Récit de la course : Ultra Tour des 4 Massifs - XTrem 160 km 2017, par rbavay

L'auteur : rbavay

La course : Ultra Tour des 4 Massifs - XTrem 160 km

Date : 17/8/2017

Lieu : Grenoble (Isère)

Affichage : 3800 vues

Distance : 169km

Objectif : Terminer

3 commentaires

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Des hauts et des bas

Devant le Palais des Sports de Grenoble, parc Mistral, les coureurs tapis sous les arbres peinent à gagner le sas de départ tant la chaleur est accablante. L’insistance du speaker aura raison de leurs réticences. Il est 17h30 et je suis assis depuis près d’une heure sur un banc en compagnie de mes accompagnateurs Christine, mon épouse, mes parents, Jean et Isabelle, Théophile. J’observe le mouvement s’opérer. Je suis très calme. Les dernières séances de relaxation m’ont fait du bien. Je réalise aussi combien j’ai de la chance de me retrouver au pied de ces magnifiques massifs qui entourent Grenoble et rêve déjà des paysages que je découvrirai là -haut.

L’organisation vérifie le matériel obligatoire dans nos sacs. Emmener gants, bonnet, collant et autres vêtements chauds peut paraître incongru à ce moment de la course. Pourtant, à l’épreuve des faits… mais n’anticipons pas.

A 10 minutes du départ, notre animateur speaker nous fait battre les mains et crier notre impatience. Et c’est parti ! nous traversons le parc entre deux rangées denses de spectateurs venus saluer près quelques 600 coureurs si l’on additionne la course dite 160Xtrem et le 160 Relais.

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profil_Ut4M160_XtremJ’ai prévu de partir aux alentours de 10km/h jusqu’au pied de la première montée. Ces 4,7 km au milieu de la ville paraissent longs sous la chaleur. Je n’arrive pas à réduire mon allure qui avoisine plutôt les 11km/h.

Voici enfin cette montée qui nous met à l’ombre et me permet d’entrer enfin dans la course. J’avoue qu’à cette heure de la course, cette section me paraît facile. Je freine pour ne pas aller plus vite. Je me sens bien.  La pente n’est pas régulière et la montée entrecoupée de replats et de petites descentes. J’alterne marche rapide dans les montées et course à pieds sur le plat et les descentes. L’œil rivé sur la montre GPS, je surveille mon allure pour ne pas être « dans le rouge » en me basant sur les temps réalisés en 2014 et 2015. Tiens, revenons sur ces deux épreuves. La première, j’étais parti vite et avais réussi à me hisser dans le top 20 jusqu’au 90ème km. J’avais finalement terminé 35ème en 34 heures. L’année suivante, très confiant, je partais sur les mêmes bases mais abandonnais à Rioupéroux, épuisé.  Cette année 2017, je me suis juré de partir vraiment plus lentement. Si je suis capable de terminer en 36-38 h c’est dans la seconde moitié de course que cela se jouera, pas avant. Je parviens donc au pied du tremplin à ski des JO de 68 assez satisfait car « dans les temps ».  Ma seule surprise est de réaliser combien je transpire. Mon T shirt est trempé ainsi que la casquette et même le short. Cela n’est pas de bon augure pour la suite. Les encouragements des spectateurs se font entendre lors de longue montée des marches pour arriver au premier ravitaillement. Mon père me demande de poser pour la photo et Christine me prend par la main vers le mini stand qu’elle a constitué à l’aide de deux caissons remplis de tout ce qui peut m’aider. Elle a notamment préparé des mini sandwich à l’houmous et à l’avocat qui passent très bien. Isabelle et Jean sont là aussi découvrant ainsi un monde étrange de coureurs/ Randonneurs assoiffés d’altitude.

Je repars vers La Moucherotte, premier des deux sommets de cette portion du Vercors. J’éprouve les mêmes sensations : aisance, plaisir et inquiétudes de transpirer autant. Au sommet, l’un des meilleurs points de vue du parcours s’offre à nous. Grenoble s’illumine et les montagnes autour plongent dans l’obscurité naissante de cette belle nuit au clair de lune. Le deuxième sommet, le Pic Saint Michel, me paraîtra plus difficile avec ses passages sur un dur calcaire karstique : surface irrégulière, entaillée nous obligeant souvent à slalomer pour choisir la bonne trajectoire.

Entre ces deux ascensions, une descente facile vers Lan- en-Vercors me fait grand bien, content que je suis de retrouver encore les miens qui m’attendent. Il est 21h25, je pointe à la 63ème place

Je vais bientôt connaître mes premiers moments difficiles dans la descente vers Saint-Paul de Varce. Seulement 6 km le sommet à 2000 mètres et le point bas à 400 mètres d’altitude. Surtout, certains passages me paraissent scabreux et j’ai la malchance de chuter sur le dos au début de la descente. Je suis donc crispé et m’arrête fréquemment. C’est donc éprouvé que j’arrive au point 3 ; rapide échange de bidons de boissons énergétiques, deux rasades de Saint Yores : ce sera le tarif à chaque passage de ravitaillement. Je souhaite une bonne nuit à mes parents, à Jean et Isabelle. Christine et Théophile passeront la nuit. Je traverse vite Saint-Paul de Varce et me rends compte trop tard avoir oublié mon gobelet. Je perdrai de longues minutes à téléphoner pour m’assurer que Christine l’a bien récupéré. Petite montée (300 mètres de dénivelé) et descente vers Vif. C’est la première base vie. A l’entrée de Vif, il est 1h18, je suis 87ème. La nuit est bien entamée et les premières victimes de la distance et de la chaleur sont allongées ou assises, comme groggys..

Entre la sortie de cette base et le pied de l’ascension du col de Chal, il y a une petite butte à franchir. Elle n’est pas méchante mais je l’avais oubliée et je peste encore dans une portion raide et poussiéreuse où je manque de perdre l’équilibre ; il fait toujours chaud. Sur la petite route qui traverse le Drac, Christine me dépasse en voiture ; un petit moment de joie inattendue, avant de gravir le col de Chal à 1100 mètres. Cette grimpée se passe bien. Je pense toujours à bien boire et à bien m’alimenter.

Laffrey, j’arrive à 3h58 en 65ème position.  Il fait un peu plus frais à Laffrey près du Lac. Je me change pour revêtir un vêtement longue manche en prévision d’une baisse de la température dans les prochaines heures. Et soudain, je me mets à trembler. C’est un coup de froid. Je suis comme anéanti. Il faut vite me couvrir et rester allonger dans un endroit sec. Le sommeil m’envahit. Et ce n’est qu’une heure plus tard que je reviendrai à moi. Je repars donc en marchant puis accélère progressivement pour retrouver la forme quelques kilomètres avant la station Alpe du Grand Serre au lieut dit La Morte.  Cette section n’est pas difficile, des petites montées, des descentes faciles ; je peux souvent courir.

Déjà le 66 ème kilomètre lorsque le soleil se lève. Christine et Théophile ne sont pas là.. curieux et surtout inquiétant. Que leur est-il arrivé ? inutile de faire durer le suspense, ils s’étaient tous les deux endormis dans la voiture spéculant sur une arrivée tardive de ma part (vu mon état à Laffrey pas étonnant). Je sors 117ème de ce ravitaillement de La Morte, Alpes du Grand Serre, il est 07 h 45. Je vais bien et entame la montée du Pas de la Vache avec un sacré bon moral. Comme d’habitude je n’éprouve aucune difficulté à monter y prenant même du plaisir. Au sommet, un grand moment d’émotion m’attend, devant le paysage alpin de pelouse et de roche que la lumière du matin éclaire merveilleusement. L’air est vif et la vue dégagée permet de voir très loin la chaine des Alpes et des Préalpes.

Ouf ! je retrouve Christine et Théophile à Poursolet où je ne traine pas.  Il est 10h58, je sors en position 98. Une montée assez technique vers le plateau des lacs. Là aussi, c’est un spectacle grandiose que ce plateau formé après le retrait des grands glaciers qui couvraient les Alpes il y a encore 10 000 ans. Les randonneurs se font nombreux en cette belle matinée et l’on se prend à rêver que tout le reste de la course, je puisse continuer à progresser aussi vite et joyeusement. Et pourtant le pire est à venir, je le sais ; la descente de Rioupéroux tel un gouffre se présente à moi. A ma grande surprise, je descends bien et me mets à dépasser mes compagnons de galère. Car c’est vrai que cette descente fait mal, très mal. 3 km et 1100 mètres de dénivelée soit une pente à près de 35%.

C’est la fournaise à Rioupérou au 88éme kilomètre et je vais bientôt connaître ma deuxième défaillance. Je vois d’abord mon père puis tous mes accompagnateurs. J’ai besoin de beaucoup boire et de me rafraichir avant de repartir gravir la plus forte montée du parcours. Tout est bon pour faire baisser la température : repos allongé, passage sous le tuyau d’arrosage… et toujours quelques grands verres de Saint Yores.

Il est 14h08, je sors en 72ème position. Théophile est parti devant moi, dans l’intention de rejoindre le prochain ravitaillement. Mon neveu d’à peine 17 ans, est un excellent athlète. Il veut mordre au trail et s’essayer sur une partie du parcours… « en rando » jure-t-il avant de s’élancer. Me voici donc reparti à l’assaut du troisième massif inquiet de ce qui m’attend...  Je vais mettre plus d’une heure quarante pour franchir ce mur sous une chaleur accablante. Parvenu au ravitaillement d’Arselle, je m’écroule, inconscient quelques dizaines de secondes d’après les témoins. Il me faut en revanche plusieurs dizaines de minutes pour reprendre la course. Allongé sur un lit de camp et emmitouflé (car j’ai froid), je pense à ce moment-là que je risque de ne plus repartir. Car tout se déchaine. La météo jusque-là placée sous le signe de la chaleur et du soleil vire à l’orage. Le parcours qui devait nous emmener vers la Croix de Chamrousse est dévié. Entre Arselle et la Freydière ce sera plus long mais plus facile. Plus de 20 km de pistes et chemins qui traversent notamment la station de Chamrousse. La pluie tombe très fort et un éclair éclate à quelques centaines de mètres. Ça fait peur ! au ravitaillement du « Recoin », la course est arrêtée. L’organisation attend une éclaircie pour donner le feu vert. Les coureurs attendent à l’abri et l’ambiance est bonne. On fait plus amples connaissances, on se raconte nos courses. Une demi- heure plus tard, la course est relancée. Je vais mettre beaucoup de temps pour atteindre Freydière à la nuit tombée. Jean et mon père sont aux avant-postes pour m’accueillir chaleureusement. Christine se démène avec énergie pour m’assister. Maman semble inquiète ayant appris le malaise survenu tout à l’heure. Isabelle affiche un large sourire, contente visiblement de vivre cet évènement. Théophile est arrivé depuis déjà deux heures d’avance. Il est ravi.

Le plus dur est fait. Déjà plus de 110 km au compteur et je suis intimement persuadé à ce moment-là que je terminerai.  15 km nous sépare de la troisième base vie, porte d’entrée vers la Chartreuse. Un deuxième orage éclate lors de la descente vers Le Versoud. Je ne suis que légèrement vêtu mais je renonce à sortir l’imperméable déjà tout humide de la dernière pluie. Cette descente me révèle une contracture vers le haut de la cuisse droite. Et la douleur ne fait que s’amplifier. Je ne peux donc pas courir sans souffrir tout juste marcher vite. C’est donc en marcheur que je traverse le Grésivaudan, 5km de plat au milieu des champs de maïs.

Christine se retrouve seule avec moi sur la dernière base vie à Saint Nazaire les Eymes. J’y effectue une petite sieste de 30 minutes. Elle me fait du bien et c’est ragaillardi que j’entame la dernière très rude et longue montée, un kilomètre vertical en forêt et une nouvelle fois sous la pluie ; troisième orage. Sur la crête, c’est le vent, la pluie et le brouillard qui rendent la progression difficile. Il est trois heures du matin. Je me prends à rêver d’un lit chaud. Le terrain est trés glissant, on ne voit pas grand-chose. La glisse sera d’ailleurs l’élément dominant de cette fin de parcours. On descend sur deux kilomètres et on remonte fort. Habert de Chamechaude arrive plus tôt que je l’imaginais. Il est 4h53 je suis en position 64. Le site porte mal son nom tant il fait frais. Les organisateurs n’ont pas voulu prendre le risque de nous faire gravir le sommet de Chamechaude.  Nous descendrons donc directement vers le Col de Porte puis Le Sappey. Et toujours les  pierres glissantes et de la boue. Le jour se lève déjà. Une progressive émotion m’envahit peu à peu. Celle de la fin d’une aventure extraordinaire, celle de la satisfaction d’avoir surmonté les moments difficiles….

Au Sappey, 148ème kilomètre, Christine m’attend depuis de nombreuses heures. Elle aussi, éprouve semble-t-il cette même joie profonde.

Je me sens merveilleusement bien malgré quelques courbatures et cette contracture à la cuisse droite qui n’a pas disparu. La dernière ascension vers Fort Saint Eynard est avalée à un rythme exceptionnel. Je ne ménage pas mes efforts. J’ai retrouvé une énergie folle. Elle m’aide aussi à descendre vers le Col de Vence. A ce dernier ravitaillement je suis tout guilleret. J’enfile mon T Shirt Végan Runners et affiche aux bénévoles le slogan « j’avale les kilomètres pas les animaux » ce qui me vaut des applaudissements fournis.

Il reste plus 12 km à accomplir. Il est 7h25, je suis en position 59. Tous mes accompagnateurs m’attendent avec impatience. La descente vers la Bastille puis vers l’Isère est longue. On longe ensuite la rivière sur 3 km avant d’atteindre l’entrée du Parc mistral. Cette fois ça y est.  Il est près de 11h le matin, après plus de 40h de course pour 169 km. Une bouffée de joie m’envahit, elle me fait pleurer quelques instants. Christine et Théophile accomplissent avec moi mains dans les mains les derniers hectomètres. Mon brave chien Astuce, mon compagnon d’entrainement, témoin de tous les efforts accomplis pour réussir cette épreuve, court aussi avec nous. Et puis on pénètre dans le palais des sports. Tout le monde est là. Le speaker félicite mon arrivée. C’est magique, c’est fort, c’est l’apothéose d’une course de dingue. A ce moment précis, je mesure combien ce sport favorise le partage des émotions, des joies, des peines, des souffrances, tout ce qui fait finalement la vie. Cette pratique de la montagne et de la course à pieds, me passionne, me prends du temps et de l’énergie. Mais je réalise aussi que pour moi, pour nous les coureurs, des organisateurs se sont ingéniés à imaginer un parcours exceptionnel, à le baliser, le sécuriser ne comptant pas non plus leurs heures ; des centaines de bénévoles nous ont permis de l’accomplir avec le meilleur confort et réconfort qui soit. Enfin, mes accompagnateurs m’ont soutenu du début jusqu’à la fin avec beaucoup d’amour et de bienveillance; ils ont été mes points de repère. Sans eux, n’aurais-je pas cédé à la tentation d’arrêter ? merci à tous, et à la prochaine fois !    

3 commentaires

Commentaire de loiseau posté le 23-08-2017 à 19:35:14

Salut rbavay,
c'est donc toi qui a passé plusieurs dizaines de minutes sur le lit de camp à l'intérieur de la tente à Arselle, tout tremblotant ? Je suis content de savoir que finalement tu as bien fini, on avait un peu peur pour toi... Si j'avais su que tu t'étais écroulé je ne t'aurais pas laisser partir sans voir un médecin ! En tout cas, bravo pour ta course et ton courage, et merci beaucoup pour le récit ! Bonne récupération !

Commentaire de rbavay posté le 25-08-2017 à 17:20:39

oui c'était moi. Merci en tout cas du soutien apporté.

Commentaire de fcorset posté le 11-09-2017 à 21:13:35

Salut rbavay,
beau récit ! J'ai revécu ma course au travers de ton récit... On voit que tu as de l'expérience sur ce genre de distance...
J'espère que tu as bien récupéré. A bientôt sur un nouveau 160 !

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