L'auteur : gmtrail49
La course : Grand Raid Occitan
Date : 30/5/2014
Lieu : Vailhan (Hérault)
Affichage : 2943 vues
Distance : 165km
Objectif : Objectif majeur
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* : comme dirait l'équipe de Marcel Patulacci
Remarque : des légendes à activer à la souris ont été ajoutées à la plupart des photos...
Pour être tout à fait honnête, il m'arrive bien souvent de me dire le lendemain d'un ultra : "T'as beaucoup aimé ta dernière course, tu souhaiterais lui faire de la pub parce que les organisateurs le méritent en se décarcassant pour nous accueillir au mieux sur leurs sentiers, alors fais pas ta feignasse et rédige un récit pour kikourou ! ". Sauf que je n'ai pas la plume facile d'un lutin d'Écouves, que je me découvre toujours plein de choses à faire (parfois même bosser !) et que le plus souvent, trois semaines plus tard, je n'ai pas dépassé le stade des intentions. Bien que le nombre d'heures passées à surfer sur le site soit difficilement chiffrable sur une année, je ne suis pas à proprement parler un membre actif (SVP pas de double lecture de cette expression les copains du CAPS !) de la communauté kikou : quatre années depuis mon dernier récit et un statut de kikoureur débutant sur le forum ! Par contre, je trouve toujours autant de posts intéressants sur le matériel, les courses, l'évolution de notre sport préféré. Je me suis délecté récemment des joutes verbales de kikous autour du thème de l'ITRA ; certains kikous avaient manifestement des vieux comptes à régler et le thème de l'ITRA ne semblait être qu'un prétexte à se chamailler (merci les modos de refroidir certaines tronches).
Alors pourquoi après ce GRO faire à nouveau chauffer mon clavier ? La principale raison est on ne peut plus simple : je n'ai pas le souvenir d'avoir autant souffert sur une course que sur ce 100 miles concocté par Antoine Guillon ; loin de moi l'idée d'en tirer une quelconque gloire, mais j'ai bien envie d'essayer de décrire ces instants très forts où, sur le fil du rasoir, vous oscillez entre la furieuse envie d'arracher votre dossard et celle de continuer à avancer et ce, quelle que soit votre vitesse. Dans son excellent bouquin consacré à la Diagonale des Fous, le susnommé Antoine fait référence à cette petite voix qui immanquablement, au cours d'un ultra, se fait entendre à un moment ou à un autre dans un coin de notre tête : « T'avances plus mon gars et t'arrives même plus à t'alimenter ! T'as mal au genou hein, t'inquiète pas, plus que 5000 m à descendre ! T'as fait les 2/3 de la distance, super, mais t'es qu'à mi-course...en temps ! Oh, regarde, une navette qui peut t'amener en même pas une demi-heure à la douche et à la mousse !". Jamais sur un ultra je n'avais eu autant de mal à clouer le bec de la petite voix : elle est revenue souvent et a insisté la bougresse !
Lors de ce WE de l'Ascension, nous étions 8 du Club d'Athlétisme du Pays Saumurois (CAPS) à avoir fait la "Descension" en Occitanie depuis Saumur (4 sur la Saute-Mouflon, 2 sur la 6666 et 2 sur le GRO). Plusieurs d'entre nous ont semble-t-il trop souffert de la technicité des sentiers pour avoir envie d'y revenir. Je souhaiterais donc réaffirmer par ce récit, surtout auprès de mes potes du CAPS, que même sur un ultra aussi technique que ce GRO millésime 2014, il s'agit bien encore de course à pied et pas seulement de rando sportive ! Les parcours que concocte Antoine depuis 4 ans sont savamment dosés pour qu'il y ait alternance entre secteurs très techniques et portions roulantes. Le seul hic, c'est que pour être en mesure de recourir sur les parties roulantes, il ne faut pas être en trop mauvais état physique et mental à la sortie d'une partie technique ; le fait de travailler en amont sur les cartes en ligne, de lire les comptes-rendus des reconnaissances ou d'avoir la chance de reconnaître soi-même une partie de la "promenade" est un plus indéniable : dans sa tête, on anticipe alors aisément sur la technicité du secteur suivant, sur le temps qu'on devrait y passer et sur la vitesse qu'il convient d'adopter.
Quelques précisions sur ma préparation. Je me présente à Vailhan le 30 mai avec 5 mois d'entrainement seulement. Mon année 2013 a été perturbée par une pubalgie et, juste après l'Endurance Trail de Millau fin octobre, je passe sur le billard pour une opération d'une hernie inguinale. Conséquence : en novembre : pas une minute de course à pied. Je recommence à trottiner en décembre et ne reprends les séances de qualité sur piste et en côtes qu'en janvier 2014. Les sensations reviennent en même temps que je m'efforce de perdre les 3 kg pris en deux mois ! Attention à l'équation sans inconnue : chocolats de Noël + sédentarité + plus de 50 balais = + 3 kg en deux mois.
En février, deux événements à noter sur ma petite planète course à pied : le premier ne dure que quelques instants et paraitra bien anodin : je m'inscris pour la Diag des Fous en octobre prochain. Pourquoi parler d'un événement ? Tout simplement parce que dès l'instant où vous avez validé votre paiement, il vous est impossible de débuter un entrainement sans avoir le GRR dans un coin de votre tête. Pour moi ce sera l'occasion de retourner dans cette île magique pour la troisième fois : une fois en 2008 pour le GRR (récit ici) et une autre en 2010 pour randonner dans Mafate. Le second événement s'est révélé beaucoup plus chronophage mais ô combien excitant : nous (le CAPS) avons effectué le 24 février nos grands débuts en tant que club organisateur ; bien aidé par une météo clémente, notre "Saumurban Trail" a rencontré un joli succès local… Depuis cette nouvelle expérience, ma vision a quelque peu évolué lorsque je redeviens "consommateur" en prenant le départ d'une course : je mesure maintenant tout le travail d'organisation en amont de la course, je comprends plus facilement certains choix des organisateurs (déplacement de ravitaillement effectué par Antoine Guillon à dix jours de la course), j'ai à la fois un regard plus critique et plus indulgent sur le balisage... Beaucoup de coureurs auraient sans aucun doute la critique moins facile s'ils passaient un peu de temps dans un comité d'organisation !
Côté entrainement, aucune chaîne de montagne n'ayant récemment émergé dans le saumurois, il a fallu encore et toujours composer avec nos côtes de 30 à 40 m de D+. Toutes ces dernières années, mon entrainement hebdo était d'un grand classicisme : 2 séances sur piste, une séance de côtes et une sortie longue. Cette année donc, j'ai décidé d'ajouter un nouveau type de séance une fois par quinzaine : en remplacement d'une séance de VMA courte sur la piste, je grimpe 8 à 10 fois à fond une côte de 150 m de long et inclinée à 15-20 %. Cette séance m'a été inspirée par un post (vieux d'il y a presque 3 ans) "progresser en vitesse ascensionnelle" et s'apparente si j'ai bien pigé à de "l'endurance de force". Quel que soit son nom, en tout cas, ça pique grave les cuisses et ça brûle à donf les poumons ! L'autre changement dans mon planning concerne la séance de seuil sur piste que j'ai totalement abandonnée depuis début mars ; je l'ai remplacée par des séances en nature sur des circuits vallonnés étalonnés. Conséquence : j'ai sans aucun doute perdu en vitesse mais peut être gagné un peu en puissance. Parce que ça me tient à cœur, parce que c'en est risible tellement c'est énorme, je souhaiterais développer aussi l'une des raisons expliquant pourquoi j'ai aussi fui la piste les trois derniers mois de ma préparation pour le GRO. Nous disposons dans mon club d'une vraie piste d'athlé de 400 m que les pistards, les coureurs de bitume et les trailers doivent partager les mardis et jeudis. Le groupe auquel j'appartiens, baptisé "groupe maratrail" par notre coach bien-aimé (je suis tenu par contrat d'ajouter un petit mot doux après "coach") a pris de l'importance cette saison. Toujours est-il que notre groupe a été jugé gênant pour nos athlètes, les vrais, c'est-à-dire ceux qui font gagner des points au club dans les compétitions sur piste. On nous a donc priés de laisser libre le premier couloir de la piste ! Dans un souci d'apaisement, notre coach adoré fait courir maintenant son groupe lors des séances de seuil au... 5e couloir. Pour gérer l'hétérogénéité du groupe et les temps de récupération, notre coach vénéré nous fait travailler "au temps" et non "à la distance" (par exemple 3 ´ 8 min plutôt que 3 ´ 2000 m ce qui permet un même temps de récup pour tous). À l'issue de la séance, pour évaluer ses progrès, chacun note la distance parcourue sur chaque fraction. Et là, imaginez-vous, les neurones cramés par l'effort, à essayer de multiplier votre nombre de tours par 458 m (et non 400 m) ! Alors faut-il placer dans le premier couloir un radar, permettant d'éliminer tout coureur jugé trop lent pour disposer du couloir princier des "seulsvraiscoureursquivontassezvite" ? J'ai donc décidé de faire ma tête de c... et de boycotter toutes les séances de seuil sur piste, ce dont tout le monde se fout il faut bien le dire. Attention, je ne suis pas en train de vous raconter que l'ambiance est délétère dans mon club, c'est exactement l'inverse... dans le groupe Maratrail. Le seul problème, c'est qu'aux yeux des entraineurs des athlètes sur piste, nous ne sommes tout simplement pas ... des athlètes. Allez, fermez le ban, promis j'arrête de vous bassiner... c'est vrai qu'on est très loin du GRO !
Quand on prépare un ultra, il est maintenant admis qu'il faut glisser dans sa préparation un « truc », appelez-le WE, semaine... auquel on accole le mot magique « choc ». Je sacrifie à ce rite sur la semaine S – 5 avant le GRO. Quitte à en mettre un sacré coup à mon bilan carbone, nous avons avec ma tendre programmé fin avril-début mai une semaine de vacances dans le sud. Bizarrement, nous atterrissons avec notre camping-car ... dans le massif du Caroux ! Sur cette WC (dans les milieux branchés, il est parait-il tendance d'écrire WEC pour "week-end choc" et comme pour moi ça a duré une semaine...), j'enchaine le Trail des Terrasses du Lodévois (48 km super techniques) puis pendant les 6 jours qui suivent des randos avec mon épouse et des rando-courses sur les secteurs clés du GRO. En 7 jours consécutifs, je cumule donc environ 9000 m de D+. Au bilan : des sensations allant crescendo tout au long de cette WC. Au retour de cette superbe semaine de vacances, je subis le contrecoup physique pendant plusieurs jours : j'ai les guiboles plombées ! Et dans la tête, j'oscille entre deux sentiments. Je suis à la fois rassuré car je visualise maintenant tout le parcours : entre les secteurs déjà empruntés sur la 6666 de 2010 et tout ceux reconnus pendant ces quelques jours, il n'y a plus guère qu'une vingtaine de km que je n'ai jamais empruntés. Mais, à contrario, j'ai bien du mal à concevoir qu'on puisse enchainer autant de difficultés sur une même course.
J'étais donc prévenu que ça allait être ultra-dur !
Les deux dernières semaines avant la course ne font pas exception à mes sales habitudes : je ne me sens pas prêt, j'ai le trouillomètre au plafond, j'ai mal partout et je prends un petit kilo (on baffre toujours autant tout en s'entrainant moins). Pour passer le temps, je peaufine mon tableau excel avec les dernières modifications concernant les ravitaillements et points d'eau. Comme d'habitude, j'ai évalué des temps de passage en ajoutant aux chronos partiels prévus pour les meilleurs un pourcentage évoluant 40 % en début de course à 70 % à la fin. J'ajoute aussi des temps de pause conséquents. Le total donne 42 h ! Je sais que je peux sans doute faire moins, mais à l'opposé tout coup de mou sur le sommeil, l'alimentation ou toute blessure peut entrainer une inflation importante de ces prévisions. Mon joli tableau est ensuite plastifié et collé sur l'un de mes bidons. Je connais le profil par coeur mais je le livre au lecteur afin qu'il se repère plus facilement.
Après une petite visite touristique express dans le cirque de Mourèze , nous arrivons jeudi 29 mai à Vailhan, village départ du GRO. Le village d'Antoine Guillon est TRÈS calme ! Heureusement, le camion d'animation garé sur la place et quelques banderoles confirment qu'on ne s'est pas trompé de village ! Après une bonne nuit sur l'aire de camping-car du village, je vais chercher mon dossard vers 6 h 45. C'est encore super calme puisque la navette amenant les coureurs depuis Roquebrun n'est pas encore arrivée. À la remise du dossard, petite surprise : on devait nous fournir un seul sac de délestage, transporté par l'organisation de Colombières-sur-Orb, première base-vie vers Mons-La Trivalle, seconde base-vie. Finalement on nous donne un sac pour chacune d'elles. De retour à mon camping-car, il me faut donc repenser le contenu de chaque sac. Heureusement, en bon psychopathe du matos, je dispose dans mon ÉNORME sac de sport de rab de matériel. Je me confectionne ainsi deux sacs identiques avec en particulier des fringues pour toute situation, du blizzard à la canicule ainsi qu'une paire de runnings de rechange.
7 h 15 : Marco et Marcel (c'est "coach idolâtré") arrivent sur Vailhan depuis Bédarieux, où ils ont dormi. Marcel ne traine pas et retourne de suite sur Bédarieux car il souhaite pouvoir à nouveau fermer ses yeux en prévision de ce qui l'attend le soir même. Il s'agit pour lui d'être opérationnel à 21 h pour le départ de la 6666. Marco, lui, court le GRO.
7 h 45 : c'est l'heure du briefing. Avec mon épouse, on se demande si je dois lui laisser une partie du matos que j'ai dans mon sac. Malgré l'heure matinale, on tient aisément en tee-shirt et on sent qu'il va faire bien chaud. Alors, en plus de mon coupe-vent semi-imperméable, faut-il vraiment conserver la veste de pluie et des gants de soie ? Finalement, et pensant par la suite regretter ce choix, je tranche in extremis pour tout garder. Le briefing d'Antoine est clair et concis : « Prenez du plaisir, ne vous emballez-pas, il sera toujours temps de "lâcher les chevaux" après Olargues au 135ème km ». Le speaker, Ludovic Collet (voir article le concernant dans Ultra mag n°3), chauffe l'ambiance. Il fait un petit sondage à main levée : « Qui a déjà couru un 100 miles ?». Une majorité de mains se lèvent ce qui confirme ce que je pressentais : il y a certes peu de coureurs élites, le peloton est peu étoffé puisque nous ne sommes guère plus d'une centaine mais la plupart ont des CV d'ultratrailers longs comme le bras. Un petit coup d'œil autour de moi suffit pour confirmer cette impression : la jambe est affutée et il y a peu de "gras" au départ de ce GRO ! Ludovic Collet invite la gent féminine à se placer devant sur la ligne de départ ; il a bien raison, les photos n'en sont que plus belles d'autant plus que ces dames sont plus souriantes que les mecs. J'ai comme à mon habitude beaucoup de mal à être vraiment relâché dans ces quelques minutes qui précèdent le départ. Depuis ma lecture du livre "Les cinq vies de Dachhiri Dawa Sherpa", lors de chaque départ de course, je ne peux m'empêcher de penser aux propos de Dawa : « J'ai pris le départ de 150 courses dans ma carrière, et jamais je n'ai vécu le stress du départ. À côté de moi, je vois souvent des athlètes qui ont déjà perdu tous leurs moyens avant même d'avoir fait un mètre ». J'ai beau me dire qu'il a dix mille fois raisons, j'ai du mal à plagier sa zénitude ; le sourire est quelque peu tendu sur la photo avec mon pote Marco. Il faut dire que je n'ai plus dépassé 30 h de course depuis mon GRR en 2008. J'ai bien essayé deux fois sur l'UTMB mais c'était en 2010 et 2012. Pour ceux qui ont de la mémoire, pour cause de météo exécrable, nous avions été stoppés en 2010 après 3 heures de course avant de repartir le lendemain de Courmayeur (enfin pour ceux qui avaient reçu le texto de l'orga à temps) ; quant à 2012, pour les mêmes raisons, nous n'avions eu droit qu'à une centaine de bornes dans le Val Montjoie et la vallée de Cham. À ce propos, une mise en garde pour ceux qui ont en projet de courir l'UTMB en effectuant le "vrai" tour du Mont-Blanc : attendez l'édition 2016 ! J'ai en effet une priorité d'inscription sur 2015. En bon chat noir de l'UTMB, j'ai de grandes chances d'avoir droit à un parcours de repli l'année prochaine !
8 h 02 : le maigre troupeau de 103 inconscients est lâché. Énorme avantage : ça ne bouchonne pas et on peut vraiment choisir son allure sans risques de se faire entrainer en surrégime. Jusqu'à Faugères, nous restons avec Marco à quelques encablures l'un de l'autre. En bon cent-bornard (9 h 45), il me prend systématiquement quelques longueurs dans les zones de relance mais je reviens dans les bosses. Les quelques points de vue vers le Sud sur la plaine biterroise et la Grande Bleue sont magnifiques. On découvre dans ces premiers kilomètres qu'il faudra être très vigilant sur le balisage, du moins de jour, car la rubalise à dominante jaune se voit assez mal en sous-bois. À mi-chemin de Faugères, Antoine Guillon est venu encourager les troupes. En passant à côté de lui, je lui glisse : «Tu nous as raconté des bêtises Antoine, c'est super plat ton pays ! ». Il se marre bien, car il sait que je sais... J'arrive à Faugères en compagnie d'un jeune triathlète poitevin bien sympa ; il a l'air facile le bougre ! Je pointe en 2 h 20 au milieu du peloton (49ème) avec un temps supérieur de 33 % par rapport à Renaud Rouannet le futur vainqueur. Il fait du 11 km/h de moyenne sur un secteur où l'on se prend quand même 700 m de D+ en 19 bornes !
Je repars lesté de 2 L de liquide (trois bidons pleins) après m'être "noké" les petons. À l'assaut de la Coquillade maintenant, c'est-à-dire de la première vraie bosse du parcours ! En quittant Faugères, on est à l'abri du vent de nord-ouest et il fait bien chaud. Gare à la déshydratation et à ses conséquences : nausées, impossibilité de se nourrir... Je progresse quelques minutes en compagnie de Rizlaine El Ouardi, souriante, super sympa. Je lui dis toute mon admiration pour les jeunes femmes qui, comme elle, se lancent dans des ultras de cette envergure ; elle me confirme qu'un agenda de jeune maman qui travaille est très serré lorsqu'on veut se préparer sérieusement pour un ultra.
En 2010 sur la 6666, avant de monter au Pic de la Coquillade, on avait eu droit à un petit crochet par le Pic de Tantajo qui domine Bédarieux. Pour cette édition, Antoine a réduit la distance sur le secteur Faugères-Lamalou. Mais il nous offre en "bonus track" une belle descente bien technique de 300 m de D- avant de remonter à nouveau sur la crête de la Coquillade. Dans cette grimpette, sans accélérer le moins du monde – sépalmomenaditlechef- je dépasse plusieurs gars visiblement déjà dans le dur. N'ont-ils pas poussé un peu fort sur les jambes avant Faugères ? Je trottine tranquillou sur les replats qui précèdent la descente. Celle-ci est un peu technique et raide du moins au début et je fais très attention à ne pas m'exploser les quadris. Avant les ruines de la Chapelle Saint-Michel de Mourcairol, le sentier redevient idéal pour courir, facile et en faux plat descendant. Et là, je ne vois après coup que cette explication, sans doute un gastéropode de Lamalou, Lamalus Hélicidae, espèce endémique des contreforts de la Coquillade, a du trouver le moyen de sortir ses tentacules (ses cornes si vous voulez) juste à l'instant de mon passage. Toujours est-il qu'avant même d'avoir pu esquisser une ébauche de début de commencement de rétablissement, je me retrouve étalé comme une grosse fiente de ruminant. L'espace d'un instant, le temps semble s'arrêter : j'attends avec angoisse que le cerveau reçoive les ondes de douleur de toutes les parties du corps endommagées. Rien aux mains, merci aux gants de VTT ! Par contre, ça pique "un peu" au niveau du genou gauche. Je me relève : l'escargot a dû filer pour éviter de faire un constat ! Je cherche en vain une éventuelle souche qui aurait pu me faire valdinguer. Rien, que dalle, je me suis étalé sans raison comme une ... . Mon genou gauche présente une petite plaie juste au dessus de la rotule. Je teste quelques flexions du genou, c'est douloureux mais ça n'a pas l'air cassé. Je redémarre très doucement furieux contre moi-même. Ces gamelles dans des secteurs faciles m'arrivent de plus en plus souvent (j'avais pris la même aux Templiers en 2010). Je parviens à peine à me calmer et à retrouver un peu de relâchement sur le plat qui précède Lamalou-Les-Bains. J'y pointe en 4 h 50 en 42ème position (déjà + 43 % par rapport au vainqueur sur ce secteur). Mon épouse m'attend, fidèle au poste. Je lui raconte ma cabriole ; ça saigne un peu mais ça n'a pas l'air si méchant... Je décide donc de ne pas me rendre au poste médical.
À la sortie de Lamalou, je retrouve comme prévu Marcel (coach adulé), son épouse et celle de Marco ainsi que Thierry (qui va aussi courir la 6666). Il est 13 h et ils saucissonnent à l'ombre des pins ; ils se sont placés stratégiquement pour remonter le moral des troupes (Marco et moi) avant le vrai début des festivités. Sur ce GRO, les pentes les plus raides et les sentiers les plus techniques sont en effet concentrés entre Lamalou (km 36) et Olargues (km 136) : plus de 6600 m de D+ sur 100 bornes d'après le topo. Tiens, c'est une coïncidence : c'est là que se trouve la vraie 6666 !
Le secteur Lamalou-Colombières, je le connais particulièrement bien pour l'avoir emprunté deux fois : une première sur la 6666 de 2010 et une seconde à l'entrainement un mois auparavant. Les chemins sont encore faciles, les pentes assez douces et la forêt magnifique. Je mange par toutes petites bouchées le mini-sandwich que j'ai emporté de Lamalou mais ça a du mal à couler. Les coureurs sont déjà très clairsemés mais j'en dépasse quelques-uns peu avant le point haut à 780 m dans la forêt des Écrivains Combattants. On aperçoit alors le hameau de Madale, en face, surplombé par un des contreforts du Caroux.
Avant de rejoindre ce hameau, se présente une courte descente raide, truffée de pierres. Et là je commence à comprendre que ma gamelle a laissé des traces : j'ai le genou très raide et je ne parviens pas à descendre en restant relâché. Je me fais déposer par le kikou domi81 puis par un autre coureur. Heureusement, après Madale, c'est tout plat pendant une borne et demie et je parviens à relancer. Après un petit raidard, s'annonce la première longue descente depuis le départ, elle nous emmène jusqu'à Colombières-sur-Orb sur 4 km ; elle n'est pas raide mais constituée de pierres enchâssées ; pour qui est en forme, c'est un bonheur de choisir ses appuis sur ces pierres stables. Et là, mes premières impressions de la descente avant Madale se confirment : toutes les flexions du genou gauche pour descendre la jambe droite sont douloureuses. Là où je devrais descendre tout en relâchement, je suis crispé et obligé de choisir mon meilleur côté pour descendre les marches les plus hautes. Un coureur, Hervé Roullin, que je vais revoir plusieurs fois sur la course, me dépasse magnifique d'aisance ; il me semble qu'il va deux fois plus vite que moi ! J'arrive au ravito de Colombières en 7 h 25 et en 38ème position (+ 48 % / vainqueur sur ce secteur, ça monte !). J'ai le moral bien en dessous du short, limite bas de contention ! J'essaie de ne pas trop le montrer à Heidi qui est venue m'encourager une dernière fois : il est temps ensuite pour elle de s'occuper de sa petite personne puisqu'elle court la saute-Mouflons le lendemain !
Dans le superbe chalet utilisé pour le ravitaillement, le pôle médical s'affaire sur des coureurs qui espèrent de manière sans doute illusoire qu'on va les remettre à neuf après ces 50 premiers kilomètres. Je montre mon petit bobo : on me nettoie la plaie, on me fait avaler 1 g de paracétamol, on me vide une bombe de froid sur le genou, et on me masse avec un gel à l'arnica. Avec tout ça, je ne peux que péter le feu : je vais aller croquer les mollets de Renaud Rouanet qui n'a après tout qu'un peu plus de 2 h d'avance ! Plus sérieusement, à la question « qu'est ce que je risque à continuer ? », on me répond que je n'ai forcément rien de grave puisque j'ai fait près de 20 bornes depuis ma chute. Je change de chaussures et enfile un corsaire à la place du short en prévision de la nuit. J'essaie de m'alimenter mais je n'ai pas beaucoup d'appétit. Un point d'eau étant prévu 5 km plus loin, je ne remplis que partiellement mes bidons. Après 25 min de pause, il est temps de se souhaiter mutuellement bonne route avec ma tendre... un dernier bisou et hop à l'attaque des gorges de Colombières. Je mets en route ma Suunto, réglée sur un point par minute ; sur ce mode, le constructeur garantit 50 heures d'autonomie, mais dans le doute, et ne voulant surtout pas me retrouver sans heure, j'ai décidé de ne l'allumer qu'après les 50 premiers kilomètres.
Trop peu concentré, je commence par me planter 100 m après le ravito en filant tout droit le long du torrent, heureusement un randonneur me remet sur la bonne route. Ce serait pas mal de ne pas faire de rab, surtout que le secteur Colombières-St Gervais sur Mare s'annonce corsé avec son profil "chameau" plutôt que "dromadaire" : plus de 18 bornes, 1300 m de D+ et 1200 m de D-.
Dans la montée de 4 km et 550 m de D+ vers le hameau de la Fage, je ne peux pas dire que j'ai de bonnes ou de mauvaises sensations, en fait je n'ai pas de sensations. Je privilégie des pas courts avec une bonne fréquence pour éviter de souffrir du genou. M'étant fait doubler au début de cette bosse par un coureur, j'essaie de ne pas me laisser trop distancer. Ces dernières années, j'ai remarqué que j'avais de plus en plus de mal à débuter les bosses, mais que bien souvent je revenais par la suite sur des coureurs qui m'avaient déposé en bas. J'essaie de m'ouvrir l'esprit sur l'extérieur pour moins penser à mon genou et à la suite du parcours. Le paysage s'y prête car la montée dans ces gorges le long du torrent est absolument superbe et le sentier très varié. Par contre, la couleur prise par le ciel au fond des gorges m'inquiète.
Quelques minutes seulement après avoir remarqué ce brusque changement de couleur, un vent froid se lève et il se met à pleuvoir. Je n'hésite pas longtemps avant d'enfiler le coupe-vent imperméable. J'ai un bien mauvais souvenir de l'Endurance Trail 2013, où je me suis vidé par le haut après avoir pris froid sur le ventre. Pas question d'ajouter un handicap supplémentaire ! Ayant fini par rattraper le coureur qui m'avait dépassé, nous arrivons tous deux au point d'eau du hameau de La Fage. Je remplis au maximum mes bidons car il reste maintenant 14 km jusqu'au prochain ravitaillement. Sur le secteur roulant de 3 km qui suit, nous trottinons gentiment à 7-8 km/h. Finalement, il n'a plu qu'un quart d'heure mais cette pluie a fait baisser la température d'une quinzaine de degrés. Peu avant Rosis, nous assistons à une scène surréaliste qui ferait hurler de rire toute personne qui ne pratique pas l'ultra : à la sortie d'un virage de la D 180, heureusement peu fréquentée, un coureur est arrêté en plein milieu de la route, jambes fléchies, le cuissard sur les genoux en train de se beurrer généreusement tout en haut de l'entrecuisse (pour rester clean) à la crème anti-échauffement ; il a l'air passablement énervé et son propos est assez fleuri à l'encontre de son short, de son estomac, de cette course et du reste du monde réunis. Comme on ne sait pas trop quoi lui dire avec mon collègue, et ben ... on ne lui dit rien. L'expérience devrait permettre de rester calme lorsqu'un imprévu de ce genre se présente sur un ultra, mais quand on prend conscience que plusieurs mois de préparation vont être gâchés à cause d'une couture de short, il est humain de péter un câble.
Après un km derrière le col d'Aussières (800 m), nous arrivons sur le secteur que j'ai reconnu il y un mois. Je suis donc maintenant en terrain connu sur les 30 bornes qui suivent. Dans la partie raide de la descente, avec ma guibole gauche "en bois", je peine à suivre mon collègue. Et pourtant, dans le replat qui suit, il me laisse passer. A-t-il été pris de crampes ? En tout cas, je ne le reverrai plus et ne sais même pas s'il est allé au bout.
Le hameau de Cours-Le-Haut, le mal nommé est le point bas avant la bosse suivante. On y trouve deux bifurcations où il ne faut pas se tromper ; bizarrement, des bénévoles sont présents sur la seconde bien que ce soit sur la première que le risque est le plus grand d'oublier de bifurquer (on arrive alors au prochain ravito en 20 minutes au lieu d'une heure et demie) !
J'aborde donc seul la seconde bosse du secteur vers une crête appelée Serre de More. Cette montée est irrégulière et présente même des petites descentes avant la crête sommitale. Après la traversée d'un petit torrent, je passe à côté d'une rubalise et commence à monter sur un sentier mais 50 m plus loin, il y a foultitude de petites sentes mais aucune rubalise. Je continue à monter, toujours rien ! Pensant m'être égaré, je redescends d'au moins 20 m de dénivelé et prends à flanc de pente sur une trace à peine visible ; celle-ci disparait 30 m plus loin ! Je commence à jurer à voix haute ; c'est d'autant plus rageant que je suis déjà passé à cet endroit il y a un mois. Il est vrai que ce jour là, je suivais une trace enregistrée sur mon GPS de rando. Je gravis à nouveau la pente où j'ai fait demi-tour deux minutes plus tôt mais en poussant cette fois un peu plus haut. Je finis par tomber sur une rubalise totalement invisible du bas, coincée entre deux rochers sans doute à la suite d'un coup de vent. Je sais combien effectuer un bon balisage est un subtil dosage. Le baliseur, qui connait le coin comme sa poche se dit qu'il n'est pas utile de "serrer" le balisage car lui sait qu'il n'existe qu'un chemin ; à l'opposé, le coureur lui ne le sait pas et lorsqu'il ne voit pas de rubalise pendant deux minutes, pense fatalement qu'il a loupé une bifurcation. Ce jardinage de trois à quatre minutes m'énerve et m'incite dorénavant à ne plus faire demi-tour et ce, même si je ne vois pas de rubalise.
La montée sur l'arête de Serre de More se fait en plein vent et même en plein effort, je me caille. J'enfile donc un coupe-vent. La descente est technique jusqu'au col baptisé Portail de Roquandouire. Juste avant, je croise un photographe, "déguisé" en trailer ; je ne percute pas, j'échange simplement quelques mots avec lui puis je continue ma route. Deux minutes plus tard, je me traite de sombre abruti. J'ai vraiment le neurone mal irrigué car j'avais pourtant lu sur kikourou qu'il serait présent sur la course ! Je viens de louper une occasion de saluer l'illustre Akunamatata. À ce propos, je vous avoue qu'en voyant la beauté de ses photos, j'ai quelque peu honte d'insérer les miennes dans mon récit.
Au carrefour du Portail de Roquandouire, deux bénévoles bien sympas, emmitouflés comme en plein hiver, sont chargés de faire bifurquer les coureurs sur le bon sentier. Il faut effectivement éviter de se planter et ne pas prendre le sentier qui descend directement en 2 km sur Plaisance (le parcours passe par ce village mais 18 km plus loin). C'est la mésaventure qui semble être arrivée à l'un d'entre nous qui va pointer au ravitaillement de Plaisance à contresens de la course totalement déboussolé. En quittant ce carrefour, une remarque me vient à l'esprit : vue la faible densité de coureurs (94 coureurs sur une durée de 8 h) et le désœuvrement des bénévoles qui en découle, la consigne de relever les numéros de dossard et l'heure de passage aurait pu leur être donnée.
La suite de la descente vers Saint-Gervais-sur-Mare est très facile. Peu avant le ravito, je tiens ma promesse et vais faire un petit coucou aux gérants de la pizzéria "Le Christina". Elle ne paye pas de mine mais croyez-moi, pour y avoir diné il y a un mois, les pizzas sont succulentes, énormes et comportent tout ce qu'il faut pour refaire les niveaux entre deux journées de rando-trail !
Je pointe au ravito de St-Gervais en 11 h 38 et en 38ème position (+ 53 % / vainqueur sur ce secteur, ça monte toujours). Mon genou est de plus en plus ankylosé mais le paracétamol faisant effet, je peux encore trottiner. Je ne vais donc pas voir les kinés. Je me prépare un bidon de boisson énergétique, un second avec de l'eau gazeuse et le dernier avec de l'eau plate. Je picore un peu, bois une soupe puis un café. Ma pause ne dure qu'une douzaine de minutes.
Je pensais faire de nuit le secteur suivant mais c'est loin d'être le cas puisque j'ai deux heures d'avance sur mon planning. Il n'est guère que 20 h lorsque je quitte Saint-Gervais-sur-Mare. Ayant randonné avec Heidi sur cette section de 14 km et 850 m de D+, j'ai bien en tête son profil : d'abord 5 bornes très faciles, ensuite un raidard sur une belle arête de 350 m de D+ en 1300 m débouchant sur un petit sommet où "ont poussé" des antennes relais ; la fin de la montée est plus facile jusqu'à la croix de Marcou (1093 m d'altitude) ; s'enchainent une jolie descente sur 700 m de D- en 3 km et un peu de plat jusqu'au ravito de Plaisance. En quittant Saint-Gervais, je trottine sur toutes les parties plates ou descendantes qui suivent les ruines de Neyran.
Sur la route à 4-5 % qui précède le hameau de Peyremale, je m'étais demandé lors de la reco si je serais capable d'y courir ; et bien je ne le suis pas : les vrais bons trailers doivent, c'est certain, continuer à envoyer du pâté sur des pentes aussi douces. Peut être aussi que dans ma tête, je m'économise en prévision de la grimpette sur l'arête qui nous attend.
Malgré cette prudence, je suis vraiment dans le dur sur cette arête (32 minutes pour ces 350 m de D+ d'après l'enregistrement de ma montre). Hervé Roullin qui m'avait dépassé avant Colombières me redouble dans la montée finale vers la croix de Marcou ; à le voir, on a l'impression qu'il vient de démarrer un footing !
Sur la crête de la Croix de Marcou, il y a un vent à décorner un mouflon mais tout de même moins que le jour de notre reco où ça soufflait en tempête.
J'allume la frontale au début de la descente. Le début, très très raide, est un enfer pour mon genou, complètement bloqué : je ne parviens pas à trouver une technique de descente pour moins souffrir. Heureusement, ça coulisse un peu mieux par la suite quand la pente se fait moins raide. Arrivé dans la vallée, je trotte entre Saint-Geniès-de-Varensal et le ravito de Plaisance. On me pointe en 14 h 37 et en 32ème position (+ 48 % / vainqueur). En entrant dans Plaisance, j'ai la bonne surprise de revenir quasiment sur Hervé Roullin. « Je ne prends aucun plaisir à courir de nuit », me dit-il. Il ajoute qu'il va donc faire une pause de manière à attendre un de ses potes, à peu près deux heures derrière nous. Cette manière de progresser est étonnante : il m'a déjà doublé deux fois, va donc beaucoup plus vite que moi mais s'arrête bien davantage également.
De mon côté, mon genou me permet de progresser correctement en côte et sur le plat, mais ça devient de plus en plus dur en descente. Or on n'est qu'à mi-parcours en distance (83 km sur 165 prévus) mais pas encore en dénivelé (4500 m sur 9800 prévus). Alors que faire ? Je vais consulter les kinés. Comme ils sont en manque de clients, ils me prennent en charge à trois, dont l'un qui m'a déjà soigné à Colombières. Alors, ils sortent le grand jeu et décident d'appliquer leurs connaissances sans doute toutes fraiches sur le "k-taping". Pour ceux qui ne connaissent pas, il s'agit d'une technique de soins venue du Japon, particulièrement en vogue ces temps-ci (allez faire un tour place du Triangle de l'Amitié à Cham vers 16 h le dernier vendredi du mois d'août) : elle consiste à placer judicieusement des bandelettes adhésives, élastiques et surtout colorées (bleues, roses...). La couleur est parait-il fondamentale, car on ne traite pas les même maux avec les bleues et les roses ! Pour moi ce sera du bleu. Je ne sais si ce sera efficace, mais quoiqu'il en soit, le travail manuel du découpage des bandelettes bleues rend mes jeunes kinés particulièrement joyeux ! C'est déjà ça, ils auront peut-être leur exam pratique grâce à moi ! Une fois zébré de bleu, je ne peux faire autre chose que de repartir. 25 minutes de pause certes, mais je suis censé ne plus souffrir !
La sortie du village ayant été modifiée par rapport à la trace GPS en ligne sur le site, je m'égare dans le village à la sortie du ravito. Je trotte ensuite en fond de vallée jusqu'au bas de la montée de la chapelle de Saint-Eutrope. Cette bosse doit nous faire remonter en 2 km sur 600 m de D+ au sommet du Caroux : 30 % de moyenne, c'est digne d'un sentier réunionnais ! Depuis quelques heures, je ne suis qu'à moitié bien au niveau gastrique, mais pour éviter toute hypoglycémie au milieu de la montée, j'ai essayé de me nourrir le plus possible avant. Jusqu'à la Chapelle de Saint-Eutrope, le sentier est raide mais pavé de belles dalles car une procession y monte chaque année. La chapelle, non éclairée la nuit, est invisible ; c'est dommage car elle bien jolie.
Deux bénévoles sont au niveau de cette chapelle en pleine nuit (il est 23 h 30) pour nous encourager ! Chapeau à eux ! Dans le début de la montée, j'ai remarqué que je revenais sur une frontale. Je recolle juste après la Chapelle. Sous la frontale se trouve Réjane Soulas avec qui je vais faire le yoyo durant une vingtaine d'heures. Elle n'en revient pas que la course puisse passer par des chemins où les mains sont indispensables pour grimper ou enjamber les rochers. Je lui propose de faire la trace ce qui nécessite plus d'énergie que de simplement suivre. Le sentier, très peu marqué et absent de la carte IGN nécessite tantôt d'éclairer 50 cm devant ses pieds pour éviter la gamelle tantôt de lever bien haut la tête pour repérer la prochaine rubalise fluo. Je devrais être plus rapide que Réjane puisque je suis rapidement revenu sur elle mais la recherche de l'itinéraire fait qu'elle me suit sans problème. D'après l'enregistrement de ma montre, nous allons mettre plus d'une heure pour monter ces 600 m et atteindre le plateau à 1000 m d'altitude ! En haut, je suis cui-cui les ptits zoiseaux ! J'écrivais en introduction qu'il était important d'avoir repéré, avant la course, les parties de relance. Nous avons pris pied sur le plateau du Caroux et notre altitude va maintenant osciller entre 900 m et 1050 m sur une dizaine de kilomètres avec seulement 400 m de D+. À l'échelle de ce GRO, c'est du quasi-plat ! Je m'étais fixé comme objectif de courir un maximum sur ce plateau. Je me fais donc violence pour réenclencher le mode course mais je remarche dès qu'un malheureux faux-plat se présente ! La température plus que frisquette et le vent hyper-désagréable incitent pourtant à se bouger le derrière. Je repense à mon hésitation sur la ligne de départ à garder une troisième couche et mes gants. Je bénis mon choix car je n'ai vraiment pas trop chaud et j'ai tout enfilé sur moi !
Je me doutais avant la course que la traversée du Caroux de nuit serait longuette et monotone notamment parce qu'on y trouve très peu de points de repère. Le topo mentionnait que l'on devait trouver un point d'eau au col de l'Ourtigas, à la traversée d'une route : en fait, une voiture est bien là mais point de bouteilles d'eau ! Je n'avais pas fait le plein à Plaisance mais comme, trop concentré à repérer le chemin, j'ai eu du mal à bien m'hydrater dans la dernière bosse, il me reste suffisamment pour aller à Douch 4 bornes plus loin. Avec Réjane, on trottine dès qu'on peut mais on va mettre la bagatelle de 50 minutes pour faire cette distance. On pointe en 17 h 54 en 27ème et 28ème position (+ 60 % / vainqueur, ça se gâte sévère !).
Réjane a une équipe de choc qui est venue à Douch pour l'encourager. Bravo à eux, ils ont du faire nuit blanche pour la soutenir. De mon côté, je suis en piteux état : en plus du genou, je suis nauséeux, je ne peux rien avaler, c'est sans doute la conséquence d'un manque d'hydratation depuis Plaisance. Je me prépare un Smecta car mon estomac me brûle ; je me concentre pour ne pas l'évacuer par où je l'ai ingurgité. Le couple de bénévoles est vraiment adorable et aux petits soins sur ce ravitaillement. C'est le monde à l'envers ! Je sens la dame désolée de ne pas pouvoir m'aider alors que c'est moi qui devrait être plus ouvert et souriant, plus reconnaissant envers elle et son mari pour la nuit blanche qu'ils nous consacrent. Je conseille à Réjane de partir sans moi ; elle me dit que progresser toute seule en pleine nuit ne l'enchante guère mais elle finit par partir. Je me réunis avec moi-même en congrès extraordinaire pour décider de la suite de ce GRO. La petite voix se tape une inscruste à la table des négociations ! Sur mon planning, ce ravito de Douch représente la mi-parcours en temps. Il reste 70 bornes, un peu plus de 4000 m de D+ mais surtout plus de 5000 m de D-. Comme on l'apprend dans tous bons magazines de course à pied, je m'efforce de ne pas raisonner au-delà du prochain ravito, c'est-à-dire celui de Mons-La-Trivalle, 14 km plus loin. Je décide qu'il sera toujours temps de prendre une décision un peu plus tard. Et puis une navette qui part à 2 h du mat de ce petit village perdu sur le Caroux, ça risque d'être dur à trouver ! Alors de manière quasi-machinale, je remplis mes trois bidons avec dans l'un d'eux un mélange coca + eau gazeuse ; cette mixture est en effet la seule que j'ai réussi à boire depuis je me suis arrêté.
Je quitte Douch après 25 minutes de pause. Il reste 4 bornes de plateau faciles puis ce sera à nouveau la machine à laver, avec un bon brassage "en bas - en haut..." et ce sur 10 km. Il me faut près d'une heure avant d'atteindre la descente du Caroux. Il faut dire que pendant ce laps de temps, je trouve la bonne idée de faire un peu de jardinage. Cinq minutes avant de m'égarer, le parcours nous fait bifurquer vers le nord pour faire le tour d'une combe (appelée d'après la carte Combe Garrau). Alors que je pense en avoir effectivement fait le tour et que je crois me diriger vers le sud, le sentier se sépare en plusieurs traces. Je m'engage sur la sente qui me semble la plus marquée. Fidèle à ma règle de conduite, je ne fais pas demi-tour sous prétexte que je n'aperçois par de rubalise. Je continue donc mais je m'aperçois que la trace sur laquelle j'avance est devenue quasi-invisible. Pensant que j'allais vers le Sud au moment où je me suis paumé, et surtout, persuadé que je suis tout proche du carrefour où se rejoignent les parcours de la 6666 et du GRO, je me dis que si je pars sur ma gauche, je vais fatalement finir par tomber sur le sentier de la 6666. Belle lucidité : je commence donc à partir à travers champs au milieu d'arbustes m'arrivant aux genoux. Au bout de deux minutes, je sens qu'un truc cloche : si je vais maintenant effectivement vers l'est, comment se fait-il que les lumières de la vallée soient derrière moi ? Je me retourne et je m'aperçois que je ne sais même pas d'où je viens ! Moi pour qui se repérer est un truc quasi-obscessionnel, la sensation de ne plus rien maitriser est très désagréable : je suis complètement paumé ! J'erre alors comme un chien fou pendant plusieurs minutes à courir avec ma frontale en mode booster jusqu'à ce que celle-ci accroche enfin une rubalise fluo ! Avec du recul, l'enregistrement de ma montre sur la carte me fait maintenant bien rigoler ; s'il avait été effectué avec un point par seconde, il aurait été typique d'un mouvement brownien ! Dans les instants qui suivent mon retour sur la bonne trace, je me prends un méga coup de bambou. Sans doute la décharge d'adrénaline...
Dix minutes plus tard, j'atteins le carrefour où se rejoignent les parcours du 45 km, du 105 km et du 165 km. Pour les coureurs du GRO, on aura droit encore à du très lourd par la suite, mais pour ceux de la 6666 et de la Saute-Mouflon, la portion qui va suivre jusqu'à Mons La Trivalle est le juge de paix : en 10 km, on se prend environ 700 m de D+ et 1500 m de D-. Cela débute par la descente de l'Esquino d'Aze, raide, rocheuse et très technique. L'ayant reconnue en rando, je m'attends à beaucoup y souffrir. Entre la recherche de l'itinéraire en pleine nuit et le fait d'imiter le dahut en descendant les marches les plus hautes toujours du même côté, je me traine lamentablement. Et comme dirait l'autre, moins on va vite, plus ça dure : trois quarts d'heure pour ces 600 m de D- !
C'est dans cette magnifique descente (de jour !) que deux fusées, les deux premiers de la 6666, me dépassent. J'ai le temps d'échanger quelques mots avec le premier que j'ai reconnu malgré la nuit et le différentiel de vitesse. "je vais aller chez toi au mois d'octobre" lui dis-je. "Super", me répond-il "n'hésite surtout pas à me contacter". Ce chamois qui bondit de rocher en rocher, c'est le réunionnais Didier Mussard, troisième de la diagonale des Fous en 2011. Il est sympa Didier mais s'il dit la même chose à tous les métros qu'il double, il n'a pas fini d'être enquiquiné !
Arrivé en bas de cette descente à 350 m d'altitude tout près de la Tour Carrée de Colombières, il n'y a même pas cinq mètres de plat, ça remonte aussi sec de 250 m de D+ en un petit kilomètre. J'ai tellement mal au genou que ça me fait presque plaisir de grimper à nouveau. Pour aller rejoindre le col de la Pomarède, il faut ensuite faire un peu de désescalade et traverser un joli torrent qui dévale le Caroux en petites cascades. De jour, en rando, c'est magnifique. De nuit, après plus de 20 heures de course et le genou explosé, j'ai "un peu" plus de mal à apprécier !
En fait, je ne contrôle plus rien, je subis complètement la course ; j'ai l'impression d'être un navigateur sur un minuscule rafiot au milieu d'une tempête, bringuebalé par les éléments, ici les côtes et les descentes. Un bénévole a installé des cordes pour assurer la traversée du torrent : en me voyant glisser les deux pieds dans la flotte, il a du se dire : « pas en bon état celui-là ! ».
Après le col de la Pomarède, la descente facile sur Saint-Martin-de-l'Arçon offre un petit répit d'un kilomètre. Je m'y engueule à voix haute pour tenter de me ressaisir : je suis tellement mal que j'en ai oublié de boire et manger depuis un sacré bout de temps. Je remplis un bidon au point d'eau de Saint-Martin et j'y ajoute de la poudre énergétique. Il s'agit de ne pas faire une hypo dans la prochaine montée de presque 400 m de D+ (sur 1,5 km !). Cette montée se passe finalement bien et j'arrive au col de Bartouyre alors qu'il commence à faire jour. Le sentier des Gardes qui descend de ce col sur Mons-La-Trivalle est un des plus beaux sentiers que je connaisse. Refait récemment, c'est un marchepied de dalles bien plates très agréable à courir. Il fait maintenant jour, les gorges d'Héric et ce sentier sont magnifiques, la base-vie de Mons approche : je retrouve un semblant de moral.
En arrivant à la base-vie, je me fais dépasser par les troisième et quatrième de la 6666. En fait le troisième est ... une troisième : il s'agit de Véronique Chastel, vainqueure d'une palanquée d'ultras (Endurance Trail des Templiers, Transmartinique ...) ; elle conservera une incroyable troisième place au scratch alors qu'elle est V2 !!!
De mon côté, j'arrive petitement au ravito en 22 h 48 et en 27e position (+ 91 % / vainqueur sur ce secteur, ça peut difficilement être pire). Pour donner une idée de l'énorme densité du peloton du GRO, le précédent coureur a pointé une demi-heure avant moi et le suivant le fera une demi-heure après ! De manière incompréhensible, c'est Réjane qui pointe 30 minutes après moi alors qu'elle a quitté Douch 10 minutes avant moi et que je ne l'ai pas doublée sur le parcours. Alors, soit elle s'est arrêtée roupiller quelque part, soit elle a jardiné dans le Caroux bien davantage que mes dix minutes !
À Douch, je m'étais promis de faire le point à la base-vie de Mons-La-Trivalle. Au plus mal, il y a 2 h avant le col de Pomarède, je n'avais qu'une envie, c'est de faire de la bouillie de mon dossard, de changer de discipline sportive : tricot, pêche ou puzzle... Avant de prendre une décision que je pourrai regretter par la suite, je décide de ne rien décider dans l'immédiat. C'est aussi ce que l'on apprend dans les livres : ne pas arracher son dossard en arrivant à un ravito. Je récupère mon sac "d'allègement" et je commence par me changer. Je demande si un podo est de service car mon dessous de pied droit me brûle. On me désigne une dame qui dort sur un matelas : "on doit la réveiller dans 10 minutes" me dit-on. Je me masse le genou gauche qui est très enflé et avale à nouveau 1 g de paracétamol : 15 h depuis la dernière prise, mon foie ne risque pas grand-chose. Même si je ne continue pas, cet antidouleur me permettra de soulager mes courbatures. La podo qui s'est réveillée me fait m'allonger. Elle scrute désespérément mon dessous de pied droit. « Vous n'avez rien » me dit-elle « on dirait des pieds de bébé ! ». J'ai l'air de quoi moi ? Est-ce le fait de m'être trempé les pieds dans le torrent il y a une paire d'heures ! La gentille podologue, sentant peut être que j'ai avant tout envie de me faire chouchouter, me demande de ne pas bouger et commence par me masser les pieds. Et là, c'est l'extase, j'allais dire le panard, mais elle est un peu facile. À tel point, goujat que je suis... que je m'endors ! La podo m'expliquera par la suite qu'elle a activé des points de réflexologie et que l'effet décontractant conjugué à la fatigue n'ont pas fait un pli ! Je la remercie chaleureusement et je décide de prolonger un peu la sieste. Un matelas est libre et j'ai vraiment besoin de débrancher le cerveau soumis à la double épreuve de la gestion de l'effort et de la douleur. Je demande qu'on me réveille 20 minutes plus tard. Je ne perds conscience qu'une dizaine de minutes puis me relève. Il me faut prendre une décision. Il reste d'après le topo collé sur mon bidon environ 55 km et environ 3500 m de D- et de D+. À même pas 4 km / h plus les pauses, ce sont encore au moins 15 h d'effort. En ce qui concerne les difficultés, il doit rester environ 22 km bien hard : la montée au Montahut, la descente sur Mauroul et la terrible remontée sur Montahut par la crête de l'Ourliades. Si j'atteins ce point, je sais que j'irai au bout car ensuite, c'est assez facile. En me préparant à repartir, je pense à mon genou et au grand raid de fin octobre. J'espère que je ne suis pas en train de faire une méga-c----rie !
Alors que je suis en train de ranger mon bazar, Marco apparait devant moi, en survêtement et sans dossard ! Il vient à l'instant d'arriver de Douch en voiture. Son passage à ce ravito a coïncidé avec le départ d'une voiture amenant deux autres coureurs ayant abandonné. Étant confronté comme beaucoup à ce stade de la course à un gros coup de moins bien, il a sauté également dans la voiture après avoir rendu son dossard. Il m'a avoué depuis que si la voiture n'avait pas été là, il aurait été obligé de continuer et qui sait, aurait peut être fini la course. Vu mon état au même endroit, n'aurais-je pas fait la même chose ? Je ne sais pas l'expliquer mais le fait d'apprendre l'abandon de mon pote me donne un surcroît de motivation pour repartir et finir cette course de dingues ! Comme si je voulais montrer que nous petits gars de la plaine, sommes capables de ne pas faire un zéro pointé sur un ultra de montagne.
Je repasse dans la salle de ravitaillement de la base-vie. Je n'ai rien mangé depuis mon arrivée et je ne peux pas repartir sans avoir remis de l'essence dans le réservoir. Je demande une soupe mais beurck, elle est immonde : des pâtes non salées qui baignent dans de l'eau chaude. J'ai cru comprendre par la suite que les bénévoles n'avaient pas reçu, comme sur les autres ravitos, ce qu'il fallait pour faire de la vraie soupe. Marco, qui est à coup sûr très déçu, est aux petits soins avec moi pour m'encourager et m'aider à remplir mes bidons. Un grand merci mon pote !
Je quitte Marco et le ravito après 1 h et 10 minutes d'arrêt. Il est 8 h du matin, il fait beau et doux ! Je démarre en mode rando en me fixant comme seul objectif d'arriver à Mauroul en profitant de la montagne. Bien que ce soit un de mes moteurs, je l'avoue, j'ai perdu en effet tout espoir de bien figurer au classement. À cet instant, je suis persuadé qu'un grand nombre de coureurs m'ont grillé lors de mon arrêt ; ce qui se révèlera faux puisque seulement six auront pointé à Mons pendant ce laps de temps. Dans les rues de Mons, je discute au téléphone avec Heidi qui est à Lamalou-Les-Bains en attente du départ de la Saute-Mouflons. On se souhaite bonne route...
La montée jusqu'à Bardou est toujours aussi belle et agréable. Comme il y a quatre ans, on peut entendre de très loin le pauvre Léon se faire hurler dessus par sa mégère : " LÉON ! " .
C'est après que ça se corse pour moi. Une fois traversé le torrent qui alimente le lac d'Airette, je reste scotché dans la montée qui suit. Je me souviens y avoir un peu souffert en 2010, mais là c'est terrible. En plus, me faire dépasser par des coureurs de la 6666 me plombe le moral. J'ai beau me dire que ces coureurs, aux alentours de la 15-20ème place de leur course, sont potentiellement bien meilleurs que moi, rien n'y fait. Je regarde au moins 50 fois mon altimètre jusqu'au sommet de Montahut à 1000 m d'altitude. Un peu avant le sommet, les parcours de la 6666 et du GRO se séparent à nouveau. C'est avant cette bifurcation que notre illustre kikoureuse Martinev me dépasse. Je l'entends soupirer : « Ça commence à bien faire cette montée ! ». Et moi qui croyais que les champions ne souffraient pas...
Au sommet du Montahut, après la bifurcation, c'est à nouveau la grande solitude ! En fait non ! Alors que j'ai dépassé le col de Montahut, j'entends derrière moi un gars m'interpeller. Il est sur la 6666, il a bien bifurqué à gauche pour tourner autour du sommet du Montahut mais n'a pas vu la rubalise lui indiquant pour lui de tourner directement vers le col de l'Ourliades. Je lui explique comment revenir sur le bon chemin ; il n'est pas français mais semble avoir compris ; malgré son délicieux accent, je parviens sans problème à comprendre qu'il n'est que moyennement satisfait d'avoir fait deux fois 500 m de rab !
Je suis maintenant à nouveau sur un secteur repéré en rando avec Heidi. Sur le replat qui précède la descente sur le village de Mauroul, je réenclenche le mode course mais ma guibole gauche est super douloureuse. J'ai l'impression que les bandes bleues de mes jeunes kinés me font plus de mal que de bien. Je m'arrête donc, arrache tout du remède nippon (ni mauvais) et me colle au dessus du genou un petit strap pour stabiliser la rotule. Au bout de quelques minutes, je me rends compte que la course est beaucoup plus supportable. Je trotte donc toute la descente en particulier dans la magnifique forêt de hêtres qui précède Mauroul.
Je n'ai vu PERSONNE du GRO depuis mon départ de Mons mais une dame qui va à la rencontre de son coureur de mari (coureur à pied s'entend) m'apprend lorsque je la croise que deux coureurs me précèdent de quelques minutes.
Je suis badgé à Mauroul en presque 28 h (+ 82 % / vainqueur sur cette section, c'est moins que sur la section précédente malgré ma pause de 70 minutes à Mons) ; le site livetrail m'indique 23ème mais en fait 6 coureurs passés dans la nuit sur ce ravito n'ont pas été beepés. Je suis en fait 29ème mais je l'ignore à cet instant. Par contre, je suis agréablement surpris de retrouver Réjane Soulas attablée dans la superbe pièce qui sert de ravito. Elle est arrivée seulement 5 minutes avant moi ce qui me fait comprendre que je n'avance pas si lentement que ça. Nous discutons avec Réjane et Philippe Zotos qui progressent dorénavant ensemble pour la suite des festivités. Je leur apprends que la bosse la plus dure est à venir. Et je pose la question qui va me motiver jusqu'à l'arrivée : « Peut-on atteindre Roquebrun sans avoir à allumer la frontale ? ». Philippe est catégorique : « il est un peu plus de midi, il reste 40 bornes, à 5 km/h de moyenne, on sera à l'arrivée vers 20 h donc pas besoin de frontale ». Je suis beaucoup plus circonspect, je parie pour une arrivée vers 22 h; et dans les sous-bois, il faut s'éclairer dès 21 h 45 - 22h....
Est-ce le feu de cheminée dans la pièce rustique qui sert de ravito ? Est-ce la gentillesse des bénévoles ? En tout cas, on se sent tellement bien ici que pour la première fois depuis une bonne quinzaine d'heures, J'AI FAIM ! J'avale un peu de solide et deux bols de soupe qui cette fois est excellente. Je charge à bloc mes trois bidons en prévision des 11,6 km, 750 m de D+ et 1000 m de D- jusqu'à Olargues. Je quitte Mauroul après un quart d'heure d'arrêt. Réjane et Philippe sont partis depuis plus de cinq minutes, je suis donc seul. Je me redessine mentalement la carte et le profil de ce qui nous attend jusqu'au col de l'Ourliades (c'est-à-dire tout prêt du Montahut où nous sommes déjà montés) : d'abord un balcon, puis une montée tranquille sur sentier jusqu'au col de Griffoulas à 700 m d'altitude et enfin clou du spectacle, l'arête d'Ourliades à gravir !
J'ai Réjane et Philippe en point de mire lorsque j'arrive au col de Griffoulas. Je range mes bâtons pour l'escalade de l'arête. Bon, il ne faut pas non plus exagérer, ce n'est pas du 8c ! Mais il faut sans cesse poser les mains et monter les pieds bien hauts. Et dans mon état, c'est là que se situe le problème : n'étant plus capable de soulever ma jambe gauche, je suis obligé de la monter avec mes bras pour poser mon pied sur la bonne prise. En terme d'efficacité, c'est moyen et surtout j'en bave tellement que je n'arrive plus à apprécier le paysage !
J'avais pourtant pris un énorme plaisir à grimper cette arête en rando avec Heidi ; d'autant plus que nous y avions fait une jolie rencontre : un jeune mouflon avait posé suffisamment longtemps pour les photos.
Il me faut environ 50 minutes pour parcourir les 1,2 km entre les cols de Griffoulas et d'Ourliades. Jamais je n'ai progressé aussi lentement sur une course ! Pour ceux qui souhaiteraient faire cette crête en rando (ou en rando-course), ce que je recommande vivement tellement c'est sauvage et magnifique, il suffit depuis le col de Griffoulas de suivre les points bleus peints sur les rochers. Arrivé au pied du roc d'Ourliades (point culminant de l'arête), il faut le contourner par la gauche et non par la droite comme le suggérait la trace GPS mise en ligne sur le site de l'occitane.
J'arrive au col d'Ourliades presque sur les talons de Réjane et Philippe. Ils m'avaient semé dans la partie la plus raide mais ont ensuite sans doute jardiné pour que je me retrouve aussi près d'eux. On rejoint la boucle de la 6666 avec une bonne densité de coureurs. Mon moral est bien meilleur car je sais maintenant que j'irai au bout. Il ne reste que deux petites bosses cumulant environ 1500 m de D+ jusqu'à l'arrivée. Je cours toute la descente à peu près au même rythme que Réjane, Philippe et les coureurs de la 6666. À l'approche du village d'Olargues, Antoine nous a modifié le parcours pour aller chercher le pont métallique de la voie verte (ancienne voie de chemin de fer). On fait ainsi un km de plus mais tout se court. Juste avant d'arriver au ravito, j'entends Réjane discuter avec Philippe d'une féminine, inscrite sur le GRO que nous venons de doubler : elle ne serait pas passée avec un autre coureur sur un certain nombre de pointages mais continuerait la course. Le plus surprenant dans cette histoire est qu'aujourd'hui ils apparaissent tous les deux dans le classement final mais sans pointage entre Colombières (km 50) et Mauroul (km 136) !
Nous pointons à trois à Olargues en 31 h 26 en 22, 23 et 24ème position (+ 54 % / vainqueur sur cette section, ça baisse mais il faut tenir compte que Renaud Rouanet a parcouru cette portion de nuit). J'essaie d'être efficace : je me graisse les petons qui ont un peu fumé dans la dernière descente puis je mange. Non, en fait, je ne mange pas, je dévore ! Le fonctionnement de notre organisme est incroyable : pourquoi ai-je eu autant de mal à m'alimenter depuis la veille au soir jusqu'à midi aujourd'hui et pourquoi ai-je faim maintenant alors qu'il fait chaud, ce qui au contraire accroit les problèmes gastriques ?
Je quitte Olargues vers 15 h 45 avec toujours comme objectif de ne pas avoir à remettre la frontale : il me faut boucler les 27 bornes qui restent en 6 heures soit 4,5 km/h de moyenne. La bosse suivante doit nous amener au pic de Naudech. Les sentiers sont très faciles sauf la montée finale raide mais courte. Je ne suis plus capable de courir que sur certains secteurs plats. Je dépasse quelques coureurs de la 6666 mais me fais larguer par un coureur du GRO manifestement très facile. Arrivé en haut de Naudech, on descend par le chemin que nous avions emprunté dans l'autre sens en 2010. C'est très raide (280 m de D- en 800 m linéaires) mais heureusement très court. Je titube dans cette descente tellement mon genou est douloureux. Heureusement, on rejoint un grand chemin à 4x4 sur lequel il est facile de courir. Je rattrape Réjane et Philippe qui avaient comme d'habitude été plus rapides que moi sur le dernier ravito. Nous pointons à nouveau ensemble au col de Garlande en 33 h 46 en 23, 24 et 25ème position. L'ambiance est plus que décontractée chez les bénévoles. J'essaie un déguisement me permettant d'espérer enfin un podium dans la toute nouvelle catégorie blonde peroxydée et non épilée. Je discute avec deux jeunes coureurs de la Saute Mouflon qui semblent souffrir de la technicité du parcours. Je les rassure sur le caractère très roulant des km qui leur restent jusqu'à Roquebrun. Ils aperçoivent alors mon dossard et manifestement peu au courant des différentes courses du WE, ils me demandent quand a débuté notre course. Il me faut quelques instants d'intenses réflexions, ça doit être le jet lag, pour répondre : hier matin à 8 h. Et là, j'ai l'impression qu'il me voit tout à coup comme un ET. J'ai beau leur expliquer qu'il y a bien peu de différence entre préparer un 43 ou un 165 km, je crois que mon laïus ne les convainc pas.
Réjane, Philippe et moi, nous quittons ensemble ce dernier ravitaillement. Antoine avait conseillé sur le forum de bien remplir ses réserves d'eau car on ne trouvera plus de liquide d'ici l'arrivée et il reste la bagatelle de 18 km avec encore 800 m de D+. Réjane et Philippe me laissent passer, je ne les reverrai plus. Je profite de ce récit pour les saluer et les remercier de m'avoir servi longtemps de point de mire. Et bravo à Réjane pour sa superbe troisième place au classement scratch femmes. Je double encore dans la descente sur Vieussan un coureur en difficulté, manifestement blessé. Après la traversée du magnifique village de Vieussan, on doit d'après le topo emprunter un sentier balcon au dessus de la vallée de l'Orb. J'imaginais cette partie facile, mais sur 2 km environ, c'est à nouveau étroit, technique et très accidenté. Heureusement, la suite est plus facile. On monte sur un grand chemin où j'enrage de ne pas avoir le peps de courir. Tout en marchant, je parviens à rattraper le plus local des kikous engagés sur le GRO, j'ai nommé Eric Kikour Roux ; il semble trop souffrir pour encore courir en descente. Nous passons néanmoins dans cette côte une vingtaine de minutes ensemble bien agréables à tatasser jusqu'à ce qu'il m'invite à partir lorsque s'amorce une descente. La côte de 150 m de D+ qui suit est une formalité et je la grimpe au taquet. À la traversée de la D 160 au dessus du hameau du Lau, je sais que c'est gagné ; il est 20 h 20 et il ne reste que 7 bornes dont 5 sur des crêtes puis la descente finale. La frontale restera dans le sac.
Je me souviens qu'en 2010, bien que terminant la course dans un groupe de 4 coureurs, j'avais trouvé la fin interminable : on a toujours l'impression que l'épaulement sur lequel on prend pied est celui qui précède la descente sur Roquebrun, mais ce n'est jamais le cas ! Cette fois je suis préparé mentalement et je suis presque surpris d'arriver si vite en haut de l'ultime descente. Belle surprise : Heidi qui a fait la montée depuis Roquebrun m'y attend. Elle a abandonné sur la Saute Mouflon, non pas parce qu'elle était épuisée mais parce qu'elle ne s'est pas suffisamment alimentée. Preuve qu'elle n'a pas de séquelles aux jambes, on trotte ensemble à bonne allure jusqu'à l'arrivée. Je boucle finalement cette jolie ballade dans le Caroux en 37 h 34 à la 21ème place. Sur la totalité de la course, il ne m'a fallu finalement que 55 % ( !) de temps supplémentaire par rapport à Renaud Rouanet le vainqueur en 24 h 15. Dans la série, comparaisons inutiles, je me suis amusé à juxtaposer ses temps de passage avec ceux qu'avait prévu Antoine Guillon pour le vainqueur (colonne de droite dans le tableau ci-dessous). L'écart entre les deux n'excède jamais 20 minutes, et encore c'est parce que, dans les semaines qui ont précédé la course, Antoine a modifié certains secteurs sans mettre à jour son tableau de prévision. Ces top-coureurs sont des vrais coucous suisses !
Les copains du CAPS ont connu des fortunes diverses sur les courses de l'Occitane : bravo donc à Thierry et Marcel, tous deux finishers de la 6666, idem pour Florian et Chacha sur la Saute-Mouflon. Heidi et Flora ont sans doute appris de leur arrêt sur le 47 km. Quant à Marco, je suis certain qu'il retournera dans le Caroux pour prendre sa revanche.
Sur la ligne d'arrivée, je retrouve Florian, très sympa, qui est resté pour m'accueillir. Comme souvent, une fois la course terminée, j'ai l'impression de ne plus pouvoir faire 100 mètres. Je claudique jusqu'au barnum installé sur la place du village pour aller dévorer le succulent repas d'après course : on a droit notamment à une soupe minestrone à tomber !
À propos de tomber, sachez que j'ai eu la même démarche que celle du Dr House (mais sans canne) pendant les deux bonnes semaines qui ont suivi. L'épanchement au niveau de mon genou a mis plus de 5 semaines à se résorber et la reprise du sport n'a pu se faire qu'ensuite.
Bon alors, au final, quel bilan tirer de ce GRO ? En premier lieu qu'il a vraiment failli être trop GROS pour moi ! Sur le plan mental, le sentiment qui domine est la très grande fierté d'être resté dans la course. La gestion mentale de mon bobo au genou a sans aucun doute corsé la difficulté de cet ultra : les montées ont été dures, mais plus à cause du terrain proposé qu'en raison de mon genou, par contre, le cerveau a aussi dû se bagarrer lors des descentes, là ou d'habitude j'enclenche le mode "pilotage automatique". Alors, le fait de ne pas avoir mis le clignotant s'est joué sur des détails. Le premier d'entre eux est d'avoir eu la chance de ne jamais être au fond du trou au niveau d'un ravitaillement : quand on est mal au milieu de la pampa, on est bien obligé d'avancer ! Toute la préparation effectuée en amont de la course a aussi été primordiale : je savais par exemple que si je basculais à 35 km de l'arrivée au col de l'Ourliades, c'était quasiment gagné. J'ai aussi conservé une attitude de course à pied tout au long des 163 km : combien de fois ai-je réenclenché le mode course pour seulement 10 m à l'occasion d'un replat ! Mais ces petites distances recourues permettent ensuite de garder une certaine aisance lorsqu'il faut vraiment recourir. Enfin, comme dans un col en vélo, la volonté de ne pas me faire décrocher par quelques coureurs, comme Réjane Soulas, m'a permis de garder une attitude de compétiteur et pas seulement de finisher potentiel.
Sur le plan de la préparation physique, que valider et que changer ? Sans conteste, je valide mes séances de qualités en côtes ainsi que celles de seuil sur des circuits nature. Je m'astreindrai par contre pour ma prochaine course à maintenir quelques séances de vitesse sur le plat, ceci pour conserver un minimum de vélocité.
D'un point de vue pratique, je souhaite aussi redire avec force combien il a été important de conserver des vêtements chauds alors même que j'ai failli m'en séparer sur la ligne de départ, sous prétexte de m'alléger de quelques hectogrammes. Finir cette course s'est peut être aussi joué à cet instant...
Sur une course ne présentant que si peu de partants, la position dans le classement final est peu significative. Ce qui m'a marqué est le fait d'avoir gagné 17 places après Colombières-sur-Orb (km 50), mais sans quasiment dépasser d'autres coureurs. Les abandons furent donc nombreux (en proportion il s'entend) ! Sur 103 partants, et en retirant ceux qui se sont perdus et ont manifestement shunté une partie du parcours (tout en apparaissant dans le classement final !), nous ne sommes que 53 à avoir parcouru les 164 km du GRO. Ce qui donne un pourcentage de 51 % de finishers ! Et on avait pourtant affaire à des partants pour la plupart expérimentés...
Alors si la place ne peut être utilisée, comment évaluer sa performance ? Un temps de 37-38 h sur le GRO permettrait-il par exemple d'envisager le même temps sur l'UTMB ou le GRP ? Difficile de répondre à cette vaine question car d'un côté les sentiers sont plus techniques dans le Caroux mais par contre, on navigue à bien plus haute altitude autour du Mont-Blanc. On peut alors être tenté de se reporter sur des sites comme celui de l'URW ou de l'ITRA . Pourquoi ? Eh bien ces deux sites web affectent à chaque coureur et pour chaque course une cote d'autant plus élevée que sa performance du jour a été bonne. Alors, fan de chiffres mais aussi d'analyses totalement inutiles, je me suis bien sûr amusé à comparer les cotes que m'affectent les deux sites pour les mêmes courses. Et ça donne le tableau ci-dessous :
Course |
Ecotrail 2012 |
Maxirace 2012 |
UTMB 2012 |
Endurance trail 2013 |
GRO 2014 |
Lieu |
Paris |
Annecy |
Chamonix |
Millau |
Vailhan |
Distance |
80 km |
91 km |
100 km |
100 km |
163 km |
Cote ITRA (max 1000) |
560 |
525 |
551 |
552 |
506 |
Cote URW (max 1770) |
987 |
930 |
949 |
970 |
947 |
NB : les deux échelles ne peuvent évidemment pas être comparées entre elles.
Pour ceux qui se demandent comment sont déterminés ces indices, voici quelques explications. Pour les autres, passez ce paragraphe. Le calcul de ces coefficients est basé sur une simple proportionnalité à partir de la cote du vainqueur de la course : si vous mettez deux fois plus de temps que le vainqueur, votre cote pour cette course sera deux fois plus faible que la sienne. Ensuite, en théorie, comparer sa cote sur différentes courses permet de voir quand on a été le plus performant. Mais ça, c'est la théorie ! Parce que, de manière limpide, on voit que tout repose sur l'évaluation de la cote du vainqueur. Et c'est là que la méthode diverge entre les deux sites. L'ITRA calcule un temps théorique minimal basé sur la distance, la dénivelée et un coefficient de difficulté bien mystérieux (tenant compte du type de chemins rencontrés) ; à ce temps irréalisable est associée la cote théorique de 1000 ce qui permet de calculer la cote du vainqueur du jour puis celle du coureur lambda. Chez URW, la méthode est différente. Le kikou Rodio qui est le créateur de la "rodiométrie", utilisée pour les cotations de l'URW, affecte une cote au vainqueur en fonction des cotes de ses courses passées, mais en la pondérant à l'aide des cotes des autres top-coureurs du plateau. Sur un forum, il justifie sa méthode ainsi : « Je cote l'humain ; je pars du principe que, dès lors qu'il est impossible de bien mesurer une distance trail et surtout un dénivelé trail, c'est la valeur des coureurs qui renseigne davantage ».
Écartons dans un premier temps les cotes du GRO 2014. L'ITRA et URW sont d'accord sur les jours "avec" et les jours "sans". C'est sur la Maxirace à Annecy que d'après eux j'aurais le moins performé. Bien vu ! J'ai pris très très cher ce jour là, je m'en souviens encore ! À l'opposé, c'est à l'écotrail que j'aurais été le meilleur. Logique ! J'habite en plaine, je suis donc plus coureur que montagnard et à Paris, on court (presque) tout le temps ! Qu'en est-il du GRO ? L'URW situe ma course dans la moyenne, au même niveau par exemple que l'UTMB tronqué de 2012. Par contre, l'ITRA m'affecte une cote sensiblement inférieure (506 contre 551) à cette même course à tel point qu'il m'aurait fallu gagner 3 heures pour obtenir la même cote que sur cet UTMB 2012 ! Totalement IRRÉALISTE même si mon genou m'a freiné dans les descentes et a prolongé mes arrêts aux ravitos ! En conclusion et je ne suis pas le premier à aboutir à cette conclusion : l'ITRA devrait revoir son mode de calcul et aurait sans nul doute dû s'inspirer davantage de la rodiométrie pour ses cotations. Maintenant, le lecteur, aussi indulgent soit-il après la lecture de ce pavé indigeste, aurait toutes les raisons de me faire remarquer que pour un péquin moyen, avec ses cotes guère au dessus de la moyenne et inéluctablement dans une phase décroissante, il serait temps de s'appliquer la maxime suivante : « qu'importe le but, c'est le chemin qui compte... ». Et c'est vrai que le chemin pour boucler ce GRO fut ô combien douloureux mais enrichissant et donc magnifique.
Il est impossible de finir ce récit sans remercier Antoine et Anne Guillon et toute leur formidable équipe de bénévoles. Le travail pour organiser ce 100 miles a dû être colossal et on peut imaginer leur petite déception devant le faible nombre d'engagés sur le GRO. Quand il ne s'agit pas de l'aspirateur qu'est l'UTMB, le potentiel de coureurs de 100 miles de montagne n'est pas énorme en France ! Le débriefing de cette édition 2014 a du mettre en lumière que mobiliser autant d'énergie et de bénévoles pour un si petit peloton était le meilleur moyen de provoquer une lassitude de toute l'équipe. Un mois et demi après cette édition 2014, Antoine vient de rendre publiques les modifications apportées pour l'édition 2015. Adieu aux 100 miles du GRO et retour à une course unique plus raisonnable de 111 km avec 5700 m de D+. En tout cas, merci, merci et encore merci pour cette course qui demeurera donc unique : la préparer, la courir puis la raconter m'a, au bas mot, occupé l'esprit durant six mois de cette année 2014 ! C'est grave docteur ?
JP
PS : merci Angélique pour tes textos pendant la course !
9 commentaires
Commentaire de philippe.u posté le 15-08-2014 à 00:12:35
Récit très agréable, super course, bravos!
Commentaire de la buse de Noyarey posté le 15-08-2014 à 11:09:20
Merci pour le récit avec la pointe d'humour qui va bien.
Perso , je ne sais pas comment vous faites ,vous les coureurs d'ultra,pour trouver la force de continuer quand ça va mal .Je suis admiratif
Commentaire de gmtrail49 posté le 15-08-2014 à 12:56:09
Merci pour le commentaire. Il n'y a pas à être admiratif ; je pense qu'il est plus facile de continuer un ultra quand ça va mal que de finir un marathon quand on se rend compte que l'on ne va pas atteindre l'objectif chronométrique fixé.
Commentaire de Eric Kikour Roux posté le 15-08-2014 à 18:26:32
Un grand merci pour ce récit, le mien attend toujours...
Nous n'avons certainement pas été très éloignés tout au long de la course; ce sont les douleurs au pied droit qui m'ont empêché de dévaler dès la descente du Mont Marcou, en me permettant cependant de reprendre quelques places à chaque ascension.
Tu paraissais encore bien frais au moment de me déposer peu après le village du Pin; je me suis même demandé si tu ne t'étais pas malencontreusement trompé dans le parcours de la 6666 à Vieussan!
Merci également pour ce parallèle URW / ITRA / Rodio, tes conclusions rejoignent mes sensations.
Commentaire de gmtrail49 posté le 15-08-2014 à 22:44:46
Merci Eric pour ton message.
Tu as eu jusqu'à 1 h 30 d'avance sur moi à Mauroul, c'est donc que ta blessure au pied t'a sérieusement ralenti par la suite.
À bientôt sur les chemins du Caroux ou d'ailleurs.
Commentaire de arnauddetroyes posté le 18-08-2014 à 00:48:24
merci de partager ce CR et ces photos !
Bravo pour l énorme volonté de courage.
Commentaire de canard49 posté le 23-08-2014 à 14:30:52
Génial !! J'ai passé un excellent moment à lire ton récit. J'y retrouve tous les ingrédients de l'ultra. Les photos permettent d'imaginer le terrain de jeux !! Tu as une nouvelle fois fait preuve d'une grande ténacité : REMARQUABLE ! Arriver au bout avec un genou dans et état, je comprends, c'est presque philosophique ... peut-être que certains y verront de la folie mais c'est la quête intérieure de beaucoup de coureurs. Cela ne s'explique pas, cela se vit et tu dois vraiment te sentir vivant à la fin d'une telle épopée. Evidemment, il ne reste plus qu'à recommencer et c'est toujours aussi difficile. Je suivrai avec une grande attention le GRR en espérant que tu aies les yeux en face des trous pour éviter les pièges réunionnais.
Respect et robustesse !
Commentaire de gmtrail49 posté le 01-09-2014 à 19:58:29
Salut Alex,
Un grand merci pour ton commentaire toujours indulgent ! Tu expliques très bien le fait que ces petites aventures que sont les ultra-trails donnent davantage de relief à notre petite vie ; elles nous permettent aussi de refaire le plein de confiance en nous. Et c'est déjà pas mal !
Commentaire de prose49 posté le 05-10-2014 à 15:10:01
J'ai tout lu! C'est passionnant et bien écrit. Bravo pour ton courage et ta ténacité.
Ce genre de course est déjà suffisamment difficile sans chute et genou en vrac, être finisher est d'autant plus beau. Bravo aussi pour l'esprit de compétition qui reste présent jusqu'au bout, au delà de simplement finir le parcours.
Je suis admiratif, moi dont le plus long trail est le récent 45km de Belle-Ile (en compagnie de canard49 qui à bouclé le 83). Malgré cela j'ai retrouvé dans ton récit (toute proportions gardées) l'état d'esprit qui nous permet d'aller un peu plus loin sans trop écouter cette fichue petite voix...
Encore bravo et merci d'avoir partagé ce moment.
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