Récit de la course : 6666 Occitane 2010, par gmtrail49

L'auteur : gmtrail49

La course : 6666 Occitane

Date : 23/4/2010

Lieu : Vailhan (Hérault)

Affichage : 3045 vues

Distance : 118km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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6666 Occitane 2010 : chapeau et merci Antoine !

 À mon père    

 

 

 

Merci pour ces vacances M'sieur Guillon

 

 

         Au sortir d’un hiver bien décidé à nous enquiquiner le plus longtemps possible, la petite semaine printanière et ensoleillée passée mi-avril à découvrir la vallée de l’Orb a été un vrai bonheur. Elle fut ponctuée par "une petite ballade" sur les chemins d’entrainement de Maître Antoine Guillon. Pour leurs premiers pas dans ce domaine de compétence, notre vis-roi de la diagonale des fous 2007 et toute son équipe nous ont gratifiés d'un sans faute à tout point de vue dans l'organisation de la toute nouvelle 6666 Occitane : un site internet mis à jour régulièrement, un parcours varié, sauvage et magnifique, un balisage sans défaut, des ravitaillements bien achalandés avec une accessibilité remarquable pour les suiveurs, des bénévoles charmants et aux petits soins… Ils nous ont même commandé un peu de pluie avant la course juste pour nous faire un peu peur.

         Pour rendre une telle copie, je n'ose imaginer le temps consacré par toute l'équipe ! Rien que pour le balisage, 3 jours leur ont parait-il été nécessaires : j'imagine que ces journées ont été bien remplies car essayez déjà de faire une sortie en montagne de 40 bornes ; ça vous prend déjà disons au moins 5 à 6 heures compte tenu du terrain. Ajoutez-y le temps mis pour accrocher pancartes et rubalises, il faut être un crack pour s'en sortir sans frontale !!! La connerie humaine n'ayant c'est bien connu aucune limite, de sombres abrutis se sont amusés à débaliser certaines portions du parcours. Et bien, le plus admirable est le flegme avec lequel nos GO ont réagi à ce contretemps de dernière minute.

         Pour être franc, je trouve même qu'une telle débauche d'énergie aurait méritée un plus grand nombre de partants. Sans doute la distance et la dénivelée conséquentes à une telle date dans la saison ont du faire un peu peur. C'est donc à nous coureurs de cette première édition de faire de la pub pour l'Occitane afin de la transformer en grande classique de l'ultra de l'hexagone.

         Un p'tit conseil  tout de même pour les candidats à l'Occitane en 2011 : préparez-vous très sérieusement (mieux que moi cette année) en consommant sans modération de la côte et de la descente ! Parce que la 6666 n'est pas, loin s'en faut, une couse facile. Si en plus, vous habitez comme moi en plaine, vos mollets et vos cuissots s'en souviendront. Il est vrai que les monts de l'Espinouse dont fait partie le massif du Caroux sont un poil plus escarpés que mes coteaux de La Loire à Saumur!

 

         Comment m'est venue l'idée d'aller me promener dans l'arrière-pays héraultais ? Rien de très original, c'est en surfant sur le forum de mon site préféré, qu'est apparu en septembre dernier un post du bien nommé "Caroux" intitulé : "Antoine Guillon lance la 6666 occitane". Un rapide coup-d'œil au calendrier et je sais alors que j'ai déjà mon premier objectif de la saison 2010. Cette course présente tous les avantages : je ne connais pas la région, nous sommes en vacances dans la semaine qui précède la course, elle précède l'UTMB de 4 mois ce qui permet une récupération entre les deux et enfin c'est une première édition et j'adore courir les premières (comme au Lioran en 2009 avec la Merrell Oxygen).

 

Préparation

         Ma dernière course de l'année 2009 a été l'Origole début décembre ; j'avais prévu de faire un récit de cette course notamment pour modestement encourager les organisateurs de cette superbe classique nocturne. Il se trouve qu'on (l'ONF) tente de leur interdire de continuer à faire courir cette course de nuit ; tous les coureurs ayant participé à cette classique parfois appelée la "tueuse de finishers" vous diront pourtant qu'une partie de son charme provient justement du fait que l'on crapahute en nocturne. Je souhaite en tout cas longue vie à l'Origole... en nocturne. Je voudrais en plus remercier également un kikou rayé que tout le monde connait forcément et que j'ai rencontré pour la première fois dans le gymnase du Perray en Yvelines : je veux parler bien sûr du "Bagnard". Non content d'avoir avalé la veille un 24 h à Paris dans le cadre du téléthon, notre joyeux bariolé n'a rien trouvé de mieux que d'enchaîner avec une nuit entière à jouer au barman sur le ravitaillement (le gymnase est à la fois le lieu de départ et d'arrivée mais aussi par deux fois le ravitaillement intermédiaire). Un énorme merci à lui pour son courage, sa bonne humeur et pour m'avoir offert non pas une mais deux bières à l'arrivée. J'en avais grand besoin après avoir galéré toute la nuit à la recherche de sensations. Sans trop m'étendre sur le sujet, il faut dire que j'avais quelques circonstances atténuantes : j'étais totalement étouffé par le chagrin après la perte d'un proche un mois plus tôt, j'étais très peu entrainé et de surcroît affaibli par une grippe survenue 15 jours auparavant (grippe A ou saisonnière ?). Lors de cette période difficile, la course à pied m'a sans aucun doute servi de remède pour me sortir de ce trou. Après quelques essais, j'ai par contre fini par renoncer à écrire un récit de l'Origole tellement ma prose m'a semblé noire lorsque je m'asseyais devant mon clavier pour écrire...

 

         Mais revenons sur ma préparation à la 6666. Si vous voulez un conseil, ne copiez surtout pas sur moi ! Après un break en décembre, la reprise en janvier s'effectue en douceur et les sensations sont assez bonnes, mais au retour de vacances à la montagne fin février, au mépris des règles élémentaires de progressivité dans la durée des sorties longues, je me lance stupidement dans une sortie de 4 heures. Ça ne loupe pas : je me détruis le genou gauche.

L'équation est simple : pas de course à pied pendant 15 jours + grosses sorties en ski de fond et en raquettes + skis de piste où j'ai du faire bosser les quadris + un "oubli" d'étirer ischios et quadri + sortie longue de 4 h au retour = blessure.

         "Well done Callaghan" (seuls les anciens comprendront), mais si t'avais réfléchi un peu, tu n'aurais pas pourri ton entraînement durant 5 semaines !

         En fait, durant toute cette période de mal au genou, je n'arrive pas à me résoudre à couper totalement l'entrainement ; je continue avec mon syndrome rotulien qui un jour me fiche la paix mais le lendemain me bloque le genou après une demi-heure à trottiner.

         Je cherche désespérément sur le net des remèdes miracles pour me soulager. Certains préconisent du repos complet, d'autres affirment qu'il ne faut surtout pas s'arrêter. Pour accélérer la guérison, les conseils tournent autour du triptyque : étirer, glacer mais aussi muscler car le syndrome rotulien est parait-il le signe d'un déséquilibre entre les muscles antérieurs et postérieurs de la cuisse. En bref, je passe beaucoup plus de temps avec les électrodes de mon Compex sur la cuisse ou avec une poche de glace sur le genou que sur les chemins.

         Sur les semaines S-7 à S-4 avant l'objectif, donc dans une période où je devrais être à pleine charge, mon entraînement est tellement chaotique que je pense plusieurs fois à renoncer à l'Occitane.

         Et puis début avril, un matin, j'essaie un peu par hasard de me strapper sommairement au dessus du genou. La sortie qui suit se passe sans douleurs ; le lendemain, rebelote avec une sortie un peu plus corsée ; idem les jours suivants. J'aligne ainsi en 6 jours 12 h à pied avec pas mal dénivelée ainsi que 2 h à vélo c'est-à-dire beaucoup plus que ce que je fais habituellement ; je viens de tester (c'est une première pour moi), non pas un WE choc mais une semaine choc. Je ne quitte plus mon strap fétiche et je me contente de le changer de temps en temps. Effet placébo ou pas ? Peu importe car ce bout d'élasto a sauvé mon début de saison.

         La semaine S-2, je ne fais que deux entraînements courts mais toniques dont une séance sur piste avec 4 x 2000 m. Même après 2 mois à "sécher" ce type de séance, je parviens à courir au seuil sur un rythme de 4' au kilo ce qui me rassure un peu. Je n'ai donc pas trop perdu en vitesse. Par contre, je ne me fais pas d'illusion sur ma faculté à tenir sur du long en montagne ; je suis conscient que me lancer sur un ultra aussi peu entrainé n'est pas très raisonnable.

 

         Pendant ma période de disette sportive, j'étudie comme j'en ai l'habitude le parcours en détails. À partir des cartes du site officiel de la 6666, je m'applique à reporter précisément le parcours sur une carte IGN. Ensuite, dès que j'ai un moment de libre, je potasse cette carte. Je m'imprègne ainsi des noms des villages, des distances, des dénivelées... Je lis et relis les commentaires détaillés sur le parcours mis en ligne sur le site mais aussi les CR des kikous ayant participé aux reconnaissances de cet hiver. Ce que je retiens essentiellement, c'est que la plupart des ascensions s'effectuent par paliers et sont même souvent entrecoupées de petites descentes. Le profil donné sur le site est donc un profil très simplifié.

         Je me confectionne un tableau de marche indiquant mes temps de course au niveau des ravitos. Ma méthode de calcul est simple : je me base sur les chronos prévus sur le site pour les meilleurs solos mais je les majore de 60 %. J'ajoute en plus des temps de pause. J'obtiens ainsi un temps de passage de 11 h à la mi-course à Colombières (km 59) et un temps total de 25 h 30. Il faut noter que la dénivelée n'est pas équitablement répartie et que c'est la seconde partie qui est la plus dure avec 4000 m de D+ annoncés.

 

 

 

         Une semaine avant la course, nous prenons en famille la route de l'Hérault avec notre maison sur roulettes. Les sites météo étant optimistes pour la semaine, nous avons l'intention d'effectuer des petites randos dans le massif du Caroux ; je compte évidemment reconnaître par la même occasion certaines portions du parcours de la 6666. Le dimanche précédent la course nous commençons depuis Les Aires par faire une petite boucle montant au Pic de la Coquillade et redescendant par les ruines de St Michel de Mercoirol. Les forêts de chênes verts constituent un vrai dépaysement par rapport aux pins, chênes et châtaigniers de notre val de Loire. Le fiston tente plusieurs fois de grimper dans des cabanes de chasseurs, perchées à 7 ou 8 m du sol.

 

          

La cabane en haut du jardin

 

 

           Que tirent-ils de là-haut ? En tout cas, il ne doit pas faire bon courir dans ces forêts au moment de l'ouverture de la chasse ! Un trailer et une galinette cendrée, ça doit se ressembler surtout pour quelqu'un qui a un peu abusé du Faugères à 13°.

 

         La descente depuis le sommet de La Coquillade vers Lamalou les Bains (située au km 40 de la course) va être effectuée de nuit pendant la course ; elle me parait bien technique par endroit.

 

 

Descente de La Coquillade

 

 

 

Au fond la station thermale de Lamalou

 

 

          Antoine a pourtant précisé que tout ce qui se trouve avant la station thermale de Lamalou est roulant ! Cornegidouille ! Si cette descente n'est que de la "roupie de sansonnet" par rapport à ce qui suit, je suis très mal !

 

St-Michel de Mercoïrol
 

 

   

Chapelle de St-Michel

 

   

        Lors de l'arrêt pique-nique près des ruines de Saint Michel, je fais par hasard la connaissance de Ronan ("Sonicronan" sur kikourou) en balade également avec sa petite famille. Nous discutons de réduction des déficits budgétaires dans la zone euro, euh non… en fait de l'occitane, du GRR et de l'UTMB. Nous nous donnons rendez-vous à Vailhan le vendredi suivant. Je ne sais pas encore que nous allons sur la course faire un bout de route ensemble.

 

         Le lendemain lundi, nous effectuons une nouvelle balade au dessus de Mons jusqu'au hameau de Bardou. Impossible de se perdre, il suffit de suivre les rubalises déjà en place pour la course du vendredi !

 

Dans les ruelles de Mons La Trivalle

 

      

La pierre de la région est vraiment magnifique

 

 

 

        Le village de Bardou est parait-il habité uniquement par des musiciens professionnels allemands. Dans notre descente sur le village, ce n'est pas de la musique que nous entendons mais les cris si caractéristiques de superbes paons (il y en a 11 dans le village).

 

Descente sur Bardou

 

 

Bardou

 

 

Comité d'accueil de Bardou

 

 

Dommage qu'il n'y ait pas le son qu'émet le beau secouant ses plumes devant la belle

 

 


 

 

Ne suis-je pas le plus beau ?

 

       Outre ces volatiles, nous rencontrons à Bardou un autre trailer Jean-Claude B. en reconnaissance avec son fiston sur le secteur Mons-Olargues. Je comprends en discutant avec lui pourquoi son visage ne m'est pas inconnu. Il fait partie du groupe d'organisateurs du Merrell Oxygen Challenge au Lioran. Je lui dis combien j'ai apprécié ce week-end prolongé de 2009 dans le Cantal et en particulier l'enduro trail traking. Cette manifestation, que j'avais défendue dans un CR, avait été attaquée à l'époque pour deux raisons : d'abord à cause du nom de la société (ASO) qui l'organisait (et qui l'organise toujours) et aussi parce qu'il y avait eu une polémique sur le grand trail de 75 km. En effet, des trailers avaient été déçus (on peut les comprendre) d'être stoppés dans leur effort alors que l'orage menaçait. Le cœur de l'orage était finalement passé un peu plus au nord ce qui avait mis en colère les coureurs arrêtés. Les mots de certains d'entre eux, sans doute sous le coup de la déception, avaient été un peu forts. Quand on sait ce qui s'est passé un mois plus tard au Mercantour, on peut difficilement en vouloir aux organisateurs d'avoir été prudents…

 

 

 

         Le lendemain mercredi, Olivier, mon binôme dans les raids multisports mais aussi mon compagnon de cordée lorsque nous avons fait le Mont-Blanc en … 1992 ('tain, ça fait un bail !) nous a rejoint à Mons. Oliver va le vendredi suivant faire ses grands débuts en trail. Depuis le temps que je lui parlais de mes courses, il a courageusement décidé de basculer du côté obscur. Etant un jeune padawan en trail, il souhaiterait ne réaliser que (!) la moitié de la course. Et donc, "décroché son téléphone il a" : Antoine Guillon lui a gentiment trouvé un néo-traileur de son village pour faire l'occitane en duo. Olivier doit faire la seconde partie de la course, ce qui représente la bagatelle de 59 km pour près de 4000 m de D+. Bel objectif tout de même !

         Ce mercredi donc, nous allons reconnaître le secteur Colombières-Mons (km 59 à 73 sur la course) comportant la montée au sommet du Caroux (contrairement à Chamonix, on prononce ici le x). Il fait un temps magnifique et le sentier des gorges de Colombières est superbe.

 

 

 

è pericoloso sporgersi

 

        

Troglodyte

 

 

Pas mal la piscine !

 

 

Hameau de la Fage

 

 

Traversée de la Tourbière du Caroux

 

         Arrivés sur le plateau, nous scrutons désespérément l'horizon à la recherche de mouflons, présents parait-il par dizaines. Nous n'avons sans doute pas été suffisamment matinaux. Nous nous contenterons à la descente d'une mouflone perchée bien haut sur son rocher.

 

Oui je sais, il faut une loupe pour la voir !

 

 

L'Orb n'est que 900 m en contrebas !
 

 

         La vue de la table d'orientation sur la vallée de l'Orb 900 m plus bas est magnifique.

         La descente est rocailleuse bien que peu pentue jusqu'au col de Bartouyre puis le chemin devient plus raide dans des grandes dalles soigneusement disposées comme un marchepied. Nous arrivons en milieu d'après-midi au niveau de la passerelle des Soupirs enjambant le torrent d'Heric. Nous avons tellement chaud avec Olivier que nous piquons une tête dans le torrent. L'effet est… vivifiant !

          Ce soir là, en repensant à la balade du jour, j'ai du mal à concevoir que la rando que nous venons de faire ne représente environ que le 1/8ème de la course du vendredi suivant ! On est quand même un peu siphonné !

 

         Le jeudi, veille de la course, nous jouons aux parfaits touristes en visitant le charmant village d'Olargues ainsi que le jardin méditerranéen de Roquebrun.

 

Cachez ce sein que je ne saurais voir ! Cette maison fut parait-il habitée jadis par la sage-femme du village.

 

 

Coussin de belle-mère du jardin méditerranéen de Roquebrun

 

 

Variété d'agave

 

 

Variété d'agave
  

 

         Le vendredi matin, nous nous rendons tranquillement vers Vailhan le village départ de la course. Je dois être un brin inconscient, car je ne me sens même pas trop stressé. Le temps est maussade depuis ce matin et il pleut par intermittence. Je prépare mes petites affaires pour la course et en particulier le sac que l'organisation propose d'acheminer à mi-course à Colombières.

 

         Lors du retrait des dossards, l'ambiance est bon-enfant et je croise quelques têtes connues, notamment à nouveau Jean-Claude B qui, pour cause de manque d'entrainement, ne va faire que la première moitié du parcours.

 Dans la soirée, il se met sérieusement à pleuvoir. Bouh, j'aime pas la pluie !

 

 

La course

         20 h 30 : c'est l'heure du briefing, nos organisateurs nous annoncent leur problème de débalisage. Antoine est donc en tenue de running, pour rebaliser certains secteurs. Les rubalises réfléchissantes placées à l'origine seront remplacées par des rubalises classiques de chantier. Il faudra donc être attentif.

 


 

 

Les bâtons ne resteront pas longtemps sur le sac !

 

         Olivier après quelques minutes d'angoisse est parvenu à trouver son binôme Cédric. Celui-ci fait aussi ses débuts sur trail de plus de 50 bornes mais il a l'air détendu.

         Nous ne somme pas très nombreux : entre 125 et 130 solos et une trentaine de relais répartis en duos et trios. Le speaker s'amuse à faire un sondage à main levée : "combien êtes-vous à débuter sur un ultra de plus de 100 km ?" Les quelques mains qui se lèvent confirment mon impression : c'est du lourd, il n'y a pas beaucoup de rigolos parmi les concurrents.

         20 h 50 : photos des kikous sur la ligne de départ ; comme attendu, les photos sont nulles : on voit surtout les bandes réfléchissantes sur les collants et coupe-vents mais pas trop les visages !

         21 h 00 : c'est le départ. Comme d'hab, je trouve que ça part bien vite autour de moi ; je me fais doubler par des flèches des deux côtés. Après un petit tour sur un sentier large et montant, nous descendons vers le barrage des Olivettes puis nous entrons immédiatement sur un single grimpant fort. Cette première bosse est courte et on enchaine ensuite sur des petits sentiers bien sympa alternant montées et descentes. À l'approche du hameau de Mas Rolland, environ au km 5 , nous entendons de plus en plus distinctement un accordéon. En passant devant le musicien noctambule, la traileuse qui me précède dit alors : "salut papa ! ". J'engage la conversation : elle m'apprend que l'on devrait retrouver son papa plusieurs fois sur le parcours ; quel bonheur elle doit ressentir à chaque fois qu'elle entend crescendo les douces mélodies jouées par son père ! Elle m'apprend aussi qu'elle est kikoureuse et se   surnomme totote01. Je vais jouer au yoyo avec elle pendant plusieurs heures en début de course, elle me dépassant dans les descentes et moi la rattrapant dans les bosses.

         Le parcours jusqu'au premier ravitaillement à Faugères (km 21 en théorie, plus certainement 19) est très agréable, pas trop technique et l'on peut y courir souvent. Deux kilomètres avant ce village, sur une portion de route, je me fais littéralement déposer par une demi-douzaine de coureurs. Je n'ai pourtant pas l'impression d'être arrêté ! Suis-je si à la rue que cela ? Je sens déjà une petite raideur dans les cuisses. Reste positif mec, ton genou ne te fait pas mal, tu fais ce que tu aimes par dessus tout, profite et reste zen car la course ne fait que commencer !

         Je parviens à Faugères en 2 h 28 ; on m'annonce aux alentours de la 55ème place dans le classement solos. L'ambiance est super sympa dans la salle des fêtes. Elle incite à trainer et à discuter ; j'essaie, sans vraiment y parvenir, d'être efficace : je bois une soupe, décroche mes bâtons de mon sac, remplis ma poche à eau et mon bidon et repars avec un peu de nourriture en main. 6 minutes d'arrêt tout de même ! Je mange en marchant dans les rues du village tout en réglant la hauteur de mes bâtons. Je sais que le parcours va maintenant devenir plus accidenté avec déjà une première bosse jusqu'à un moulin. En l'apercevant tout illuminé, j'essaie une photo magnifique…ment ratée.

 


 

         Le chemin est ensuite facile et ne me laisse que peu de souvenirs jusqu'à la descente à Soumartre. Juste avant, je commets ma seule erreur sur le parcours : me trouvant dans un groupe de trois, je suis un gars sans faire attention aux bifurcations ; soudain, je réalise que je n'ai pas vu de rubalise depuis un petit bout de chemin. Nous retrouvons notre chemin après un retour d'au moins 200 m. "Bruti", comme dit la marionnette des guignols d'un de nos anciens présidents. Je sais pourtant bien qu'il faut être vigilant aussi et surtout lorsque l'on se trouve en groupe. Après ce petit intermède, nous empruntons un petit single qui a du être taillé à la serpe pour notre passage ; je suis souvent obligé de me baisser pour passer sous la végétation mais l'impression de vitesse est bien sympa !

         Dans la montée qui suit, je rattrape à nouveau totote01 qui a du me dépasser lors de mon petit bonus dans la pampa. Elle est toujours d'aussi bonne humeur. Progresser quelques minutes avec elle vous remonte le moral !

         Cette petite grimpette de 200 m depuis Soumartre nous amène au pic de Tantajo qui surplombe la "mégapole" du coin : Bédarieux. La ville toute illuminée est magnifique depuis notre belvédère et la photo que j'en fais toujours aussi ratée. Les quelques gouttes de pluie qui tombent et le vent frisquet sur cette crête n'incitent pas à poser une fesse sur un rocher pour admirer le paysage. Dans la descente qui suit, je me fais encore déposer par plusieurs coureurs. Mais comment font-ils ???

         Le point bas de cette partie coïncide avec la traversée de la route reliant Hérépian à Faugères. Ensuite, je le sais, nous allons prendre globalement 350 m de D+ en plusieurs fois jusqu'au sommet du pic de la Coquillade. C'est au pied de la première pente que je rattrape et fais la connaissance d'Olivier et Jean-Charles. Ces deux coureurs se sont rencontrés sur le parcours de la CCC en 2008 (j'y étais aussi avec mes potes canard49 et Thierry). Ayant fini ensemble cette course un peu sans doute grâce à leur entraide, ils ont décidé de poursuivre cette expérience. L'un est belge, l'autre français mais depuis cette CCC 2008, ils écument les ultras en se fixant comme objectif de finir quoiqu'il arrive ensemble. C'est ainsi qu'ils sont notamment finishers de l'UTMB et qu'ils ont un petit objectif fin août de cette année : la PTL rien que ça ! Pour les non initiés, la Petite Trotte à Léon est une "coursette" en équipe de 2 ou 3 de 240 km avec une dénivelée ahurissante de 18000 m et qui a lieu le même week-end que l'UTMB à Chamonix. Je ne peux m'empêcher d'admirer leur façon d'envisager l'ultra, moi qui préfère plutôt être seul pour gérer aussi bien les moments d'euphorie que les coups de moins bien.

         Dans la pénombre, nous apercevons un pylône en haut de la colline que nous gravissons ; mes deux trailers en concluent que nous sommes presque arrivés en haut de la Coquillade ; je les mets en garde et leur précise qu'il y a au moins trois replats ou descentes avant d'atteindre le vrai sommet. L'avantage d'avoir potassé précisément le parcours, c'est que la carte défile devant mes yeux au fur et à mesure de ma progression. Sans m'en rendre compte tout de suite, je prends peu à peu le large. Je monte les côtes sans essoufflement prononcé sur un rythme de 10 à 14 m/min (600 à 800 m à l'heure) et je me sens de mieux en mieux. J'atteins avec plaisir le carrefour à partir duquel nous avons reconnu le parcours quelques jours plus tôt. Je bascule dans la descente vers Lamalou en essayant de ne pas trop m'entamer les cuisses dans les pentes les plus fortes. Dommage que les ruines de Saint-Michel, pourtant annoncées illuminées soient dans le noir. Juste en dessous, je me demande où nos GO vont nous faire passer pour rejoindre Lamalou. En effet, nous avons cherché sans le trouver dimanche dernier le sentier annoncé sur la carte. En fait, Antoine a décidé de nous faire descendre par la route. C'est moins agréable pour les pieds et les cuisses mais c'est plus rapide ! Nous atteignons la vallée et traversons l'Orb avant d'entrer dans Lamalou. Dans les faux-plats qui nous amènent vers le ravitaillement (km 45), je trottine mais je sens que je suis un peu entamé ! Je repense aux propos d'Antoine sur le site dans la rubrique "gestion de course" : il est impératif d'aborder les trois montées sur le Caroux après Lamalou en pleine possession de ses moyens ! Antoine étant un maitre dans l'art de la gestion de course, il faut prendre ce conseil très au sérieux. Mais euh, docteur Antoine, j'ai déjà mal aux cannes, j'ai pas bon ? Faut-il que j'aille me coucher ?

Des jeunes filles chantent à tue-tête à l'arrivée de chaque concurrent au ravito de Lamalou. Quelle pêche elles ont ! On m'annonce en 6 h 19 et en 40ème position. Je m'assieds pour me masser les jambes et me graisser les petons puis je vais me ravitailler, recharger poche et bidon. J'envoie un SMS à ma tendre pour lui signifier mon départ. Elle dort dans le camping-car à Colombières (prochain ravito) et mon SMS doit lui permettre de se lever dans le bon tempo pour me voir sur ce ravitaillement.

Alors que je m'apprête à sortir du ravitaillement, je reconnais l'épouse de Cédric le binôme de mon pote Olivier. Elle m'annonce qu'il se trouve à plus de 6 km de Lamalou et qu'il manque d'eau. Cédric, bienvenue dans le monde du trail ! Il faut sans aucun doute que ça arrive une fois dans la vie d'un trailer pour ensuite être toujours vigilant !

         L'info sur la position de Cédric a plusieurs conséquences : Olivier va pouvoir faire quasiment une grass'mat, le veinard, puisqu'il ne démarrera sans doute pas avant 7 heures de Colombières ; de plus, il va sans doute démarrer derrière moi, lui qui souhaitait le contraire avec l'espoir que je revienne sur lui pour faire un bout de chemin ensemble.

         Durée de ma pause à Lamalou : 21 min ! Je suis toujours aussi nul dans les arrêts au stand ! J'ai malgré cela presque une heure d'avance sur mon planning.

Bon, on entre maintenant dans le vif du sujet avec la première des trois grimpettes dans le massif du Caroux. Avant le prochain ravito de la mi-course, le topo annonce 13 bornes pour 800 m de montée et presqu'autant de descente. Je vais maintenant savoir si je suis comme je le pense très juste sur le long, si, malgré ma prudence, j'ai bien ajusté ma vitesse depuis le départ …

         Très vite, je reviens sur mon duo franco-belge qui m'a doublé au ravitaillement. Je passe à nouveau un moment agréable en leur compagnie. Ils me remercient de les avoir briefés sur les montagnes russes avant La Coquillade. Avant Combes, dans un secteur descendant, voyant exactement où nous sommes, je leur annonce au moins 30 minutes de montée ; alors que je mène dans la montée, je loupe une bifurcation à droite et me fais logiquement chambrer. Un peu plus haut, j'entends me semble t-il Olivier dire à son compère : "tu ne crois pas qu'on est un peu vite ? " Sans même en dire plus, je les sens lever un peu le pied. Quelle entente dans ce binôme !

         Je me retrouve donc à nouveau seul dans une montée sévère : on serpente en fait sur un itinéraire de VTT de descente. Certains arbres sont recouverts d'une protection sensée amortir le choc en cas de chute ; pour moi, à la vitesse de 2 km/h dans cette montée, les airbags sont un poil superflus !

         J'atteins le hameau de Madale. Je sais qu'il va falloir être courageux et se remettre à courir sur un chemin tout plat pendant deux bornes ; finalement, ça passe bien de même que la petite bosse de 80 m qui suit. Ensuite, nous attaquons la première vraie descente du parcours. C'est de la caillasse mais mes jambes répondent et je me surprends même à reprendre quelques coureurs : doubler en descente est pour moi un petit événement. C'est dans cette descente que je vois blanchir l'horizon vers l'est. Chouette, on va bientôt pouvoir poser la frontale qui à la longue me comprime la tête. Je parviens à 6 h 15 à Colombières. Heidi, mon épouse, m'attend en discutant avec des bénévoles. Nous entrons dans la salle de la mairie et on m'annonce 35ème solo. Dans la salle, des trailers somnolent sur des chaises ; sont-ce des relayeurs qui ont fini leur boulot ou des solos qui ont mis le clignotant ?

Je me change de la tête au pied me soulage les cuisses et les pieds et tente de manger ; à part la soupe, ça ne passe qu'à moitié.

         Les bénévoles se mettent en quatre pour nous aider : un des organisateurs, est-ce Pascal Llagone (?), vient prendre des nouvelles justement auprès d'une dame bénévole. Elle répond sur un ton enthousiaste qu'elle trouve l'expérience très enrichissante et qu'elle a déjà plein d'idées pour l'année prochaine. Avec des gens aussi motivés, on peut penser que l'Occitane est un trail parti pour durer !

         Comme d'hab, mon arrêt est bien trop long (30 minutes). Avant de sortir, Jean-Claude B, le coorganisateur de la Merrell oxygen, qui vient de donner le relais me souhaite gentiment bonne chance pour la suite. Il est 6 h 45 au moment où j'aborde la rude montée vers le refuge de La Fage par le sentier des gorges de Colombières. Le chemin étant bien raide et ma pause ayant été trop longue, la reprise est un tantinet difficile mais la belle lumière du matin me met de bonne humeur. Je reprends à nouveau mon binôme franco-belge. Nous plaisantons sur notre partie de yoyo mais Olivier me fait la remarque que je les rattrape de plus en plus vite après un ravito et donc que l'on risque de ne plus se revoir ! A cet instant, je ne pensais pas qu'il aurait raison.

         J'arrive à La Fage et je rejoins une traileuse avec qui je vais faire un petit bout de chemin. Raymonde est une sémillantes V3 qui réalise le second des trois relais sur la course entre Lamalou et Mons. Nous montons les dernières pentes qui nous amènent sur le plateau du Caroux en discutant de … La Réunion. Elle me donne des adresses de gites que je parviens à mémoriser malgré mes neurones (mon neurone ?) fatigués. Lors de notre reconnaissance, je m'étais promis de courir sur ce plateau et donc je me pousse au derrière pour trottiner. Ma compagne de galère, d'abord réticente, finit par prendre les devants et je m'accroche pour la suivre. Régulièrement, elle vérifie d'un coup d'œil qu'elle ne me sème pas trop. Je la guide pour le début de la descente car les rubalises ne sont pas très visibles ; comme elle descend plus vite que moi et qu'elle doit passer le relais au bas de cette descente, je lui demande de ne surtout pas m'attendre. Avant le col de Bartouyre, je ne peux m'empêcher de me demander si les trailers autochtones ne coupent pas les lacets car le sentier est vraiment peu raide et la forêt clairsemée incite à aller au plus court. Peut-être faudrait-il aborder ces choses là lors du briefing afin que la règle soit claire.

         La fin de la descente est plus exigeante mais se passe sans problème ; je suis maintenant bien dans la course et je sens qu'il faudrait un gros pépin pour que je n'aille pas au bout. Comme d'habitude, une fois passée la mi-course, mes interrogations sur le choix du rythme à adopter s'envolent et je me sens mentalement plus solide.

         Je traverse la passerelle des Soupirs mais je ne prends pas le temps de faire trempette dans le torrent comme l'autre jour. Il faut dire qu'il n'est que 9 h 30 du matin. Je parcours au petit trot les derniers hectomètres avant le ravitaillement de Mons en compagnie de ma petite famille. J'apprends que mon pote Olivier a démarré finalement plus d'une heure ¾ derrière moi. De mon côté, ma place n'a que peu évoluée (34ème) depuis le dernier ravito. Je me fais la réflexion en quittant Mons que je n'ai pas revu mon binôme franco-belge !

 

         Je démarre très doucement en mode marche dans les rues du village tout en grignotant un gâteau énergétique fabriqué maison. Je suis en effet un poil inquiet car je manque d'appétit et j'ai peur de le payer. Je suis vraiment obligé de me forcer car ça ne coule vraiment pas. Le secteur qui s'amorce est annoncé très dur avec 1400 m de D+ et 15 km jusqu'à Olargues. La dénivelée se compose de deux bosses entrecoupées d'une petite descente de 250 m de dénivelée. Je ne connais de ce secteur que la première montée jusqu'au hameau de Bardou, ensuite ce sera l'inconnue.

         Il commence à faire chaud. La digestion, la chaleur et le manque de sommeil se combinent alors et j'entre dans une phase de baisse de vigilance. Je ne tente même pas de lutter et ferme les yeux de temps en temps ; les quelques secondes de pertes de conscience me ressourcent. Pour me relancer, je scrute désespérément le sentier devant et même derrière mais je ne vois pas l'amorce d'un crampon de chaussure de trailer. Heureusement que les rubalises sont là pour me rappeler que je suis sur une course !

       La descente après Bardou est très jolie sur un monotrace coincé entre des murs de pierre sèche.

 


 

         Je prends le temps de photographier le Lac de l'Airette que nous n'avons pas réussi à voir l'autre jour lors de notre rando sur Bardou.

 

Lac de l'Airette

 

La montée qui suit me surprend. A l'étude de la carte, je m'attendais à un sentier montant tranquillement dans la forêt. Eh bien, c'est raide, dans de la caillasse et exposé au sud-est donc bien chaud. Je ne monte pas bien vite et je suis très essoufflé, bref ces sensations me rappellent étrangement le Grand Raid à La Réunion. J'aperçois un coureur derrière moi à moins d'un quart d'heure et, pour me motiver, je me fixe comme objectif de ne pas me faire reprendre. Enfin, le sentier s'infléchit un peu et je peux relancer en mode course avant d'atteindre le fond d'un beau cirque bien sauvage. Le sentier traverse ensuite une forêt de hêtres magnifique avant à nouveau un petit "coup de cul" pour prendre pied à un col (col de Peyre Azent ?).

 

 

        J'attends avec impatience le point d'eau annoncé sur le site et qui doit se trouver non loin. Ce n'est pas que je manque d'eau, c'est plutôt que je crapahute depuis plus de deux heures sans avoir rencontré âme qui vive et j'ai donc envie de voir du monde ! Effectivement, alors que j'aborde un coupe-feu dré dans le pentu, j'aperçois deux bénévoles un peu plus haut à l'intersection du coupe-feu avec un chemin carrossable. Ils sont super sympa et tentent de remotiver les troupes qui à ce point de la course en ont un peu plein les bottes. Ils m'annoncent qu'il y a un gars et une féminine quelques minutes devant moi. Pour m'encourager, ils me disent que je leur semble en meilleure forme qu'eux. A mon avis, ils doivent dire cela à tous mais l'entendre fait du bien. Une dizaine de minutes plus tard, j'arrive enfin au sommet du Montahut à plus de 1000 m d'altitude. La vue est vraiment superbe.

 

Vue depuis le sommet de Montahut

 

         Il ne "reste" plus qu'à descendre un peu plus de 800 m jusqu'à Olargues. Dans cette descente, je dépasse la féminine annoncée ; elle souffre de douleurs à l'estomac et ne parvient plus à s'alimenter depuis plusieurs heures. Je sais à quel point il est difficile de rester en course quand on souffre ainsi.

         Sur le bas de la descente, le petit sentier en bord de ruisseau rouvert pour la course est adorable et j'y prends beaucoup de plaisir. A la traversée de la route en arrivant dans la vallée, alors que l'on sent le ravito tout proche, je demande au bénévole : "est-ce qu'on grimpe à la Tour ?" Comme je le craignais, il me réponde par l'affirmative. Quelques secondes, je maudis ce N de M de d'Antoine car mine de rien, entre la rivière et la Tour d'Olargues, il y a plus de 60 m de dénivelée ! Non content de nous offrir ce bonus, ce coquin d'Antoine nous fait grimper par un talus dans lequel on cherche vainement un truc auquel s'accrocher ! Arrivé à la Tour, je retrouve Heidi qui m'avait repéré de loin grâce à ma casquette de kikou rouge pétante. Nous trottons ensemble dans les rues ombragées du village jusqu'au ravito. J'y reste un quart d'heure, le temps d'essayer de remettre à neuf mes cuisses et mes petits petons.

         Dans les cinq kilomètres qui suivent Olargues, les sentiers étant bien larges, nos GO ont eu l'excellente idée d'autoriser les accompagnateurs à suivre leur coureur. Je repars donc en compagnie d'Heidi. Elle n'a aucune difficulté à me suivre dans cette montée car comme au départ de Mons, j'ai un p'tit coup de Calgon avec une envie irrépressible de fermer les yeux. Mon état comateux dure un petit quart d'heure. L'étude de la carte m'a permis de m'apercevoir qu'après les 250 de D+ avalés au sortir du ravito, on navigue plusieurs kilomètres sur des sentiers en faux-plats montants ou descendants. Il est donc crucial de pouvoir courir dans cette partie, sans quoi on peut perdre un bon quart d'heure. Lorsque la pente s'infléchit, je me pousse donc au derrière pour trottiner ; comme toujours, après quelques minutes pénibles, je retrouve de l'aisance. Je suis à nouveau bien. Nous passons à côté de l'épouse de Ronan le kikou et nous lui apprenons qu'il se trouve sans doute devant et donc qu'elle a du le louper. C'est vraiment un super Sonicronan (je sais, c'est même pas drôle) !

         Après m'avoir accompagné une quarantaine de minutes, Heidi fait demi-tour vers Olargues. J'ai bon moral et c'est doute un peu grâce à elle si je suis si bien. Cependant, j'attends avec appréhension la grimpette de Naudech qui s'annonce : Antoine l'a annoncée redoutable avec 300 m de dénivelée sur une distance de moins d'un kilomètre.

         Les signaleurs placés au pied de ce raidard me souhaitent bon courage sur un ton qui en dit long. J'attaque donc au pied du petit monotrace en adoptant la technique créole du tipa tipa de manière à ne pas engorger les cuisses sur le bas. Mon alti m'indique +12 m/min ce qui compte tenu de la pente n'est pas terrible. C'est si raide qu'Il me vient l'idée de prendre une photo. Je sais par expérience que ça ne donne jamais rien et je ne suis pas déçu. Pour rigoler, je me prends aussi en photo, et je ne suis pas déçu non plus : la tronche du mec !!!

 

Dans la montée de Naudech

 

      


 

         


A l'approche du sommet, j'aperçois un coureur à l'arrêt en appui sur ces bâtons, visiblement épuisé. Je le rejoins juste au sommet. Son moral est au plus bas. Il demande de l'eau aux bénévoles chargés de nous pointer. Je lui annonce seulement 6 kilomètres jusqu'au prochain ravitaillement. Je m'engage devant lui dans la descente raide pleine de caillasses. Je tiens mon petit rythme pépère jusqu'en bas. Je n'ai finalement pas plus mal aux cuisses qu'il y a une dizaine d'heures et mon genou tient toujours. Je double encore un autre coureur avant d'arriver au village de Vieussan. En résumé, TOUT va bien !

 

         Heidi qui vient juste d'arriver en camping-car depuis le dernier ravitaillement n'a pas le temps de profiter de la fraicheur de l'Orb que nous traversons avant de pénétrer dans le ravitaillement. Elle est étonnée de me voir arriver si tôt. Elle me donne d'excellentes nouvelles d'Olivier qu'elle a pu voir à son retour sur Olargues. Moi qui craignais pour lui sur le secteur difficile entre Mons et Olargues, j'apprends qu'il y a mis le même temps que moi. Il a bon moral et va sans aucun doute finir. Cette nouvelle me fait un bien fou : j'avais très sincèrement peur que pour ses grands débuts, il se soit lancé sur un truc insensé ; je m'en serais voulu de l'avoir dégouté à jamais du trail.

 

         Je pointe donc à Vieussan en 18 h 46 en 29ème position. J'ai plus de 3 h d'avance sur mon planning. A moins d'un énorme coup de bambou, je n'aurais pas à remettre la frontale avant d'arriver. Je prends un Smecta pour soulager mon estomac qui me brûle, avale une soupe et grignote un peu sans appétit.

 


 

Je me force à partir avant le petit groupe qui vient de se former au ravitaillement. Si je quitte le ravito avec eux, je sais que le confort d'une progression en gruppetto risque de m'endormir et que je ne parviendrai plus à me faire mal pour finir.

 

Vieussan

         Il reste maintenant 15 bornes environ avec plus de 800 m de dénivelée répartis en deux bosses dont la première en fait près de 600. Les pentes à gravir à la sortie du village sont exposées à l'ouest et il crève de chaud. Je monte au maximum de mes capacités du moment mais je suis dans le dur et je n'avance pas bien vite. En basculant sur le versant nord plus protégé, l'air devient plus respirable. Je suis content d'apercevoir les ruines de la Tour du Pin ce qui signifie que nous abordons la descente. Celle-ci est d'abord technique en monotrace puis on rejoint un grand chemin qui descend en pente douce. Il se met à pleuvoir pendant quelques minutes ; pour une fois, je trouve cela bien agréable. J'ai la sensation de trotter sur un bon rythme mais dans le doute, je me retourne de temps en temps pour voir si des coureurs plus frais que moi me rattrapent. En fait non, personne derrière, mais je ne vois personne non plus devant ! Je consulte régulièrement mon alti pour repérer le point bas vers 300 m d'altitude. La carte annonce ensuite LA dernière vraie côte du parcours d'environ 200 m de dénivelée. C'est à ce point qu'un jogger me double avec son chien. Je le vois me distancer en quelques minutes car là où lui parvient à courir en souplesse, et bien moi je marche avec des pompes de skis aux pieds ! A l'approche d'un petit hameau, les rubalises nous font bifurquer à droite sur un chemin roulant. D'après ce que j'ai retenu du topo, nous devons plus ou moins suivre une ligne de crête sur des sentiers balcons avant la bascule sur l'arrivée à Roquebrun. Il n'y a donc plus à gérer, il faut essayer de ne (presque) plus marcher mais seulement courir, courir et encore courir. J'enclenche donc le mode course mais que mes godasses sont bien lourdes sur ces faux-plats ! Je traverse une route et enfin aperçois un coureur devant à environ 200 m. Génial, un point de mire ! Je reviens assez rapidement sur lui. En le rejoignant à un petit sommet, je me rends compte qu'un autre trailer est une vingtaine de mètres devant. En le rattrapant, je reconnais (sonic)Ronan ! Il a l'air dans un moment de "moins bien". Nous rattrapons immédiatement un autre coureur lui aussi visiblement dans le dur. Incroyable, moi qui étais seul depuis plus deux heures, je me retrouve dans un groupe de 4 ! Je les encourage en leur affirmant qu'il n'est plus l'heure de s'attaquer entre nous et que nous allons terminer à quatre en courant ! J'essaie de les convaincre que la course va être difficile à tenir au début mais que l'on devrait retrouver de l'aisance ensuite. Les premières minutes, personne ne parle, chacun gérant ses douleurs pour produire l'effort nécessaire. Puis je sens que mes compagnons vont de mieux en mieux car nous commençons à discuter. Michel qui est du pays et a donc participé aux reconnaissances avec Antoine Guillon, nous décrit la suite du parcours. En gros, son message est : "on a l'impression qu'on va descendre tout de suite mais il y a encore un bon bout avant". Arrivé à un petit col, nous rejoignons son papa qui se met à courir devant nous. On enquille à bonne allure un sympathique singletrack en forêt avec des descentes et des petites montées. Ce sentier devrait être ludique si nous avions encore de bonnes jambes, mais là, à chaque petite montée, nous reprenons le mode marche. Plusieurs fois, en arrivant à une épaule, nous pensons apercevoir en contrebas le village-arrivée. Mais il faut croire que c'est meilleur quand ça dure ! Enfin, Roquebrun apparaît. Nous en profitons pour faire une photo et repartons de plus belle.

 

Enfin, ça sent l'écurie !

 

         Le papa de Michel, d'un âge respectable, court toujours devant avec une légèreté admirable et il "envoie bien" dans cette descente ; mais, sentant l'écurie, nous suivons tous les quatre sans rechigner. A la sortie d'un lacet, nous rejoignons Heidi et Nico montés à ma rencontre. Si c'est pas d'l'amour ça ! En plus, c'est même la seconde fois qu'ils sont montés depuis le village, car la première, ils ont fait demi-tour lorsque l'averse orageuse leur est tombée dessus.

         Enfin nous entrons dans le village ; mes jambes me semblent légères et j'ai même l'impression que je pourrais continuer des heures !

 


 

         A l'approche de la ligne, Ronan nous demande de ne pas l'attendre car il souhaite fêter l'anniversaire de sa fille (6 ans me semble t-il) en passant la ligne avec elle. Notre accord étant de finir ensemble, nous ne changeons rien et passons la ligne non pas à 4 mais à 5 !

 

 

 


 

          Nous finissons 26ème en 21 h 53 (petit message à Antoine : est-il possible de classer les ex-aequo à la même place dans le classement sur le site ?)

         Antoine est là avec sa famille pour nous accueillir ; je le remercie chaleureusement pour la superbe ballade mais pour rigoler, je lui affirme que j'ai eu envie de lui casser la figure plusieurs fois dans la journée tellement le parcours nous avait réservé de surprises.

 


 

         Je fais la bêtise de m'asseoir pour déguster la bière offerte à l'arrivée ce que je regretterai au moment de me relever. C'est un palan qu'il m'aurait fallu !

         Un peu plus tard, Olivier finit dans un état de fraicheur étonnant. Il a finalement mis moins de temps que moi pour relier Colombières à Roquebrun et surtout, il a pris un plaisir énorme. Je crois qu'il est accro, à tel point qu'il s'inscrira quelques jours plus tard aux Templiers. Jeune padawan devenir jedi rapidement !

 


 

         De mon côté, comme souvent en ultra-trail, il m'est difficile de quantifier ma perf mais finir avec le kikou Sonicronan qui a fait 36 h au GRR est plutôt valorisant. J'ai ressenti souvent un certain manque de puissance en montée ; par contre, les descentes, mon point faible, sont passées comme une lettre à la poste. Les doutes légitimes sur la qualité de ma préparation m'ont fait débuter encore plus prudemment qu'à l'habitude, mais j'ai pris un énorme plaisir à partir de Lamalou. Le parcours y est pour beaucoup avec une variété de paysages et un bon équilibre entre secteurs roulants et techniques.

          Le plaisir ressenti tient aussi aux rencontres effectuées tout au long de la course. Je pense particulièrement aux futurs PTListes Jean-Charles et Olivier, à la charmante V3 que j'ai eu le plaisir d'accompagner sur le sommet du Caroux et à Sonicronan avec qui j'ai eu le privilège de finir la course.

 

         La cerise sur le gâteau de la soirée a été le repas d'après course, délicieux et arrosé sans trop de modération d'un doux breuvage du pays.

 

 

 

Encore une fois, un ENORME merci à Antoine, Pascal et toute l'équipe de bénévoles pour nous avoir fait visiter leur beau pays. N'hésitez pas au printemps 2011 à faire un petit tour dans le massif du Caroux ! Longue vie à la 6666 Occitane.

JP

 

PS : Alex (canard49), reviens nous vite, tu nous manques !

 

 

3 commentaires

Commentaire de Marco49 posté le 20-06-2010 à 21:20:00

Superbe commentaire l'ami.ça donne envie.
Marco49

Commentaire de canard49 posté le 02-07-2010 à 10:12:00

Comme d'habitude, c'est précis et puis il y a des photos magnifiques, une très belle promotion pour les organisateurs ! MAis comme tu ne t'inscris plus qu'à des "petites courses", il faudra patienter longtemps pour me revopir à tes côtés !
Encore deux récits comme celui-là et je ne réponds plus de rien, cela donne furieusement envie de recourir. Merci beaucoup pour le "PS" et surtout bon courage pour ton prochain objectif.
Bises
canard49

Commentaire de sonicronan posté le 02-07-2010 à 13:45:00

Bravo pour ce récit !
Tu mets du temps à le faire, mais ça vaut le coup.
Que de souvenirs.
J'ai l'impression que tu as bien géré ta course. Tes problèmes au genou, ne t'ont gênés qu'au début apparemment. En tout cas, tu paraissais plus en forme que moi sur la dernière section de la course.
C'est bon signe. Ca va performer fin Août !

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