonheur simple c’est pour plus tard ! Pas de temps à perdre, vue ton allure !
J’y vais donc ; mais ce n’est pas sans regret. Il faudra un peu plus de temps pour arriver sur le barrage du Lago Vargno. Bien, remontée maintenant sur LE Barma et promesse d’un autre bon ravito et surtout du jour qui commence déjà à poindre.
Amusant le biorythme, alors que je voyais tout s’écrouler et n’avoir plus aucune chance d’aller au bout, voilà que je reprends du poil de la bête et la certitude que je suis dans le bon timing. Le jour qui se lève me redonne des forces et j’oublie mes galères pour grimper vers le ravito. Le Barma, j’y arrive avec retard mais j’avais prévu d’y dormir donc ce n’est pas si grave. En effet, après un repas et une bière pour le moral, je repars à l’heure où j’avais prévu de quitter le refuge. Ça me rassure. Sus au Marmontana maintenant là où ça va devenir moins roulant. Il ne faut pas que je chôme.
Pareillement, la montée sans difficulté me semble plus longue que dans mes souvenirs. Et toujours cette sensation que quelque chose bride le moteur mais j’atteins le col dans le soleil et un temps à peu près correct.
Descente technique dans les temps, vers Lago Chiaro et son sympathique ravito. Une bonne soupe, les niveaux et je repars au bout de 5mn. Quel dommage de ne pas avoir plus de temps pour en profiter et de discuter plus avec ces gentilles hôtesses mais je vois le temps me couler entre les doigts.
A suivre le fameux Crena du Ley, on descend d’abord et ensuite les lacets raides entrecoupés de petits pierriers. Mais il fait jour pour moi, j’imagine bien l’impression que cela doit donner de nuit. Du col et comme tout est dégagé, les vues sont magnifiques et je note que bizarrement j’ai mis le temps prévu. Ah ça me réchauffe autant que le soleil.
La descente et traversée se fera dans le même rythme pour atteindre le ravito du Col de la Vecchia que je quitterai avec 5mn d’avance. Le moral remonte en flèche. Je me dis que ça va le faire j’ai bien fait d’être prudent et de prendre de l’avance car malgré mon allure d’escargot, je devrais arriver dans les temps à la prochaine base-vie.
S’en suit la longue descente vers Niel. Variée, parfois roulante parfois technique mais surtout longue après ce qu’on a affronté. Je ne lâche rien et finalement j’atteindrai le ravito dans les temps, accueilli par le concert de clarines qui, plus vous trottinez, plus vous encourage.
Pause avec une excellente polenta à la viande et une bière. Je récupère une deuxième petite bouteille car maintenant qu’il fait chaud je vais en avoir besoin. En discutant avec un traileur plusieurs fois croisé et à qui je parle de mon problème de poche à eau, il m’explique que cela vient d’une bactérie qui s’est collée dans l’embout caoutchouc. Je lui dis pourtant que ma poche est neuve mais il me répond que ça lui est déjà arrivé. C’était donc cela ! Vraiment pas de chance, alors que j’évitais toute les points d’eau potentiellement non potable il faut que je sois trahi par objet neuf. Je suis vraiment poissard. Ça fait un moment que je ne l’utilise plus mais l’infection est bien là et me brûle la gorge.
Allez, je pars dans le temps prévu vers le col Lasoney. Il n’a pas l’air comme cela mais après la section chargée qu’on s’est fait, il est assez éprouvant et interminable. Je vais marquer le pas dans cette ascension pourtant sans difficulté, l’accumulation j’imagine.
Au col il fait un froid de canard, le vent se déchaine et on ne reste pas pour faire des photos. Je sais la descente longue jusqu’à Gressoney mais en pente douce qui, devrait me permettre de faire une moyenne. Oui mais je n’assure pas bien ma foulée et expérimente une nouvelle chute lourde. Décidemment ça ne va pas et comble d’infortune je me suis bloqué le cou avec un torticoli douloureux. La série noire continue !
Passage obligé à Ober Loo où l’ambiance est toujours aussi folle et l’accueil toujours aussi sonore. J’y recroise Claude qui gère bien sa course.
Je repars rapidement regrettant encore de ne pouvoir m’attarder. Il me reste 7km pour atteindre la base. Ils sont roulants et j’essaye d’y aller d’un bon pas mais je ne sais pas pourquoi ça coince, cela me flingue le moral et je me dis que tout est foutu, que je ne vais pas y arriver. Ma blonde que j’appelle à chaque arrivée aux bases, tente de me remonter le moral mais rien n’y fait, je vois tout en noir, la fièvre peut être.
J’arrive donc avec retard à Greyssoney. Je suis accueilli par Jean Mi toujours jovial et me dis que je fais le plus gros, ça me remonte un peu le moral. Je me pose, douche, réparation des pieds et repas. J’avais prévu de quitter rapidement la base mais je m’accorde une heure de sommeil, je suis trop exténué.
Départ peu avant minuit. La traversée du village avant d’attaquer la suite, m’endort et je traine les pieds. Fort heureusement la montée raide vers Alpenzu va m’obliger à me réveiller. Celle-là elle chauffe bien ! Je me pose 25mn au refuge, un peu dans les gaz et je repars pour le col Pinter. Près de 1000m de d+. L’ascencion va être longue et solitaire. Je me fais doubler parfois lorsque je me pose pour un sommeil flash et repars de plus belle. Finalement je ferai toute l’ascension comme cela et arriverai au col avec un meilleur temps que prévu. Ça devrait me rassurer mais comme je suis parti en retard de Gressoney, je le suis encore. Comme pour la précédente, la grande descente me démoralise. Je ne déroule pas bien, j’ai beau me secouer, ça coince. Je ne comprends pas ce qu’il y a. J’ai pourtant une meilleure préparation que l’an dernier et je suis beaucoup plus lent. Re-perte de moral. Je croise le refuge Crest où j’avais l’espoir d’un café mais il ne participe pas à la course, tant pis. Ma descente vers Champoluc va être laborieuse. J’y arrive avec 1h de retard et demande un médecin dans l’espoir d’obtenir des antibiotiques pour ma gorge en me disant que mes problèmes viennent de là. Les bénévoles appelle un type affalé sur une chaise qui met tout la mauvaise volonté du monde à venir nous rejoindre. Je finis par lui expliquer mon souci mais il tergiverse et à bout d’argument il finit par me dire qu’il n’est que masseur. Ca me fout en rogne, je me débrouillerai tout seul, je prends au vol deux morceaux de banane et je quitte rapidement ce ravito pourtant sympathique. J’avais pourtant prévu d’y passer du temps et d’y faire une sieste mais je suis trop énervé. Seul avantage, je me retrouve avec de l’avance avec mon plan de marche.
Je file de ce pas agacé vers St Jacques et entreprends la montée vers le Grand Tournalin. Au moins la mauvaise volonté du bonhomme a eu un meilleur effet que les antibiotiques. J’atteindrai le refuge dans un meilleur temps que prévu. Là je m’y pose et après un bon plat et une bière je m’accorde une sieste d’une demi-heure pour une fois sans cachet.
J’ai été rejoint par le traileur consultant déjà croisé plusieurs fois et qui a un peu trop tendance à vouloir s’appuyer sur les autres. Et quand je dis s’appuyer, on sent bien le poids. C’est d’ailleurs un des conseils qu’il donne dans son blog. Oui mais en ultra trail chacun fait sa course, on la partage avec d’autre, on peut venir en aide mais il faut au départ partir du principe qu’il ne faut compter que sur soi. Je sors du refuge et il faut que je l’attende parce qu’il a une tendinite. Je ne peux malheureusement rien pour lui mis à part lui donner mes médocs. Il est un peu exigeant et dirigiste et ça me gave un peu. Je n’ai vraiment pas besoin de ça en ce moment.
Le col di Nanaz nous attend et j’y vais d’un pas régulier qui me verra arriver au col avec un meilleur temps que prévu. Ah ça revient, comme quoi, il faut toujours s’accrocher.
Le vent est toujours aussi glacial, mes douleurs toujours aussi présentes mais j’ai l’impression d’aller mieux. Effectivement le col des Fontaines sera gravi avec encore de l’avance. Le moral remonte en flèche.
Direction le beau hameau de Cheneil et la prochaine base-vie. Je force l’allure dans la descente et je sens la petite douleur au bas de mon mollet gauche de plus en plus présente.. Je mets cela sur le compte d’un coup que je me serai donné dans une chute et met cela dans le panier des bobos normaux et inévitables de course. En revanche mon cou ce n’est pas terrible et j’ai l’impression d’être Robocop, bloqué dans de la ferraille. C’est douloureux mais je sais que je peux gérer.
Dans la descente je fais la connaissance d’un traileur mexicain, rebondi et un peu mal en point, avec qui je discute un moment. Je le vois mal mais il finira par arriver à Courmayeur, comme quoi…
J’arrive rapidement à Valtournenche avec de l’avance et la certitude maintenant que ça va le faire. Douche donc, réparation des ampoules, changement d’habit et pour une fois de chaussure car je me dis que le meilleur amorti des Hoka devrait m’aider. Je passe devant le stand de soins et demande un médecin qui arrive, lui, rapidement. Apres examen il me donne un antibiotique et un autre médoc pour enrayer l’infection. Ça fait du bien de trouver cette aide médicale mais je ne pense pas à lui parler de mon mollet ni de mon torticolis. Repas vite fait et c’est le cœur léger que je quitte la base avec de l’avance pour affronter la suite. Je me suis dit qu’il vaut mieux dormir à Maggia et escalader Barnasse puis les deux fenêtres avant.
Barnasse c’est raide donc j’y vais rapidement tant qu’il fait jour, profiter du biorythme. Je grimpe bien, je suis sur un petit nuage. Evidemment je me fais doubler et je vois bien que je n’ai pas mon allure normale mais comparé à précédemment c’est le jour et la nuit. D’ailleurs cela sera confirmé par mon arrivée au ravito avec un petit peu d’avance. Ravito express et j’enfile toute mes couches car à cette altitude le vent a décidé de nous en faire voir.
Je file maintenant vers la fenêtre d’Ersaz. Descente d’abord vers les fermes et ensuite la remontée vers ce petit col assez gentil. Et ça passe avec un peu d’avance, il n’y a pas à dire je suis dedans ! Atteindre Vareton ensuite n’est qu’une formalité. Je me pose 5mn au ravito pour une bonne soupe et masser le bas de mon talon de plus en plus douloureux. Ça m’inquiète un peu mais sans plus.
Il faut y aller, la nuit est tombée et il reste du chemin. Longue montée vers la fenêtre de Tsan. Je fais des pauses sommeil flash qui m’aide à bien repartir. Je me fais un peu doubler mais bon, je suis confiant, je sais que je suis dans le bon tempo et que j’ai une bonne avance pour la suite.
Tout d’un coup, ça se complique, j’arrive en haut d’une crête et je n’aperçois plus les coureurs devant. Je vois des lumières à gauche mais le balisage est à droite. J’appelle mais plus rien, je ne vois plus personne. Je suis les repères mais ils sont de plus en plus espacés. Ceux que je trouve sont en piteux états, soit déchirés, soit incomplets, soit arrachés. Il me faut faire parfois plus de 200m pour en trouver un nouveau et avec le relief, il faut chercher. Je me retourne et personne. Je suis au milieu de la montagne. Je me dis que je suis en train de suivre un vieux balisage ou alors que comme cela arrive parfois le tracé a été débalisé ou rebalisé sur un mauvais chemin. Là d’un coup, je suis bien réveillé mais c’est un peu la galère. Finalement un grupetto arrive et je leur fais part de mes incertitudes sur le chemin. Eux aussi ont quelques doutes et on ‘’jardine pas mal’’. Je deviens paranoïaque mais je me dis qu’on veut nous entrainer au mauvais endroit, d’autant que n’ayant plus ma tête, je ne reconnais plus rien. Ça va être long, plusieurs fois on essayera de revenir en arrière ou à droite ou à gauche, éprouvant !
Le grupetto a filé, je ne les ai pas suivis car je me dis qu’on ne va pas au bon endroit. J’ai allumé mon téléphone pour appeler l’organisation. Comme ils ont nos spot gps, ils devraient pouvoir nous dire où nous sommes. Evidemment pas de couverture réseau. Ça ne va pas aider. Je garde le téléphone allumé en me disant que j’essaierai plus loin. Je suis rejoint par nouveau groupe qui lui aussi galère. Le traileur-consultant en fait partie. Ca râle pas mal, tout le monde est énervé mais à force on finit par atteindre un col. Je ne le reconnais pas et j’imagine dans mon délire qu’on nous a envoyé dans une autre vallée. Pourtant en face, au loin, on voit bien monter les frontales. Ça devrait être vers Cuney mais je ne vois pas là. D’autant que du cairn du col, le panneau a été arraché et reposé à côté. Ca indique bien fenêtre de Tzan mais dans mon délire je n’y crois pas.
Bon il faut bien, on verra ensuite, la troupe est partie et le traileur consultant veut rester avec moi. Toujours aussi dirigiste. C’est pénible. Sa tendinite le lance mais il n’est pas le seul. J’essaye de l’aider mais tout ce que je peux faire pour lui c’est la locomotive. Son allure n’est pas si mauvaise et il s’agace que je n’avance pas assez vite. La descente en lacet est assez raide et glissante et en essayant d’augmenter l’allure, je glisse et me rattrapant et casse un bâton. Ça manquait à mon palmarès ! Et puis ça a bien tiré sur le mollet qui le fait encore plus savoir. Ça serait comique cette succession de galères, si ce n’eétait pas douloureux et handicapant. Et puis je dois avouer qu’à ce stade j’avais un peu perdu le sens de l’humour.
Plus nous descendons plus je me sens perdu, je ne reconnais plus rien. De plus en plus paranoïaque, je me dis que les bandits qui ont fait ce balisage veulent nous voir louper la course. C’est vrai que c’était bizarre. Alors que le balisage jusque-là avait été irréprochable, cette partie-là semblait avoir été faite avec de la récupération de vieilles balises avec des espacements inédits et incompréhensibles. De quoi semer le doute dans ma cervelle enfiévrée.
Nous défilons dans un fond de vallée et je suis de plus en plus sûr qu’on n’est pas au bon endroit, je ne reconnais plus rien. Complètement perdu. Je me traine, je n’ai plus la notion de l’heure, je ne regarde même plus ma montre, je suis en train de sombrer. Il faut que je me concentre sur mes pas. Je n’aurais pas dû changer de chaussures car elles me serrent plus, ça rajoute des douleurs inutiles mais qui ne masquent pas ce foutu mollet. Je boite bas et la fin du parcours vers le ravito va être douloureuse.
Passée la descente en lacet du col, il nous faut suivre le fond de vallée. Le balisage est toujours aussi surprenant dans ses intervalles. J’ai l’impression que cela dure une éternité de suivre ce fond de vallée et je ne reconnais toujours rien. Au détour d’un virage, on aperçoit enfin des lumières et un bâtiment. Je ne vois pas ce que ça peut être mais nous sommes arrivés au Refuge Maggia. Les bras m’en tombent, je ne l’avais pas reconnu.
Je suis cuit, je me pose et regarde enfin ma montre. Etrangement je n’ai pas perdu beaucoup de temps. Bon, on se ravitaille et on se pose car je suis bien atteint. Je m’ausculte le mollet et ce n’est pas bon du tout. En fait cela vient du tendon d’Achille. C’est douloureux et très gonflé au bas du mollet et quand on déroule le pied on sent que ça grinche et frotte comme un câble dans une gaine sans lubrifiant. Je demande un médecin ou une infirmière mais il n’y en a pas. Il faut monter à Cuney, soit 750 de D+. Je ne suis pas sûr que ça va tenir et si à Cuney ça ne va pas, comment je fais ? Pas de réponse. Comme j’ai du temps, je vais m’allonger sur un banc pendant ¾ d’heure en espérant que le problème se résorbe.
Au réveil ça a empiré, et je boite de plus en plus. Que faire, je suis un peu perdu. Je tergiverse, j’aperçois Claude qui repars, je me dis que je peux tenter le coup. J’essaye de sortir mais ça ne le fait pas. Trop douloureux, je boite trop et le spectre de la rupture du tendon se balance devant moi. Et d’un seul coup l’évidence est là : ils m’ont vaincu, les Géants ne m’ont laissé de l’espoir que pour mieux me le retirer plus tard, le tendon d’Achille c’est le coup de grâce. Ils ne veulent pas de moi. Toute la misère du monde me tombe sur les épaules, c’est fichu, pourtant j’y ai cru, traversé tous les soucis et plus ça allait et plus je me relevais mais là ce n’est plus possible, le risque de rupture met un coup d’arrêt à ma remontée.
Fin de l’histoire, le cœur gros je vais rendre mon dossard et vais dormir, il n’y a plus que cela à faire. Le retour triste par la navette le lendemain et passage par les podologues qui me confirment le diagnostic. Ça ne me console pas mais ça n’aurait pas tenu. Trahi par son propre corps, dégoûté !
Depuis, ce ricanement moqueur me poursuit alors que je tente de remonter la pente car ce périple m’a bien assommé. Mais il sera dit que l’ironie des Géants sera complète car savez-vous ? Entre la pesée d’avant et celle post course, après 260km et des ravitos frugaux, je n’ai pas perdu un gramme !
Maudit, je vous dis !
9 commentaires
Commentaire de Antoine_974 posté le 20-09-2017 à 20:50:32
Bravo pour ton récit et pour ta course.
Quand ça veut pas, ça veut pas...
Peut-être laisser passer quelques années pour revenir sevré des expériences passées.
Bonne récup
Commentaire de PaL94 posté le 21-09-2017 à 23:09:45
Merci Antoine
Oui il va me falloir un peu de temps pour ´digerer' lhistoire avant de passer à autre chose. Sachant qu'en début d'année prochaine je vais quand même me pré inscrire au cas ou .... Quand on a le virus ...
Commentaire de bubulle posté le 21-09-2017 à 08:45:52
En commençant ton récit, comme tu annonces la couleur, je me suis dit "bon, alors, où est-ce qu'il a bâché ?".
Et plus ça avançait, plus c'était étonnant puisque, régulièrement, tu indiques que ça ne va pas que tu te traînes, etc.....et tu continues à avancer, dans le bon timing, apparemment sans jamais être vraiment menacé par les BH. Bref on finit par se demander si , finalement, tu ne nous as pas subtilement enduit en erreur et que tu vas finir.
La douche froide arrive d'autant plus vite, avec ce pb de tendon d'Achille...:-(. En tout état de cause, ton récit illustre bien les hauts et les bas par lesquels on passe toujours sur un ultra....et encore plus, je pense, sur le Tor. Il faudra que j'y revienne dessus, d'ailleurs, ton récit, car il est plein de petits détails utiles pour un maniaque de la préparation à outrance comme je le suis...:-)
Bonne récupération à toi et, comme l'écrit Antoine, peut-être un Tor-break est-il une bonne idée (sachant que, forcément, quand janvier va venir, ça va te démanger très très très fort....).
Commentaire de PaL94 posté le 21-09-2017 à 23:15:33
Merci Bubulle. Ben oui moi aussi plus ça avançait plus j'avais des raisons d'y croire mais comme dit Antoine quand ça veut pas, ça veut pas.
Moi aussi je suis un maniaque mais je me suis un peu loupé autour de Bonne mais si tu as besoin d'info n'hésites pas.
Et oui ça va faire plus que me démanger en janvier
Commentaire de Godot posté le 21-09-2017 à 13:06:48
Très beau récit! Bravo! Et seul la prudence et la raison permettent d'en finir bien d'autres (et peut être celle là) dans le futur!
Commentaire de PaL94 posté le 21-09-2017 à 23:17:15
Merci Godot. Que le ciel t'entendes...😐
Commentaire de float4x4 posté le 22-09-2017 à 09:40:24
Humpf, ton traileur consultant avait l'air légèrement casse-c****** :D Très bon récit sinon, dommage pour ta cheville, l'ultra c'est parfois un peu la roulette russe à bobo...
(PS, moi non plus je ne perds quasiment jamais de poids après un ultra. Pour maigrir j'ai l'impression qu'il faut faire du court)
Commentaire de PaL94 posté le 22-09-2017 à 15:00:18
Merci Float
Habituellement sur ce genre d'ultra je perds toujours quelques kilos mais là ça ne voulait pas non plus :-( Pas un bon cru ;-)
Commentaire de Bert' posté le 17-04-2023 à 23:12:50
Je découvre par hasard ton récit, bien longtemps après...
J'étais sur la même édition et, ton récit comme la vue de tes photos me laisse penser qu'on était toujours pas loin l'un de l'autre. On s'est même probablement croisé !
Même si tu as eu largement le temps de digérer, c'est forcement frustrant de manquer le tour complet de peu...
Tout ça aurait pu m'arriver aussi... et j'ai la chance d'en venir à bout. Mais quelle folle semaine...
Tout ça fait 60 pages, très illustrées, dans mon livre "Défis Trails & Ultra-Aventures"
P.S : le concurrent mexicain dont tu parles, je l'ai aussi croisé sur la fin et c'est par un Mickey : il a fait et réussi HardRock, Western States, disputé la Barkley...
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