Fêter un anniversaire, cela ne refuse pas. Il s’agissait pourtant d’un ami que j’avais délaissé depuis quelques années, mais 30 ans, c’est un bel âge. J’ai donc accepté l’invitation bien que je savais que nous serions très nombreux à y répondre.
C’est ainsi que je me suis retrouvé un dimanche matin pour fêter les 30 ans du Marathon de Paris en compagnie de 35 000 coureurs.
La veille, cependant, l’ambiance était déjà là, à la Porte de Versailles. Après avoir déposé les bagages chez les copains et pris le temps de commenter nos faits d’armes respectifs, nous sommes rendus à pied là-bas en fin de journée. L’ambiance donc, tout de suite: à cette heure, c’est la foule bien sûr! Où se trouve le début de la queue? Une troupe devant le hall s’évertue à nous faire éclater les tympans à coups de maillet énergiques sur des tambours. Les 108 218 sont omniprésents. Le file s’étire dans la bonne humeur. Nous avançons cependant rapidement. Finalement, tout va très vite: la remise des dossards, le sac du coureur. Nous montons faire un tour à l’exposition. Un passage chez Raidlight. Benoît et Alexandra sont en pleine démonstration. Tiens, voilà Franck et Patrick. Mon chef de file est anxieux. Une douleur au genou, suite à un choc, le contrarie. Nous quittons le Hall des Expositions. Retour chez nos hôtes où tous s’activent pour préparer l’incontournable plat de pâtes. Je prépare ensuite mes affaires. Le coucher arrive. Comme d’habitude, je n’arrive pas à trouver le sommeil.
7 h 20, nous voici dans le métro en short et en débardeur! Les wagons sont remplis de coureurs; toutes les tenues sont là. C’est vraiment une vision peu commune. Nous arrivons place de l’Etoile. Chacun est dans ses préparatifs. Une dame élégante d’un certain âge s’arrête pour nous demander la raison de cette animation ! Elle repart en ayant appris que marathon est une course à pied de 42,195 km ! Nous descendons les Champs Elysées pour rejoindre le sas jaune ! La densité de coureurs y est encore relative à 8 h 15. En bordure, les guérites blanches sont prises d’assaut ! 8 h 30, cette fois, les rangs se resserrent. Des hélicoptères nous survolent. Nous échangeons quelques paroles. Les cinq meneurs d’allure arrivent avec leur ballon jaune accroché à la ceinture. 8h 35, les ponchos, les sacs poubelle, les t-shirts, même des sweats, commencent à voler.
8 h 45, c’est le départ! C’est d’abord une marche où l’attention doit être extrême car le sol est jonché de bouteilles et de vêtements. Qu’est-ce que ça doit être pour ceux qui partent dans le fond ! Nous étions cependant à 20-30 m du départ mais il me faut plus de deux minutes pour franchir la ligne. Ca y est, c’est parti. La descente vers la Concorde se fait pour moi dans un état second. Je ne réalise pas encore: trop de monde, de cris. Enfin, j’aborde la place et je contourne l’Obélisque pour enfiler la rue de Rivoli. Je pensais pouvoir courir et regarder autour de moi. Non, la densité est telle qu’il faut absolument regarder devant soi ! Je ne quitte pas des yeux les ballons jaunes. Les sensations sont bonnes, le souffle en rythme. Je m’écarte à peine de la ligne bleue. La colonne de la Bastille est déjà là. Bientôt, c’est la Nation; des places que j’ai arpentées bien des fois en des occasions plus revendicatives. Aux 10 km, à l’entrée de Vincennes, le chrono est bien, trop même car nos meneurs veulent combler les 2mn du départ, donc le tempo est un chouia plus élevé que prévu. L’avenue qui mène au château est large, j’ai le temps de voir le forteresse blanche. Dans le bois de Vincennes, je tiens toujours le coup, cramponné à ma ligne bleue mais les ballons jaunes commencent à prendre le large, ils sont à 20, 30 m de moi. Le semi arrive, je jette un coup œil à ma montre qui indique 1 h 37, le SMS indiquera, lui, le temps officiel de 1 h 38 mn 56. Les spectateurs sont très nombreux tout le long du parcours. Beaucoup brandissent des messages d’encouragement. Les cris fusent. Les orchestres tout au long du parcours y vont chacun de leur répertoire.
Je ne m’arrête toujours pas aux ravitaillements, l’habitude d’être en autosuffisance sur les trails. Nous rentrons dans Paris. Je suis toujours dans le flux des coureurs. J’atteins l’avenue Daumesnil que je connais bien. Bientôt, je serai sur les bords de Seine mais je sens que je commence à fléchir. Les ballons jaunes se sont éloignés, je les aperçois encore. Une sensation douloureuse apparaît au mollet gauche. Non, pas encore cette fois ! Mes clignotants se mettent à l’orange! Il va falloir gérer la douleur. Déjà, je baisse l’allure pour réduire l’amplitude de ma foulée. Inexorablement, je quitte le flux, les coureurs commencent à me passer. Le moral est dans les chaussettes. Je regarde à peine autour de moi,, mon regard est toujours devant moi, droit, toujours à suivre cette ligne bleue, plus motivé que jamais à ne pas parcourir un mètre de plus que ses 42 195 m. Sur les quais, au 25e kilomètre, soudain, des cris attirent mon attention. Ce sont nos groupies alençonnaises. Faisons bonne figure ! Je lève les bras.
Les cris continuent, l’ami parisien doit être tout près derrière. Que le sol me paraît dur ! Paris-plage ! Où est le sable ? J’aborde les tunnels avec appréhension. Je me sens pas bien, l’atmosphère est confinée. Je tire la jambe dans les remontées à l’air libre. Je guette Joël mais ce dernier a dû me passer discrètement. Ah, le biniou du Mont-Saint Michel ! La vengeance est un plat qui se mange très froid.
Depuis déjà quelque temps, j’ai enclenché le compte à rebours des kilomètres. Cette fois, aux derniers ravitaillements, je saisis les bouteilles ou les éponges que l’on me tend. Là encore, il faut être prudent. Le sol est jonché de bouteilles, de quartiers d’orange. Prudence aussi pour les téméraires ou les inconscients qui traversent comme cette vieille dame avec son cabas qui manque d’être percutée par les coureurs ! Bientôt Auteuil. Dans la côte de la rue Mirabeau, ma vitesse est tombée à 6 au kilo; malgré la douleur, il faut que je réagisse sinon c’est le naufrage. Je m’accroche. Autour de moi, j’entends des coureurs encourager leurs copains un peu à la dérive. Je prends à mon compte ces encouragements. Dans Boulogne, je relance la machine. Je ne pense à rien d’autre qu’à finir. Enfin, je sors du bois pour le dernier kilomètre. Ce dernier kilomètre, il se mérite; n’ai-je pas déjà écrit que c’était le plus beau, oui, c’est bien le sublime kilomètre. La foule est dense. Quelle clameur ! Je contourne le rond-point et aborde l’avenue Foch; la vision en est époustouflante. J’aperçois le compteur qui égrène les dernières secondes avant 3 h 30. Ah, non ! Il faut que je finisse avant. Je m’élance dans un dernier sprint rageur...
des étirements pour ce mollet qui a gâché ma course !
Mustang
1 commentaire
Commentaire de dave76 posté le 13-04-2006 à 18:06:00
salut mustang , et encore bravo pour le recit
davydd alias dave76 sur normandiecoursesapied.com.
a+ davydd
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