Récit de la course : Ultra Trail du Vercors 2014, par Jam

L'auteur : Jam

La course : Ultra Trail du Vercors

Date : 6/9/2014

Lieu : Meaudre (Isère)

Affichage : 1565 vues

Distance : 86km

Objectif : Terminer

4 commentaires

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UTV 2014: Une première réussie

Départ 5h00 sur la place de Méaudre. Au programme 88km et 4500mD+.

Arrivée le jour précédent, récupération du dossard, écoute attentive du briefing et je file directement au gîte pour m’installer. Je fais tout pour ne me mettre aucune pression : préparation des affaires, du ravito, etc. Je veux n'avoir qu'à me glisser dans mes affaires au réveil sans avoir à me poser une seule question. Organisation et anticipation sont donc mes maîtres mots pour ce qui est mon premier ultra.

Le soir au gîte, dîner en compagnie de nombreux autres trailers. J’ai l’air d’un jeune débutant entouré de tous ces « vieux » briscards ayant participés à bien des grosses courses (6000D, Templiers et j’en passe). J’écoute attentivement leurs conversations histoire de grappiller quelques infos qui me seraient encore utiles. Certains s’avancent à annoncer un temps : 15h00, 16h00 pour les plus téméraires, je reste muet quand à moi. Juste finir, quelque soit le temps mis.

22h00 au dodo pour une nuit qui s’annonce courte. Malgré tout j’arrive à trouver un sommeil assez correct. Au réveil je ne me sens pas vaseux mais prêt à me lancer dans cette belle aventure.

Le gatopsort est avalé sur le pouce, les affaires rangées dans le coffre et c’est la direction de l’aire de départ. Là je retrouve quelques collègues du soir. Pas de tension, mais la concentration est là. Il fait relativement froid alors qu’on sait que la chaleur sera présente pendant toute la course. Finalement j’ôte ma seconde couche pour ne garder que le coupe-vent…bonne initiative.

5h00 le départ est donné. Je démarre tranquillement du fond de la grille. Pas envie de me carboniser d’entrer, dans la nuit à vouloir suivre un rythme trop enlevé. J’ai le temps.

Avec ma petite lampe, que je n’allume que tard, les possesseurs de Nao et autres grosses lampes m’éclairent le chemin. On enfile d’abord un chemin assez large où le peloton s’étire doucement avant d’attaquer une première petite côte qui permet d’étirer encore les coureurs. Je m’installe dans ma course. Je me sens bien. Les jambes moulinent sans problème. Je sens plutôt bien cette journée en fait. Enfin, ça c’était la sensation du début. Après une bonne balade dans la forêt et une première difficulté pour nous dérouiller les jambes, on arrive assez vite au refuge de la Glisse que je passe sans m’arrêter (pas vu le petit ravito qui était prévu). Le jour pointe le bout de son nez. Je suis sur un parcours que je connais bien pour l’avoir randonné avec ma famille quelques semaines auparavant. C’est la montée (en douceurs vers Valchevrière). Je m’y recueille quelques instants. Samontetro, présent sur les lieux me demande si j’ai loupé le virage. Non, juste un moment de recueillement sur ce haut lieu de la résistance. Et je repars. Le petit ravito juste après est passé sans s’arrêter non plus. Le jour est levé maintenant. Je me sens toujours bien. Ca commence à monter doucement. Je me surprends à courir dans cette montée au pourcentage assez faible. Depuis le refuge de la glisse je n’ai de cesse de dépasser des coureurs. Je ne suis pas à fond pourtant. Puis on remonte vers la Glacière, avec le passage d’un gouffre. J’essaie d’avaler une barre céréale et la première mauvaise nouvelle de la journée. Elle ne passe pas du tout. Je manque de la renvoyer. Mon estomac ne veut rien avaler. Il semble complètement bloqué. Je m’inquiète de savoir comment je vais m’alimenter. Car je n’ai pas pris de boisson sucrée. Juste un bidon de mon mélange maison, qui ne tiendra pas les 88km. On aborde la descente sur Corrençon. Deuxième avertissement. Le mollet gauche m’envoi quelques décharges électriques…j’ai peur de la crampe. J’essaie de me relâcher au maximum dans la descente. Finalement mon mollet me laissera tranquille le reste de la course. Fausse alerte donc, mais petit moment d’appréhension tout de même. Arrivée au premier relais où je retrouve les 2 jeunes du gîte. Le premier a le bide en vrac, le second les adducteurs qui sifflent. Je ne les reverrai plus. Je prends le temps de bien recharger en eau, ôter le coupe-vent, ranger la frontale et ça repars. Il fait encore frisquet mais le soleil lance ses premiers rayons. C’est la montée du Moucherolles qui m’attend. Au relais je suis arrivé 125ème !  Cela me rassure un peu quant aux futures barrières horaires. Je suis néanmoins surpris par ma position que je n’attendais pas aussi bonne à cet instant de la course.

La montée commence par un chemin assez doux qui passe à travers la forêt. On attaque le dur un peu après dans les lapiazs. Puis ça se met à monter franchement. Et là je commence à souffrir une première fois. Je ferai deux petites pauses dans la montée pour reprendre mon souffle. Je me fais dépasser par une bonne vingtaine de coureurs au total dans cette ascension. Au premier sommet une petite pause prise de vue. C’est beau et je veux profiter un peu avant de continuer. Et je repars vers la seconde partie. En courant sur le descendant, mais dès que ça regrimpe je retrouve ma vitesse d’escargot lancé à pleine vitesse. Au sommet, petit ravito. Je me pose deux minutes sur une petite chaise avant de me lancer dans la descente sur les pistes de ski. Je pense qu’à cet instant je gentil bénévole a dû penser que je n’irai pas au bout. Dans la descente, un peu casse-gueule (ça glissait beaucoup à cet endroit), je préfère l’entamer sur un rythme assez calme. Je descends en général assez vite mais là j’ai préféré m’économiser et ne pas trop entamer mes cuisses. Une (jolie) fille passe le groupe de coureur dans lequel je suis à cet instant comme un avion. Mais comment peut-on aller aussi vite à cet instant sans se carboniser ? J’espère qu’elle était sur un relai 4. La descente sur Villars s’effectue sans grande difficulté. J’arrive néanmoins à me laisser descendre à bonne vitesse pour atteindre Villars en bonne position. Je recharge en eau, je remplis mon bidon d’Overstim ne pouvant définitivement rien avaler. J’en profite pour saluer un coureur de relai 4 avec qui nous partagions la chambre et lui demander des nouvelles de son camarade qui était sur le solo et avec lequel j’avais pas mal discuté le matin au petit déjeuner. Je le remercie, au passage, pour ses précieux conseils d’ultra-trailer confirmé.

Je repars de Villars à petite vitesse en marchant. Il fait maintenant chaud, le soleil commence à taper assez fort. Heureusement nous partons sur le tracé d’un des parcours de trail de la station que j’avais effectué avec mon fils cet été en plein cagnard aussi afin d’avoir un entraînement en plein soleil. Quelle merveilleuse idée que cet entraînement-là. Bref, je souffre de la chaleur et je n’avance pas bien vite à ce moment-là. Le rythme va revenir tardivement mais progressivement sur cette étape.

Malgré tout, en plein milieu j’éprouve un grand moment de lassitude. Je m’arrête sur un gros rocher en pleine forêt et décide de me reposer 5 à 10 minutes. J’ai une terrible envie de dormir. C’est assez dur comme sensation. Je repars à nouveau. Le rythme revient comme je l’ai dit. Cette pause a été salutaire sur cette partie du parcours. C’est la descente vers Lans-en-Vercors avant la montée du Moucherotte. Encore une fois je prends mon temps au relai pour reprendre un peu de forces. Je bois beaucoup. Eric41 des Kikourou que j’ai croisé dans la descente a le dos en compote apparemment à cause de l’utilisation des bâtons. Il m’annonce qu’il va abandonner.

A cet instant j’ai plutôt bon moral. Je sens que je peux aller au bout même s’il reste encore pas mal de kilomètres et que je suis bien entamé. Le soutien permanent de mon grand fiston et surtout de ma tendre épouse me permet de continuer à y croire. En tout cas c’est une motivation supplémentaire pour aller d’étape en étape. Au ravito j’apprends qu’on va prendre 1000mD+ d’un coup. Le moral en prend un petit coup, mais, aller on y va. Je discute avec un gars quelques minutes en redémarrant.  Il a l’air complètement carbonisé. Je pense qu’il n’a pas terminé. Je le lâche dès que ça grimpe. Et ça grimpe fort d’entrée. On fait même de l’escalade à cet endroit. C’est plus que droit dans le pentu ! La moyenne horaire a atteint à cet endroit son point le plus faible. Je m’arrête deux fois dans l’ascension tellement ça tue. Et je ne suis pas le seul. Le tout s’effectuant sous le cagnard, c’est un vrai morceau de bravoure que nous affrontons. On arrive ensuite sur une grande montée ce que j’ai appelé une « autoroute » d’altitude. De la caillasse blanche qui fait très mal aux yeux avec la réverbération. Néanmoins à cet instant je trouve un second souffle. J’envoi en mode nordic-walking à fond les ballons. Je reprends une bonne vingtaine de coureurs qui semblent à l’arrêt. Je cale juste un petit instant sur les 20 derniers mètres. Là un gars craque émotionnellement. Je passe devant lui, un peu hagard, et je ne trouve rien à lui dire. C’est tellement perso ces moments-là que je ne sais pas quels mots utiliser pour l’encourager, un autre viendra le remonter. Ah, j’oubliais, dans la montée, un gars vomit et se vide devant moi. Il s’étend directement en plein soleil. Je prends quelques secondes pour lui dire de se mettre à l’abris et surtout d’essayer de boire. Je préviens des randonneurs qui descendent de bien vouloir aller voir si tout va bien. Arrivé au sommet je préviens aussi les bénévoles.

Mais la course continue. Je prends quelques minutes pour observer le panorama magnifique sur Grenoble et le massif de la Chartreuse. J’en prends plein les mirettes. Un moment bien agréable.

J’entame la descente sur St Nizier tout en confiance. Je le sens bien. Les sensations sont de retour. J’effectue toute la descente en courant. Une fille en relai trouve le moyen de me doubler alors que j’avais l’impression de bien gazer à cet instant. Mais pas de panique, je suis sur le solo, pas elle !

Arrivée à St Nizier je dévore 2 bols de soupe qu’un sympathique bénévole me propose. Elle me fera un bien fou pour terminer. N’avalant plus que du liquide depuis Corrençon ces quelques vermicelles sont les biens venus dans mon estomac désespérément vide. Là j’aperçois une nouvelle fois Samontetro avec qui je prends le temps de discuter de ce qui nous attend encore et lui faire part de la partie que j’ai le moins aimé sur l’autoroute vers le Moucherotte. Il ne me connaît pas et je ne me présente pas en tant que kikou. Pas grave, je préfère l’anonymat. A ce moment j’ai le moral au beau fixe. Je sais que je vais terminer. Plus qu’une grosse bosse à passer et ce sera Autrans puis les 7 derniers kilomètres. Je repars gonflé à bloc. C’est quoi 28 bornes à cet instant ? Une formalité pensais-je. Mal m’en a pris. Je repars en courant de St Nizier. J’effectue toute la descente jusqu’à Engins à fond porté par mon moral. Le passage vers Engins est avalé comme une formalité.

Bien que je me fasse doubler à cet instant par des relais, je suis tout en confiance. Sur la route qui monte avant de bifurquer sur le chemin, je suis encore à fond en nordic. J’arrive à tenir une fille qui coure sur la quasi-totalité de la montée. Mais quand la route laisse la place au chemin, c’est le choc. L’an passé, j’avais fait une reco avec ma femme et j’étais bien passé par cette côte mais dans le sens de la descente. J’avais oublié combien le pourcentage était aussi abrupte. Je vais monter cette côte en mode robot. Un pas après l’autre, à toute petite vitesse. Je me ferai dépasser par un solo et quelques relayeurs. Je fais une pause de 2-3 minutes sur la fin de l’ascension car je suis un peu cramé. Mais finalement j’arrive à repartir en douceur. La fin de la montée se fait au mental. J’ai le souffle court, et du mal à respirer. Les poumons me brûlent un peu et je ne peux pas prendre de grande inspiration sans me mettre à tousser. J’arrive sur le plateau pour me rendre compte à ma grande joie que nous partons vers la Molière contrairement à ce que je pensais. Quelques bénévoles nous attendent et nous encourage au sommet de la Molière. De là nous longeons les crêtes pendant un petit moment. Je m’efforce de courir avant la descente. Cette dernière grosse descente sera pour moi très éprouvante. Le tendon rotulien qui m’avait lancé quelques alertes au sommet du Moucherotte se réveille véritablement et je commence à souffrir du genou. Malgré tout, en se chauffant dans la descente, la douleur disparaît pour rester très supportable. Je suis un « couple » de coureur pendant le début de la descente, mais je lâche assez vite car le pourcentage s’accentue et les cuisses ont de plus en plus de mal à suivre. Je relâche au maximum, me freinant avec les bâtons. La nuit commence à tomber. Dans le bas de la descente, j’arrive à trouver la force de courir encore en suivant une fille qui m’avait dépassé dans la descente.

Il fait presque nuit à cet instant mais le groupe de coureur avec qui je suis ne sors pas les frontales. Nous parcourons un à deux kilomètres à travers la ville et les sous-bois en faisant attention à ne pas nous tordre une cheville. Ce serait con, si proche du but. Puis c’est l’arrivée au ravito d’Autrans.

J’avale une soupe, un grand café, je recharge en eau, sors le coupe-vent – il commence à faire froid avec l’arrivée de la nuit – et la frontale. Je repars au bout de quelques minutes non sans avoir pris le temps de téléphoner à mon épouse qui s’inquiète de mon arrivée tardive.

Au moment de repartir ,je me retrouve  en compagnie d’un coureur, Thomas, avec qui nous décidons de faire ensemble la fin du parcours . Nous allons papoter pendant les 7 derniers kilomètres en marchant. Finis de courir. Nous savons que nous terminerons. Nous prenons donc le temps d’échanger sur le trail. Ce fût un bon moment en sa compagnie et c'est bien agréable après ces 88 kilomètres de solitude.  Seuls deux avions nous dépasserons dans cette bosse à travers la forêt. Puis le clocher de Méaudre apparaît et les lumières du village. Encore un ou deux détours...pourquoi donc ?...et ça y est c’est fini. Nous avons réussi à finir. J’ai réussi cette première. Heureux et fier, car cette course fut bien difficile. Plus de 400 au départ, tout juste 187 à l’arrivée.

4 commentaires

Commentaire de samontetro posté le 09-09-2014 à 09:47:06

Bravo Jam pour ce tout premier ultra. J'aime ta manière d'aborder la course, en particulier ton "détour" à Valchevrière m'a touché. Ce passage a aussi ému beaucoup de coureurs je crois. Pour l'organisation ce parcours est avant tout l'occasion de partager notre passion, nos sentiers d'entrainement (si, si, l'école d'escalade en fait partie) et le côté émotionnel de certains sites de notre région, historiques, naturels, etc... C'est une grand honneur d'accueillir des coureurs comme toi.

Commentaire de Philippe8474 posté le 10-09-2014 à 11:48:43

On s'est quand-même payé une belle ballade, hein!
Puis la prochaine fois qu'on se croise, n'hésite pas de me demander des noix de cajoux ;-)
En tout cas félicitation à toi pour ta course!
Au plaisir de refaire le yoyo sur une course

Philippe_quelques_minutes_derrière_toi_à_l'arrivée :-)

Commentaire de eric41 posté le 10-09-2014 à 17:14:20

Bravo Jam,tu as bouclé une bien belle course.Sans le mal au dos j'aurais certainement tenter la Moucherotte mais je ne sais pas si j'aurais pu rallier Méaudre.

Commentaire de Raphynisher posté le 09-12-2014 à 21:24:54

bravo jam, belle course et surtout belle leçon de gestion a l ecoute de tes sensations, tu as su egalement prendre le temps de profiter et d apprecier - j espere que je gererai aussi bien que toi le 80km du mont blanc ! au plaisir de se croiser sur les sentier ou en seminaire ;-)

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