L'auteur : Fironman
La course : Off - Corse GR20 en courant
Date : 7/7/2010
Lieu : Calenzana (Haute-Corse)
Affichage : 1358 vues
Distance : 190km
Objectif : Faire un temps
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Jour 1 : Notre vol vers Figari est prévu à 7h50 à Charleroi, nous sommes 3 à tenter le pari, mon frère Jeff , Dominique et moi-même. L'avion est à l'heure, il sort du parking et roule tranquillement vers la piste quand soudain un gros coup de frein, ma tête est projetée sur le siège avant, les hôtesses vacillent, un grand silence s'installe. Le commandant nous annonce un incident technique et un retour au parking. Après une attente d'une heure, nous devons changer d'appareil ce qui met déjà notre timing à mal alors qu'il était déjà très serré ! Finalement , nous atterrissons à Figari avec près de 2 heures de retard, mon frangin file chercher la voiture de location car nous devons rejoindre Calenzana(275m), le départ du GR20 distant de 200 km environ. Je largue mes compères au village et je ramène le véhicule à l'aéroport de Calvi d'où je reviens en auto-stop en une demi heure. Il est alors 16 heures ce 21 juin et c'est la fin de l'épisode motorisé, nous avions prévu de faire les 3 premières étapes afin de rejoindre le refuge d'Ascu Stagnu, ce qui nous fera déjà un sacré dénivelé positif et une fin d'étape à parcourir à la lampe frontale vu l'heure avancée et les 9 heures de marche prévues.
Nous entamons notre longue montée vers le premier refuge d'Ortu di u Piobbu (1520m), le sentier est carrossable mais très humide car l'hiver a été rude cette année et dans les vallées, le parcours est littéralement sous eau, les passages à gué sont très délicats à franchir et de nombreux névés sont encore accrochés aux faces nord. Nous marchons d'un très bon pas et nous atteignons le refuge au bout d e 3 heures, celui-ci est déjà rempli et de nombreuses tentes sont dressées au bivouac, les randonneurs se restaurent en cette fin de journée.Nous nous ravitaillons en eau, j'avale une barre énergétique et nous redémarrons sans tarder vers le 2ème refuge de Carrozzu(1270m) car cette étape est plus technique et les pentes accusent un pourcentage plus important. Un passage à gué en équilibre sur une branche et nous commençons une longue ascension jusqu'à 2000m sur d'immenses dalles glissantes, nous la terminons sous les nuages dans un grand pierrier. Nous descendons ensuite dans un sentier très raide et caillouteux, nous devons allumer la frontale et la fatigue commence à se faire sentir alors qu'une étape est encore programmée !
Nous sommes accueillis par la gardienne du refuge qui nous déconseille fortement de continuer dans le noir, Dominique en a assez et nous décidons de dormir là vu qu'il reste de la place. Nous nous restaurons quelque peu et puis dodo car nous devrons rattraper une étape demain et cela risque d'être rude. Vers 1h00, on déménage du dortoir vers la cuisine car ça ronfle pis que dans une porcherie ! Finalement, nous ne dormons que 3 heures car mon frangin et Dom ont froid vu qu'ils n'ont pas de sac de couchage. Nos sacs pèsent à peine 5 kg + l'eau, nous avons emporté que le strict minimum.
Nous avons parcouru 19.87 km en 6h00 avec 2430 de D+ et 1423 de D-.
Nous nous levons à 5 heures pour une longue journée vu notre retard d'une étape que nous devons rattraper dès aujourd'hui au risque de mettre en péril notre défi. Nous entamons cette 3ème étape sur le coup de 5h30, il fait déjà jour, nous passons la célèbre passerelle de Spasimata et nous montons sur de grandes dalles rocheuses équipées de mains courantes en direction du lac de la Muvrella (1860m) , petit lac où les mouflons aiment venir d'où le nom. L'ascension se poursuit dans un couloir assez raide jusqu'à 2000m jusqu'au Bocca di Stagnu d'où nous apercevons le refugu d'Ascu(1422m) que nous devions rejoindre la veille. La descente est raide et se termine dans une forêt de vieux pins Laricio, nous atteignons le refuge après 2h25, nous avons parcouru 5,65 km avec 893 de D+ et 727 de D-. Dominique abandonne, le rythme est trop élevé, c'est plus dur qu'il ne le pensait et préfère rejoindre la côte, dommage mais chacun est juge de ses sensations et de ses possibilités.
Après une courte pause, nous attaquons cette étape qui comporte le passage dans le cirque de la solitude, lieu mythique du GR, site impressionnant aux parois rocheuses très raides équipées de mains courantes et d'échelles où l'on passe de randonnée à alpinisme en quelques mètres à peine.Du refuge, nous grimpons par un sentier assez facile pour atteindre une cuvette d'origine glaciaire entourée d'éboulis de couleur rougeâtre, le Lavu d'Altore (1930m) ensuite nous continuons à monter sur des éboulis pour enfin atteindre son entrée (2183m). Nous descendons au fond du cirque (1980m) à bonne allure mais en restant très prudents, nous dépassons de nombreux randonneurs dont certains sont scotchés à la paroi, impressionnés par la raideur de la pente.Nous remontons vers la sortie (2218m) en agrippant aux chaines et en assurant bien nos prises car la roche est glissante vu l'humidité ambiante. Nous dépassons encore quelques couples à la limite du divorce ! Nous virevoltons ensuite dans une descente assez facile entre dalles et éboulis jusqu'au refuge de Tighjettu (1683m) où nous soufflons un peu. Ravitaillement en eau et en barre énergétique, nous avons "marché" 8 km en 3 heures avec 1023 de D+ et 761 de D-. On est bon, on y croit !
L'étape suivante est assez courte et facile, nous descendons jusqu'à une bergerie (1400 m) et nous pouvons ensuite courir en suivant une courbe de niveau à travers une forêt, il fait chaud en vallée mais dès que le parcours s'élève, des nuages rafraichissent l'ambiance et la température. Nous atteignons le pied du Bocca di Fuciale (1962m) que nous gravissons par une montée assez raide à travers de barres rocheuses. Le sommet est atteint les pieds dans la neige, quelques centaines de mètres plus loin, nous apercevons le refuge de Ciottulu à i mori (1991m) terme de cette 3ème étape du jour. Nous achetons du Coca et du chocolat au gardien, toujours aussi sympa qu'un pittbull fâché, car la dernière étape du jour est un gros morceau en terme de kilométrage. Il est 14 heures et nous venons de marcher 7,350 km en 2h12 avec 692 de D+ et 396 de d-. Le moral est bon, la météo est moyenne, nous sommes motivés comme jamais.
Nous dévalons le long des berges de Golu jusqu'aux bergeries d'E Radule (1370m) , le sentier est bon, nous trottinons dès que c'est possible. Au bout de deux heures de rando-course , nous arrivons à la station de ski de Castel de Vergio, il y a un hôtel-restaurant et nous nous y réfugions pour boire un coca et manger un paquet de chips pour parer aux pertes de sel. Une énorme averse de grêle arrose la station juste au moment où la France encaisse un but contre l'AFS ! On a du bol, on est juste à l'abri, nous attendons donc un 1/4 d'heure avant de redémarrer, le temps que ça s'éloigne.
Il nous reste 16 km à parcourir avec seulement une ascension, donc nous pourrons trottiner si la fatigue accumulée depuis ce matin nous le permet. Nous suivons un chemin de ronde jusqu'au pied du Col St Pierre (1452m) , nous montons par de courts lacets pour l'atteindre, nous nous retrouvons au milieu des nuages et la visibilité est quasiment nulle. Nous suivons ensuite un chemin muletier jusqu'au bocca di reta (1883m) , fin des montées pour aujourd'hui ! Nous descendons ensuite vers le Lavu di Ninu (1760m), magnifique lac d'altitude niché au milieu des pozzines, qui sont des herbes marécageuses. Le sentier est détrempé mais il y a moyen de courir, donc on jette nos dernières forces dans la bataille. Nous traversons une forêt de vieux hêtres sculptés par le temps pour atteindre les bergeries de Vaccaghia (1568m), où des randonneurs sont en train de festoyer. J'aperçois le refuge de Manganu (1601m), après 2 km de course à travers un plateau au milieu des vaches, des ânes et des chevaux, j'atteins enfin le refuge sous le regard amusé des quelques 200 personnes logeant à cet endroit ce jour là !
Le couple de gardiens nous signale que malgré nos réservations, le refuge était complet que le site avait, sois-disant surbooké, mais qu'il pouvait nous donner deux tentes et deux matelas. Grosse colère de bibi, je crie à l'escroquerie, je hurle que on faisait le GR en 5 jours, qu'on marche depuis 5h30 du matin, que je suis crevé et qu'on a droit à un minimum de confort ! Il consent à nous filer deux matelas et nous faire dormir dans la cuisine. Il nous cuisine une casserole de pâtes aux légumes et finalement tout s'arrange, on peut se refaire une santé. Nous avons rattrapé notre retard, les autres randonneurs écoutent attentivement le récit de notre périple et vers 22h00 on peut enfin s'endormir. Nous avons parcouru pour cette 4ème étape du jour, 24,580 km en 5h08 avec 698 de D+ et 1124 de D-.
Bilan du jour : 45,700 km en 12h42 ; 3306 de D+ et 3009 de D-. On est vivants mais c'est limite !
Il est 5 heures et le refuge est en effervescence car les randonneurs sud-nord s'apprêtent à faire la longue étape que l'on a bouclée hier soir. J'avale une barre protéinée et un café, je range mon maigre sac, je remplis ma poche d'eau et me voilà paré pour cette journée qui nous fera parcourir 4 étapes à nouveau. Nous commencerons par un parcours assez technique mais magnifique au niveau du paysage que nous n'avons, malheureusement, que trop peu le temps d'admirer.
D'entrée de jeu, une solide ascension nous est proposée, nous évoluons à travers de barres rocheuses et des pierriers jusqu'à la brèche de Capitellu (2225m), les 100 derniers mètres sont très raides et nous les franchissons via un solide névé encore gelé à cette heure très matinale, chute déconseillée ! Le soleil nous accueille de l'autre côté et nous dévoile un point de vue somptueux sur les lacs de Capitello et de Melo. Mais déjà nous devons repartir en longeant la crête en direction du Bocca Muzella (2206m) dont nous apercevrons le refuge de Petra Piana (1842m), premier gîte aménagé dans ce parc. Nous devons d'abord avancer dans une partie très escarpée et parsemée de névés en phase de fonte. Après une descente assez difficile, nous arrivons au refuge où nous faisons une pause, je bois un coca et mon frangin se prépare une soupe, je téléphone à ma femme car c'est un des seuls endroits où l'on a un brin de réseau. Il existe une variante pour l'étape suivante, elle passe par les crêtes et raccourcit sensiblement le trajet, nous ne l'empruntons pas car nous avons décidé de faire le GR intégralement et mon frangin n'a pas encore découvert cette étape par le tracé officiel. Nous avons déjà marché 9,220 km en 3h30 , 929 de D+ et 680 de D-.
Nous entamons notre descente dans la vallée, c'est raide au début pour assez vite s'adoucir et nous permettre de trottiner à travers une vallée très verte. Nous courrons le long d'une rivière où se succèdent cascades et vasques pour atteindre le fond de la vallée après avoir traversé un bois et des bergeries. Nous franchissons la passerelle de Tolla (940m) et entamons notre remontée vers le refuge de l'Onda (1430m) par un sentier pentu sous une hêtraie. Nous faisons à nouveau une pause assez longue car Jeff a besoin de manger un repas chaud, je me contente d'une barre énergétique longue distance. nous avons parcouru 10,210 km en 2h27 avec 1010 de D- et 601 de D+.
Vers 13h20, nous entamons le dernier col avant la plongée vers Vizzavona (920m) , village charnière entre le GR nord et le GR sud. Nous ne marchons quasiment jamais ensemble car je vais plus vite dans les ascensions alors que mon frère est nettement plus adroit et plus souple dans les descentes. Nous franchissons le sommet de la Punta Muratellu (2141m) après une rude montée effectuée dans les nuages et un vent froid. Au début de la descente jeff me rejoint et nous continuons notre chemin par de larges lacets à travers des barres rocheuses dans la haute vallée de l'Agnone. Nous franchissons la passerelle de Turlettu (1410m) et suivons le sentier qui longe une succession de cascades et trous d'eau avant de pénétrer dans la forêt. Nous rencontrons plein de promeneurs qui s'aventurent sur le GR en venant de Vizzavona, le soleil est de la partie. Les 2,5 derniers km se font sur une piste forestière en sous-bois, je les fais en courant pour soulager un peu mes quadriceps, j'attends mon frangin à l'entrée du village. Un dernier tronçon de 15 km nous attend si on veut rester dans notre canevas du départ. Nous avons effectué 11,250 km en 3h20 , 809 m de D+ et 1305 de D-.
Il est 17 heures et pour bénéficier d'un confort digne de ce nom, on devrait arriver au gîte suivant avant 20 h et encore, ce n'est pas certain, car le contact téléphonique que Jeff avait eu avait été des plus froids. Si nous restons à Vizzavona, cela nous permettra de nous ressourcer complètement mais nous réservera une journée très chargée pour le lendemain avec 4 étapes longues en terme de kilométrage. Nous optons pour le repos et nous trouvons un dortoir avec dîner à 30€ pp, nous sommes dans une chambrée de 6. La météo est agréable, on fait sécher nos affaires, on prend une bonne douche chaude ( quel bonheur!) et on va se boire un panach' au bistrot du coin. On en profite pour acheter des biscuits et des fruits pour demain matin car la journée s'annonce longue et rude. Le dîner est à 20h, c'est excellent, omelette en entrée, poulet aux épices avec du riz et flan au caramel. Vers 22 heures, on se met aux plumes, deux gars de la chambrée ont abandonné le parcours nord et sont venus en bus jusqu'ici pour continuer vers le sud, réputé moins technique. Au fil de la conversation, on apprend qu'ils étaient avec nous dans le premier refuge lundi soir. Au bout d'une heure, je reconnais le porc qui ronflait, impossible de dormir, il fait un boucan incroyable avec des apnées invraisemblables. Je me bourre du papier cul dans les oreilles, rien à faire...toute la chambrée est incapable de dormir. Je déménage mon matelas dans l'étroit couloir, je le plie en cuvette, je ferme la porte et vers 1h00, je peux enfin me reposer. J'avais envie de le tuer, incroyable, quel manque de respect. Il me reste 4 heures de sommeil, profitons-en...Bilan du jour : 30,68 km en 9h18, 2340 D+, 2996 D- Après une 3ème nuit épouvantable, le manque de sommeil commence à nous peser sérieusement alors que nous abordons une journée cruciale car nous devons rajouter une étape à un programme qui était déjà long à l'origine. Nous devrons absolument rejoindre le refuge d'Asinau ce soir car demain nous n'aurons qu'une demi-journée pour conclure ce GR avec les deux dernières étapes au menu, ce qui nous oblige à quadrupler et à effectuer pas loin de 60 km ce jour. C'est une découverte pour nous que cette partie sud du GR, on nous l'a racontée nettement moins technique et plus "facile" que la partie nord, on verra !
Nous laissons Vizzavona à 5h30 pour aborder cette 10ème étape par une longue ascension sur une piste forestière, on peut marcher assez vite le sentier étant facile malgré la pente. A l'approche du sommet, on redécouvre un paysage alpestre et rocailleux garni de bouquets d'aulnes, après un dernier lacet, on parvient au Bocca Palmente (1640 m). Ensuite, on suit un chemin de ronde en courbe de niveau, qui traverse des ruisseaux et longe une bergerie, on peut trottiner facilement. Après quelques kilomètres, le GR s'élève par un sentier assez raide à travers une forêt jusqu'à la crête de Ciufidu (1600 m), après une courte traversée sur une route nous découvrons une station de ski qui abrite le refuge d'E Capanelle (1586 m). Il y a beaucoup de monde car il existe un accès routier pour les randonneurs d'un jour et, effectivement, on aurait peut-être eu des difficultés à nous restaurer valablement hier soir. Voilà le premier volet de la journée qui est accompli sans réelle difficulté si ce n'est sa longueur.Nous ravitaillons en eau et nous repartons sans tarder. 15,540 km en 2h57 , D+ 1206, D- 519.
L'étape suivante est du même acabit, aussi longue, aussi roulante et constituée d'une seule côte mais sur la fin d'étape, cette fois. Nous courrons donc assez souvent sur un chemin en sous-bois qui reste sensiblement à la même altitude, nous franchissons de nombreux ruisseaux et quelque crêtes pour atteindre le plateau de Ghjalgone (1591 m). Nous descendons alors par un sentier en lacets avant de franchir un torrent via une passerelle puis nous suivons une piste parmi de grands sapins pour arriver au Bocca di Verde (1289 m). Il y a un restaurant et un camping, on s'arrête quelques instants afin d'y prendre un coca, des chips au sel et un énorme sandwiche au fromage pour le repas de midi. Nous laissons la civilisation pour aborder la dernière difficulté de la matinée par un sentier qui s'élève, d'abord doucement, puis sévèrement sous de hêtres puis à découvert jusqu'au Bocca d'Oru (1840m). Après une légère et courte descente, nous arrivons au refuge de Prati (1820 m). Le gardien du refuge est sympa malgré la rudesse de son langage et de ses traits, je lui achète du coca et on mange la moitié de notre sandwiche géant. Etape très peu technique également, aussi verte que la précédente au niveau du paysage.
"Vous venez de Capanelle ?" "Non, de Vizzavona", il hausse le sourcil.
"Vous allez à Usciolu ?" " Non, on va jusqu'Asinau" , il nous regarde et nous dit : "Ce soir, vous allez être moooort" , surréaliste avec l'accent corse !
18,59 km en 3h46 , D+ 1146 , D- 952.
La 3ème étape de la journée est plus technique, le sentier nous amène sur une arête faîtière que l'on suit d'assez près pour gravir les contre-forts de la Punta de a Capella (2041m).On descend plein sud dans une cuvette pierreuse puis on continue en crête en traversant des pentes rocheuses assez raides. Le franchissement d'une zone escarpée d'éboulis nous impose une petite gymnastique acrobatique mais tout devient plus facile à l'approche du Bocca di Laparo (1525m) que nous rejoignons en traversant une hêtraie. On continue en suivant la crête par une succession de montées et de descentes toujours en forêt pour atteindre une très raide côte en lacets qui nous amène sur un plateau pierreux à 1950m. Après une longue descente , nous arrivons enfin au refuge d'Usciolu. Je me ravitaille en eau et avale deux cocas avant d'aborder la longue étape finale. Il y a du monde au refuge et les randonneurs s'installent déjà pour passer la soirée. La fatigue commence à se faire sentir mais le moral et le physique tiennent bon, je commence à y croire. 11,210 km en 3h07, D+ 818 , D- 895.
On se met en route vers 16h15 pour cette fin de journée qui s'annonce longue et éprouvante. L'itinéraire chemine sur l'arête faîtière durant un bon moment, d'étroits passages rocheux nous empêchent de progresser rapidement et ce début d'étape m'inquiète un peu tellement il est technique. Les randonneurs que l'on croise me demande où on va et ils sont étonner quand on leur apprend qu'on va vers Asinau. Ça m'angoisse quelque peu car je n'ai pas envie de terminer cette journée marathon dans le noir car la dernière descente est vertigineuse et dangereuse, paraît-il. On continue à suivre la crête en contournant quelques pointes rocheuses puis on entame une descente au milieu de hêtres nains où le terrain est favorable à la course. Je traverse un immense plateau à travers des clairières et des bosquets, un troupeau de cochons sauvages me regarde passer d'un œil distrait, je cours maintenant à bonne allure pratiquement sans m'arrêter. Je franchis une passerelle et l'itinéraire s'élève en lacets pour déboucher dans une clairière où je découvre les ruines d'un ancien refuge (1623m).Des ruines, le parcours commence à grimper vers le col de Luana (1805m) par un sentier assez facile, ensuite, le GR continue à monter le long d'une arête rocheuse vers le sommet de L'Alcudina (2134m). Un nuage et l'absence de soleil rendent cette ascension un peu lugubre, un vent frais refroidit l'ambiance davantage encore mais je m'approche du but et ça me dope le moral.J'aborde alors la dernière descente avec une prudence de sioux car du sommet au refuge d'Asinau (1530m) , on perd 600 m en à peine plus d'un kilomètre, le pourcentage est incroyable ! Je dévale cette pente raide par de courts lacets pour arriver au refuge vers 20h30, j'avale d'entrée de jeu, 4 boîtes de coca avant la moindre discussion.
Le refuge est pratiquement plein mais le gars nous octroie deux places dans le dortoir vu qu'on avait réservé. On papote un peu en se mangeant un paquet de TUC, on trouve que le sud n'est pas si facile que ça et que s'il y a moins de portions techniques , les étapes sont bien plus longues et assez usantes. On se fait chauffer de l'eau quand tout le monde est parti se coucher et on se lave dans la salle de séjour, un peu de confort après cette journée de oufs. Quand on veut aller se coucher, j'aperçois une dame en train de dormir sur ma couche, je préviens le gardien, il allume dans le dortoir, tout le monde se réveille, ça marmonne entre les dents, bref , on est au bord de la révolte. Le gardien nous donne deux matelas et on passera notre 3ème nuit dans la cuisine mais avec un chien, cette fois...J'ai l'impression que le plus dur est fait mais il reste encore deux étapes. Je passe une très mauvaise nuit car j'ai très mal aux jambes et ce chien qui vient toujours se coucher sur moi...Pfffff, quelle galère !
En cette fin de journée, on a parcouru 17,210 km en 4h23, D+ 1105, D- 1302 et pour la journée : 62,55 km en 14h14 , D+ 4277 , D- 3669, tu parles d'une promenade !
4 heures du mat, j'ouvre un œil, le chiot a engourdi mes cannes, je vois virevolter une lampe dans la pièce. Jeff a froid, il a déjà replié toutes ses affaires et voudrait bien que je me lève, le problème est que j'ai encore sommeil et que j'ai chaud ! Je sors finalement de ma torpeur et décide de me lever pour attaquer cette dernière demi-journée qui ne me paraît être qu'une formalité. A cinq heures, nous nous mettons en route alors que le soleil n'a pas encore pointé le bout du nez, ce seront les deux étapes où je vais le plus souffrir mais je ne le sais pas encore...
Dès le début, le sentier descend au fond de la vallée puis suit le ruisseau d'Asinau par sa rive gauche dans une forêt de pins et de bouleaux, je suis largué par Jeff, je ne parviens pas à marcher d'un bon pas, je suis fatigué, pas dans un bon jour. Le chemin, assez bon, continue en courbe de niveau et sort de la forêt pour atteindre le petit plateau de Pian di a Pulvara (1040m). On traverse une zone de maquis et de pins maritimes qui remonte jusqu'au col de Bavella (1218m), mon frangin m'y attend et on peut un peu courir vu qu'il y a un accès routier à ce site très touristique. On reprend aussitôt, le sentier caillouteux, pour redescendre vers les 1000m d'altitude, je commence à souffrir dans ces descentes techniques, mes doigts de pieds se serrent à la pointe de mes chaussures et commencent à me faire très mal, chaque pas est douloureux et je jure comme un charretier. Le reste du sentier jusqu'au refuge d'I Paliri (1055m) ne cesse de monter et descendre entre 1200 et 1000 m, cette portion est très rocailleuse et me fait souffrir alors qu'il fait de plus en plus chaud. Nous arrivons au refuge alors que le gardien part promener ses chiens donc pas moyen d'acheter des boissons sucrées, il y a une source qui nous permet de faire le plein d'eau, heureusement. Cette étape ne vaut que par son point de vue sur les magnifiques aiguilles de Bavella, pour le reste, je souffre trop et je n'aspire qu'à arriver à Conca. En ce début de matinée : 16,33 km en 4h12 , D+ 790, D- 1275.
Nous continuons sans tarder, car notre arrivée à l'aéroport est conditionnée à notre succès à faire du stop. Nous continuons à osciller entre des altitudes proches de 1000m par de raides lacets, j'en ai vraiment marre et ces descentes sont infernales, en ce qui me concerne. Mes doigts de pieds sont en compote et le moindre dénivelé négatif me torture incroyablement même sur un bon revêtement, un manque de souplesse et des pas en permanence sur la défensive font que tout mon poids pousse mes pieds vers le fond de ma godasse.Dur, dur ! Sur un terrain aride et sablonneux et par une chaleur de plus en plus intense, nous atteignons les ruines de Capeddu (850m) ensuite, nous empruntons un ancien sentier qui remonte par de raides lacets jusqu'au Bocca d'Usciolu (587m). Du col, nous apercevons le village de Conca (252m), après une descente toujours aussi difficile, nous entrons enfin dans le village, où nous nous désaltérons aussitôt au premier bistrot venu. La fin est enfin arrivée ! L'étape finale : 16,54 km en 3h34 , D+ 372, D- 1186 et pour la journée : 32,87 km en 7h46 ; D+ 1163m et D- 2462m ! Il nous reste 2 heures maximum pour rallier l'aéroport de Figari distant de +-45 km.
Deux jeunes nous prennent assez rapidement et nous nous retrouvons sur la rocade de Porto Vecchio vers 13h50, tout va bien. Mais à partir de ce moment, la fortune nous lâche et vers 14h10, nous nous décidons à appeler un taxi car le temps presse méchamment et je dois fêter l'anniversaire de ma fille demain , le stress est à son comble. Je déniche un n° de taxi man qui me répond qu'il est à Figari et que ce sera trop short pour faire l'aller-retour, je suis un peu désespéré mais bon, rien à faire ! Le chauffeur me rappelle 5 minutes après et me demande pour quelle destination on doit embarquer, je lui réponds et il me dit que lui-même attend sa fille de Charleroi et que l'avion a du retard et qu'il n'a , à cette heure, pas encore quitté la Belgique ! Dominique m'appelle de l'aéroport et nous annonce que pour enregistrer le bagage avec les bâtons, on nous attend à 15h15 maximum mais il nous confirme le retard de l'avion en provenance de Belgique. Le taxi arrive et nous arrivons à l'heure après avoir écouté le monologue de notre chauffeur, on est tombé sur un Corse sympa et bavard, pour une fois.
Le bagage est enregistré et l'avion est annoncé pour 17h30 avec deux heures de retard qui nous arrangent plutôt bien. On se fait un brin de toilette aux WC de l'aéroport, j'achète un t-shirt et me parfume abondamment , j'ai retrouvé un aspect et une odeur d'humain, il est temps de se restaurer. J'avale plusieurs sandwiches et plusieurs panachés en racontant nos aventures à Dom et en écoutant son emploi du temps depuis son abandon. On nous appelle, on passe la sécurité et on patiente dans la file pour l'embarquement alors que l'on voit les passagers débarquer de notre avion, on va enfin rentrer chez nous.
Sauf qu'à l'atterrissage, le réacteur a englouti un oiseau et il faut qu'un ingénieur vienne valider la conformité du réacteur avant tout décollage ! Et bien sûr, à Figari, d'ingénieur il n'y a point ! Tout le monde est dans l'expectative, le vol sera annulé ou simplement retardé ? Finalement, on peut ressortir de la zone d'embarquement et aller se restaurer. On nous annonce un embarquement à 22h00 et effectivement, nous sommes installés dans l'avion quand un boeing de Ryanair vient se garer à côté de nous, l'ingénieur est seul à bord et il vient de Marseille. Il valide rapidement l'état de notre avion et redécolle aussitôt seul dans son avion, surréaliste mais rigolo ! On atteint finalement sans encombre Charleroi vers 1 heure du matin et on peut revenir à une vie normale, c'est la fin de l'aventure.
On ne peut parler de réel plaisir mais content d'avoir relevé le défi sportif. Faire le GR en entier sans assistance en dormant en refuge et en 50 heures, tout compte fait, c'est pas mal. Pour admirer le paysage, vaut mieux étaler ça sur 10 jours !
5 commentaires
Commentaire de Scoubidou posté le 08-12-2012 à 16:20:53
Sympa le récit !
Les nuits dans les refuges n'ont manifestement pas été de tout repos ;)
Ton récit m’intéresse au plus haut point car j'aimerais bien faire des GR en mode rando course et je ne sais pas trop déterminer quoi emporter dans le sac. En fait, le seul vrai problème, c'est le couchage: sac de couchage ou pas ? Si j'en prends un, le sac va être énorme, si j'en prends pas, je vais me cailler grave...
Si tu as des conseils, je suis preneur !
Commentaire de Fironman posté le 08-12-2012 à 16:53:59
Salut, j'avais le sac de chez Decat de couleur verte, très compact et très léger, il convient très bien pour ce genre d'aventure en été. Sinon, c'était le strict minimum. Nous avions fait ça aux alentours du 25 juin, pour avoir de la place au refuge et de la bouffe aussi. Prochain objectif : en une seule traite avec bouffe hyophilisee et repos minimum. Le paysage, je le connais donc ce serait juste pour la performance, mais c'est du gâchis de ne pas profiter de ce paysage. Bon amusement, tu peux jeter un œil sur les vidéos pour avoir une meilleure idée. @+
Commentaire de Scoubidou posté le 08-12-2012 à 18:31:34
Merci pour les infos.
Je passe chez Decat lundi prochain pour jeter un oeil au sac ;)
Commentaire de Fan23 posté le 17-12-2012 à 21:39:54
Merci pour ce récit très intéressant !
Même chose que Scoubidou, on se demandait pour le couchage.
Nous souhaiterions être autonome pour éviter les problèmes avec les refuges (partant en juillet). Connaissez vous du matériel très léger et compact pour y dormir à l'intérieur ?
D'avance merci et bravo !!!
Commentaire de Runphil60 posté le 09-02-2020 à 14:26:41
Beau défi ! Respect
Vous aviez dormi ou à Vizzanova ? Dzndbke village et vers le col ?
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