Récit de la course : L'O'Rigole - 82 km 2014, par celinou

L'auteur : celinou

La course : L'O'Rigole - 82 km

Date : 6/12/2014

Lieu : Le Perray En Yvelines (Yvelines)

Affichage : 3103 vues

Distance : 87km

Objectif : Pas d'objectif

5 commentaires

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grand trail Origole

Le 5 octobre je décide de m’inscrire à l’Origole, le grand trail hivernal nocturne, 3 boucles autour des boisements et massifs du Perray-en-Yvelines avec 2000m D+/- environ.  Après une coupure estivale relative et nécessaire suite à une saison chargée, je retrouve l’envie de recourir de longues distances et la forme revient.

Le 18 octobre lors d’une soirée un peu festive et arrosée je me fais bêtement une entorse (pour la 1er fois) et je me retrouve à devoir réduire mon programme initial d’entrainement. C’est-à-dire que je ferai un travail sur 6 semaines, avec une montée en charge progressive, sans semaine allégée (toutes les 3 semaines d’entraînement) comme je faisais d’habitude pour surcompenser.

J’oriente la prépa sur du qualitatif, chaque séance doit être efficace, pas un km perdu pour rien dans un emploi du temps bien chargé. En faire peu mais bien. 4 séances seulement/semaine mais très variées, avec VMA, du long mais pas en excès pour bien assimiler les séances. Entrainements complétés par du gainage et des squats, et la perte de 1kg. Bref ça se passe plutôt pas mal même si je regrette la stabilité de ma cheville d’avant, et les quelques tiraillements de ligaments qui s’ensuivent. Plusieurs réglages ostéopathiques sont nécessaires. J’espère que ma cheville tiendra la route, ou plutôt la boue !!

La semaine qui précède  je scrute la météo, froid annoncé, légère brise fin de nuit, temps clair, pleine lune, whaouuu le top !!

La journée de samedi  je suis excitée comme une puce. 16h15 je rejoins la fine équipe qui va se lancer pour une première fois sur un trail, la petite origole, et nous partageons une belle pasta party. Je fais la connaissance de JeromeT qui comme moi est inscrit sur le long. L’ambiance est conviviale, vivement le soir.

Mais malheureusement je prévois trop juste pour faire mon sac et partir, un accident sur la route crée des bouchons et rallonge mon parcours pour rejoindre Le Perray-en-Yvelines, et le comble, moi qui aie un bon sens de l’orientation, je me perds une fois arrivée !!! aïe aïe aïe, c’est chaud pour tout préparer, du coup je profite trop peu de l’ambiance chaleureuse qui règne ici, stressée par le timing et la peur d’oublier quelque chose. Il va faire froid, il ne faut rien laisser au hasard.

22h06, 1° ou 2° actuel, -5°ressenti annoncé en fin de nuit, on se tient chaud dans les rangs puis le départ est donné. Le peloton s’étire lentement sur le bitume. Je ne regrette pas d’être partie avec 1ère  couche manche courte, et 2ème couche longue uniquement, car si j’ai eu un peu froid sur la ligne de départ, là je suis parfaite.


Boucle 1

Nous sommes nombreux, les coureurs du petit trail partent tout feu tout flamme, les boutades et rigolades vont bon train, ça fuse dans le peloton qui s’égrène sur la trace de bitume.  Rapidement viennent  les  1er chemins, qui donnent vite la mesure de tout ce qui nous attend, mais n’altèrent pas la bonne humeur !!!

Je décide l’emblée de doser mon effort : se servir de la boue épaisse comme support en la courant avec des appuis véloces qui ne s’enfoncent pas, et en évitant ainsi les parties trop profondes et liquides où ressortir les pieds rapidement consomme une énergie dingue.  C’est un travail de lecture du terrain où la concentration est maximale, la moindre erreur se paye. Il faut en plus jongler avec les ronciers ou les arbustes de sous-bois qui nous fouettent sur les côtés.

Nous traversons les étangs et remontons vers le Nord dans le massif boisé de Plainvaux où nous attendent les 1er reliefs. Mais pour l’heure ça bouchonne dès qu’un tronc  barre le sentier, on est à l’arrêt avec le risque de se refroidir…Mais l’ambiance est bonne et nous patientons sagement.

Les petites bosses arrivent enfin, je les aborde sans problème je suis bien préparée mais un petit reliquat de fatigue musculaire est sous jacent, peut-être suite à mon podium du cross le week-end dernier.

Je trouve que les coureurs vont bon train, je les suis globalement car je sais que les BH sont serrées mais j’ai de gros doutes sur le maintien de ce rythme sur plus de 80km !! ça va faire mal. Mais dans l’euphorie je continue. J’ai serré un peu fort mes vieilles Cascadias un peu grandes qui finissent ici leur voyage après de longs ultras. 1er Erreur mais je ne le sais pas encore ! Mais pour le moment c’est bien car elles tiennent bien aux pieds même en courant sur les parties les plus boueuses, je me sens très bien.

Nous arrivons au château des Mesnuls, je passe la BH de 0h10 à 23h30 tout va bien. Je rejoins mes trailleurs V, J, A  et nous faisons le yoyo encore un petit moment dans la bonne humeur avant que je ne les quitte. Dans la 2ème partie de la B1 je commence à remonter des coureurs qui sont partis un peu vite et qui s’enlisent dans les replis de la Bête. Certains portent des dossards du grand et du moyen trail, la route va être longue pour eux…Un petit mot de réconfort et je continue mon sillon dans cette froide et humide forêt digne d’un conte de Grimm.

Je suis surprise par le côté ‘roulant’ de cette B1 que je croyais plus vallonnée. Mais les jambes sont déjà un tout petit peu raidies à force de courir non-stop à plus de 8,5km/h( oui je sais ça paraît lent mais dans la boue c’est une autre histoire !!) et je pense que le froid y participe. Les derniers km se font en ligne droite et je rejoins B ma cousine qui avait filé comme une gazelle au km 4. Contente de nous retrouver nous finissons cette boucle ensemble, le bitume nous accueille, le gymnase nous extrait de la nuit pour le 1er ravitaillement, mais nous décidons de faire vite et de ne pas nous attarder dans ce giron. J’hésite à mettre une couche plus chaude sur mes jambes puis finalement décide de rester ainsi pour ne pas perdre de temps. Ravito rapide, un bref panorama sur l’ensemble des coureurs, des entorses, de la boue dans les couloirs, des corps fumants qui changent de parures, des regards heureux ou fatigués, on sent que la bataille est rude mais il règne une atmosphère concentrée et solidaire.

Un échange de regard avec B sonne le départ, après avoir avalé soupe, coca, banane et refait le plein de la poche à eau, la porte du gymnase s’ouvre et nous propulse 12’ à peine après notre arrivée:

 

Boucle 2 :

J’encourage B à partir à son rythme car elle est habituellement plus explosive que moi. Mais chemin faisant, nos rythmes se callent naturellement, et nous mordons dans  cette B2 de concert. C’est agréable de faire la trace ensemble, un beau moment  partagé la plupart du temps en silence, les pas de l’une dans ceux de l’autre alternativement. Beaucoup beaucoup moins de coureurs sur cette partie, je retrouve les densités que je connais sur les ultras. Nous longeons la ville endormie, la lumière blanche, la lune froide, le silence et les températures qui baissent, qui baissent, je vois du blanc partout, l’herbe crisse. B a froid sa transpiration givre sur place sur ses vêtements. Terrain fraîchement gelé et bosselé sous l’herbe et crac ! je me tord un peu cette cheville déjà laxe…pourvu que ça ne soit rien, je crois que je me suis bien réceptionnée, tout va bien mais je m’en veux de mon inattention. J’ai sorti ma fidèle veste Verticale ultra-légère, qui maintien une couche chaude d’air protectrice autour de moi sans ajouter de transpiration humide, c’est parfait. Rapidement nous arrivons à l’étang du coupe gorge, le paysage nocturne est magnifique, la chouette nous guide pendant des heures, nous courons, courons, courons toujours, dans la boue de plus en plus présente, sur des lignes droites de plus en plus longues, de grandes allées rectilignes où il faut dès l’entrée projeter l’esprit vers l’issue et voler sur la boue pour échapper au piège de ces terres mouvantes. Le mental ne cède pas, je sais qu’il faut accrocher les pensée positives, je ne me laisse pas atteindre et prend ça comme un jeu ; trouver le meilleur tracé, et le marier à la foulée la plus économe. Cette alliance là je la connais bien. Déjouer les tours et les détours. Et si le mental dérape un peu parfois, laisser le regard accrocher une belle chose, une branche, une ombre, un son, une odeur, une sensation, tout ce qui peut faire échapper à ce corps qui travaille en corps à corps avec la terre, un sol ,un paysage, le corps et la terre. Le laisser danser. Le laisser aller au souffle protecteur.

Ce souffle se fait court je sais. Je le pousse un peu, parfois comme un murmure rythmé. Naturellement je ne le retiens pas  je le laisse aller, ventiler. Qui me doublerait à ce moment croirait que je suis en difficulté alors que c’est le contraire. Je laisse mon corps faire ce qu’il a à faire, je range la raison.  Surventiler ces muscles qui s’engourdissent sous le froid qui durcit. Cette respiration pose un rythme et un son sur lequel  je me repose comme dans une transe. Je suis bien, je m’abandonne. Je passe un cap, je navigue sereine derrière la lunette du faisceau blanc de ma frontale qui balaye le sol devant moi.

Le froid se durcit encore. Je sens mes quadriceps engourdis et je me rends compte maintenant que j’aurai dû mettre un collant long et chaud. Les grandes lignes droites et les bourbiers nauséabonds se succèdent. Maintenir le cap et ne pas penser aux km qui restent, j’en ai déjà vu d’autres et des pires.

B est toujours avec moi. Retour à l’étang du coupe-gorge.

Encore quelques kilomètres avant de rejoindre le gymnase à grand train. 500, 300, 200m, ouf on est arrivé mais la porte est fermée de l’intérieur!! pourquoi, je ne sais pas mais on perdra du temps avant que quelqu’un vienne nous ouvrir…

Un fois au chaud, je me retourne vers B, elle ne va pas bien du tout, je la rassure ça n’est qu’un passage à vide, c’est énorme déjà ce qu’elle fait, son 1er trail long, et ça va passer, ça passe toujours fais moi confiance.

Ravitaillement et surtout étirements salvateurs qui me redonnent  des jambes.

C’est la 2ème partie de la nuit, le gymnase s’est vidé, certains dorment dans des duvets sur des bancs. Impression que la fête est finie. 20’ que je suis ici, je voudrai repartir le plus vite possible je commence à me refroidir, B a besoin de plus de temps. Elle est en sécurité ici, je la laisse. Elle repartira un peu plus tard avec un groupe de coureurs.


Boucle 3

Je sors seule.

J’aime cette sensation de plonger dans l’inconnu. Encore moins de coureurs, plus de froid, et une légère brise glacée sur les espaces ouverts. Un nuage de fumée dense enveloppe ma respiration. Du brouillard ça et là dessine un paysage fantomatique.

On passe l’étang du Perray puis le dénivelé principal commence sur le coteau du rû des Vaux.

Parfois dans des chemins larges, parfois des singles, parfois en coupant à travers bois. Souvent droit dans la pente, on monte on descend, on monte on descend. Je me bascule très près du sol en montée, je gère les descentes en courant. Le sol est un peu plus ressuyé mais des cailloux piégeux se cachent parfois sous la litière des feuilles de chêne.

La chouette est encore là, et la pleine lune irradie toujours le paysage, couchants les ombres des grands chênes sur le relief dans la nuit blanche. A part ça tout est silence. Je suis seule.

De petit champignons blancs défilent et brillent à la lueur de ma lumière.

Dans quelques heures il fera jour.

Une douleur commence à poindre à l’extérieur sous mon pied gauche. Je sais que mes chaussures sont serrées et que je ne les ai jamais quittées depuis le départ. Je m’apprête à les délasser pour me masser un peu mais impossible ! Les noeuds des lacets sont complètement gelés.  Mon pied est prisonnier, tant pis il faudra faire avec, je ralentis et fait de petits mouvements pour l’étirer à l’intérieur.

Le jour rose commence à poindre, des chevreuils passent ils sont gracieux. Je prends le temps d’observer au loin l’abbaye avec son coteau sombre derrière. C’est magnifique.

Ballade dans les replis du relief, puis traversée de l’étang superbe des Vaux de Cernay, et enfin nous arrivons au point de contrôle. Mon père que j’aperçois par surprise sur les BH est là, immuable et rassurant. C’est un ultra-traileur aguerri mais blessé, il n’a pas pu prendre le départ. Un bref coucou et c’est reparti. Il m’apprend que B a abandonné, je suis déçue pour elle, mais en grande sportive elle a été sage d’écouter son corps.

Plus que  12 km qui me paraissent une éternité, mon pied me fait un peu mal mais je cours, je cours toujours, j’ai très peu marché depuis le début. Un grand respect pour tous les bénévoles que nous croisons, eux qui ont dû subir l’immobilité toute la nuit !!!

Nous coureurs nous naviguons dans une mer de fougères et le crépitement de la forêt qui se réveille. Au loin les coups de feu des chasseurs. Au loin j’aperçois JérômeT, tient une tête connue ! Je le rejoins et nous faisons un petit bout de chemin ensemble avant de se séparer. Il souffre des tendons et il est plus prudent qu’il marche en descente. Je souhaite finir le plus vite possible, alors on se retrouvera après l’arrivée.

Les derniers kilomètres me paraissent interminables mais je cours toujours, de grandes lignes droites, dans les bois, le long puis le bitume, les zones habitées, les sentes, le pont, la zone industrielle, tourne à gauche et là c’est la ligne droite de l’arrivée, ma foulée est mécanique mais je n’ai jamais cessé de courir, je croise des finishers en sens inverse qui me félicitent et puis ça y est, je pousse la porte une dernière fois…et je passe la ligne, une larme d’émotion…c’était une course si singulière

Je termine en 12h47’47’’, 87km - 2150mD+/-.

159 finishers sur 292 au départ sur le grand trail.

Belle épreuve que cette grande Origole, une course à part dans le paysage des courses francilienne et qui tire son charme des conditions hivernales et nocturnes. Une course exigente avec une ambiance très humaine, des bénévoles incroyables, tout sourire jusqu’au bout de la nuit, un balisage irréprochable, des ravitos parfaits. En bref une superbe aventure hivernale à faire ou refaire !!


au final je retiendrai de mes erreurs:

-un collant de course un peu plus chaud aurait été préférable pour protéger les quadri notaments

-des chaussures ajustées aussi (mes vieilles cascadias un peu trop grandes et trop serrées du coup...)

5 commentaires

Commentaire de arnauddetroyes posté le 13-12-2014 à 17:53:38

Je pense t avoir vu au ravito apres la 2 eme boucle, lorsque tu arrivais avec ta copine;si je me trompe pas tu lui as tapé sur l épaule car elle en avait bien besoin...
Ca m a marqué et rassuré dans mon choix de m etre inscrit que sur le 52,vu que c etait mon premier trail.
Donc félicitations pour ta place de finisher et ton CR bien sympas
et surement rdv en 2016 pour la total

Commentaire de jack91290 posté le 13-12-2014 à 19:13:29

Bravo pour ta gestion de ce trail eprouvant

Commentaire de caro.s91 posté le 21-12-2014 à 22:22:15

Bravo pour ce récit plein d'enseignements et bien entendu pour être allée jusqu'au bout ! En 2016, donc tu repars !!! :)

Commentaire de libretto posté le 23-12-2014 à 21:49:22

Super ton CR. Tu m'as doublé dans la 3° sans doute.J'adore que tu ai pu placer rû dans ton CR. Je ne savais pas qu'il y avait un circonflexe sur ce petit mot de mots croisés. Pour protéger mes quadris moi j'ai utilisé une double couche (Skin A400 dessous et A200 long dessus). En ce qui me concerne je suis parti avec des Hokas et j'ai bien regretté mes Cascadia

Commentaire de celinou posté le 26-12-2014 à 12:54:23

Merci pour vos commentaires.
En ce qui concerne le "rû" l'orthographe n'est pas tout à fait exacte, on le rencontre normalement sans accent sauf dans certaines régions de montagne.
bonnes fêtes et bonnes courses 2015!

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