Récit de la course : Grand Raid Dentelles du Ventoux - 100 km 2010, par Fat Burner

L'auteur : Fat Burner

La course : Grand Raid Dentelles du Ventoux - 100 km

Date : 15/5/2010

Lieu : Gigondas (Vaucluse)

Affichage : 1580 vues

Distance : 100km

Objectif : Pas d'objectif

3 commentaires

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Le récit

Bonjour à tous.

 Pour mon plus grand bonheur, je viens de finir les 100 km du Ventoux. Cela fait un an que je cours régulièrement et je n’avais pas dépassé 40 km. J’avais très envie de faire ce trail mais avec peu d’expérience, les quelques compte-rendus que j’ai pu lire m’ont beaucoup apporté. Je voudrais ici par cette humble et très personnelle contribution permettre à mon tour à de futurs participants de trouver quelques pistes de réflexion en ce qui concerne la préparation et la participation.

  

Mon objectif était de finir ces 100 km. N’ayant pas dépassé les 40, et souvent avec des douleurs musculaires, je ne me suis pas mis de pression. Je ferais de mon mieux pour réussir, mais si le physique ne suivait pas, j’étais déjà prêt à abandonner pour préserver l’avenir. Mais il fallait quand même bien un entrainement spécifique. Mon emploi du temps me permettait 2 à 3 séances maximum par semaine, alors que beaucoup de guides en recommandent 4, pendant au moins 3 mois. J’ai essayé de faire chaque semaine 1 séance de fractionné, si possible en côte, que j’adaptais en fonction de la motivation. Ce n’était pas toujours facile et dès que je peinais, je me disais que plus je souffrais à l’entraînement, moins je souffrirais en course. Je ne le regrette pas ! Lorsque je ne pouvais faire que 2 séances, je faisais durer la 2e entre 2h et 2h30, si possible avec du dénivelé aussi. J’ai fait un dernier entraînement le lundi, 6 jours avant la course : 16 km à 12 de moyenne, pour moi c’est bien. Je voulais pédaler 1h cool le mercredi mais il a plu des cordes donc repos toute la semaine, couché tôt et mini sieste le vendredi. La nuit a été courte mais je m’étais bien reposé avant. Je me sentais physiquement prêt.

 

Quand le physique va, le mental peut suivre. Pour mettre toutes les chances de mon côté, je décidais vite de ne voir que le bon côté des choses, de tout positiver. Je savais que je ne me dirais pas : « plus que 90 km, plus que 80… » mais plutôt que je prendrais chaque étape (entre 2 ravitaillements) comme un pas de plus vers mon objectif. Je me concentrerais ensuite uniquement sur le suivant. J’avais beaucoup lu qu’il fallait être frais à mi-parcours pour bien finir. Ce conseil général paraissait logique et décidait donc de l’adopter en partant lentement. J’écouterais mon corps s’il me disait de ralentir mais je me méfierais si je me sentais pousser des ailes trop tôt, et je n’irais pas vite non plus dans la descente du Ventoux pour pas ne le payer plus tard. Enfin, pour se sentir l’esprit libre, je devais pouvoir compter sur moi en cas de coup dur et pas uniquement sur l’organisation (excellente par ailleurs). Mon sac pesait 6,5 kg. J’ai surpris sur la ligne de départ 2 coureurs qui se demandaient pourquoi faire des sacs aussi légers et les remplir autant ! J’ai toujours privilégier la sécurité : j’avais donc 3 litres d’eau, à manger, 2 frontales (au cas où la principale tombait en panne, je me voyais mal changer les piles dans la nuit noire !), 1 T-shirt de rechange… C’était un poids physique supplémentaire qui m’a allégé l’esprit. C’était peut-être mal placé mais j’étais fier de voir un de ces coureurs finir derrière moi. Voilà, j’avais fait le tour de ce qui pouvait arriver, je me sentais psychologiquement prêt.

 

J’avais 1h de route et me suis donc levé à 01h45 après avoir vaguement somnolé, ce que j’avais anticipé ; et bien reposé par ailleurs, cela ne m’a pas déstabilisé. Un dernier regard à la météo : pas de pluie au programme mais du vent et du froid. Quels vêtements porter ? Je n’avais pas prévu ce dilemme qui m’a perturbé ! Après réflexion je décidais de partir avec un T-shirt manche longue et de laisser dans le sac le T-shirt manche courte et le coupe vent. Sur la ligne de départ, les coureurs taillés pour la victoire étaient encore bien plus légèrement vêtus. J’optais pour un collant long. Affaire réglée, en avant !

  

Etape 1 : Du départ au Lac du Paty

18 km avec 840m D+ : pas de difficulté ; je suis parti très doucement en me disant que pour arriver au 50 km en ayant encore de la ressource il fallait partir beaucoup moins vite que pour les trails courts ; et d’ailleurs la majorité des coureurs sont partis très lentement, à la frontale, c’est une autre ambiance… Quand arrive le ravito je me sens super bien et revoir du monde en mangeant un peu laisse le moral intact. Dans la nuit, il faut plus se concentrer sur l’environnement et tous les sens sont en éveil ; de plus, vivre la lente montée en puissance de la lumière depuis les collines a permis de ne vraiment pas voir le temps passer.

 

Etape 2 :

12 km avec 1 montée de 630m D+ :

1 petite difficulté sur un parcours court, toujours lentement, c’ était d’autant moins difficile que le soleil se levait et nous permettait de découvrir un paysage grandiose. Psychologiquement, j’abordais donc simplement en me disant que les points positifs de cette étape étaient 1- la courte distance 2- une seule montée et 3- cette montée étant au début, après 4,5 km il n’y aurait plus qu’à laisser filer tranquillement la descente jusqu’au ravito. Ce 1er ravito salé et consistant était encore le bienvenu. Contrôle des sacs avant le départ pour vérifier le coupe-vent et la couverture de survie : on annonce -7° au sommet du Ventoux ! Je me change comme tout le monde ou pas ? Finalement, je décide de garder mon manche longue quitte à changer en cours de route si nécessaire.

 Etape 3 : l’ascension du Ventoux : 1500m D+ sur 9,6 km !

Comment faire comprendre à l’esprit que c’est une bonne nouvelle ? D’abord, c’est pour ce genre de sensations qu’on fait tous ça, alors il faut profiter des sensations et ne pas subir les contraintes physiques ! Je l’ai voulu, j’y suis ! A moi de faire en sorte que ce soit un succès ! Je sais que c’est la plus grosse difficulté et qu’après il y a une descente. Je relativise et décide de prendre mon temps. Je marche d’un bon pas très régulier. Après 6,5 km on rentre dans le nuage et on ne voit pas très loin, j’accélère un peu pour contrer l’effet du froid.

 Le corps résiste bien mais je n’ai que des mitaines avec mes bâtons et les doigts commencent à s’engourdirent. A tour de rôle je mets mes mains sous mon T-shirt pour les réchauffer ; ça me permet de tenir sans problème jusqu’au ravito : soupe chaude et tout le reste. J’ai mis 2h30 alors que l’extra terrestre (terme affectif bien sûr) qui a finit premier du parcours court a mis 1h30 ! Nous avons partagé le même parcours et chacun a pu remplir un objectif diamétralement opposé. Bravo Hervé ! Pour profiter de la chaleur humaine qui règne autour des très sympathiques bénévoles, j’y passe un quart d’heure. Sûrement un peu trop !

 

Etape 4 :

14,5 km, 260m D+ et 1600m D- !

Psychologiquement, je ne me pose aucune question : l’évidence du parcours conclut tout seul : uniquement de la descente régulière et au bout j’aurais dépassé la mi-parcours. Tout va bien ! Malgré le froid je savoure mentalement ce répit à venir. Grosse erreur : de nombreux névés dans lesquels on glisse et on s’enfonce, des descentes dans les pierriers, le GPS qui me lâche et la pile de rechange qui a du se décharger avec le froid… Et cette descente qui n’en finit pas. Une dernière montée sur Brantes et c’est le ravito km 54. Sur le papier il n’y a plus de gros dénivelé, je sais que le plus dur est fait, je n’ai aucune douleur, il faut juste patienter 17 km pour le prochain ravito. Je me dis que ce sera long mais qu’après il ne restera plus grand chose.

  

Etape 5 :

17 km, 2 montées, 2 descentes

C’est long mais avec un paysage varié ça passe. Je sais que chaque pas me rapproche du moment où je ressentirais que plus rien ne pourra m’arrêter. Je n’ai toujours aucune douleur au mini ravito qui nous attend à Veaux. Mon cardio est bas, donc je suis content mais pourtant je sens que si je ne vais pas plus vite, c’est parce que les jambes ne pourraient pas.

 

Etape 6 :

5 km de montée :

C’est raide mais je sais que ça ne va pas durer et qu’il y a le plus gros ravito en haut alors tout se passe très bien. Je me suis astreint à une marche soutenue (pour moi) et me suis concentré pour ne pas tomber dans toute cette boue.

 

Etape 7 :

Encore une montée et une descente avant le prochain ravito à 6 ou 7 bornes. Je suis dans le temps que je me suis fixé, c’est bon pour le moral, toujours pas de douleur. Cette petite partie du parcours rend l’aspect mental relativement facile : les ravitaillements sont proches les uns des autres et il n’y a pas longtemps à tenir entre 2 répits. Je me focalise là-dessus. Si c’est bien de pouvoir prendre de l’énergie régulièrement, le fait de retrouver les mêmes coureurs pendant quelques minutes et de bénéficier à chaque fois d’un accueil exceptionnel vaut tout l’or du monde dans ces moments. J’en profite pour remercier, moi aussi, les admirables bénévoles qui nous ont chouchouté pendant des heures et dans le froid. J’arrive à Malaucène (km 80) en pleine forme physique et mentale. Il commence à faire très froid, c’est le moment de mettre un T-shirt sec et le coupe vent. Contrôle de sécurité pour la frontale. Il y a 2 kinés de dispo qui me proposent un massage des cuisses. J’accepte mais cela ne m’apporte rien (surtout dans ce froid) et me fait perdre 10 min. Sans GPS je demande les distances : on m’annonce 4km de plat/descente puis 4km de montée bien raide, un dernier ravito et 12 km de descente. En repartant je sais que je finirais et même que je finirais « en forme », que j’aurais même pus faire plus long. Mentalement aussi tout va bien : d’abord ce sera dur mais court, un court repos au ravito et une belle descente pour finir !

 

Etape 8 :

Je pars donc pour ces 4 km de plat descendant puis quand la montée arrive, j’ai très vite hâte d’en finir. Puis le temps passe, j’aimerai arriver au ravito sans allumer ma frontale, c’est ce qui me permet d’avoir un rythme soutenu. Mais il fait trop noir : je la met en marche. Plus je monte, plus j’entrevois de lacets qui montent : je ne comprends pas ; j’ai l’impression d’avoir fait au moins 10 bornes depuis le dernier ravito et ça monte toujours. Je distingue une lumière au loin plus haute que moi, un instant j’ai peur qu’il ne s’agisse d’une frontale mais non, c’est trop haut par rapport à la colline. Mais il fait si noir. Et si c’était un autre coureur ? Le doute m’envahit ! Encore quelques lacets et je me rends compte que ça monte encore et encore. Ce coureur paraissait si loin ; c’est le moment le plus dur pour le moral. On m’avait annoncé un tracé court alors je n’avais pas refait le plein d’eau ; heureusement que j’avais des réserves ! Je sens que j’approche du sommet car le vent souffle de plus en plus fort. Je n’ai pas froid grâce au rythme. Après une éternité j’atteints le sommet où je rattrape un attardé du petit parcours qui n’a pas de frontale ! J’engage donc la descente en me retournant tous les 2m pour l’éclairer ! Heureusement ¼ d’heure après c’est le ravito tant attendu. Je n’avais quasiment plus d’eau ! A ce moment j’espère avoir mal compris les indications précédentes et qu’il reste 8 km de descente et non pas 12. Le panneau du ravito nous dit que l’arrivée est dans 6 km !!! Quel soulagement ! Il y a quand même une dernière montée de 3km ! Régulière et facile, mais après 94 bornes ! Mais l’odeur de l’écurie fait rentrer le cheval au galop et je double pas mal !

 

Il est 00h12 quand j’arrive, après 19h40 et il y a au moins 15 personnes pour m’applaudir. C’est une super sensation. On me met dans les mains mon T-shirt de rescapé et on me demande ce que je veux boire ou manger. Génial !

 

A l’arrivée, je me dis que finalement s’il avait fallut faire 20 km de plus, cela aurait été très dur, à la fois psychologiquement et pour les jambes. Pourtant mon cardio me donne des pulsations moyennes à 140, ce qui me paraît très bien. La fin est toujours dure pour moi, que ce soit un semi, un trail de 30km ou de 40. Souvent j’ai des crampes. Et là rien, aucune douleur localisée, une fatigue générale sûrement. Je me dis que psychologiquement, je dois inconsciemment me préparer quelle que soit la distance mais la fin est toujours dure. Je me rappellerai toute ma vie de cette dernière montée en solitaire dans le noir et les rafales de vent. C’était dur mais tellement bon de se sentir vivre en pleine forme au milieu de la nature. C’était le plus dur, c’est ainsi devenu ma plus grande satisfaction. Quelle chance d’avoir la santé et de pouvoir évoluer dans cet environnement sauvage !

 

Enfin, ce qui m’a techniquement aidé à bien gérer cette course est l’utilisation des bâtons. J’estime à au moins 1h le temps qu’ils m’ont fait gagner (sans compter la fatigue épargnée). Et la préparation de mon sac : je me suis volontairement chargé (6,5 kg) pour être sûr de ne manquer de rien. Mon surplus d’eau m’a servi dans cette montée qui n’en finissait pas. J’avais une 2e frontale au cas où la 1re tombe en panne de piles, ce qui a failli arriver. Et le poids de 2 T-shirts de rechange…

Et enfin, j’ai parlé avec beaucoup plus de monde que d’habitude (merci didstzach83 pour ton esprit de camaraderie), on se retrouve aux ravitos, on se soutient en se dépassant, on s’attend… C’est encore une autre solidarité.

 

Au moment de faire le bilan personnel : sur 135 dossards il y a 98 arrivants, je finis 62e ; le temps moyen est de 18h46. J’ai repris l’entraînement début juin 2009, il y a moins d’un an ! Je suis ravi !

 

Au niveau de la récup, alors que j’ai l’habitude de payer mes efforts par des courbatures 2 à 4 jours plus tard, cette fois-ci je paye cash dès le lendemain ! Mais après, plus rien. 2 jours après, je me sens plus fort ! Pourtant, j’attendrai 1 semaine pour reprendre calmement en me projetant dans de futures courses en pleine nature. Le premier sommeil a été dur a trouvé malgré la fatigue : l’excitation était encore très forte !

 

Je suis persuadé qu’une telle course est abordable à la majorité d’entre nous… si on en a la volonté. Evidemment il faut un entrainement minimum pour préserver sa santé. Il faut aussi dédramatiser à l’avance un abandon sur blessure qui peut toujours arriver à tout le monde. Devant moi, il y avait des plus vieux, des femmes, des moins entrainés. Chacun peut trouver son rythme sur ce type de parcours.

Félicitations à tous les participants et à tous les bénévoles, qui étaient bien plus nombreux que nous, et sans qui nous n’aurions pas pu nous exprimer.

 Philippe 

3 commentaires

Commentaire de didstzach83 posté le 19-05-2010 à 23:34:00

c'était un plaisir partagé !!
j'espère que ce n'est pas fini et que nous nous retrouvons sur les chemins de Navarre, pour participer, finir, s'encourager, s'entraider
à bientôt
une bonne santé et Sportes-toi bien !!
dossard 94
peu importe le chrono,19 heures 43 ???? la place, 62eme ???????
mais l'aventure humaine, ça oui !!!!

Commentaire de sirocco posté le 24-05-2010 à 22:18:00

Cela fait qu'1 an que tu cours et déjà un ultra avec un temps plus qu'honorable !?
Comme tu dis les batons t'ont pas mal aidé, j'en avais pas et je regrette ...
On a dû se croiser ...

Commentaire de RunningMachine posté le 14-02-2011 à 17:53:00

je t'ai reconnu philippe A. !
ce récit donne envie de le faire, allez c'est décidé je m'y inscrit en 2012...

En attendant bonne chance pour cette année

Sacha

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