L'auteur : freethunder
La course : Ultra Tour des 4 Massifs - 160 km
Date : 21/8/2015
Lieu : Grenoble (Isère)
Affichage : 4315 vues
Distance : 168km
Matos : Saucony Xodus 5
Objectif : Objectif majeur
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Ps : Comme pour mes autres récits. C'est un CR vecu de l'interieur. Alors dés fois c'est un peu le bordel dans ma petite tête :)
Bonne lecture :)
Aujourd'hui nous sommes le Vendredi 21 Aout 2015.
Au départ de mon premier 100 milles. La distance reine du trail.
La course phare de ma saison.
Retour rapide sur ce début d'année et ma préparation.
Au programme cette année : 5 courses.
Comme toujours après une grosse course, j'ai du mal à me remettre dedans. Après une pause de 2 semaines et demie. Je reprends la course, mais sans réelle entrainement spécifique.Pour couronner le tout. Je me fais une vilaine entorse début juin qui me stop net dans ma prépa.
Je reprends juste à temps pour l’AMT.
Je me remets au boulot, mais je ne retrouve pas vraiment de sensation. Je me demande même, si l’envie y est toujours. Gros doute sur mes motivations, mais bon je pars au charbon quand même, mais en me forçant régulièrement à sortir.
Résultat j’arrive sur la ligne de départ avec 1300 km de CAP et 27000 de D+
Niveau physique, je ne me sens pas au top, j’ai peur d’être juste.
Niveau mentale, je doute car je ne me sens pas en forme. J’ai juste bien étudié la course. Je me suis fait mon roadbook perso, avec toutes les informations utiles pour mes 2 jours. Mais bon. Je n’ai pas l’impression d’être dans une bonne dynamique.
Bon voilà, on y est. Je pars avec mon pote Chanthou qui n’est pas au mieux dans ces certitudes non plus :)
On découvre la distance tous les deux. 160 km et plus de 10 000m de dénivelé. Ce n’est pas compliqué, on va faire le tour de Grenoble par les 4 massifs. Vercors, Taillefer, Belledonne et la Chartreuse.
Chaque massif représentant en gros 40 km.
8h00 – 0 km : Au départ dans le dernier tiers du peloton, nous partons tranquillement à 8/10 de moyenne jusqu’à la première montée.
Voilà la course débute vraiment, en mode rando on commence par le Massif du Vercors et le pic de Moucherotte. J’ai hâte de savoir où j’en suis sur de grosses montées.
On commence par une route goudronnée, puis des chemins et on arrive rapidement sur l’ancien tremplin de saut à ski. Laissé à l’abandon… Dommage.
La ça pique un peu, mais bon ça passe plutôt bien. Chanthou est avec moi. Tout va bien.
10h21 - 13.1 km : 1er ravito ou j’arrive avec 27 minutes en avance sur mon estimation. Tout est ok, je n’ai encore rien mangé, mais je ne m’inquiète pas. J’ai encore le ventre plein du matin. Niveau hydratation, peu mieux faire avec la température qui monte, je vais bien faire attention à ce point.
Le pic de moucherotte arrive rapidement, toujours une trentaine de minute d’avance sur mon timing. La première montée s’est passé correctement, pas l’impression d’avoir tapé dedans. C’est bon signe.
Chanthou toujours avec moi. On est bien.
Enfin il était avec moi, car dans la descente la fusée (Chanthou)part devant.
12h15 – 21.5 km : On entame l’ascension du pic Saint Michel. 20 minutes d’avance sur le timing. Une montée compliquée avec beaucoup de cailloux, terrain instable et le soleil qui commence a vraiment tapé. Je rattrape chanthou tranquillement. Il est à la peine et les crampes commencent à monter sur ces cuisses.
On arrive enfin en haut du pic. La vue est juste magnifique. Aucun nuage, vu sur Grenoble et surtout sur les 3 massifs restants. Sublime.
Bon maintenant ça va piquer. On est partis pour 1500 m de D- sur 7.7 km.
Je n’aime pas les descentes et je commence déjà à peiner. Quel calvaire pour moi. Chanthou part doucement mais au bout d’un moment. Il passe le 2 puis 3 et zou, envolé.
Enfin arrive St Paul de Varces. Je n’ai perdu que 5 minutes sur mon estimation. Mais j’ai clairement bien tapé dans mes jambes. Moi qui voulais rester frais jusqu’au départ du massif de Taillefer. Loupé!!!!!
Arrive la dernière ascension du Vercors. Uriol 400m de D+ sur 2.3 km.
Je rattrape de nouveau Chanthou et le distance un peu sur la côte. Ça passe plutôt bien.
Voilà maintenant on redescend en plaine vers le ravito de Vif pour finir le massif du vercors.
16h33 – 40 km : Arrivée au Ravito avec 33 minutes d’avance sur mon timing. Je n’avais pas prévu de m’arrêter mais bon, avec 30 min d’avance, et bien, je les prends tout de suite.
1er ravito avec de la soupe de pate. Enfin je n’attendais que ça. Je me pose sur une chaise, prends le temps de récupérer. Je discute un peu avec un autre concurrent et sa femme qui lui fait l’assistance. Je les avais rencontré la veille au soir lors de la pasta Party. Tellement gentille sa femme qu’elle se propose de me masser les jambes avec de l’huile d’Arnica, un peu gêné, je la laisse quand même volontiers me masser. Whaou la classe.
17h04 – 40 km : Départ du Ravito avec encore 2 minutes d’avance sur mon timing mais un bon repos. Je pars mais je ne vois toujours pas Chanthou dans mes rétros. J’espère que tout va bien.
Fin de l'acte 1. J’aurais donc mis 9h04 pour faire le massif du Vercors
A ce moment-là, j’ai 3h16 d’avance sur la barrière Horaire. Je suis confiants pour la suite.
On commence par une petite côte enchainé par la Chal, 844 de d+ sur 6.2 km. Je n’ai plus trop de souvenir de cette ascension pour être franc, alors je pense que c’est bien passé.
On enchaine par une petite descente jusqu’à Laffrey. Enfin une descente reposante. Pas trop de pente.
20h04 – 54 km : Je reprends de nouveau 30 minutes d’avance sur mon timing. La nuit ne vas pas tarder, mais je décide de ne pas préparer la frontale. Je reste en short t-shirt pour le moment. Il fait bon.
Je ne dis plus « on », car je ne vois toujours pas de chanthou à l’horizon et je sais qu’il n’a déjà plus de batterie à son tel…. Donc j’entame l’ascension jusqu’à Cuche. 615 m de D+ en 6.9 km. Encore une fois, je ne me rappel pas de cette ascension… Pas de fais marquant qui me revienne en tête.
Une fois arrivée sur Cuche, une nouvelle section qui devrait me reposer un peu les jambes. 4.5 km avec 166m de D- pour arriver au ravito de « la morte ». Ça repose effectivement.
Je n’ai allumé ma frontale que très tard. 22h30. J’étais joueur et avec une presque lune. J’ai joué dans le noir à deviner le sol, les branches et cailloux.
Après coup, j’ai été un peu con de faire ça, mais ça m’a bien amusé et fait passé le temps.
23h01 – 65.4 km : Ça y est, c’est vraiment la nuit. J’arrive encore avec 39 minutes d’avance sur mon timing. Comme au ravito de Vif, je n’avais pas prévu dans mon timing de m’arrêter, mais je décide de reprendre 30 min pour refaire le plein et reposer mes jambes. Je rajoute les manchons au bras, mais pas de k-way pour le moment.
23h36 – 65.4 km : Je pars encore avec 4 Minutes d’avance sur mon timing. Toujours pas de Chanthou malgré mes longues pauses.
Je suis donc parti pour 972m de D+ sur 4.6 km, direction le pas de la vache. La ça va piquer bien comme il faut. Avec l’altitude les températures tombent, mais vu que je ne traine pas, mon corps reste bien chaud. Le t-shirt et les manchons suffisent largement. Je monte la moitié seul et je rattrape un groupe de 3 personnes dont mon Vétéran (Jean-Michel) je crois. Je resterais avec eux à plus ou moins 10m.
Voilà on arrive en haut avec un sacré vent. La vue sur Grenoble de nuit est juste magnifique, mais on ne s’attarde pas du tout, car le vent pousse fort. Vent qui m’obligera à mettre mon k-way quelques centaines de mètres plus bas.
Pas le temps de souffler, qu’on entame déjà la descente direction le lac de Poursollet. Lac que je ne verrais pas (ba oui, il fais nuit). Descente très lente pour ma part. Je commence à avoir froid…
3h16 – 76.3 km : Ravito du lac de Poursollet. Ba heu, là j’ai tout oublié :). Je ne dois pas être très frais dans ma tête, ni dans les jambes car pour la première fois, je suis à + 7 minutes sur mon timing.
Je repars donc pour une ascension de 411m de D+ sur 2.6 km. Pareil j’ai oublié cette partie, punaise mais j’ai dormi en marchant ou quoi. C’est vrai que la nuit, y’a pas grand-chose à voir, mise à part, le cercle blanc de la lumière de sa frontale.
Enfin bon me voilà à Envioux. La dernière ascension du Taillefer est terminé. Maintenant place à la descente. AHHHH la descente, la fameuse descente casse patte qui peut anéantir le reste de ma course. 1346m de D- en 4.8 km. Ça va être très très dure pour moi.
Je suis toujours avec mon groupe de 3 personnes, une femme qui connait le coin et notamment cette descente. C’est exactement ce qu’il me faut. Je décide de rester avec elle. Le vétéran (Jean-Michel) lui part comme une balle en footing. Nous ça sera marche très lente.
INTERMINABLE, HORRIBLE, mais punaise, on ne voit pas la fin. Le jour se lève et après un temps infini, on arrive enfin sur Rioupéroux. Mes genoux sont meurtries, ma voute plantaire en a pris un sérieux coup. Mais bon voilà, c’est fini. Je vais pouvoir me reposer. Surtout que lors de la descente, j’ai appris qu’il y avait des douches. Héhé, alors là c’est une bonne nouvelle.
Fin de l'acte 2. J'aurais mis 16h29 pour faire le Taillefer. Ouchh
Pas de photos car, il faisait nuit :)
8h18 – 87.5 km : Rioupéroux, un peu plus de 24h de course. Bon la j’avais prévu un arrêt de 80 minutes sur mon timing sauf que j’ai maintenant 1h36 de retard. Hmmm, elle a vraiment été très dure cette descente.
- La bonne nouvelle c’est que je vois débarquer Chanthou a peine 15 minutes après moi. Il m’a repris 40 minutes rien que sur la descente. Il a l’air bien. Il joue avec ses crampes dans les montées mais les descentes ne lui posent aucun soucis.
- La mauvaise c’est qu’il y a bien des douches mais froide…. Je décide de me laver les pieds, la tête et le postérieur.
Ça fait quand même du bien. Je me change complètement sauf le short. Je l’aime bien ce short.
Ravitaillement, ça sera un vrai plat de pate + soupe de vermicelle avec un max de sel….
Coca, sandwich saucisson fromage.
Au final ça sera une pause de 82 minutes. Et donc toujours 1h36 de retard sur mon plan de vol.
Chanthou décide de repartir avec moi pour LA GROSSE difficulté de cette course.
9h33 – 87.5 km : Départ pour le terrible Kilomètre vertical. 2.6 km pour 1096 de D+. Un mur, un vrai. Pas de plat que de la côte de bucheron. Juste au départ, on rejoint un gars et on décide de la faire ensemble, à SON rythme. Ba dis donc je n’ai pas été déçu. Il envoi du pâté le gars. Chanthou est rapidement distancé. Arrivé au ¾ de la côte (enfin c’est ce que je croyais) un bénévole me coupe complétement dans mon élan en m’annonçant seulement avoir fait la moitié de l’ascension. Je marque le coup et m’arrête 10m plus loin pour me poser 5 Minutes. Je viens de boire 1,5l d’eau en moins d’1h. J’attends un peu voir si Chanthou arrive et je décide de repartir, mais beaucoup plus lentement.
C’est fou, le pourcentage de cette montée. On finit même par de l’escalade sur des gros blocs de pierres. C’est un poil dangereux surtout pour des gars qui ont déjà plus de 5000m de D+ dans les jambes et plus forcément toutes leurs lucidités.
Avec mon timing du départ, je devais arriver à voir notre troisième compère « Robin » qui partait sur le 90 km.
Mais avec mon 1h30 de retard. Je n’y croyais plus trop. J’ai quand même cravaché sur la partie plate pour arriver au ravito de l’Arcelle le plus vite possible
11h38 – 91.6 km : Ravito d’Arcelle, effectivement je commence à rejoindre les coureurs du 90 km. Petit texto à Robin pour lui dire ma position. Pas de réponse. Il doit être dans sa course maintenant.
Et là, je prends conscience d’une chose, je ne fais plus partie des personnes qui applaudissent et encourage avec émerveillement ces grands malades du 160, je fais parties de ces grands malades. Et s’en suivent un flux régulier d’encouragement et de félicitation des coureurs du 90 envers un petit gars qui galère sur son 160. Ça fait vraiment plaisir. Je sens de l’admiration dans leur yeux, surtout que je ne suis pas forcement le plus lent dans les montées. C’est extrêmement motivant.
Et la Surprise. « JEROME, coucou ». Et oui comme on l’avait imaginé avant la course. Robin me rejoint dans le bon timing. Il est bien. Je suis super content de voir une tête connu. Il reste un peu avec moi et c’est sympa de sa part. On discute je lui parle de Chanthou qui est pour moi derrière mais mal en point avec ses crampes. Je le laisse poursuivre car son rythme est trop rapide pour moi. Je le laisse vivre sa course. Sa première grande course de montagne.
Bon c’est sympa tout ça, mais là je suis en train de me taper encore 615 m de D+ jusqu’à Chamrousse. Cette partie est une des plus sympas. Pas de gros pourcentage, le terrain assez stable. Je le monte tranquillement. Je m’aperçois qu’il y a de moins en moins de coureur du 160 et qu’instinctivement on se cherche et on reste ensemble. Le petit cercle des ultras prend tout son sens. Pas besoin de parler. On sait ce qu’il reste à faire. On s’encourage du regard.
13h14 – 96.3 km : Chamrousse, un peu plus de 29h de course. Il annonçait une canicule, mais les nuages arrivent et ça fait vraiment du bien. La température est plus que supportable. Bonne nouvelle plus que 32 minutes de retard. J’ai regagné 1h. Ah je suis de nouveau confiant, mais faut pas se relâcher. Ah ba en parlant de lâcher. C’est les batteries de ma montre et celle de mon téléphone qui m’ont lâché. Il faudra attendre Saint-Nazaire pour récupérer une batterie externe. Donc, là je pars à l’aveugle.
Maintenant direction le Refuge de la Pra. Sur cette section je reste avec un gars du Morbihan, super sympa. Section reposante car du d- pas trop pentu et du d+ tout aussi reposant. Toujours ces encouragements de randonneurs et coureurs du 90km.
15h51 : 103 km : Le refuge de la Pra. Juste un point d’eau mais qui fais du bien. On discute un peu avec les locaux. Et on ne perd pas trop de temps.
Zou direction le Col du Grand Colon. 521 de d+ sur 2km. Un beau mur.
En arrivant en bas du col du grand Colon, je revois devant moi le Col du Tricot que j’avais fait lors de la TDS 2014. Même configuration. Toujours avec mon ami de fortune. On entame cette ascension. Il est un peu mal et s’efforce de rester avec moi. Il y arrivera presque jusqu’au bout.
C’est dure mais ça passe, ça passe d’ailleurs plutôt bien. Je suis étonné par mes jambes.
En haut du col, la vue est magnifique. Vue sur Grenoble et la chartreuse. Whaouuu ca claque.
Je décide quand même de ne pas rester trop longtemps car voilà encore une grosse descente. En fait c’est la plus longue. 2100m de D- sur 15 km.
Que du chemin avec de gros cailloux qui cassent bien les pattes et ma voute plantaire. La vraiment c’est un calvaire. Je m’aperçois qu’il me reste 10 % de batterie. Ok, il faut que j'appelle du monde pour me changer les idées. Allo ma femme ( ba non elle répond pas ),allo papa, maman, allo frangin, et enfin allo ma femme qui enfin décroche.
Voilà j’ai oublié mon calvaire pendant 30 minutes.
19h14 – 112 km : Freydiéres. Petite pause en milieu de descente à un ravito. Aie, j’ai de nouveau perdu du temps. 56 minutes de retard sur mon timing et encore 900m de D- à faire.
Je repars très très vite.
Je me retrouve seul de nouveau, mais en fait non. Je ne suis plus seul. J’ai des Hallucinations qui arrivent. Oui, j’en avais entendu parler mais ça ne m’était jamais arrivé.
C’est fou ça. Je vois des personnes partout, des poules sur des pierres. Des personnes dans des branches. N’importe quoi. Bon en même temps, je n’ai pas fermé l’œil depuis 37h.
Cette descente qui n’en finit pas. Je rejoins des coureurs du 90, heu non, ils me rejoignent.
J’essaye de rester avec eux, mais c’est dure, très dure. Ça n’avance pas. Le temps passe, mais pas les km.
Arrivé à Versoud ce qui signifie plus de descente. On est en plaine, il ne reste que 5.4km sur mon roadbook. Je pars en marche nordique en voyant enfin le bout du tunnel. A moi la base de vie 2. Avec douche (chaude ?) etc, etc et surtout un dodo. Normalement 60 minutes de prévus sur mon timing. Mais je suis à la bourre.
Bref, arrive les 5 km et la 2 femmes très gentilles nous proposent de l’eau et des bananes. Super mesdames, mais bon on arrive au ravito donc pas besoin… Ah non monsieur, il vous reste 6 km.
BOUMMMMMM, explosion intersidérale dans ma tête. Je pense à une blague, mais non pas du tout, elle me confirme toute triste à la vue de ma tête qu’il reste bien 6 km.
Toute la misère du monde me tombe dessus. Je suis à bout. Fatigué. 6 km, ça veut dire 1h et là je suis mal, très très mal. Je pars dans une colère une rage de dingue. Une rage contre moi qui n’ai pas compris le road-book ou qu’il ne l’a pas bien fait ou alors une rage contre l’organisation qui à fait une erreur sur les distances. Bref j’enrage je grogne et la décision est prise.
Je pars comme une balle à 12km/h avec un objectif de 30 min max.
Mais n’importe quoi. Je ne suis vraiment pas lucide. Je suis en train de me cramer. Je lâche trop de jus physique et nerveux. Je broie du noir. Bon on croise quand même un gars en pleine détresse. Il vient de vomir et tout pale. Je me calme et reste un peu avec lui. Il repartira avec nous.
Bon ma colère remonte quand même dans la foulée.
C’est long, c’est moche, Ahhhhh, je suis vraiment fou de rage.
De mauvaises idées arrivent à mon cerveau, abandon, plus de force, du noir partout…..
Fin de l'acte 3. J'aurais mis 13h56 pour faire le massif de Belledonne
22h02 – 126,2 km : Le tournant de ma course. J’avais 2 options. Continuer dans ma colère et finir ici ou tout oublier et repartir sur une autre voie.
En une fraction de seconde en rentrant dans ce ravito. La course était pliée dans ma tête. J’avais choisi la deuxième voie. Je rentre décidé, déterminé et concentré à terminer cette course.
1 - Je prends mon sac.
2 - Je me douche
3 - Séance Osteo
4 – Refais le sac et les niveaux
5 – Sieste de 20 min
6 – Je l’alimente et me renseigne sur ce qu’il reste à faire.
Une personne m’annonce qu’il faut faire du 3Km/h pour atteindre le prochain sommet à Chamechaude. Qu’il faut partir tout de suite mais que ça va être dur. Tu as 4h…
Je regarde le reste du parcours et je comprends que si je passe Chamechaude dans les temps. Ça sera gagné.
23h29 – 126.2 km : Je sors du ravito sous l’étonnement des bénévoles. Ils ne pensaient pas que je repartirais.
Oui messieurs dames, là je suis plus le même. C’est plus le trailleur qui vous parlent.
C’est le soldat qui pars sauver sa peau.
C’est dingue en y repensant, mais à ce moment-là. J’’étais finisher. Je le savais. C’était inévitable car mon cerveau avait donné le GO. Et pourquoi il m’a pas dit ça dès le départ ?
Je sais Il m’a dit 3km/h, OK, je pars en marche nordique à 7km/h. (héhé, j suis con hein ;)
Je croise un bénévole en pleine nuit qui me voit arrivé d’un pas décidé. Il sait que ce n’est pas gagné pour moi, alors il me suit et m’indique exactement ce qui se trouve devant moi.
Ok la tu montes à 15% pendant 300m, après tu tournes à gauche sur du plat. Puis a droit avec de nouveau 15% et après tu commences des lacets très pentus mais qui déboucheront sur une ascension plus calme. Vas-y mon gars.
Je ne connais pas ce bénévole, mais il m’a clairement aidé. Tout ce qu’il a dit est arrivé. Je n’ai pas lâché mon rythme infernal. J’étais concentré sur ma tâche. Rien ne pouvait m’arrêter.
J’ai rattrapé pas mal de monde qui m’ont vu déboulé et partir comme un débile.
Ne suis-je pas parti trop vite…. Bon essaye de réguler ta respiration quand même. Tu dois en garder sous la pédale. La fin de l’ascension est un peu confuse. Je suis un peu paumé. Je pensé être arrivé mais non, il y avait encore pas mal de D+. Je me déconcentre un peu sur la fin de cette section.
03h00 – 138.1 km : ChameChaude, Cool je suis revenu dans mes temps. Je n’ai plus que 6 minutes de retard. Bon dans Chamechaude, y’a chaude, mais en fait il caille sévère. Au ravito il y a une petite cabane surchauffé avec une cheminée. Je décide de ne pas rentrer et reste dans le froid pour boire une soupe et manger un peu. Depuis le départ de Saint-Nazaire. Je n’ai rien mangé. Çà fait 3h30 quand même. Il faut que je reprenne des forces. Hop je repars direction le sommet de Chamechaude. Encore 413m de D+.
Je repars avec un gars, mais je suis de nouveau perturbé. Je pensais monter tout de suite or il y a une petit ligne droite plate qui me perturbe. Je perds du temps. Ça m’énerve je me demande si on ne fait pas fausse route et pourtant nous ne sommes pas seuls.
Bon laisse tomber t’es pas lucide. Fais le mouton ça sera bien.
Ah, ok, voilà le sommet enfin bon on voit rien il fait nuit. Un vent terrible souffle et j’ai l’impression de monté sur une montagne de cailloux. Çà caille et ça vente très fort. Décourageant de voir des frontales si hautes dans le ciel alors qu’on est si bas.
Sans trop comprendre, j’arrive rapidement (enfin je me comprends) en haut. J’ai encore doublé un paquet de coureur du 90 et 160. Les jambes sont toujours là dans les côtes.
Je discute quelques minutes avec le pauvre bénévole seul en haut de sa montagne dans un froid glacial et un vent de dingue. Bravo à lui. Je repars sous une petite pluie fine qui n’est pas une bonne nouvelle à la vue de tous ces cailloux. Dur pour ceux qui vont se taper l’ascension et la descente.
Je ralentis un peu car j’ai peur de glisser et la chute sera forcément douloureuse car il n’y a que des cailloux.
Bon maintenant on repart sur une descente jusqu’au ravito du Sappey. Hummmmm 1025 de D- sur 10km. Je vais encore me régaler….
Pour faire simple, une grosse galère, un puits sans fond, interminable. J’ai mal aux 2 genoux, mes voutes plantaires n’existent plus. Chaque pas me faire grimacer.
Bon ok, alors on m’a dit de me concentrer sur les points de douleurs, de bien les situer, et après de m’amputer mentalement des endroits douloureux. Pas facile à faire, mais avec une bonne concentration, ça finit quand même par fonctionner (a peu près…). De toute façon ça changera pas grand-chose….
Le dernier km sera très très compliqué. Ma vision se trouble, mes yeux se ferment. J’hallucine de plus en plus. Et le pompon arrive.
Je suis des coureurs, car je n’arrive plus à voir les balises. Donc je reste à 400m du coureur le plus prés. Ok, encore 400m et le chemin s’ouvre. Le jour va bientôt se lever et je sais que le ravito est au bout. J’ai dû fermé les yeux. Et quand je les rouverts, j’étais 400m plus loin et il faisait jour. Mais d’un jour. J’ai failli en tomber tellement j’étais surpris… Ai-je dormis ? Halluciné encore ? Combien de temps ?
Bref, j’ai rien compris.
6h51 – 151 km : Sappey le ravito. A mon arrivée, je vois bien les bénévoles s’inquiètent sur mon état. Je fais mine que tout va bien mais ma première question en dit long. Peut ton dormir ici ? Oui.
Très bien, pourriez-vous me réveiller dans 20 min ? Super merci.
Hop dans un super lit de camp avec oreiller et drap. Une bénévole m’aide à enlever mes chaussures. Je suis gêné, mais je n’insiste pas non plus.
Là je dors vraiment 20 min. J’oublie tout.
Monsieur il est l’heure, vous ne devez plus trainer. Manger un peu et reparté. Vous ne devez plus trainer maintenant.
Chef oui chef. Je mange, et me couvre bien car même s’il le soleil arrive. Je sais qu’avec mon sommeil, je me suis complétement refroidi. Je n’ai plus que 20 minutes de retard sur mon planning. Je suis serein, mais je veux me garder sous pression, car j’ai peur d’exploser.
7h24 – 151 km : Direction le Fort de Saint Eynard. Je dis ça, mais en fait, je pensais qu’on descendait. Donc, je ne comprends pas. Mais je suis. Je demande à d’autres personnes ce qui se passe. Je suis vraiment à la rue…
Bon, réfléchis pas. Avance. Donc je reprends ma marche en avant toujours sur un bon rythme. Les côtes c’est le bonheur. J’ai vraiment du jus. C’est fou. Je m’étonne moi-même.
Ah voilà le fort. Mais ça y est je vois plus claire on est là. Hummmmm, c’est bon ça.
Allez je vois le bout. Avant dernière descente direction Col de Vence.
9h13 – 165.6 km : Col de vence, superbe vue sur Grenoble. Je recharge en eau et mange un peu. Je ne reste pas. J’ai maintenant 57 minutes d’avance sur mon timing.
Allez dernière descente. Je ne réfléchis plus. Je la subis, mais j’oublie la douleur. Elle n’existe pas. Ce n’est pas trop pentu, mais bon encore et toujours des cailloux qui me cassent les pieds….
Voilà la route. On nous indique dernier ravito. En fait, je sais pas vraiment où je suis, par contre j’ai bien compris qu’il restait 10 km…
Là je m’en fiche. J'irais au bout. C’est plus un souci. On m’annonce aussi 180 m de D+.
Soit, pas de soucisJe vais être finisher. Vas y rajoute moi du D+ et des bornes. Ce n’est pas grave…
Enfin bon, là on commence à remonter sévère. Je commence à revoir une belle vue de Grenoble signe qu’on remonte bien. Je m’arrête même pour être sure de ne pas être seul sur ce sentier. Non y’a du monde derrière bizarre.
Bon petit coup de fil à ma femme, mes parents et mon frère pour leur dire que j’arrive bientôt.
On monte, on monte, y’a plus que 180 de D+ mais bon.
Ah voilà ça descend. Je regarde ma montre. Hummmmm dis donc y’a moyen de faire moins de 50h, heu non y’a même un gars qui me dis moins de 48h. Ouchhhhh.
Allez tiens on va jouer. Et c’est parti pour finir en courant. C’est parti pour 3 km de descente où je double un paquet de monde. Pourquoi se presser ? Profite un peu. Oui, mais bon là je ne sais pas, je me fixe un dernier défi, finir en moins de 48h. Dés fois je suis con hein!!!!!
Dans la descente, je me faire rattraper par une joggeuse du dimanche qui avait envie de parler, de comprendre pourquoi on fais ça ? Le motif, la raison, la motivation ?
Bref, on papote 3 km jusqu’à Grenoble. Merci pour tout et bonne continuation.
Je pars seul dans les rues de Grenoble et la une personne de l’organisation m’annonce encore 5 km de ville.
Ah ouais quand même. Bon c’est mort pour le – de 48h, car je n’ai pas réussi a tenir les 12 km/h. Allez je finis en courant mais à 9 km/h
Bon Grenoble, ce n’est pas Chamonix niveau ambiance. On est vraiment dans l’anonymat.
Surprise à 2 km de l’arrivée, je vois Chanthou qui m’attendait. Il finit avec moi en courant. Il me raconte son aventure et son abandon. Je suis triste mais soulagé, car j’étais quand même inquiet.
Voilà je reconnais la fin, le parc.
J’arrive seul mais avec un super comité d’accueil. J’ai même droit à un orchestre et des applaudissements.
Chanthou et sa petite famille.
Voilà c’est fait en 48hXX hein quoi ? 51h07.
Mouarff, n’importe quoi, je m’étais trompé dans mes calculs mentaux… Tu parles avec 2 x 20 minutes de siestes je me pardonne. J’avais tablé sur 52h17. Donc j’ai 1h d’avance sur mes prévisions.
Finisher. Je suis FINISHER.
Fin de l'acte 4. J'aurais fais le massif de la chartreuse en 11h38
Je croise ma masseuse et son mari et là le déclic en le voyant, j’avais croisé rapidement une personne au ravito de Rioupéroux qui se faisait a priori recoudre la tête. Et mince c’était mon vétéran qui a frappé violemment le sol lors de la fameuse descente. Troma et surtout, petite perte de mémoire sur sa chute. Je lui ai expliqué notre descente et la fin où on l’a vu partir en courant.
Il est tombé ici, mais je tiens à dire bravo au secours. Car il a été secouru et rapatrié avant même notre arrivée. Rapide les secours.
Enfin bon tant d’anecdotes, de rencontres, lors de ces 51h de course.
160 km, je n’y croyais pas au début. Mais t’es fou. Tu n’as que 3 ans de trail derrière toi. T’es pas un peu présomptueux. Ne vas-tu pas trop vite dans les étapes.
Il faut croire que non. C’était mon jour :)
- 168 km
- 11500 m de D+
- 51 h 07 dont :
- 4 h 22 de pause Ravito
- 2 x 20 minutes de siestes
- Point le plus Haut 2414 m (Massif du Taillefer)
- Point le plus Bas 205 m (Grenoble)
Merci à ma femme pour avoir supporté mes sorties matinales et mes sorties tout court :)
Merci à ma famille pour leur soutien inconditionnelle (même ma mère m'a dis d'aller au bout :)
Merci à tous mes amis, pour leur 132 Textos d'encourageants ;)
Merci Chanthou et Robin, mes 2 fidèles runners :)
Merci au Forum Kikourou, pour les conseils, les aides, le suivi Live !
J'en ai finis avec ce long CR. Je vais pouvoir reprendre une vie normal pendant quelques temps ;)
Merci à tous ;)
7 commentaires
Commentaire de laureduvercors posté le 26-08-2015 à 14:09:06
Superbe récit, photos, merci et bravo Freethunder
Commentaire de Albacor38 posté le 26-08-2015 à 14:59:07
Faut quand même être sacrément fort dans sa tête pour 's'infliger ça' pendant 51 heures... Félicitations Freethunder
Commentaire de Potamochere posté le 26-08-2015 à 16:02:28
Bravo ! C'est bien découpé, on comprend tout, c'est très clair et permet de mieux imaginer ce que tu as vécu et enduré !
t'es un patron, respect !
Commentaire de freethunder posté le 26-08-2015 à 16:24:36
héhé, super gentil vos messages :) Merci
Commentaire de PhilippeG-638 posté le 08-01-2016 à 21:59:56
Punaise freethunder, seulement 3 ans d'expérience, un début d'année avec 2 trails qui sautent, ben je dis chapeau !
J'aurai pas parié un kopek que tu puisses terminer et tu le fais du 1er coup.
Bluffant.
Comme quoi...
En plus ce n'est pas le plus facile, par contre on sent bien dans ton récit qu'il ne faut pas grand chose pour frôler l'abandon....
Merci pour ton récit, je visualise bien le parcours.
Je penserai à toi fin Août dans les difficultés ;)
Sinon, merci pour le conseil: "s'amputer mentalement des endroits douloureux", je le découvre.
Encore bravo, un autre ultra en vue ?
@+
Philippe
Commentaire de freethunder posté le 15-01-2016 à 10:49:31
Merci Philippe :)
3 ans dans la trail, mais bon pas mal d'années de CAP et de sport en général :)
Cette année, j’espère finir l'utmb dans un bonne état de fraîcheur :)
Voila l'objectif
Commentaire de PhilippeG-638 posté le 15-01-2016 à 11:58:03
Ah tu me rassures, tu avais quand même un passé de coureur ;)
Après avoir vaincu l'UT4M => l'UTMB = les doigts dans le nez, non j'déconne, tu vas profiter pleinement des paysages, de l'ambiance entre coureurs, la magie et l'engouement des bénévoles, un "Tour de France" en miniature !
Bonne prépa à toi :)
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