L'auteur : LutetienND
La course : Pilatrail des Trois Dents - 42 km
Date : 6/6/2010
Lieu : Veranne (Loire)
Affichage : 2830 vues
Distance : 42km
Matos : Asics Trabuco 12
Sac à dos Eider
Objectif : Terminer
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Bon. Ca fait quelques mois que je trainais sur Kikourou pour me renseigner, en particulier dans la perspective de la préparation du Pilatrail. J'ai lu des récits de course, qui m'ont donné une idée de ce qui m'attendait. Comme le truc est derrière moi maintenant, je me suis dit que ce serait bien de partager ma modeste expérience sur ce trail.
Préparation :
Lever à 6 heures et départ de Lyon à 6h45 pour ma petite soeur et moi. Ma soeur part sur le 21km, et moi je vise le 42, qui sera ma première expérience de trail un peu long. Habituellement je cours des 20-23km en région parisienne avec 500/600 D+. Donc, c'est une nouvelle aventure pour moi. Objectifs : n°1 finir et en tirer une expérience, n°2 viser environ 5 heures ce qui semble atteignable pour moi si je fais une super course.
Mon épouse étant un rien inquiète et je me suis arrangé pour essayer de la rassurer sur ma progression. J'ai préparé 8 SMS (un tous les 5km), que j'ai stockés dans mon portable, et je n'ai plus qu'à lui en envoyer un à chaque fois que je franchis 5km de plus.
Les sacs à dos (pour moi) et porte-bidons (pour ma soeur) sont prêts depuis la veille. A l’intérieur des bidons, un mélange « spécial » concocté -et déja testé en trail court- par moi-même (moitié jus de pomme bio, moitié eau minéralisée Rozana dégazéifiée, sel, fructose pour un total de 50g/l de sucre). Il a fait super chaud la veille (32° à l'ombre), donc on va boire beaucoup d'eau.
En plus, j'ai envie de rester le plus longtemps possible en autonomie. Tant pis pour la vitesse de course, je me charge un peu :
La carte des deux parcours est dispo sur le site du Pilatrail le 21 km et le 42 km. Je me suis amusé à faire une petite animation video pour essayer de faire sentir à mes proches à quoi ça pouvait ressembler... là-haut.
Ma course :
Arrivée à Véranne un peu avant 8 heures. On est parmi les premiers au parking (grand champ, vraiment pas loin du départ). Il fait déjà un peu chaud pour le retrait des dossards. Juste avant le départ, je me dis que ce n'est vraiment pas la peine de trimbaler une couverture de survie, vu la température. Je la laisse dans la voiture. Il y a pas loin de 800 coureurs inscrits sur les deux distances, ce qui fait beaucoup pour un village de 600 habitants.
9h Discours des organisateurs, du maire, minute d'applaudissement très émouvante consacrée aux disparus du trail du Mercantour l'an dernier. L'organisation insiste beaucoup sur la chaleur, ce en quoi ils n'ont pas tord. Mais bon, on a entendu un peu beaucoup qu'"on allait avoir très chaud". La suite des opérations donnera d'ailleurs un sens tout particulier à ces mots.
9h15 Ca y est, le départ est donné sous un soleil déjà très chaud. Au bout de 500m, je trébuche et je fais un roulé-boulé sur le macadam : et hop, un genou en sang. Je me sens malin pour quelqu'un qui a prévu de passer 5 heures en montagne. Il y des coureurs gentils (ca va?) et d'autres que je sens un peu narquois. Rien de sérieux, mais je décide d'essayer d'être ultra vigilant pour la suite.
Ma soeur et moi avions prévus de courir ensemble la première partie mais, dès la sortie du village, on se retrouve séparés. J'essaye à deux ou trois reprises de l'attendre, mais il y a encore beaucoup de monde et je me fais bousculer chaque fois que je me retourne. Je me résouds donc à courir seul.
La première partie jusqu'au premier ravitaillement (km 10 Buet) se passe bien. Je me force à courir "lentement" et à prendre le rythme pour l'alimenation et l'hydratation. Premier SMS envoyé au km 5. Le parcours entre le km 6 et le km 9 est assez ombragé et très roulant. J'en profite pour courrir au maximum en souplesse.
Buet : le ravitaillement est plein de monde. Normal, on est au début et la foule est encore dense. Donc, fidèle à mon idée, je fais juste un stop à la fontaine, histoire de mettre de l'eau bien fraîche sur ma casquette et sur mon tee-shirt. 30s plus tard, je suis reparti. J'apprendrais à l'arrivée que l'organisation avait manqué d'eau plate sur ce ravito.
La montée sur Saint Sabin est assez lente. Tout le monde a chaud et marche. Envoi du SMS du km 10. Je dépasse quand même un coureur assis par terre, visiblement avec un début d'hypoglycémie (ou d'hyperthermie). Tout le monde lui demande si ça va. Il répond que oui, alors je décide de continuer (il doit être à 200m en dessous de la chapelle, donc pas loin des secours).
Chap St Sabin : 01:34:00 / Vitesse (depuis début : 7,0 km/h)
Après la chapelle de Saint Sabin, première section en monotrace sur un sentier un peu caillouteux, puis montée assez facile vers le col du Gratteau
Col Gratteau : 02:05:00 / Vitesse (depuis début : 7,2 km/h) (Tronçon : 7,7 km/h)
Après le col, le 42km quitte le 21km. Pour le moment, tout va à merveille, donc je n'hésite pas une micro-seconde avant de m'engager sur le 42km. L'organisation a dû le faire exprès : alors qu'on voit le 21km basculer et entamer la descente, le 42km attaque une côte vraiment pentue dans les sous-bois. Je suis tout seul (deux coureurs à 200m devant et 1 ou 2 autre à 200m derrière). J'adore ces moments de calme. Je commence à faire un peu attention au balisage : il ne s'agirait pas de faire 2km de trop.
Un jeune photographe (il doit avoir 12-13 ans) me mitraille avec un équipement de professionnel. Ca doit être le fils du photographe officiel de l'épreuve. Entre le col du Gratteau et le ravito n°2 (km 23) la trace est très très roulante. Elle monte en pente douce dans les bois. On a du mal à se repérer. Comme je trouve un peu le temps long, je regarde la carte assez régulièrement, pour essayer de la jouer "orienteur" et de savoir avec précision comment je progresse. Résultat : une seconde chute sur une racine traitresse. Et hop, le second genou ensanglanté. Ca saigne pas mal et comme je ne veux pas faire peur aux autres concurrents, je m'arrête pour laver tout ça avec l'eau de ma poche à eau. J'ai l'air malin. Mais bon, quand quelque minutes après une concurrente me demande si je sais quand est le prochain ravito, j'ai le plaisir de lui dire sans GPS : entre 1,5km et 2km. Quelques centaines de mètre plus loin, je commence à avoir un peu d’inquiétude car des crampes (face interne des cuisses) commencent à se faire sentir. Il y a encore beaucoup de distance, et la partie la plus difficile est devant. Il va falloir gérer.
Ravitaillement 23km : 03:00:00 / Vitesse (depuis début : 7,7 km/h) (Tronçon : 8,7km/h). Je suis exactement dans mon tableau de marche. A ce moment, je suis à peu près en 142ème position et il y a encore 247 concurrents en course sur les 290 inscrits. Je ne le sais pas sur le moment, mais c'est ce que j'ai pu compter en regardant les photos de tous les concurrents prises par le photogaphe officiel.
Je vais rester 4/5 minutes à ce ravitaillement. En fait, j'avais encore bien assez d'eau et de nourriture pour atteindre le prochain ravito et je ne comptais pas m'arrêter. Mais un des benévole a l'air inquiet et demande à tout le monde "si quelqu'un a un portable Orange?". Je finis par comprendre que , à cet endroit, le réseau SFR ne passe pas et que, malheureusement, tous les bénévoles sont sur SFR. Et il semble qu'il y aie une mini urgence médicale. Je passe donc mon portable, la bénévole va "chercher le numéro qu'elle doit appeler". Pendant ce temps, je mange un p'tit morceau de banane. A ce ravitaillement, plus d'eau plate non plus. Pas grave, j'ai ce qu'il faut.
Mon passage vers le 23ème km
Après le ravitaillement, on attaque les crêtes. Les nuages ont commencé à monter et le ciel devient franchement sombre vers l'ouest. Il est midi-mdi trente, et je me dis qu'on est bon pour de l'orage, et pas à 5 heures de l'après mid. La trace commence à serpenter devient beaucoup plus technique : cailloux, végétation, sous-bois,... Je m'amuse, tout en combattant pied à pied (c'est le cas de le dire) mes crampes, qui reviennent assez régulièrement, les sournoises. Je jette de temps en temps un oeil sur le paysage, mais pas trop, car je souhaite avant tout ne pas tomber encore. Ce serait la crampe "dure" assurée. Je dépasse quelques concurrent(e)s. A chaque fois, quelques mots de partage. Sympa. Dans la descente entre la Jasserie et le Crêt de la Botte, une armée de moucherons a décidé de faire barrage aux coureurs. Comme je cours la bouche ouverte, il y en a deux trois qui en profitent pour assailir mon gosier. J'entends une coureuse derrière qui râle après les moucherons. Toutes ces crêtes "casse-patte" ne se passent pas trop mal pour moi. J'alterne course et marche, mais j'ai l'impression -mis à part mes crampes- que j'en ai encore pas mal sous la pédale. Curieuses ces crampes : elles disparaissent complètement pendant 2/3 km, puis, tout à coup, reviennent et à chaque fois, un peu plus fort.
Crêt Perdrix : 03:16:45 / Vitesse (depuis début : 7,5 km/h)
La Jasserie : 03:39:45 / Vitesse (depuis début : 7,4 km/h) (Tronçon : 6,5km/h)
Crêt Botte : 04:02:30 / Vitesse (depuis début : 7,5km/h) (Tronçon : 9,2km/h)
Crêt Oeillon : 04:17:30 / Vitesse (depuis début : 7,3 km/h) (Tronçon : 4,0km/h)
Au passage du crêt de l'Oeillon, deux jeunes enfants me regardent passer d'un air apitoyé (ca doit être le sang sur mes genous et mon coude). L'un d'eux me dit "M'sieur, il y a une ambulance juste en dessous". Je rigole et je lui répond le traditionnel : "pour le moment, mon garçon, je ne suis pas encore mort". Deux pique-niqueuses nous offrent du café, mais ça ne me fait pas trop envie. A ce moment, je suis presque encore bon sur mon tableau de marche pour les 5 heures (du moins, je le crois). La descente Oeillon, Gratteau est un moment de pur bonheur. Je suis bien, la piste est amusante et sèche, et j'en profite pour me lacher un peu.
Col Gratteau : 04:27:30 / Vitesse (depuis début : 7,4 km/h) (Tronçon : 9,0km/h)
Arrivé au ravito du col du Gratteau, il y a pas mal de coureurs. Le temps semble de plus en plus menaçant, et je ne veux pas me faire "prendre par l'orage" sur les trois dents. Je décide donc de ne pas m'arrêter, sauf pour remplir un bidon d'eau (j'ai fini mon eau plate dans les crêtes).
Juste après le passage du col du Gratteau, la trace devient vraiment "montagnarde". Je réalise que je ne pourrais pas avancer assez vite pour suivre mon tableau des 5 heures. Vu sur la carte, je n'avais pas anticipé que cette partie serait si "tourmentée". D'autant plus que, au moment où j'attaque l’arête des trois dents, alors que je rigole avec un bénévole : "J'espère que vous avez un parapluie"?, un gigantesque orage s’abat en quelques secondes sur la montagne. Eclairs à droite et à gauche, pluie torrentielle. Il n’y a rien à faire : il faut continuer pour sortir au plus vite du passage aérien. Les lunettes de vue sont devenue inutilisables, mon portable que je n'ai pas protégé dans sun sac pastique (pour pouvoir envoyer mes fameux SMS) prend l'eau. On n'y voit pas à 3 mètres et on a du mal à suivre le balisage. A un moment, le coureur devant moi perd le chemin. J'entame la montée de la dernière des trois dents. Paf, glissade sur un rocher et je prends une violente crampe au mollet en essayant de me rattraper. Je tombe dans la végétation ; il pleut tellement que je ne sais plus où est le sentier,… J'essaye d'étirer mon mollet, mais après toutes ces heures de course, je n'ai plus la souplesse voulue. Pendant un moment, je ne parviens pas à maîtriser ma crampe et je redoute de ne pas pouvoir repartir. Après une petite minute d'efforts, j'arrive enfin à me remettre deboutet à m'étirer. Rien de bien grave, mais un moment disons…délicat!
Les trois dents… vues par beau temps (photo prise en Décembre). On voit bien le sentier du trail qui serpente vers les dents. Ensuite, c’est presque de l’escalade !
Fin 3 dents : 04:49:30 / Vitesse (depuis début : 7,3 km/h) (Tronçon : 5,5km/h)
Ravit. 39km : 05:15:00 / Vitesse (depuis début : 7,4 km/h) (Tronçon : 9,4km/h)
Arrivée : 05:36:55 / Vitesse (depuis début : 7,7 km/h) (Tronçon : 11,0km/h)
La descente depuis les trois dents jusqu’à l’arrivée se fera pendant près d’une heure sous la pluie. Il fait encore assez chaud, et je n'ai pas pris froid (je n'avais pas emporté de coupe vent dans mon sac). Le chemins sont transformés en petits torrents. Ca glisse, c'est super-technique et il faut s’accrocher aux arbres. A la moindre glissade mal négociée, la crampe au mollet reviendra et cette fois, elle risque de ne pas repartir. Je vois pas mal de coureur avec le dos boueux (glissade en avant). Je me sens bien. Je sais que sauf accident, j'arriverais. Mis à part mes crampes, je sens que j'ai encore pas mal d'énergie. Je "saute" le dernier ravitailement (4 km de l'arrivée, c'est vraiment proche). J'ai tout ce qu'il faut sur moi. J'entends un coureur se demander si le trail fait 42 km ou 43km (ravito au km 39, et pancarte indiquant arrivée 4km...). Dans les derniers kilomètre, je ralenti un petit peu pour "déguster" le final. Tant pis pour le chrono. Vu les conditions météo, ce n'était pas l'année à viser une perf. Je rattrape deux coureurs. J'échange quelques mots avec l'un d'entre eux. On est tous les deux supers content de ce beau trail et de l'aventure qu'on vient de vivre.
Arrivée dans le vilage de Véranne. Juste après avoir rejoint le macadam (ça existe ce truc?), une dernière côte de 50m nous fait rire... jaune (car un peu mal aux pattes quand même). On entend le speaker. Je n'ai pas envoyé de SMS depuis le début de l'orage (et pour cause...) et je me dis que ma petite femme doit s'inquiéter. Je lui avait dit 5 heures, et voila que j'ai mis 5h30. Elle doit se demander où je suis.
J'arrive tout heureux, en 5:37:06, 124ème sur 224 classés (23 abandons depuis le ravitaillement du 23ème kilomètre), 36ème V1 sur 72. Ma vitesse moyenne sur le parcours est de 7,7km/h. Ca me fait bizarre d'avoir courru aussi longtemps. L’objectif de départ était 5:00:00, mais compte tenu des conditions météo et de l’interruption de l’entraînement pendant un mois pour cause de doigt de pied cassé (dans mon salon, mais ça, c'est une autre histoire), le résultat est honorable pour une première expérience.
J'apprends à l'arrivée que les organisateurs on neutralisé le passage des trois dents quelques minutes après que je m'y soit engagé. C'était une très bonne décision, compte tenu de l'orage, mais je suis très content qu'ils aient pris cette décision... après que je sois passé. Ca aurait été dommage, après tant d'efforts, de manquer cette partie-là. Pour tout dire, j'aime bien quand les conditions se dégradent un peu et qu'il faut faire face aux éléments.
La petite famille était un peu -beaucoup- inquiète à cause de l’orage, mais tout est bien qui fini bien. Ma soeur était aussi très contente de son 21km. Un petit tour sous les douches ; un autre chez les infirmiers pour faire désinfecter correctement mes trois bobos, et en route pour un retour sur Lyon. On a un TGV à prendre. Sur le coup de l'arrivée, pas vraiment envie de gouter à la paella des organisateurs. Pas faim. Mais dans la voiture du retour, je commence à avoir super faim. Arrivé chez ma soeur, c'est deux assiettes de pâtes plus un bol de taboulé qu'il me faudra pour combler mon tout petit creux !
Attention : suite à l'orage, le champ/parking était devenu super gadouilleux. On a failli ne pas réussir à sortir la voiture... et je ne me voyais pas en état de la pousser !
Les leçons que je tire de cette expérience
3 commentaires
Commentaire de Gazel posté le 09-06-2010 à 21:52:00
Merci pour ton récit, moi qui n'ai fait que le 21 km suis content de connaitre le vécu des courageux du 42 km ! Soignes bien tes bobos, et tant pis pour le virus du trail :)
Commentaire de manu3842 posté le 27-06-2010 à 20:00:00
Bravo à toi, j'étais également sur le 42 km et c'est vrai que cette année les conditions étaient très difficile. Tu as attrapé le bon virus et ce qui compte c'est de prendre du plaisir alors continues dans cette voie.
Manu
Commentaire de Arclusaz posté le 27-05-2011 à 17:28:00
merci pour ce CR très bien écrit.
je le découvre un an plus tard en cherchant des renseignements sur le Pilat Trail (20 km) que je vais courir la semaine prochaine.
Ton CR me fait regretter de ne pas pouvoir m'aligner sur le grand parcours (pour ne pas me griller en prévision d'autres échéances proches).
L'année prochaine peut être ....
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