L'auteur : CAPCAP
La course : Off - GR20 en 5 jours avec assistance
Date : 24/6/2013
Lieu : Calenzana (Haute-Corse)
Affichage : 2505 vues
Distance : 200km
Objectif : Pas d'objectif
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13km verticaux (le GR20 en 5jours)
Un séjour en Corse il y a 5 ans m'avait laissé une grande envie d'y retourner, mais en mode course, évidemment! L'expérience de la Grande Traversée du Jura, raid de 320km en 7jours, m'a conquis. En 2012, la Diagonale de la Réunion m'a rassuré sur ma capacité à me lancer dans ce challenge: le GR20 en 5jours (180km et 12500mD+) Maintenant, il reste à tenir sur la distance...
Le manque de temps pour préparer le séjour et l'envie de courir très léger m'ont poussé a passer par un organisme: Altre-Cime. Nous seront 7 avec notre guide Nico.
Je crois que préparer les bagages pour un truc comme ça, c'est bien pire que pour un trail! On passe son temps à sortir des affaires qui pourraient être utiles et à en enlever pour alléger le sac. Pour augmenter le stress, il y avait beaucoup de neige il y a encore quelques jours. Bon, mais me voici dans le TGV pour Marseille, avec le ferry de nuit en vue. Vous l'aurez compris, pas d'avion pour limiter mon empreinte carbone, la Réunion, ça m'a cloué au sol pour un moment...
Voici Marseille, ses interminables travaux... Enfin la SNCM et un merveilleux départ, le nouveau musée, le vieux port, les îles du Frioul, Cap Croisette, les falaises, les calanques, le soleil couchant... Comment mieux rompre avec son rythme parisien?
Petit matin, arrivée à Ajaccio, le soleil de face rend la baie immense. Et les montagnes au loin assez... impressionnantes! L'étape suivante est un peu l'opposé du TGV. Ah! Le train corse! Confortable et climatisé, mais zigzaguant des heures sur cette voie unique de 1m, déroulée dans de somptueux paysages. Aussi l'occasion de discuter 2h avec une semi-locale de... La Corse.
23/06/13 - Auberge de Bonifatu
Le groupe Altre-Cime a du mal à se former, 2 sont retenus dans le NGV très en retard suite à accident de ferry! Un 3ème n'a pas son sac qui a pas pris un autre avion... 6 garçons et 1 fille, on est loin de l'affluence féminine des trails FrontRunners! On fait connaissance, discussions de trailers, la pression monte, toujours peur de pas être à la hauteur... Auberge de Bonifato, un chalet pour nous, moustiques, bonnes lasagnes, délicieux gâteau aux châtaignes.
Nuit assez moyenne, il faut se ré-habituer à dormir en dortoir.
24/06/13 - Jour 1; 29km; 3065mD+; 8h15'; Calinzana - Ascu
Levé tardif: 5h. Ce matin il fait doux mais il y a déjà du vent dans la vallée, ça promet...
Transfert à Calenzana, la pression commence à redescendre, je ne peux plus reculer. Alea jacta est. 180km et 12500mD+ devant nous, parait-il...
Joli village, ça permet de penser à autre chose. Photo de départ et on y va, en groupe.
Calvi s'éloigne derrière nous, nous pénétrons franchement dans cette île-montagne. Pour un hors-d’œuvre, c'est un bon petit rythme dans cette longue côte, je commence même à m'inquiéter, les cuisses chauffent déjà, et ce n'est que le 1er jour! L'appareil photo chauffe aussi (220 photos dans la journée)
Curieux, ces cheveux sur les ajoncs, Nico me dira plus tard que c'est un parasite. Ah! Retrouver ces majestueux pins Laricio! Premier col (bocca en Corse) premier regard sur l'immensité de ces montagnes qui nous attendent! Pas facile de croire que ce soir on passe derrière le sommet là-bas et que demain ce sera après cette petite pointe au loin...
Bon, après la monté, première descente, ça, ça me va mieux! Repas dans un cadre idyllique au refuge de Carozzu , ombrage, vue splendide. A table, les langues se délient et tout le monde reconnaît avoir souffert du rythme de la montée; Nico avoue qu'il nous testait, je me sens moins seul, rassuré même!
Suite du J1 en côte, rendue plus dure par la digestion du taboulé. Voila le principe: comme on fait 3 étapes par jour, en se levant tôt on en fait 2 le matin, souvent entrecoupées d'une pause café, on déjeune en refuge et il nous reste 1 étape pour l'après midi.
Descente sur Asco, où nos bagages ont bien été apportés. En effet, j'ai choisi une organisation confortable avec convoyage, permettant de galoper avec un petit sac à dos, comme en trail. D. est content, son sac de voyage est enfin arrivé, il va pouvoir courir avec SES affaires.
25/06/13 - J2; 25km; 2007mD+; 9h30'; Ascu - Verghju
Idem, réveil 5h, petit dej 5h30, départ 6h, pour une "petite" journée. Montée en direction de la lune presque pleine, par une large vallée où la végétation est certes un peu petite, mais présente!
Passage d'1 névé ou 2, faut pas glisser, il n'y aurait que de la caillasse pour nous accueillir! Il n'est que 7h30 quand on attaque le cirque de la solitude. Descente très vertigineuse, comment peut-on passer par là??? Personne ne refuse les chaînes pour s'aider! De rocher en rocher, de pas en pas, on descend dans le cirque E Cascettoni de son vrai nom.
Être très attentif à ne pas faire rouler de caillou et être conscient que ça peut aussi bien débouler d'au dessus. Petite pause en bas, puis on en remonte autant de l'autre côté. Pour faire 650m en plan, on descend 200m et on en remonte un peu plus! Très impressionné par ceux qui franchissent ce passage avec un sac à dos de 18kg, ça doit être terrible! "Facile" avec nos sacs de 4kg! Même pour nous, bien entraînés au trail, c'est très technique, alors que Nico semble vraiment dans son élément. Bon, aussi impressionnant que ça puisse être, ce n'est que le début de la journée!
Mais la suite est une descente dans une belle vallée confortable, avec même une ravissante rivière. Petite pause café à U Vallone à une altitude où on retrouve pins, sapins et ajoncs en fleur. Puis on bifurque vers l'ouest pour franchir une chaîne par la Bocca Foce Ghjale, mais cette grimpette est rude et le versant bien ensoleillé!
Le col passé, la vue s'élargit et sur la droite apparaît le refuge Ciottulu. Le fond de l'air est frais à 2000m d'altitude, quand on se pose, mais le repas est bien venu. Avec le petit vent, on ne traîne pas ici pour la sieste, descente plein sud dans la vallée! Quel plaisir de pouvoir ENFIN courir un peu! Certains se lâchent et filent devant, on les retrouve plus tard au bord de l'eau d'une belle rivière. Les fourmis insupportent les uns, les autres siestent allègrement.
Pendant ce temps, Nico s'active dans l'eau, et il finit par attraper à la main une mini-truite, qu'il relâche après nous l'avoir montrée. Cette grande pause aura occupé cette fin de journée, la plus courte du séjour. Gîte au Castel de Verghju, face à une mini station de ski, où se baladent des cochons en semi-liberté.
26/06/13 - J3; 48km; 2400mD+; 7h30'; Verghju - Vizzavona
3ème jour, souvent celui de la fatigue. Pas trop de dénivelé, mais plus d'un marathon à faire. En plus, on part à 5h15, obligés de sortir les frontales. Suivi d'un attendu mais très agréable levé de soleil, qui donne de la profondeur aux reliefs du paysage.
Un peu de plat en forêt pour démarrer et montée à Bocca San Pedru, où semblent mous attendre 2 paisibles vaches dans le soleil matinal.
On ne descend pas de l'autre côté du col on prend les crêtes. C'est le tour d'un troupeau de belles chèvres de nous regarder passer avec curiosité. Superbe descente sur le lac Nino, déjà le relief est moins violent et l'eau trouve des creux.
J'en profite pour "jeter" mon appareil photo à terre dans l'herbe mouillée, et tant qu'à faire, je marche dessus! Heureusement que j'ai choisi un modèle baroudeur, le test est fait! Ce haut de vallée de Tavignano est très beau avec de l'herbe de l'eau, bientôt des troupeaux et enfin les bergeries de Vaccaghia, un petit ensemble de pierre et de bois accueillant.
Là Nico discute avec une autre guide, alors que nous, nous passons pour des extraterrestres aux yeux de son groupe. La traversée vers le refuge de Manganu a ceci d'exceptionnel que c'est une grande étendue plate! Mais c'est aussi une belle prairie baignée de soleil.
Mais nous montons déjà dans une vallée qui se ressert, nouveaux névés à traverser et une pause paysage s'impose à Bocca Sorba. Repartir impose de longer la roche en haut d'une grande langue de neige, c'est particulièrement glissant, mais les gardes du parc ont posé des câbles provisoires, qui nous aident bien!
Les km qui suivent, c'est une longue crête vers le Sud, dans un ballet de nuages.
Mercredi midi, nous sommes à mi-course, je vois que le raid passe bien, alors je me laisse aller, je m'éclate dans une belle descente, élasticité, rebond, balancement des bras... je prends la tête de notre petit groupe (hors Nico)
Arrivée à Onda, à peine met-on les pieds sous la table pour les fameuses lasagnes, que l'orage éclate! Fin de repas; la pluie s'est arrêtée, mais la prudence nous pousse à ne pas remonter sur les crêtes, c'est par un chemin vers un village que nous finirons malheureusement la journée.
Le mini-car de l'organisation nous prendra et nous conduira à Vizzavona. Le kilométrage du jour est bon, mais pas le dénivelé, ce sera la seule entorse au GR20, 1 étape sur 15, on ne peut pas trop se plaindre. L'habituelle bière Pietra nous aidera à oublier ce manquement. La modernitude passe sous notre terrasse: un train ultra-moderne qui attend en gare l'arrivée du train d'en face, pour cause de voie unique.
27/06/13 - J4; 45km; 3500mD+; 10h15'; Vizzavona - Usciollu
Maintenant on le sait bien, le matin c'est toujours une montée qui nous attend! D'ailleurs aujourd'hui on se fait notre plus fort dénivelé, et commencent de beaux lacets dans une forêt de hêtres majestueux. Dès que nous sommes plus haut, nous voyons leur silhouette tordue par le vent dominant.
Traditionnel café au gîte de Capannelle, pas le plus beau, avec sa remontée mécanique anachronique et caillouteuse. Mais décidément, partout où on annonce Altre-Cime et un groupe de Robert, c'est le bon accueil garanti!
Depuis le passage de Vizzavone, on est dans "le Sud", les paysages sont moins alpins, le caillou plus arrondi, il est bien moins souvent impossible de courir. Là, les hêtres étagés sur un versant, ont une teinte progressive, déjà vert en bas, encore roux en haut.
Je suis un peu déçu. J'ai demandé à mes collègues qui portaient le même short que Killian, ce qui faisait l’intérêt du tissu flottant autour du cuissard. Hé bien, aucun avantage technique. C'est juste pour cacher le moule-burne, ça fait même pas allez plus vite...
Après le col de Verde, on remonte fort pour un tronçon proche des 2000m. Au refuge de Prati, nous avons l'exclusivité du refuge qui ne fournira de repas qu'au groupe de Nico; dans ce vent, un peu de réconfort en intérieur nous fait du bien.
C'est dans les rochers escarpés près de Punta Capella, qu'on improvise une infirmerie pour strapper la cheville tordue de D. Même en poursuivant sur les crêtes, on redescend 500m pour les remonter et enfin redescendre à 1750m, notre nuit la plus en altitude, au refuge d'Usciollu.
Dans ce tronçon, il n'y a pas de route qui passe, donc pas d'acheminement de nos sacs. Pas de gîte non plus, mais un refuge. Royal, on nous donne le choix entre l'intérieur et des tentes déjà montées avec matelas et sacs de couchage, y'a plus qu'à sortir son sac à viande et sa brosse à dents, c'est mon choix. Sans regretter d'avoir profité du confort des gîtes, c'est sympa de tester une nuit l'ambiance des refuges, plus rustique et chaleureuse.
28/06/13 - J5; 53km; 2700mD+; 10h45'; Usciollu - Conca
Dernier jour, tout s'inverse, c'est le dénivelé négatif qui impressionne: près de 4000mD-, mais avec tout de même 2700mD+, pour ne pas finir à 2000m sous la mer. Le tout heureusement réparti sur 50 bornes, ça sera l'étape la plus longue: près de 12h, hors pause déjeuner.
Mauvaise nuit, très mauvaise. Est-ce le couchage, la tente, l'idée de se lever à 3h, le regret du déjà dernier jour? Est-ce trop de fatigue?
Pour commencer, un départ de nuit, à 4h environ, on sort les frontales, le GR est pour nous, rien que nous! Arrivés à la crête, la mer et le ciel s'éclaircissant servent de fond à ce paysage de forêts sombres habitée de rares villages.
On descend sur une sorte de plateau à la végétation plus présente et variée, le tout avec quelques brumes et le soleil levant. Je traîne, occupé à mitrailler, là où mes collègues tracent dans ce terrain facile.
Enfin on remonte, pour atteindre l'Incudine, un sommet très dégagé, avec la pleine précédente d'un côté, un paysage lunaire en haut et les Aiguilles de Bavella de l'autre côté, superbe!
Excusez-moi d'utiliser indifféremment des noms corses ou français (génois en fait) J'espère qu'on peut utiliser les noms corses sans à priori politique.
Grand soleil dans la descente sur Asinau et beaucoup de cailloux dans le chemin, on est loin des dalles du Nord. Le temps vire un peu quand nous passons de l'autre côté pour monter vers les fameuses aiguilles.
Là, la moitié du groupe profite que c'est le dernier jour pour se tirer la bourre dans un beau petit mur gravillonneux, moi pas. La traversée des aiguilles de Bavella est très belle, mais malheureusement, la lumière n'est pas là. Dans une descente, je fais une chute en avant, face contre terre, dans la seule touffe d'herbe alentour! Un petit coin moins escarpé, un peu moins d'attention... et hop, la chute!
Le repas est plus sophistiqué qu'à l'habitude, pris dans un resto touristique, nous nous sentons un peu décalés au milieu des autos et autres témoins de la civilisation. Nous ne sommes pas au Népal,mais on voit un porteur mettre sa charge sur le dos pour aller la livrer au pas de course au prochain refuge, Paliri!
L'après midi est une longue étape de petites montées et descentes successives qui n'en finissent pas. D'habitude c'est la canicule, pour nous ce sera la pluie et le ruisseau qui coule dans les pieds.
Pour moi ce sera le coup de barre. La fatigue de la semaine et la nuit blanche, je me traîne en dernier, ce que remarque un des gars du groupe, quand il me voit le teint blanc, il décide de m'accompagner pendant un bout de chemin, bien agréablement. La pluie passe mais nous n'arriverons pas secs à Conca, juste égouttés.
Robert est là pour nous accueillir et nous féliciter! Même au finish, nous ne serons pas bien loin les uns des autres, ce fut un bon groupe!
Au gîte, petite bière express avec Nico, car il doit traverser la Corse pour aller chanter ce soir! Quelle énergie!!! Et le week-end suivant, il fait le Restonica-trail!
Pour nous, c'est le bonheur d'avoir réussi cette belle aventure, les GPS disent 200km et 13000mD+, un peu plus qu'annoncé initialement.
Et déjà l'inquiétude d'une autre aventure: demain il va falloir rejoindre nos différentes destinations, avions, bateau, hôtels, malgré LE départ du Tour de France. Il a fallu que nous arrivions à Porto Vecchio, LE jour où tous ces cyclistes et leurs caravanes démarrent pour la première fois en Corse! Mais c'est une autre histoire...
Matériel:
Cuissard LIDL - RAS
Chaussures Kalengi XT3 - RAS
Sacs à dos Lafuma un peu vieux - RAS
Poche à eau Source, percée; prêt d'une Décathlon pas pratique
Bâtons carbone LIDL - RAS
Pas de GPS (à quoi bon?)
Veste Lafuma bien, mais peu utilisée
Appareil photo étanche Pentax WG-3 - super!
Alimentation: ce qu'on me donne: barres SuperU, bien
Eau +sirop d'orange (très peu) +sel
D'autres photos ICI, non retaillées
5 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 13-08-2013 à 09:10:24
Merci pour ce partage et bravo pour ta réussite : ça donne vraiment envie !
la disparition des photos au milieu du récit est due à l'écrasement de l'appareil photo ou à un manque de temps pour les mettre ? t'en fais pas, on peut patienter, ça prolonge le rêve...
Commentaire de CAPCAP posté le 13-08-2013 à 13:39:55
Hum... Je ne sais pas pourquoi, mais l'insertion des photos ne fonctionnait plus. J'ai dû prendre une autre méthode, plus longue. La suite doit donc venir...
Commentaire de CAPCAP posté le 14-08-2013 à 21:07:12
Voili-voilou ! Mais c'est plus beau dans mes souvenirs qu'en photo!
Commentaire de keaky posté le 22-08-2013 à 12:14:15
Félicitation, de superbes illustrations et un récit qui donne envie. Les étapes sont tout de mêmes assez longues..
J'ai eu le même souci de poche à eau percée sur la même marque.. louche!!
Encore bravo, je vais maintenant étudier cet appareil photo de plus près ;)
Commentaire de Txantxo posté le 13-09-2013 à 22:26:47
Je viens de relire ton compte-rendu après mon retour du GR20 en 7 jours. Plus facile à se représenter le bon périple que c'est : exigent et de toute beauté! Merci de nous faire partager ton ressenti.
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