Récit de la course : Marathon de Paris 2004, par Jerome

L'auteur : Jerome

La course : Marathon de Paris

Date : 4/4/2004

Lieu : Paris (Paris)

Affichage : 3753 vues

Distance : 42km

Objectif : Faire un temps

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Le récit

Mon premier marathon de Paris

Mon premier marathon de Paris

Ce qu’il y a d’impressionnant dès le début, c'est qu’au métro Mairie de Montreuil, à 6h35 du matin, rien que dans ma voiture (pas dans ma rame), on était deux marathoniens et une marathonienne. Presque à chaque station, des nouveaux coureurs ! La discussion s’engage rapidement, tutoiement ou vouvoiement, peu importe, on sent bien que quelque chose de fort nous relie. C'est aussi très sympa de se retrouver avec des gens qui viennent de toute la France, ou même de l’étranger. On échange sur les courses passées, les objectifs pour aujourd’hui, les sensations…

Au moment de nos inscriptions, on pouvait choisir un objectif, avec nécessité de justifier les perfs sur d’autres marathons si l’on voulait viser 3h ou 3h15. J’étais inscrit sur la base de 3h15 après avoir fait 3h17 à La Rochelle fin novembre (c’était mon premier). Grâce à mes 1h23’07 au semi-marathon de Paris, on m’avait dit que je pourrais m’inscrire en préférentiel (moins de 3h). En fait, j’avais 8 secondes de trop et le type à Marathon-Expo n’a rien voulu savoir : il fallait moins de 1h22’59. J’étais un peu déçu mais j’ai essayé de prendre la chose avec philosophie, décidant de passer en préférentiel avec une vraie perf’ sur marathon. Du coup, je ne devais pas arriver trop tard dans le sas.

Sacré ambiance vers 8h, soit 45’ avant le départ ! Certains évacuent le stress en parlant, histoire de se changer les idées. Ainsi ai-je entendu dans la bouche d’un quadra : « Ce que je peux dire, c’est que mon amour de la course à pied durera plus longtemps que celui que je n’ai jamais eu pour une femme. » Un autre, du même âge, « Ici, parmi les 30 000 coureurs, personne ne pense à Chirac et Raffarin,  c’est ça décompresser ! ». Un bon point pour l’organisation : les toilettes dans les sas : des WC de chantiers et des urinoirs en plastique très bien conçus, à trois places !

En fait, avec les rouges (objectif 3h) j’étais quand même assez bien  placé. Les ballons (meneurs d’allure) sont arrivés 5 minutes avant le départ, peu avant que la barrière nous séparant des dossards préférentiels soit retirée. Tous en cœur, comme au semi, on égraine les 10 dernières secondes du chrono. 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1… boum ! Je déclenche mon chrono sur la ligne de départ, environ une minute après le coup de pistolet. Les ballons rouges sont partis environ 20 secondes avant. Les trois coureurs avec ballon sont de vrais métronomes, c’est très utile. Il courent exactement en 4’15 au km, du premier au dernier km, pour finir enntre 2h59’30 et 2h59’50.

Ma stratégie pour cette course n’était pas très orthodoxe. Il faut théoriquement viser la régularité, essayant même de faire le deuxième semi un peu plus vite (ce qu’on appelle dans notre jargon le ‘negative split’). En ce qui me concerne, je visais de partir à 4’10 au km, ce qui théoriquement permet de finir en 2h56 mais je savais pertinemment que je n’en avais pas les capacités. L’objectif était de tenir le premier semi sur ce rythme (soit 1h28 au semi) et de finir ensuite « aux tripes », avec une marge de 4 minutes à « dépenser » sur les 21 km restants.

Au départ, je n’ai pas vu les bornes des deux premiers km, ce qui m’a un peu inquiété. Suis-je calé sur un bon rythme ? Comme je voulais partir un peu au-dessus du rythme 3h, je regardais les dossards des coureurs autour de moi, il devait y avoir un mélange de rouges et de préférentiels. J’ai finalement demandé à un coureur si le km 2 était passé. A partir du km 3, j’ai vu que j’avais 20 secondes d’avance sur ma base. Je suis même monté à 40 secondes vers le 7ème km. Je surveillais alors ma fréquence cardiaque : 164, 165, guère plus, mais je trouvais ça quand même un peu trop (au semi, en mars j’avais tourné à 170 puls/min de moyenne). Vers le 8ème km, j’ai eu mes premiers encouragements « perso ». La famille Raguet-Vogler était là au grand complet avec une belle pancarte de 2 m de long « Vienne 1285 km », car il semblerait que je parte vivre à Vienne en septembre (le marathon est organisé au mois de mai). J’ai apprécié le clin d’œil, d'autant plus que la direction indiquée était bonne : plein est !.

Au total, je passe aux 10 km en 41’07, soit 4’07 au km. Là, j’ai eu le plaisir de voir Cyril, mon coach perso, qui m’a encore encouragé. C'est grâce à lui que j'ai diversifié mon entraînement : il m'a initié à l'art de la séance VMA sur piste. Une forme de torture librement consentie et auto-administrée, qui permet de vraiment progresser (genre 10 fois 400 m en 1'20 avec juste 1' de récupe entre les tours). Enfin, pendant le marathon je n'y pensais plus. Le passage dans le bois de Vincennes s’est bien passé, sauf lors d’un virage en épingle où j’ai mis le pied dans une flaque. Heureusement, mon pied est resté sec à l’intérieur. Il y avait du soleil tout le long mais il restait parfois au sol des traces de la pluie qu’il y avait eu au petit matin.

J’ai pris les premiers ravitos en courant dès le début (au 5ème km). J’avais opté pour moins de sucre car lors du semi, prendre 4 sucres avec seulement un peu d’eau au km 10 semble avoir déclenché une légère hyperglycémie réactionnelle. Là, j’ai pris à chaque fois un sucre et pas mal d’eau (15-20 cl), testant à partir du km 15 les 5cl de boissons énergétique qui étaient proposés.

Au semi, j’avais encore 13 secondes d’avance sur le rythme fixé (je tournais à une moyenne de 4’09 au km – je passe le semi en 1h27’42). Il y avait un petit goulot d’étranglement mais je l’ai bien négocié, quitte à faire comprendre assez clairement aux spectateurs qu’ils devaient laisser un peu de place aux coureurs. En dehors de ces rares débordements, le public était vraiment super. Parfois des enfants tendaient leur main pour qu’on claque dedans au passage. Quand j’ai dit à un gamin de 10-12 ans « attention, maintenant tu vas avoir le virus du marathon », il ne savait pas trop si c’était du lard ou du cochon !

A la Bastille (km 24), mon oncle était là. Super sympa, il avait été le premier à m’accompagner pour ma première course, les 20 km de Paris en octobre dernier. Lui aussi m’a bien encouragé. Dommage dans ces moments-là qu’on passe si vite : ils attendent assez longtemps, font l’effort de venir… et ne nous voient que pendant une poignée de secondes. A partir l’arrivée vers les quais, je remarquais de grandes différences d’allure. Un mariolle qui s’est mis à dépasser tout le monde sur 500 m, pour se mettre à marcher au bout de 200 m (la recherche d'une minute de gloire ?)... et déjà des gars qui n’en pouvaient plus. A la hauteur des Tuileries, le tunnel était un peu dur car il fait près d’un km. Peu d’air, peu de lumière… c’est bien sûr le moment le moins agréable du parcours. Peu après, il y a deux petits tunnels mais cela ne m’a jamais gêné, au contraire car j’ai l’habitude de courir dans des escaliers et pensant aux 2 240 m de dénivelé positive qui m’attendent dans deux bons mois au marathon du Mont-Blanc, il aurait été malvenu de se lamenter sur ces petits tunnels.

Arrivé vers le km 30, j’ai remarqué une baisse de régime. J’avais 10 secondes de retard sur le rythme de départ mais cela allait encore car j’avais le droit de manger 4 minutes en tout jusqu’à l’arrivée pour tenir mon objectif « moins-de-trois-heures ». J’ai remarqué aussi que je ne jouissait plus du paysage : je n’ai même pas remarqué quand on a passé la Tour Eiffel ! Le cœur ne tournait plus qu’à 153, le rythme au km chutait quand même dangereusement et je perdais déjà 20 secondes depuis le semi. Je me suis dit que c’était sans doute les fondations du fameux mur que tous les marathoniens redoutent. Or c’était le moment ou une entreprise proposait des gels énergétiques. Je n’avais essayé qu’une fois à l’entraînement, en ne buvant presque pas (erreur !), cela m’avait terrassé à l’arrivée, au sens propre car arrivé chez moi j’étais plié en deux au sol, incapable de tenir debout. Je me suis alors dit « soit je me prends le mur en pleine poire, soit je tente le gel. » Quitte ou double ! J’ai donc pris un gel sans avoir pu le tester à l’entraînement (la règle d’or est pourtant « pas de nouveauté le jour J ») et j’ai demandé conseil à un coureur. C’est vraiment un truc qui peut paraître étonnant dans une « compétition » mais c’est un fait, les marathoniens n’ont heureusement pas l’esprit de compétition ! Cela peut paraître paradoxal : dans cette marée humaine qui déferle dans les rues de Paris, on reste seuls avec nous-même pour une performance qui n’a de sens qu’au regard de notre histoire personnelle, de nos objectifs, de nos courses passées. Savoir qu’il y a 1000 ou 10 000 personnes devant ou derrière nous ne change pas grand chose. Quand je parle d’un marathon, des gens qui n’y connaissent rien me demandent au premier abord « t’as fini combientième ? » La question n’est pas pertinente. Ce qui compte c’est bien sûr l’objectif qu’on se fixe, et le résultat qu’on obtient par rapport à cet objectif.

Enfin, le coureur qui m’a renseigné m’a dit que je pouvais tout prendre, avec de l’eau, sur 1 km. J’ai donc gardé le gel à la main jusqu’à ce qu’il y ait un ravitaillement en eau (1 km plus loin) et j’ai suçoté mon gel avec une petite bouteille d’eau. Je pense que cela m’a réussi, même si cette prise de gel m’a ralentit. J’avais bien la pêche au km 33 en arrivant à l’IUFM, rue Molitor, où m’attendaient Brigitte et François (Brigitte a un logement de fonction sur place, elle a la gentillesse de s'intéresser à mes courses, François est facteur et m'avait permis de jouer au tennis de table à l'AS de La Poste dans la grande poste du Louvre en 2001).

L’entrée dans le bois de Boulogne a été un peu dure. Je ralentissais pas mal à nouveau et commençais à calculer mes temps à rebours : au km 35, « plus que 7,2 km… à faire en 32’ », « il faut encore tourner en 4’15 jusqu’à la fin… Pas évident ! » Je sentais que mes jambes se durcissaient. J’avais beau essayer d’accélérer, niet ! J’ai alors eu l’idée de bien respirer, comme lorsque je vais assez vite. Cela m’a un peu aidé mais le coup de bambou est arrivé sur le moral : un ballon rouge m’a dépassé ! « Ca y’est c’est fichu ! », telle a été ma première réaction. Un autre ballon arrive à mes côtés... il y en a trois en tout. Consultant mon chrono, je voyais quand même que les gars avaient un peu d’avance. « 40 secondes » m’a répondu un des meneurs d’allure quand je lui ai demandé. Comme je savais qu’ils étaient partis environ 20 secondes devant moi, j’avais le droit de les laisser jusqu’à 60 secondes devant, mais je ne voulais pas prendre trop de risque. J’ai donc fait le maximum pour les garder en vue.

Arrivant en bas de l’avenue Foch, le public aide même si l’on se méfie car on entend dans le désordre « allez les gars, plus que 500 m » puis « allez, encore un kilomètre » et « allez, à 400 m l’arrivée ». Soudain j’entends la voix de l’animateur qui commente les arrivées. C'est un peu frustrant d'ailleurs de ne pas finir sur une longue ligne droite, l'arrivée survient presque brusquement. « Et voilà les ballons rouges qui amènent ceux qui ont couru en trois heures… ils les poussent devant eux…on les applaudit ! ». Dernier moment d'inquiétude : suis-je bien sous les 3 heures ? Je passe peu après les ballons, le chrono au général est à 2h59’59, mon chrono (temps réel) à 2h59’12 car je l’ai déclenché à 8h45’47 en passant sur la ligne de départ. En fait, je l’ai déclenché 2’’ avant car mon résultat officiel est 2h59’10.

Ca y est, dès mon deuxième marathon je fais partie du club des « moins-de-trois-heures », une référence tout de même parmi les marathoniens. Le bonheur ! L’aboutissement de mois d’entraînement, mes séances VMA au stade, souvent seul et parfois par +3°C, les sorties sous la neige et dans le vent, toujours 5 sorties par semaine quelque soient les conditions de travail, de météo ou de vie familiale..., les privations sur la bouffe pour garder le poids de forme (et même l’assèchement de 2 kg de J-6 à J-2 pour faire le plein de pâtes les deux derniers jours et revenir au poids de forme chargé de sucres lents). Tout ceci prend sens. Les pièces du puzzle s’emboîtent les unes dans les autres pour former cette figure dans mon esprit : « un marathon en moins de 3h » !

A l’arrivée, je traîne avec délice aux stands de ravitaillement : beaucoup d’eau, pommes, raisins secs et oranges, une fois la médaille autour du cou. Le pancho qu’on reçoit ensuite est utile, une fois la sueur séchée, il protège bien du vent. Je ressors ma médaille à l’extérieur. Une fierté de gamin que j’assume tout à fait. I did it ! Toute la journée dans le métro, je repère les panchos bleus, comme je dois aller l’après-midi à l’autre bout de Paris, j’ai encore l’occasion d’échanger avec des coureurs, il y a les heureux (un coureur de 58 ans avec 15 marathons, tous à Paris sous les 3h, ayant commencé à courir à 42 ans, ou ce jeune de 19 ans qui vient de réussir son premier marathon en 3h09) et les moins heureux (comme celui a dû abandonner, trouble respiratoire au 30ème, intervention de la Croix-Rouge). Quoi qu’il en soit, pour tout le monde c’est déjà partie remise !

Avant cela, place à la détente : le soir-même j’ai fait une goyère au maroilles (recette sur simple demande !) et j’ai invité mon ami Joachim qui a aussi couru le marathon. Ce fut bien arrosé : 1 litre de bière par personne (ma préférée, Hefeweizen Erdinger) J J’avais pour ainsi dire oublié le goût de la bière. Mardi soir, resto avec ma femme. Pour le semi on avait été dans un très bon resto sur le trajet du semi (L’Oulette dans le 12ème, ici un autre de mes récits, cette fois-ci sur un site de gastronomes), mardi 6 avril ce sont Les Amognes qui étaint au programme (très décevant, cf. critique)… 243, Faubourg St-Antoine au km 6 sur le parcours de marathon de Paris !

1 commentaire

Commentaire de Le CAGOU posté le 17-12-2008 à 22:56:00

BONJOUR Jerome,
LONGIN DE LONGINE TOUTES MES FELICITATIONS POUR TA MAGNIFIQUE PERF ET DE PLUS - DE 3H00 APRES SEULEMENT 2 MARATHONS BRAVO BRAVO. SPORTIVEMENT LE CAGOU.

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