Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2014, par forest

L'auteur : forest

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 29/8/2014

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 2021 vues

Distance : 168km

Matos : classique

Objectif : Terminer

4 commentaires

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UTMB ,J'en ai pleuré !

CR UTMB 2014


Le grand tour.
Après 2 CCC et 2 TDS, le temps est venu de s’attaquer à l’UTMB (pour cette édition : 168.7 kms et 9796 D+, une paille) .16H45, place du triangle de l’amitié, quoi de plus indiqué pour les trois amis que nous sommes, à attendre le départ de cette édition 2014.
17h30, Vangelis et évidement le début des averses annoncées .Sous des  trombes d’eau les 2434 concurrents s’élancent  au milieu des GoPro et d’une foule électrique .Comment faire croire à des lambdas qu’ils sont des champions ! Après quelques minutes de marche, enfin nous courons pour nous extraire de la capitale de l’alpinisme. Les 8 bornes entre Cham et les Houches sont beaucoup plus stratégiques qu’il n’y parait car c’est sur cette portion relativement plate que le combat contre les barrières horaires pour nombre  de dossards commence. Ramasser les champignons ou flâner aux corneilles sur cette partie vous assurera à coup sûr une grosse galère pour les barrières de St Gervais et des contamines. Donc, on court……….. .Pour notre part, pas de ravito aux Houches, faut pas déconner quand même !  Direct dans les pentes du Delevret. Autant vous le dire de suite, la montée, ce n’est pas mon truc (mes potes sont moins réticents), donc position des bâtons et du cerveau en mode galère et on suit le troupeau. Etrangement, cette ascension ne se passe pas trop mal et la lassitude attendue ne vient pas, c’est de bonne augure. J’atteins le sommet au bout de 2h06 de course à 19h38 ,devant mes acolytes , Bref ,à cet instant ( ce sera le seul) j’ai même pensé à la victoire finale !
La bascule sur St-Gervais s’opère dans la bruine et toujours pas les potos en vue. La descente, c’est plutôt ma tasse de thé. On se met en mode sommeil, on sort le bide encore gonflé par le houblon estival (là j’exagère un peu) et on se laisse glisser, le mot n’est pas usurpé, dans la pente. Arrivé à St-Gervais à 20h39 ,3h08 de course. Du fromage, des tucs, du coca et c’est parti mon kiki .Ma règle est simple, pas trop de temps aux ravitos et manger en marchant. J’ai lu sur les forums que les 10 kms entre St-Gervais et Les Contamines étaient un faux plat montant et que trottiner légèrement était de bon aloi !!!!!   J’invite tout le monde à s’inscrire à cette belle course ne serait-ce que pour venir vérifier la connerie de tels  propos . Par moment en montée, je reculais ! , j’ai  parfois cru avoir commencé la grimpette du bonhomme sur cette portion. De la boue, de la pluie, des murs à monter …………..  Heu allo Catherine, allo…………..
Contamines en 4h49(31 kms), il est 22h21. Une chose est sûre, la foule du val montjoie sait accueillir les coureurs, ambiance sud-américaine ! On se croirait sur la course le Puy Firminy (je déconne.)
Fromage, saucisson, coca et go pour notre dame de la gorge. Très sympa comme coin, de belles allées illuminées, des projecteurs rouges, des feux de bois, très poétique. ND de la gorge marque le vrai début des difficultés et ça grimpe dur d’entrée avant de se calmer vers la Balme ,500m plus haut. La pluie s’arrête, le brouillard s’installe, ambiance  Shining. Les organismes sont encore assez frais à ce moment de la course, et le col du bonhomme arrive finalement assez vite .Le refuge, lieu du pointage chrono, lui se tient beaucoup plus loin par contre et se fait désirer. On le savait et un homme averti en vaut  deux, donc pas de panique. Mine de rien, depuis Saint Gervais, on vient de se manger 1850 D+ en 23 kms de montée continue et c’est par conséquent  avec un certain plaisir que la descente des Chapieux m’apparait. Le processus est toujours le même : diminution du rythme cardiaque à 2 pulses minutes, on rentre les bâtons, enfilage du pyjama et dodo ………… Oui je sais mes propos doivent faire grincer quelque ratiches, car les Chapieux sont situés 900 m plus bas, et le tout sur à peine 5 kms, donc ça dégringole sec et les quadris ramassent un max……. mais que voulez-vous, je souffre moins en descente et en profite pour recoller à une moyenne horaire de course acceptable. Chapieux, 49.5 kms ,9h04 de course, il est 2h36 du matin, la bande à Ruquier est partie se coucher. Après un petit ravito très varié, reblochon, tomme, comté…. C’est parti pour la ville des glaciers. Alors attention, pas la peine de prendre sa carte Fnac pour faire du shopping, la ville des glaciers est un pseudo pour désigner 3 bâtisses dans une vallée inaccessible. C’est surement très beau, mais dans le noir ……………… ! Bref, début de la montée au col de la Seigne. Des farandoles interminables de frontales qui s’étirent devant et derrière, un spectacle inoubliable, c’est bien simple, j’ai à peine senti la douleur qui d’habitude m’assaille à la moindre aspérité du relief (maso je vous dis).Col de la Seigne à 5h09 du mat pour 11h38 de course. Ça roule toujours, rythme tranquille dans les grands cols et course + marche rapide en descente .Cela me semble être la bonne équation du finisher. Pour cette course, je n’ai pas d’autre ambition que de finir (comme toujours en fait). Je n’ai plus vraiment de souvenir marquant de cette descente vers le lac Combal. Le halo de lumière focalisé sur les pieds, les images défilent sans saveur, sans couleur. Proche du ravitaillement, et malgré la pénombre j’ai longtemps cherché les traces du fameux lac Combal. En vain, puisque celui-ci est asséché depuis des lustres .Le lieu est assez fascinant, les ruisseaux serpentent  au milieu des prés, mais le lac n’est plus !
Il est 6h du matin, 12h25 de course et pour la première fois du trip, une Chappe de fraicheur vient s’abattre sur le val veny. Branle-bas de combat, gants, veste, capuche, tout le matos y passe, ça caille sérieux. J’aurais dit -10° mais il parait que nous étions à +3° !!! Bonjour la lucidité. Nous voilà donc arrivé au pied de la dernière difficulté de la nuit, la célèbre arête du mont Favre 450 D+. Petite montée bof bof (je rappelle néanmoins que pour moi une grimpette de 10 D+ est un col abrupte), on réchauffe la machine lorsque soudain, après un demi-tour de buste, le choc, la révélation, le plus beau spectacle de l’hémisphère nord à cet instant : le lever de soleil sur la face italienne du mont-Blanc. Chers amis, voilà pourquoi la vitesse horaire dans le Mont Favre s’écroule subitement. Que dire ? C’est magique, écrasant, féérique et ce simple spectacle justifie tout. Reportage photos, caméra, incantations divines, tout y passe, je filme même un japonais en train de changer ses chaussettes, quel bonheur !  Je crois que j’aurais pu prendre mon petit déjeuner vautré dans l’herbe à cet endroit, mais bon ,Courmayeur et sa barrière de 12h nous guette encore . 



J’ai beaucoup pensé à mes 2 potes dans cette descente de 9 kms sur Courmayeur .Si le début via le col Checrouit ne pose pas de problème majeur, la deuxième partie relève du  parcours du combattant. Eux les amoureux des descentes raides, cassantes, instables, n’ont pas dû être à la fête. Je dois convenir que cette partie, avec ses hautes marches est vraiment pénible et destructrice.
Arrivé à Courmayeur, il est 8h57 ,15h25 de course, 77 kms. A Dolonne je dois retrouver ma famille et les amis qui sont venus à notre rencontre. Franchement  cette présence fait du bien .Je prends une demi-heure pour manger la pasta, changer les chaussettes… euh non j’en ai pas de rechange, c’est dommage les miennes sont trouées et collées au strapping qui protège mes chevilles .Le spectacle m’écœure, je remets illico mes godasses. A la sortie, je retrouve les miens, yes.
Je pus, ils sentent bon, je les renifle, hummmmm, allez on se casse !
Ce n’est pas le tout, mais on a un tour du Mont Blanc à faire .Requinqué, j’attaque la montée sur Bertone. Je la redoute, mais finalement, cette dernière s’effectue, sans pression de barrière et à un petit rythme acceptable. Une grosse heure et demie depuis Dolonne. A partir de là, changement de décor. Les 12.5 kms jusqu’à Arnuva sont, d’après les profils, plutôt plats avec une descente finale.
Quelle erreur de jugement, et pourtant je la connais cette partie .Une fois de plus ma mémoire me trahit et ce sont quasiment 400 D+ qui viennent endeuiller mes belles perspectives de rando bucolique. Le soleil est de sortie, aie, je commence à souffrir, la journée va être longue. Les petites montées s’enchainent sans interruption  jusqu’au refuge Bonatti ou je vide une bouteille de coca, VOUS  PERMETTEZ NON ?   Je m’arrache jusqu’à Arnuva, que j’atteins une heure plus tard à 13h37 pour 20h06 de course. La famille et les potes sont là, le grand col Ferret aussi, je décide de m’accorder une pose de 40 minutes, je fais ce que je veux. Je n’ai  aucune envie de me mesurer à ce col, lui et moi on ne s’aime pas, je ne l’ai jamais passé sans difficulté. Ma petite femme et mon Fabrice, un de mes deux alcooliques …acolytes, pardon, qui a abandonné à Courmayeur par fainéantise, ont la géniale idée de me masser les cuisses. Mais quel délice, ils m’ont remis en selle, j’en suis persuadé .Je pourrai d’ailleurs le confirmer dans la longue descente de la Fouly, merci les enfants. Voilà donc un des juges de paix, le grand col Ferret. Il n’est pas très long, mais assez pentu dans sa 2° partie et surtout, il y fait souvent chaud l’après-midi. Je me mets donc en position aérodynamique (lol), les bâtons déployés et c’est parti pour 1h40 de misère. Je n’ai pas de commentaire plus pointu à apporter sur cette ascension, ce serait lui faire une publicité inutile !
Je crois pointer au sommet du col, mais visiblement l’appareil du contrôleur ne me scanne pas (je vous l’ai dit, ce col est vicieux) et c’est donc sans ce précieux pointage pour les suiveurs que je me jette dans la descente. Autant vous le dire de suite, seul un fêlé (Grecque je crois), qui descendait à bâtons rompus a osé me doubler dans la partie menant à la peule. Cette portion est roulante, sans grande difficulté technique et descendante, la parfaite autoroute à bourrin, bien sûr je suis dans mon élément. Est-ce dû à la vitesse ou plus surement à ma propension à courir la bouche ouverte ( en aucun cas liée à une niaise béatitude), toujours est-il que j’avale en pleine descente une mouche de montagne ,surement engourdie par l’altitude .Cet épisode peu glorieux que je voulais garder secret ,va me causer bien des tracas pendant au moins une demi-heure et s’achever par des spasmes vomitifs un peu à l’écart du sentier .La grande classe . Certain coureurs ont peut-être témoignés avoir entendu les râles d’un bovin blessé dans les fourrés, à vérifier !
Bref, même si le rythme jusqu’au ravitaillement de la Fouly ralentit significativement en raison des bouchons sur les single tracks, l’arrivée dans cette charmante contrée Suisse se fait à 17h30 après 24 h de course et 108 bornes. Il reste 60 kms, on est pas mal. Malgré un mal de bide persistant depuis ST-Gervais, je m’efforce de prendre le seul mélange qui passe sans grand problème, coca +soupe de pates .C’est  fameux !  La suite de la descente s’effectue dans un premier temps en forêt, sur la rive d’une très large rivière. Quand on voit la largeur du bassin d’écoulement de ce qui est aujourd’hui un petit torrent on imagine aisément le potentiel hydraulique des glaciers en amonts, et ses conséquences en cas d’inondation. D’ailleurs, ce lit est un véritable chaos et un enchevêtrement d’arbres et de rochers. J’alterne, un peu isolé à ce moment de l’UTMB, de la marche rapide et de la course en fonction du relief et du moral. L’arrivée dans le secteur Praz de Fort /Issert est un vrai régal .En effet, même si nous basculons sur des routes goudronnées pour quelques kms, la traversée des villages Suisse est une joie pour les yeux, tant certains chalets semblent cossus et accueillants. Ouais, c’est le salon de l’immobilier en Val ferret Suisse, ponctué par des stands de dégustation de thé et café ……..j’aime ce secteur. D’ailleurs j’en profite pour bavasser du GR de la Réunion (que je n’ai jamais fait) avec un multi-finisher super sympa. Ces moments sont les meilleurs, j’en profite car déjà se profile la vicieuse montée sur le gros camp de base de Champex. Bon soyons clair, la montée sur Champex fait pâle figure sur les profils à côté des mastodontes qui suivent (si si !) mais c’est parce que cette dernière est sournoise et bien plus longue qu’elle n’y parait .La coquine vous fait grimper sur son dos assez haut et hop, c’est le retour à la case fond de vallée ?????????? . J’ai tenté de couper par le foret mais en vain ! J’ai dû me résoudre à redescendre quelque dizaines de D+ acquis de haute lutte , pour les remonter plus loin , et rebelote .Bref il faut une grosse heure pour atteindre ,à la nuit tombée me concernant, le  plus grand restau de pates d’Europe . Enorme chapiteau version fête de la bière à Munich mais pour les pâtes. La chaleur est étouffante, le bruit assourdissant, mais si vous zappez ce ravito et son rituel de pastas, vous pouvez dire adieu à vos rêves de finisher. Derrière c’est bovine, un mur de 850 D+, à franchir au bout de 130 kms !
Tranquillement en train d’ingurgiter mes glucides à la sauce tomate je reçois un sms de femme et enfants m’annonçant  leur arrivée dans un restaurant de Chamonix. Premier choc ! Ou en est mon 2° utmbiste  ?(le 1° a arrêté à Courmayeur), vous avez des news ?  A ouais, il est avec nous, il a arrêté à Arnuva, il commande une croute au fromage et une fondue savoyarde !!!!!!!  Deuxième choc !  Je vacille et tente de me réfugier dans un profond coma, en vain, je me contente de pleurer. Savoir quelqu’un de proche encore en train de souffrir en course avec moi, me rassurait. Cette fois je suis tout seul, comme un étron sur un trottoir Suisse, la fin va être durrrrrrre   .
J’ai décidé de ne pas faire de micro sieste à Champex, mais plutôt à Trient, donc je repars à l’assaut des montagnes. Bovine est un gros morceau, et le nouveau chemin empreinté, précédé de 4 bons kms de descente douce, commence assez bas dans la vallée .Tout a été dit sur Bovine, tout a été lu, cette rampe est une légende. C’est certainement exagéré mais il faut bien reconnaitre que la garce est pentue et interminable. Musique à fond dans les oreilles, je m’arrache comme un forcené dans ces pentes caillouteuses, traversées par des ruisseaux de toute part, c’est Dien Bien Phu .J’ai les pieds détrempés. Lorsque la pente s’adoucie, le chemin se transforme en bourbier, mélange d’excréments et de boue. Ça glisse fort la haut. Toujours est-il que je pointe à la Giete à minuit pétante après 30 h 30 de course et 134 kms. S’en suit un joli balcon au-dessus de Martigny, illuminé de mille feux, c’est superbe .Encore une belle image avant la violente bascule sur Trient. C’est assez rare pour être signalé, mais j’ai vraiment souffert dans cette descente .Elle est pleine de racines d’arbres qui coupe le mono trace, la glissade est toujours proche et le sommeil frappe à la porte. Bon dieu que cela devient dur. C’est décidé, au prochain ravitaillement je dors 20 minutes. Aussitôt dit aussitôt fait (à 1h prés). Soupe, coca humm mm  et je rejoins le Hilton de Trient. Les bénévoles  ont vraiment une grande importance dans la réussite de cet évènement. Je suis accueilli comme un prince et on me présente ma couche pour la nuit. J’ôte mes sabots crotteux et m’allonge sous une couverture pour 20 minutes de pur…… ha  déjà c’est fini, caramba !
Bon et bien tant pis, à moitié transi de froid je pars affronter la belle Catogne. Jolie grimpette de 850 D+, situé entre Hiroshima et Srebrenica sur l’échelle de l’horreur. Les bâtons servent plus à ne pas reculer après un pas en avant que pour soulager les quadriceps en feu. Quasiment 2 heures pour atteindre la zone de pointage en pleine pampa, et baignée de la chaleur d’un superbe feu de camp. Des coureurs  s’allongent  auprès du foyer, c’est vrai que c’est doux !
Je reprends ma marche en avant pour engloutir les 5 kms qui nous séparent  encore de Vallorcine. Comme l’année dernière sur la CCC, je vais chuter plusieurs fois sur de méchantes pierres glissantes .Sans casse mais avec de belles frayeurs et surtout un rythme de progression dramatiquement bas. Soit la commune de Vallorcine a été déplacée soit la fin de descente est absolument interminable. Le chemin de croix fini par s’achever à 5 h du matin, ce dimanche, 35h30 de course et 149 kms. Il ne reste plus que la tête au vent et la voie Royal vers ma gloire s’ouvrira sans résistance. Jamais je n’ai été embêté par les barrières horaires, ce qui me permet de prendre le temps de me sustenter aux ravitos sans stress aucun .Ceci est un vrai luxe et je l’exploite avec abus depuis Arnuva. Je prends même le temps de faire une micro sieste de 15 minutes, la tête blottie dans les bras et l’oreille soigneusement posée sur l’alarme. Je m’endors presque et c’est les yeux groggys, que j’émerge de mon songe. Je porte des lentilles et ces dernières commencent à tirer la tronche, il faut en finir. Le chemin jusqu’au col des montets est une formalité, un peu long mais peu pentu, il permet des pointes à quasi 6km/h, houaaaaaa, j’espère que MR D’HAENE ne me lira pas, la honte !
En même temps que l’apparition de la lumière du jour j’atteins le pied de la célébrissime  grimpette de la tête au vent. Je fonce dans la pente ,les bâtons martelants à tout rompre le granit de ces innombrables galets que l’érosion alpine a transformé en autant de marches à gravir sur le chemin de la gloire ………… non je déconne , j’ai vomi assez rapidement !  . Epuisé, rincé, je me suis assis un bon moment au bord du chemin (au milieu en fait !) Obligé de réadapter ma vitesse à ma capacité respiratoire, j’ai vraiment du en faire marrer quelques-uns dans cette montée que je n’aime pas non plus. Je prends donc  mon mal en patience et lentement, mais plus surement je me hisse vers le presque sommet de la tête au vent. Ah oui petite particularité de cette ascension, c’est qu’il n’y a pas de fin ….. Le chemin semble continuer jusqu’ à ce que mort s’en suive. Les escaliers succèdent aux escaliers, sans grande cohérence orientationelle  si ce n’est celle du bas vers le haut !
Bon tout ne fut pas négatif dans ce col, car, entre deux bancs de brouillard, nous avons assisté à la fantastique apparition des sommets nous faisant face. Aiguille verte, drus, Mont-Blanc, aiguilles de Chamonix, ils sont tous là, une fois de plus le spectacle est saisissant. Le pointage à la tête au vent s’effectue enfin à 8h18 et 38h46 de course. J’ai donc mis 2h45 depuis Vallorcine, c’est beaucoup, le podium semble mort !
Je range les bâtons sur le côté du sac et attaque la dernière ligne droite .Enfin façon de parler car les 3 kms jusqu’à la Flégere sont très chaotiques et casse gueules .D’ailleurs , à quelque mètres du poste de secours , je trébuche sur une pierre beaucoup trop haute , et bascule dans le fourré d’à côté , une véritable cascade sans conséquence mais impressionnante .Les secouristes sont médusés et je m’empresse de faire le mariole pour rassurer mon monde ( et ne pas me faire stopper pour manque de lucidité ) .Je n’en suis pas là mais je manque de jus .
Je pointe à la Flégere 50 mns  après. Deux verres de coca frais et go back home. C’est étonnant, mais, dans les 8 derniers kms, plus personne ne marche, la compétition reprend ses droits, comme si de perdre ou gagner une place dépendait le statut de finisher. A cet instant, le risque de blessure est réel car le chemin est très piégeux, des racines, des pierres acérées  attendent patiemment l’offrande. Il n’y en aura pas, la concentration est maximum, les genoux montent haut, et le rythme épouse parfaitement le relief. Le passage sur la terrasse de la Floria marque toujours un joli moment d’émotion. L’émotion, justement, elle m’envahit d’un seul coup, et je chiale comme un gosse pendant plusieurs minutes .Je suis obligé de secouer la tête pour dissimuler ces larmes derrière mes lunettes ……… ,c’est un des plus beaux moments , la ligne est proche , le défi en passe d’être relevé et la décharge émotionnelle est immense . Ce moment est grandiose !
L’arrivée dans Chamonix représente bien un Everest au panthéon des sentiments les plus forts. Quasiment personne devant ni derrière. Je suis presque seul  lorsque surgit, au détour d’une barrière un groupe de supporters acquis à ma pauvre cause  .Ouiiiiii ce sont eux, mes amis, mes enfants, ma femme, putain que c’est bon, on s’enlace, s’embrasse ……et mec ce n’est pas fini, encore un effort.
Cet effort n’en n’est plus un, je vole, la foule est massée aux barrières ,hurle et encourage, la pauvre loque que je suis à cet instant. Les deux pilons qui m’accompagnent, et me tiennent les mains  oublieront  vite ces moments, mais pas moi …………..
Il est 10h21 ce dimanche matin et après 40h50 de course je deviens Finisher d’une des plus belles courses du monde !
40h49m36s  768° 
Merci à mes 2 amis, coureurs, toujours présents  pour un week-end encore magique, les amis qui sont venus nous voir et encourager, et enfin mes deux enfants et ma petite femme, qui m’ont  transmis leur force dans les moments de détresse .(d’ailleurs on a un secret à nous …)
YM dossards 1388




4 commentaires

Commentaire de xsbgv posté le 08-09-2014 à 14:18:48

Magnifique.
Quand passes-tu aux récits tout court? ON dirait que tu n'as pas besoin de faire des courses pour écrire...
Tu nous racontes une nouvelle histoire extraordinaire la semaine prochaine Pierre?

Commentaire de stphane posté le 08-09-2014 à 23:50:18

Très très bien écrit... J y ai retrouvé de mon utmb...

Commentaire de Forcerelative posté le 30-10-2014 à 12:42:45

On sent la précision du comptable dans le chiffrage anatomique de ta course et la passion de l’architecte qui contemple les reliefs comme si il les avait agencé lui-même, « allô la régie, un peu plus à droite le Mont Blanc stp ! »
Tel Icare, tu défis les lois de la gravité et t’élèves inexorablement sur le crane chauve du créateur, parfois dans les montées c’est lui qui s’invite dans ta cours tel un Gollum goguenard posé sur tes épaules, histoire de te tenir un peu compagnie, lol !
Une lutte sans merci s’engage alors sous nos yeux ébahies jusqu’au dénouement ultime, ses tentatives désespérés d’anéantir ta volonté sont légions mais elles sont contre quarrées méthodiquement par ta ruse existentielle. En effet, c’est une armée composite, faite de tes amies, de tes parents, de ta femme et de tes enfants qui franchit avec toi les derniers mètres en ta compagnie, tu as forcé son respect alors il t’a laissé rejoindre les mortels puis s’en est aller sur les hauteurs inviolées de Black Mountaine, mais chute, c’est un secret ne le dite à personne, il n’y pas de bonheur véritable sans dépassement de soi...

Commentaire de arnauddetroyes posté le 24-12-2014 à 00:45:03

merci pour ton CR et les émotions que tu partages !
et surtout Bravo d etre finisher de ,comme tu le dis une des plus belles courses du monde.

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