Récit de la course : Trail 91 2004, par LeSanglier
L'auteur : LeSanglier
La course : Trail 91
Date : 11/9/2004
Lieu : Mondeville (Essonne)
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Distance : 91km
Objectif : Terminer
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Un premier ultra-trail
Décision
Seulement un an après avoir démarré la course à pied, et sept mois après le début de l’entraînement sérieux, j’ai décidé de me lancer sur une épreuve de longue distance. Le Trail 91 me faisait de l’œil, et je me suis décidé pour cette course lorsque le président de mon club, l’ASFR&D Issy-les-Moulineaux, nous l’a proposée en remplacement du Paris-Versailles annulé cette année. Il ne pensait pas à priori à ce que quelqu’un s’inscrive en individuel, mais plutôt engager quelques équipes de cinq coureurs, chacun réalisant une des cinq boucles différentes du parcours. C’est pourtant en individuel que je lui ai confirmé mon inscription. Au programme, 92km en cinq boucles formant les pétales d’une fleur dont le cœur est la ville de Mondeville. Les boucles sont de respectivement : 24,8, 15,2, 16, 24,4 et 12km. Dénivelé annoncé : 1200m positif, pas énorme au vu de la distance, mais il va falloir les monter quand même ! Les boucles sont réalisées en autonomie, au centre à Mondeville sont disponibles ravitaillement et massage.
Préparation
Début juillet, mon entraînement spécifique commence : sorties en forêt, spécifiques dénivelé, longues (3h30) camelbak au dos. Ceci sur six sorties hebdomadaires, pour un kilométrage variant de 50 à 100km. Fin juillet début août, trois semaines en Espagne (Baléares) sous une chaleur importante (35° et plus) avec des dénivelés impressionnants (1500 de D+ sur une sortie de 5h).
La guigne
Retour d’Espagne mi août, dans un état de fatigue important, bizarre… Le lendemain de ma reprise du travail, j’étais en mauvaise forme, fiévreux. Le surlendemain, des boutons sur tout le corps, aïe… Médecin, bilan : varicelle, douze jours d’arrêt et pas de sport évidemment ! La mort dans l’âme, je mail le présiden de mon club pour lui annoncer mon désistement : près de quinze jours d’arrêt deux semaines avant la course, ce ne serait pas raisonnable… Les douze jours se passent, je n’attends pas le treizième pour reprendre l’entraînement. Première semaine, une quarantaine de kilomètres. La seconde un peu plus, je me sens bien, je rappelle mon président qui n’y comprend plus grand chose le pauvre ! Je me réinscris, cette fois ça y est ! Dernière semaine très légère, pas question de forcer quatre jours avant la course.
L’avant course
J’avais choisi d’aller dormir sur place, le départ devant être donné à 5h le matin suivant. L’organisation mettait à notre disposition la salle polyvalente pour disposer nos sacs de couchage. Ce fut l’occasion de connaître quelques uns des participants et organisateurs, tous très chaleureux et prévenants. Des récits incroyables égayèrent la pasta party, je pense notamment à cette jeune femme à l’allure si fragile ayant abandonné l’UTMB quinze jours avant et voulant plus que tout terminer cette édition du Trail 91, après deux abandons les années précédentes. La nuit est courte et peu reposante, difficile de trouver le sommeil en pensant à l’épreuve du lendemain…
Première boucle
Lever 3h30, préparation, équipement, vérifications, tout y est. On se rassemble après le speech de Jean-Pierre Delhotal, l’organisateur, derrière la ligne de départ. Rassemblement assez amusant de 118 coureurs, portant qui une lampe torche à la main, qui une frontale, sauf un seul coureur, qui depuis la première édition, fait sa première boucle sans lumière. Des yeux de chat sans doute ! Et c‘est parti ! Le peloton s’étire rapidement, on s’en rend bien compte dans la plaine, avec les lampes loin devant et loin derrière. Je me place à peu près dans le milieu du peloton, décidé de courir ma première boucle entre 10 et 11km/h. Je colle un groupe de trois coureurs qui se connaissent et n’arrêtent pas de papoter. Les kilomètres s’égrènent, passage en forêt, premières difficultés passées en marchant, et bien vite l’aube qui se lève. Première boucle terminée en environ 2h40 avec un vétéran 1 sur les derniers kilomètres. Le temps prévu est un peu dépassé, mais tout va bien pour le moment. Changement de cuissard (passage du long au court), je garde mon tee-shirt long, il ne fait pas encore très chaud. Je laisse mon camelbak et prend le porte-bidons pour cette boucle plus courte, passe des runnings route au runnings trails : pile dix minutes de pause, ce que j’avais prévu.
Seconde boucle
Elle est beaucoup plus technique : du sixième ou douzième kilomètres se succèdent des difficultés bien cassantes. J’ai la bonne surprise de repartir en même temps que le V1 avec qui j’ai fini la boucle précédente, et nous allons nous relayer presque tout le long de cette boucle. Cette étape est plaisante : passages en sous-bois entre les rochers égrenant les sols sableux, c’est technique et divertissant. On est concentré sur le parcours et on oublie nos petites douleurs et ce qui nous attend. Vers le onzième, je me relâche un peu et chute, sans gravité apparente. Mais sans doute énervé par cette faute, j’accélère sans y prendre garde et lâche mon collègue V1. Je finis la boucle assez rapidement, mais me retrouve au ravitaillement avec des crampes aux mollets. Résultat, je m’étire longuement, et vois repartir le V1 avant moi, je ne le reverrai pas avant la fin de la boucle 3. Nouveau changement, je passe au débardeur, il commence à faire chaud, et je garde le porte bidon, encore suffisant pour la boucle 3 de seize bons kilomètres, et c’est reparti ! Je ne sais pas trop combien de temps a duré cet arrêt, sans doute ¼ d’heure.
Troisième boucle
Je me souviens juste avant mon départ des paroles du futur troisième de la course qui me lance : tu vas voir, sur celle-là, tu vas t’emm… ! C’est donc en rechignant un peu que je m’élance, et en effet, les débuts sont assez mornes. Je double deux coureurs repartant cool, et un autre solitaire un peu à la ramasse. Et là ça commence à fatiguer sérieusement, et j’avoue ne pas garder de souvenirs précis : les minutes se succèdent, semblables les unes aux autres. La Montée des Italiens, impressionnante, vient casser ce faux rythme, mais ça reste difficile. Retour sur la plaine menant à Mondeville en fin de boucle, c’est terrible : le vent souffle fort, la plupart des coureurs marchent. Je fais les quatre derniers kilomètres avec un type en tenue de triathlète, qui me descend un peu plus le moral, en me disant que pour lui c’est fini, il ne repartira pas du prochain arrêt. Je puise des forces je ne sais trop où, et arrivé à Mondeville, je cavale à bonne allure sur le dernier kilomètre, me demandant si je n’allais pas arrêter aussi. Et là à l’arrivée, une dizaine de coureurs de mon club, inscrits dans la course en équipe, m’acclament ! Revigoré par cet accueil, je ne rends pas mon dossard et pars dans la salle de ravito m’alimenter et m’étirer un peu. J’apprends que le premier arrivé au 55 a abandonné, il passe au micro pour une interview. Aïe, si les meilleurs abandonnent… Un arrêt d’environ ¼ d’heure, changement de cuissard, retour au camelbak, et c’est reparti, le moral mitigé : la quatrième est donnée par tous comme la plus dure !
Quatrième boucle
Je repars tout guilleret pourtant, photographié par mon président de club : ça motive ! Et puis très rapidement, plus personne : plus de spectateurs, plus de coureurs… Ca devient très dur ! J’avance, tant bien que mal, essayant de me repérer sur le profil que j’ai découpé et attaché à mon camelbak. Un autre coureur s’est arrêté et déballe un sandwich, il me propose le second, je refuse avec un geste dégouté, raahh comment avaler ça maintenant, déjà que les gels énergétiques ont du mal à passer ! J’arrive enfin à la mi boucle, dans un assez mauvais état, je clopine sur un sentier pavé. Ca continue bon gré mal gré, je double un gars encore moins frais que moi, je me fais doubler par un autre moins touché. Et puis je finis par retrouver mon mangeur de sandwich, qui était assis sur le bord du chemin. Nous repartons ensemble, un autre coureur, un V1, nous rattrape, et nous marchons quelques kilomètres tous les trois, parlant de la course. Nous lâchons le V1 dans une montée, et décidons de trottiner un peu, à priori d’après le profil qui pend à mon camelbak l’arrivée n’est plus très loin. Malheureusement, les boucles ont été un peu modifiées, et le chemin restant n’était pas si court… Je ne peux plus suivre, et laisse mon collègue partir devant. Un type me double à toute vitesse en descente, incroyable, je me demande toujours si c’est un individuel ou un équipier ! Je finis la boucle à la ramasse, complètement épuisé, prêt à abandonner. Et encore cet accueil devant la salle des fêtes, ma sœur, mon beau-frère, mes collègues de club et le reste de la foule, ça me remotive ! Par contre le speaker annonce mon nom, et en même temps que j’abandonne ici ! Je fais signe que non, et il se reprend, mais tout de même, encore un coup au moral… Je reste une bonne demi-heure au ravito : les coureurs déjà arrivés me remotivent, je m’étire soigneusement, car en arrivant, je n’avais plus du tout de jambes. Je bois beaucoup de coca, d’eau gazeuse, je mange un peu, et je me concentre sur ce qu’il reste à faire. Et c’est reparti !
Cinquième boucle
Incroyable, je repars sous les ovations, je suis euphorique ! J’ai peur de partir trop vite et de griller mes dernières forces, mais tant pis ! Je continue à cette allure, et bizarrement, les jambes tournent. Quand ça devient dur, je m’accroupis, m’étire un peu, et ça repart ! Alors le moral remonte, et je vais passer toute la boucle à courir, excepté sur les trois grosses côtes ! C’est ma meilleure moyenne je pense, j’ai repris deux individuels, et doublé une équipière qui terminait sa cinquième boucle ! Ma sœur m’attendait trois cent mètres avant l’arrivée, je discute un peu avec elle sur deux cent mètres, et je franchis enfin la ligne, après 92,4 km, heureux comme un roi !
L’après-course
Chaude ambiance, les coureurs se félicitent, je retrouve mon compagnon de fin de quatrième boucle, mon V1 de deuxième qui a laissé tomber au 55… C’est la joie qui domine, et on ne trouve pas à redire sur les chronos des uns ou des autres. Seuls ceux qui ont abandonné en cours (et ils sont nombreux) ruminent leur course, cherchant ce qui a cloché. Etirements tout de même, de la boisson encore (y compris du kir) et un nouveau changement. Au final, pas de grosse douleur, juste les jambes lourdes, un ongle noir, l’épaule gauche endolorie. Je ne pensais pas finir si frais ! On m’annonce que je finis 38ème au général, sur 118 partants. Pas si mal finalement !
Conclusion
J’ai adoré l’ambiance, l’organisation, les passages techniques, la première boucle de nuit. J’ai beaucoup moins aimé les longs passages en plaine, sur les chemins à vache, en plein vent. Je confirme que ce genre de course permet d’approfondir la connaissance de son corps et de ses limites. Je garderai un sacré souvenir de cette première longue distance, et remercie largement organisateurs et supporters pour leur soutien indispensable !
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