Récit de la course : Ultra Boucle des Ballons en 3 jours 2023, par Zaille

L'auteur : Zaille

La course : Ultra Boucle des Ballons en 3 jours

Date : 5/10/2023

Lieu : Munster (Haut-Rhin)

Affichage : 334 vues

Distance : 210km

Objectif : Terminer

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Un ultra sur 3 jours en OFF

3 jours de balade entre Alsace et Vosges, de ballon en ballon, voilà le programme long de 210km que je me suis fixé. Le tracé est emprunté à l’Ultra Boucle des Ballons de Christophe Henriet où les Zudeubistes, comme ils se nomment, ont 36 heures pour boucler la boucle.

Départ jeudi 5 octobre à 8h30 à Munster aux divins pieds de la statue de Neptune au parc de la Fecht, les ultra-fondus reconnaîtront le clin d’œil au Spartathlon. La météo annoncée est exceptionnelle pour cette période avec des journées ensoleillées au-dessus de 20°C. Presque j’ai peur d’avoir trop chaud !

Mes journées feront entre 66 et 73km par jour avec une difficulté allant crescendo en matière de D+ de 1500 à 2000m. J’ai prévu, un peu au doigt mouillé, une durée de 10h entre le départ à 8h du mat et l’arrivée, pauses incluses. L’idée est de partir le matin quand il fait assez clair pour être bien visible sur les routes et d’arriver à l’hôtel à une heure qui me laissera le temps de me doucher tranquillement avant le dîner souvent proposé aux alentours de 19h.

La logistique a été un pan de la préparation qui m’a fait beaucoup cogiter pour au final partir très light avec juste 2 tenues, une pour courir et une pour le soir. J’ai également embarqué une mini-trousse de toilette/pharmaceutique, une batterie USB, une veste de course, quelques compotes et la poudre pour ma boisson iso. Mon vieux sac de trail fera aux alentours de 3,5kg avec les 2 flasques de 500ml remplies. J’y ai juste gardé une place pour l’indispensable jambon-beurre quotidien.

 

Day 1

Premier jour, premier km, première montée, premier col, je grimpe en direction du Linge. 12km où je me force à ne pas forcer et donc passe de la course à la marche à la moindre sollicitation excessive de mes précieux mollets. Je cours principalement dans le sens contraire de la circulation comme le veut le code de la route mais m’autorise avant certaines épingles un passage de l’autre côté pour ne pas être surpris ou surprendre le véhicule d’en face. La circulation est cependant très anecdotique sur ces routes et il n’y a donc pas de réel danger.

Je ne me prive pas pour m’arrêter de temps en temps et prendre des photos mais réserve mes vraies pauses à des endroits stratégiques. La première sera au Lac Noir pour 10 petites minutes où je m’assoie un peu en dégustant une compote. La prochaine partie, longue de 22km selon mon saucissonnage, m’emmènera par la route des crêtes au point culminant du jour, le Hohneck.

J’arrive en haut de ce qui est un cul de sac avec 1 heure d’avance sur les prévisions et décide donc sans état d’âme de m’arrêter là pour un petit moment et profiter du soleil radieux à la terrasse d’une auberge avec vue une bière à la main, le bonheur tient à peu de choses.

Il reste 25km sur un profil en descente. Même si la journée se termine bientôt, je continue de m’économiser en pensant au 2 prochains jours. Etant largement dans les temps, je combine marche et course à l’envie. Le point de chute, Kruth, est rejoint vers 18h00. J’ai encore le temps de passer à l’unique épicerie pour m’accaparer de deux Orangina et commander un jambon-beurre pour le lendemain.

J’arrive à l’hôtel les jambes bien raides mais sans aucune douleur articulaire. J’ai cependant des petites gênes au niveau des épaules ou dans le dos que j’attribue aux frottements de mon sac qui donne clairement des signes de fatigue. Après le burger/frites/bières du soir, il n’est pas 20h quand je m’installe dans le lit pour une extinction des feux une heure plus tard les jambes huilées à la Weleda.

 

Day 2

La nuit a été bonne et je me suis réveillé 10min avant le réveil programmé à 7h. Etonnement mes jambes vont bien, voire très bien ! Aucune courbature. Je me prépare tranquillement, confiant sur le programme du jour. Le petit-déjeuner n’étant servi qu’après 8h à l’hôtel, je me résigne à un simple petit-pain que je chercherai à l’épicerie en même que mon sandwich commandé la veille.

Il fait vraiment frais et la veste n’est pas une option même si, comme hier, j’embraye direct sur 11,5km de montée avec le col de l’Oderen. J’ai l’impression d’avoir à peu près la même allure que hier comme si je n’avais pas couru la veille et je suis le premier étonné. Dans une petite portion descendante, la grosse frayeur du jour quand une camionnette en plein dépassement me rase de près par l’arrière. L’incivilité sur la route je la connais que trop en tant que cycliste et là elle me revient avec violence en mémoire.

La montée s’achève plus tranquillement par une route quasi-déserte vers le col du Page avant de redescendre via Bussang vers le premier ballon de ma liste : le Ballon d’Alsace. Avant ces 9km à 7% je m’autorise une pause assise avec compote et me rends compte que je suis beaucoup moins en forme au bout de ces 22 premiers km que hier, je suis même fatigué pour tout dire. Je décide de faire la montée à la marche, décision plutôt facile, je l’avoue.

Presque 1h30 de montée avec en fond sonore un podcast sur une aventure en Antarctique rendant les km un peu moins long. Arrivé en-haut, à un peu plus de 1200m, je profite de toilettes publiques pour remplir mes flasques mais râle de ne voir aucune auberge d’ouverte pour faire le plein de sel minéraux (non, je ne parle pas de Badoit). Je suis un peu entamé et il reste 40km !

Oh !! Miracle !! Quelques mètres plus loin, une auberge, une terrasse, une tireuse à bière ! Je m’installe et sirote tranquillement la pinte espérée accompagnée de fruits secs. Je ne suis pas vraiment dans les temps programmés mais je vais me refaire la cerise dans les 22 prochains km de descente vers Masevaux.

Ça descend effectivement bien, surtout au début avant de se transformer plutôt en faux-plat. J’ai encore mon sandwich à manger et je ne peux m’empêcher de m’arrêter à une table ensoleillée juchée idéalement en hauteur dans un virage. Je m’y installe et déjeune avec vue sur l’enchaînement de zig-zag qui s’offrira à moi en guise de dessert dans quelques instants.

Masevaux, km53, l’emploi du temps est à peu près respecté mais je suis fatigué. Il reste 9km de montée et autant de descente. Il fait chaud et mes flasques se vident, je commence à économiser ma boisson. En traversant les villages je scanne les moindres recoins pour une éventuelle fontaine, un robinet, … Mon état ne s’arrange pas et les km ne déroulent plus à mes yeux. Cette montée est interminable.

Finalement une fontaine, je m’y assoie et me mouille la nuque, les bras et les jambes. Le moral est dans les chaussettes et je pense à mon hôtel en face de la gare de Thann. Aïe ! Je pense à l’abandon. Le traumatisme de mon échec au 100k de Metz me revient en pleine poire ainsi que les sempiternelles ritournelles : « Qu’est-ce que je fous là », « Je ne suis pas fait pour la longue distance », …

Je fais le plein de liquide, de toute façon il n’y a rien d’autre à faire que d’avancer … Au moins jusqu’à Thann. Cette dernière montée, le col Hunsruck, me fera dépenser beaucoup d’énergie autant physique que mentale. En plus la route est plutôt étroite avec beaucoup de circulation pour son petit gabarit. Je ne me sens pas en sécurité d’autant que je ne suis plus très lucide.

Enfin le sommet, la bascule vers l’arrivée me remet les idées en place même s’il reste encore 9km mais ça sent la fin. Très vite mon moral va mieux, je ne pense plus à la gare, au train mais je recommence à dérouler tant bien que mal. Les jambes vont bien mais à la fatigue grandissante s’ajoute également un état nauséeux. Ma boisson d’effort, je n’en veux plus, je me demande si je ne devrais pas changer de méthode d’hydratation par la suite ou au moins changer les dosages pour éviter l’écœurement.

Au loin des maisons, c’est Thann … Non pas encore, juste la ville d’avant. Encore un peu de piste cyclable et enfin les premières maisons à nouveau, les commerces … La gare et en face, l’hôtel, ouf ! Je suis bien atteint mais content car j’ai finalement pu reprendre un peu de poil de la bestiole après avoir été au fond du fond. Je commande immédiatement une pinte en même temps que les clés de ma chambre. Je m’assoie dans le hall d’entrée et exécute la descente la plus rapide de la journée sous les yeux d’un client amusé.

Même programme que la veille : douche, repas, massage. Il n’est absolument plus question de rentrer en train, la motivation est là pour boucler la dernière étape. Toujours aucunes douleurs exceptées celles musculaires tout à fait d’à propos après 71km de balade. C’est regonflé à bloc que je m’endors en mémorisant déjà les différents morceaux du saucisson à déguster dans quelques heures.

 

Day 3

Une nuit un peu plus agitée mais un réveil sans trop de courbature, un peu comme la veille. Le petit-déjeuner sera également du copier-coller, je le prendrai sur un banc en ville après avoir récupéré le sandwich du jour. Le démarrage, lui, sera un peu différent des jours d’avant avec 7km de plat pour commencer et ce n’est pas pour me déplaire car les 22km suivants seront plutôt corsés.

Premier col : le Vieil Armand ou Hartmannswillerkopf selon l’époque et le tracé de la frontière. Je cours, je marche, je cours mais toujours très facilement. J’essaie de maintenir un petit rythme en sachant que je ferai très probablement la montée du prochain ballon, le grand, à la marche. Je suis à l’aise et les quelques passages en descente et parfois en zone dégagée avec vue me font vraiment kiffer.

Arrivé au pied du Grand Ballon, km22, la traditionnelle pause compote assis sur un banc. Le moral est bon et les jambes ont OK. J’ai l’impression d’être plus en forme que la veille. Je me lance dans les 7km de montées sans stress avec juste l’objectif d’arriver en haut, peu importe le rythme. Il y a un peu plus de monde que par ailleurs, sûrement la rançon de la gloire pour ce col peuplé de cyclistes, motards et … coureur, moi. L’ombre se fait de plus en plus rare mais la vue magnifique me fait oublier la chaleur qui s’installe.

La montée aura eu raison de mes derniers centilitres de flasques et j’investie un des nombreux restaurant d’altitude pour faire le plein. Evidemment je ne résiste pas à un demi de ration céréalière que je consomme installé dans un canapé beaucoup trop confortable mais il est trop tôt pour le sandwich que j’aimerai déguster dans 1h30 au Breitfirst où je fantasme déjà la terrasse panoramique idéale.

C’est parti pour 12km de plat et de descentes. L’objectif casse-croute est enclenché et c’est finalement la semelle légère que j’avance. De temps en temps un petit coup de cul me ralentit mais le moral est bon, j’ai fait la moitié ! J’arrive au Markstein et reconnais le lieu de départ du trail des Crêtes Vosgiennes. Je remonte vers la route des crêtes et laisse les restaurants qui me font de l’œil derrière moi, le Breitfirst n’est plus très loin (Vous la sentez venir la blague ?).

Sur la route des panneaux indiquent Munster, l’arrivée, le final n’est pas loin, ça fait du bien ! Ah, km40, le col du Breitfirst, … Mais … Il n’y a que dalle ici ! Mais vraiment rien, même pas un banc pour s’assoir ! Ce n’est pas ici que je vais pouvoir assouvir mon fantasme houblonnique. Bon, je n’ai pas d’autre choix que de continuer. 10km de descente, je scrute, je scanne, … Rien ! Je passe le col du Platzerwasel et à part les reliques peintes au sol du précédent tour de France … Rien !

La route est sympa et même si je me sens bien ça commence à être tendu au niveau du liquide dans mes flasques. Encore quelques km avant la dernière difficulté, le dernier ballon, le Petit ! J’arrive au bout de cette longue descente et m’installe à l’ombre sur un banc. Pour économiser la boisson, je descends ma dernière compote, il faudra que ça fasse l’affaire en attendant.

9km de montée, pas très dure mais qui monte quand même. Je marche, c’est la dernière difficulté avec un pronostic de 90 minutes d’effort et l’incertitude de trouver de quoi m’hydrater comme il faut là-haut. Je compte les km mais à présent je sais que je vais le faire : 210km en 3 jours. Je vais remplir le contrat mais dans quel état à l’arrivée ? Je sens la déshydratation, tel un vautour, planer au-dessus de moi. Je me vois déjà quémander de l’eau auprès de randonneurs.

Je sors de la forêt, l’horizon se dégage et au bout une ferme, une enseigne « Bière Licorne ». Je suis sauvé. J’accélère et déboule au comptoir. Un coke d’abord, cul-sec ! La pinte je l’emmène avec moi en terrasse pour enfin y manger mon jambon-beurre que je trimballe depuis ce matin. Quel bonheur et en plus la vue est splendide. Je me fais même prendre en photo par une serveuse. Plus que 13km de descente.

Je ne boude pas mon plaisir et prends mon temps. Je repars, repu, flasques remplies et gonflé à bloc. Les premiers km de descente sont un régal d’autant plus que j’y croise des traileurs du Munster Trail que j’encourage. Certains se demandent si je ne me trompe pas d’itinéraire en me voyant prendre le bitume. Je déroule tellement que je zappe un embranchement à droite. Heureusement que je le remarque assez vite, je ne sais pas où j’aurai atterri sinon !

Ah voilà, les premières maisons en contre-bas mais elles sont encore loin. Je rentre enfin dans un village, non, ce n’est pas Munster, il reste encore 3km = rien. Je suis content et j’ai envi de courir de plus en plus vite portée par l’euphorie mais aussi par la voix lointaine du speaker du Munster Trail où je ne suis pourtant pas engagé, réflexe de Pavlov.

J’arrive ne ville, j’y suis, la route à traverser, le parc de la Fecht, ma voiture et … Neptune. Les traileurs défilent, ils arrivent eux aussi, un peu plus loin. Moi je m’arrête là, aux pieds du Dieu rencontré il y a 2 jours, il y a 210km.

 

 

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