L'auteur : nahu
La course : Andorra UT Vallnord / Ronda dels Cims
Date : 26/6/2015
Lieu : Ordino (Andorre)
Affichage : 3784 vues
Distance : 171km
Objectif : Terminer
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Depuis l’an dernier où j’ai bouclé l’ultra Mitic je n’ai qu’une idée en tête, être finisher de la Ronda Del Cims, car j’ai vu dans les yeux des coureurs en les doublant une étincelle qui en disait long sur ce qu’ils étaient en train de vivre. Donc juste remis de la Diagonale je franchis le pas et je m’inscris sur ce que beaucoup considère comme la course la plus dure en Europe sur le format de 100 miles.
5 semaines avant le départ, ma participation à l’Euskal Trail me permet de faire un bon ultra de préparation et surtout de basculer de la saison de trail de plaine (j’en avais vraiment marre de courir au milieu des champs !!) à celui de montagne. Mais malheureusement rien ne se PASSERAT comme prévu. En effet je me fracture la cote à l’Euskal, bilan 6 semaines minimum de douleur. Bon la douleur dans l’ultra ça fait partie du jeu donc on fera avec. J’ai passé pas mal de temps à courir avec les larmes qui me montaient mais il faut vraiment que j’accumule du dénivelé et du temps en altitude pour bien préparer la Ronda. Malheureusement la météo fait des siennes et de nombreux orages m’obligent à écourter mes balades en montagnes. La course se rapproche et je me sens loin d’être prêt.
De plus parallèlement je dois finir notre maison avec un ami qui m’aide, pour y aménager avant la fin juin. J’enchaine donc le travail, la maçonnerie et après je pars courir. Pas mal de gens m’ont pris encore une fois pour un fou me voyant partir courir en semaine à 23h.
Dernier dimanche avant la course on part faire un Kilomètre Vertical avec des amis et là je retombe, bêtement distrait par un jeune chien sur mon côté gauche, la douleur à la côte se réveille de plus belle et j’ai gagné un gros hématome sur la cuisse gauche. Lundi à J-4 je boite même pour marcher, je suis au fond du seau. Je décide de continuer à courir 1h30 malgré la douleur lundi, mardi et mercredi. La douleur passe et je suis donc rassuré pour vendredi, mais c’était sans compter sur la poisse qui me poursuit. Sous ma douche à l’italienne en voulant enlever un joint de la grosse pomme de douche, elle me tombe sur la cuisse droite : une belle entaille et un gros hématome sur la cuisse droite cette fois ci. Le parallélisme est ok !
Depuis le début je crains énormément (surtout que je connais 130 des 170 kms du parcours) cet ultra et jeudi lorsqu’on prend la route d’Ordino avec Pauline (ma compagne) Eloïse (ma sœur) et mon ami Christophe (qui participe aussi à la Ronda) je n’en mène pas large.
Après avoir récupéré les clés de notre appartement et nos dossards on va au briefing. Bonne nouvelle le pantalon imperméable n’est plus obligatoire, bonne nouvelle car mon sac avec tout le matos obligatoire (mais nécessaire surtout pour cette course) me fait ressembler à un randonneur qui part pour la traversée du GR10. Je doute toujours autant et heureusement mon frérot resté à Toulouse pour un week-end choc a Garorock me remonte le moral.
Vendredi après un dernier petit déjeuner, direction la ligne de départ. J’ai fait des prévisions pour 35h mais à partir du moment où je prends le départ même si je dois arriver dimanche à 21h je ferais tout pour réaliser l’objectif que je me suis fixé : FINIR.
Ordino km0 – Sorteny km21
Le départ est lancé mais je ne pense qu’à une chose, ma cuisse (dans le sas de départ je me suis mis 2 bandes de taping car il parait que ça marche bien sur les hématomes et même si ce n’est pas le cas ça peut faire effet placebo, ça a l’air de tenir c’est une bonne chose. On se retrouve vite un groupe de 10 coureurs. Je suis déjà dans mes pensées quand une branche que je prends en pleine tête me ramène à la réalité. Les kilomètres commencent à défiler et je découvre cette partie du parcours que je ne connais pas. Je ferme la marche de ce groupe, fidèle à mes principes je ne fais pas la course je fais ma course. Je me décide à doubler quelques coureurs après avoir failli prendre quelques coups de bâtons involontaires. Décidément ces bâtons alors !! Me voilà donc entre deux andorrans lorsque le premier demande au second en catalan s’il a vu Nahuel Passerat, je lui réponds que je suis là et on commence à faire connaissance. Il s’agit de Lluis Sanvicente, très vite le courant passe bien (il faut dire qu’on a pas mal de passions en commun).
Sorteny km21- Arcalis km31
Après le premier ravito au refuge de Sorteny on repart ensemble. Lluis est peut-être l’un des seul coureur qui parle autant que moi en course voir plus. C’est une chance en ultra car pendant qu’on discute le compteur tourne, surtout quand il s’agit d’un coureur qui connait tous les sentiers que l’on va parcourir cela permet de savoir ce qui nous attend. Je ne sais même pas à quelle place on est (peu importe) mais je comprends vite qu’on n’est pas trop mal car on double Antoine Guillon qui voulait finir en 30h. Arrivée à Arcalis je retrouve pour la première fois Pauline et Elo mes assistantes de choc.
Arcalis km31 – Margineda km73
On repart ensemble et premier signe du destin je trouve une pièce de 50 centimes par terre, moi qui ne trouve jamais rien c’est plutôt bon signe. Lluis est plus rapide que moi dans les montées (en effet dès que le cardio monte au-dessus de 140 en début de course je ralentis) mais je le reprends dans les descentes.
On continu en Direction du refuge du pla de l’Estany avant d’entamer la redoutable montée au point culminant d’Andorre : le Comapedrosa. La montée est toujours aussi rock’n roll. Très souvent pour avancer il faut faire deux pas en avant et un pas en arrière à cause des cailloux qui rendent la pente très glissante. Mais arrivé à proximité du sommet ce n’est pas du rock qu’on entend mais de la cornemuse. Moi qui suis fan de la culture celtique je suis vraiment aux anges. Il ne manquerait plus qu’un bon single malt from the barrel mais mMalheureusement ils n’en ont pas en stock (et heureusement d’ailleurs car la descente n’est pas de tout repos). Je continue mon aventure avec Lluis que je rattrape au milieu de la descente, et qui me fais connaitre la technique andorrane pour la descente de névés (à fond sur les fesses en mode toboggan).
Après un ravito dans le sombre mais accueillant refuge du Comapedrosa (un refuge où il y a deux ans mon frère lors d’une sortie avait ouvert le capot !). Lorsqu’on passe à des endroits en course où l’on est passé auparavant, les souvenirs nous reviennent et pendant quelques instants on a l’impression de revivre ces moments. Lors d’efforts longs cela fait du bien de sentir la présence de proches ne serait-ce que dans des souvenirs.
Les kilomètres passent escortés par l’hélicoptère de l’organisation qui filme notre progression et je découvre la dernière partie de la course que je ne connais pas : la crête puis la descente et la remontée par une piste pour arriver au ravito du col de la Botella où mes drôles de dames m’attendent.
On repart avec Lluis direction le Bony de la Pica et de sa terrible descente vers la Margineda (1400m D-). Juste avant le début de la descente Antoine Guillon nous rejoint et se lance à la poursuite des deux premiers.
Je descends à mon rythme avec mes chaussures déchirées qui n’auront pas résistées à ces 70 premiers kilomètres de courses malgré le fait qu’elles ont moins de 2 semaines. Je me retrouve vite seul entre Antoine et Lluis. J’arrive à la base de vie de la Margineda où le second (Jérôme Lucas) et le troisième (Antoine Guillon) se ravitaillent et repartent très vite. Je prends le temps de changer de chaussures, de bien m’alimenter et de profiter de la compagnie de Pauline et Elo.
Margineda km73 - Pas de la case km130
Lluis n’est toujours pas là et je prends donc la décision de repartir seul en espérant revoir très vite mon amigo. Je pense pouvoir atteindre le prochain ravito avant la tombée de la nuit. Cette partie m’est familière car on l’a reconnue entre amis deux semaines auparavant, et de plus on va emprunter des parties communes avec la Mitic que j’ai fait l’an dernier. Malheureusement mes prévisions n’ont pas étaient optimales et je suis obligé de sortir ma frontale avant le ravitaillement de l’hôtel Coma Bella. Ce ravitaillement est le dernier ravitaillement accessible à mes suiveuses avant celui du Pas de la Case 50 kms plus tard. Je profite bien de ma sœur et de ma compagne en essayant de pas leur montrer que je traverse un moment de doute.
Pour casser un peu ce long moment sans leur soutien matériel et physique je leur demande de venir me voir passer sur le parking de Naturlandia, ça me permettra de refaire le plein d’énergie positive pour la nuit qui s’annonce longue.
Lluis n’est toujours pas là donc je repars tout seul dans la nuit andorrane pour une montée de 1300m de D+ en direction du pic Negre. Le début de la nuit est compliqué pour moi car mon blues ne passe pas. Sur le parking de Naturlandia dans la nuit noire mes femmes sont là, je ne peux m’empêcher de pleurer en les apercevant. Elles m’annoncent que mon ami Christophe a jeté l’éponge au Col de la Botella, cela me rebooste et je me promets de finir pour lui car c’est un peu moi qui l’ai amené dans cette aventure. Me voilà donc seul face à moi-même dans une partie de la course que je n’apprécie guère (une longue piste monotone). J’ai la bonne surprise de constater que le chemin de la course évite la piste au profit des bordures herbeuses. Après une descente et un faux plat délicieusement vallonné j’arrive au pied du col de Bou, mort juste avant le ravitaillement de Claror. Au sommet du col j’aperçois au loin le faisceau lumineux d’un frontale. Enfin je revois un signe de Lluis. Au refuge je décide donc de bien m’alimenter et d’attendre une vingtaine de minutes Lluis car on sera mieux à deux pour affronter la nuit et en discutant les kilomètres passerons plus vite. Lluis arrive très content de me voir et nous voilà reparti dans la magnifique vallée du Madriu.
On discute, je lui explique que je commence à avoir les pieds en feu et qu’on a oublié la crème Nok à l’hôtel. Arrivé au sommet du col de la Maiana on s’arrête pour une pause nok salvatrice, en effet Lluis en avait dans son sac.
On discute et on arrive au refuge de l’Illa où mon compagnon de route connait une nouvelle fois tout le monde, une soupe et on repart avec le lever du jour. A l’intersection des parcours la Mitic et de la Ronda je me revois deux semaines auparavant avec Nans (mon frère), Xavier (qui est sur la Mitic), Christophe (pour qui je vais finir cette Ronda), Martin (l’homme qui arrive à rentrer une épicerie dans un sac Slab), Clément (qui a dévalisé l’épicerie fine de Carcassonne avant de venir) et Romain (qui à cette heure-là a fini le marathon du Mont Blanc 1°espoir). Ce flashback m’a reboosté surtout que lors de ce pique-nique ils avaient mangé que des bons produits (chorizo de canard, pâté au roquefort, saucisson sec..) que malheureusement je n’avais pu que regarder diète oblige. Vivement l’arrivée que je puisse me régaler de ces produits dont je raffole.
On attaque un sentier magnifique en Espagne le long du ruisseau Valcivera. Comme la tombée de la nuit, le lever du jour est compliqué pour moi car je ressens le manque de sommeil. Lluis mène le rythme jusqu'au Coll des Isards. Cette partie se fait dans un silence juste interrompu par les cris des marmottes, en effet on est tous les deux fatigués et on n’a qu’une envie c’est de retrouver nos proches au Pas de la Cas.
Arrivé au Pas je vois Christophe, Nico et Marie (qui étaient venus pour faire l’assistance à Chris), l’émotion me gagne et je ne peux retenir mes larmes au moment de les saluer.
Pas de la Cas km130 - Ordino km170
J’attends Lluis pour rentrer dans la base de vie où Pauline, Elo, Nico, Chris & Marie sont aux petits soins. Je prends le temps de bien manger, de refaire le plein de nok sur les pieds (merci Nico), de changer de chaussettes (merci Chris). En rentrant dans la base de vie un autre coureur rentre juste après nous ce qui nous surprend car on ne l’avait pas eu en visuel depuis des heures. Avec mon ami andorran on repart et là, ma course va basculer car Lluis insiste pour que je parte seul car selon lui il me retarde. Je lui explique que moi la place ce n’est pas ma priorité et que je préfère finir la course avec lui. Il insiste et donc d’un commun accord notre binôme se sépare dès qu’on arrive sur le sentier. Durant la nuit j’ai vraiment économisé des forces (des heures entre 80 et 100 puls/min) donc je me lance pour 40 kms et environ 3000m D+ en accélérant fortement le rythme. Je me cale à 120 puls ce qui devrait me permettre de les tenir jusqu'à l’arrivée. Je me retrouve vite seul et en arrivant avant le col du Pas de las Vaques j’aperçois au loin Antoine. Je fonce sur lui et je le double dans la descente qui nous amène à Incles.
Mes amis sont les premiers surpris de me voir arriver si tôt. Un ravitaillement express et en route pour la dernière grosse difficulté du jour, la montée de la crête de Cabana Sordana. Je continue au même rythme et je me rends vite compte qu’un écart c’est creusé. Cette montée est vraiment un sacré morceau et je ne suis pas mécontent lorsque j’atteints le sommet, une descente me mène à l’avant-dernier ravitaillement de cette longue balade.
D’après mes souvenirs de l’an dernier je me rappelle que le chemin entre le Coms de Jan et le col de Meners est plus compliqué que prévu. On m’annonce 3,5km de montée et 500m de D+. Je me lance donc très confiant dans la dernière ascension du jour (enfin des deux jours), mais malheureusement mes souvenirs étaient bons et cette dernière montée est vraiment plus compliquée que prévu surtout en plein soleil. Entre mes pieds qui sont en surchauffe, les coups de soleil sur les bras et dans le cou j’ai l’impression d’être une plancha. A chaque ruisseau ou névés je me rafraîchis comme je peux car j’ai vraiment peur de prendre un coup de chaud. J’effectue la bascule et donc désormais il me reste 16,5 km de descente et de faux plat. La première partie de la descente est vraiment sympa.
J’arrive au refuge où Nico et Chris m’attendent depuis 2 h !! (ils ont dû me confondre avec killian Jornet pour les temps de passage). Chris m’étale 3 kilos de crème solaire sur mes coups de soleil et Nico m’encourage à bien manger et bien boire. Ils me communiquent mon écart avec le 2nd et le 4éme, que notre ami Grégoire (qui a du passer le weeknd sur le pc avec le suivi live, je le vois bien en train de m’encourager dernière son écran d’ordi) viens de leur annoncer. Je comprends vite que je ne rattraperai pas le 2nd et que le 4ème aura du mal à revenir sur moi à moins d’un accident.
Me voilà donc parti pour les 12 derniers kilomètres de la course. Je continue à mon rythme car je suis vraiment pressé de revoir la jolie église d’Ordino (que je me suis promis de revoir en prenant le départ le vendredi matin) et surtout de boire une bonne bière avec mes amis.
Je reçois de nombreux encouragements et au moment d’entrer dans Ordino je regarde mon chrono qui m’indique 32h58. Le temps de saluer Pauline, qui une nouvelle fois a géré de main de maître mon assistance, de ma sœur qui l’a assisté tout le week-end et mes amis présents à l’arrivée : Christophe Nico et Marie. Me voilà donc finisher de LA RONDA DELS CIMS ! Vraiment très content de finir cette épreuve si exigeante et « magique ». De plus je finis en 33h pour une prévision de 35h et en 3ème place, inespéré au vue de ma préparation rock’n roll.
Une fois la pression retombée, place à un apéro bien mérité et une bonne soirée entre copains. Le lendemain après une escale à caldéa je me rends tant bien que mal (entre les ampoules et mes pieds qui ont doublé de volume) au podium où je retrouve mon ami Lluis.
Place à ma première coupure de 2015 où je vais passer une semaine sans courir (bien aidé par mes pieds qui ont mis 6 jours à revenir à leur état normal) et profiter des plaisirs de la vie entre amis, avec ma famille (pour reprendre un peu beaucoup de ventre) et auprès de ma chérie (car elle le mérite bien avec tous les sacrifices qu’elle fait durant mes périodes de préparation).
Aprés l'effort, le reconfort:
Un grand merci à Pauline qui une nouvelle fois a été d’une aide précieuse bien aidée par ma sœur Eloïse.
A Nico, Chris & Marie qui ont complété mon équipe d’assistance.
Merci à mes amis de la team Bonnery et à nos amis avec qui on passe du temps à se régaler en montagne.
A ma mère et mon frère qui malgré la distance et leurs impératifs qui m’ont suivi tout au long de cette aventure.
A toutes les personnes qui m’ont suivi et encouragé.
A l’association Ultra Passion et ses partenaires qui me permettent de pouvoir pratiquer ma passion.
Pour finir un merci à Lluis Sanvicente qui, pendant de longues heures, m’a supporté et avec qui j’ai beaucoup rigolé avec ses expressions. Je lui laisse le mot de la fin (en catalan) qui résume tellement bien cette course :
« Poc a Poc »
5 commentaires
Commentaire de philippe.u posté le 16-07-2015 à 16:03:03
Bravo, un véritable exploit de ténacité, force et mental. Comme quoi se faire mal à l'entraînement ça semble payer.
Commentaire de stphane posté le 16-07-2015 à 17:22:36
GRANDIOSE cette perf sur une tel course avec une préparation bouleversée. Félicitation également pour ton altruisme et ta simplicité.Encore bravo Nahuel !!
Commentaire de campdedrôles posté le 16-07-2015 à 22:17:06
Salut Nahuel
A nouveau, grand bravo à toi, et merci pour ton récit !
thomas
Commentaire de Yvan11 posté le 17-07-2015 à 15:09:49
Bravo pour ton résultat, c'est évident, mais aussi pour ce récit qui nous fait vivre au plus près ta course, et tes émotions. J'espère que tu te rends compte du niveau que tu as atteint. Si tu en doutes, essaies de chercher dans les archives des 100 miles de ces dernières années, si beaucoup de coureurs ont mis une mine à Antoine Guillon en deuxième partie de parcours.
Commentaire de Cantalou posté le 21-07-2015 à 20:59:23
Bravo Nahuel, superbe perf. Tu vas faire un carton à la Réunion. Jean-Pierre
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