L'auteur : Rafouille
La course : Merrell Sky Race - Trail des Cerces
Date : 12/7/2009
Lieu : Serre Chevalier (Hautes-Alpes)
Affichage : 3965 vues
Distance : 68km
Objectif : Terminer
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5h du mat, j’ai des frissons…. Ça y’est.. dans cette foule compacte, entre amateurs inconnus et stars du dénivelé, Fredo et moi échangeons un dernier regard avant son baptême de l’Ultra. Frontale en place, on attend patiemment le départ salvateur, tout en blaguant un peu pour évacuer le stress.
Point positif, la météo semble clémente voire carrément estivale. Point négatif, ma nuit malgré, le confort d’un lit douillé, fut, comment dire, courte, voire inexistante… pas fermé l’œil de la nuit ...aie aie. Anxieux moi ?? Pour me réconforter, j’imagine que cette course, sans sommeil, rentrera dans la prépa de l’UTMB ( sachant que deux nuits blanches sembles se profiler pour moi…)
Le départ est lancé dans une nuit encore bien marquée. La frontale est donc la bienvenue, même si étrangement, de nombreux coureurs semblent s’en passer.. Direction le Galibier. Un gentil chemin en sous bois freine notre progression, tant la marée humaine prend du temps à s’étirer. Aux côtés de Fredo, je cours au rythme d’un reggae 100% roots Jamaïca..
Les sensations sont correctes, mais je connais l’exigence du parcours, hormis le nouveau col de Buffère. N’ayant absolument aucune prétentions sportives, mon seul objectif est de faire la course à mon rythme, en évitant de trop gros traumatismes en perspective du Mont Blanc. Comme beaucoup, l’UTMB reste l’objectif de la saison. Mais rapidement, je prend conscience d’un brin de naïveté en ce qui concerne ce Trail des Cerces. Je comprend très vite en effet que je vais y laisser des plumes, voire tout mon plumage !! au fur et à mesure de cette première ascension, qui reste relativement abordable, les souvenirs du parcours me reviennent… Aie aie… Mais le moral est là, les jambes aussi, et le jour se levant, les premières images du Galibier me font vite oublier mes quelques appréhensions.
En direction du sommet, aucune difficulté véritable sur cette partie du parcours. Une longue côte, version DFCI, nous conduit gentiment d’abord vers le 1er ravitaillement, avant d’entamer la 1ère petite blague de Patrick Michel (l’organisateur). Une espèce de côte, ou plutôt un mur. J’hésite à redescendre dans la vallée afin d’acquérir piolet, cordages et autres baudriers.. mais on est dimanche, et les magasins sont fermés. Tant pis. Au péril de ma vie (et de ceux qui me suivent), j’envoie les pieds, les mains pour franchir cette bosse qui rappelle qu’on va passer une journée riche en émotions..
J’ai rejoint mon ami Samuel B., qui, suite à sa victoire la semaine précédente sur l’Ultrachampsaure, a décidé de faire la course comme sparing partner de luxe aux côté d’une féminine d’un très bon niveau, Elisabeth Bompart. On est un peu surpris mutuellement de se croiser en ce début de course, mais l’occasion est trop belle pour ne pas s’accrocher et tenter de courir à leurs côtés (Je suis fou ou quoi ??).
La descente vers la Charmette est splendide. Pas trop technique, pas trop pentue et des appuis bien stables. Moment surnaturel : j’interpelle Sam et lui lance un timide « je peux passer ?? ». Il sourit et me dit « file rafouille, fait ta course.. ». En réalité, je n’aurai jamais plus d’1mn d’avance sur eux !!. Je me fais dépasser, tranquillement mais sûrement, par Erick Peisson (organisateur du trail de la sainte victoire), un habitué de l’Ultra.
Deuxième difficulté du jour : le col des Rochilles. Ça commence à bien piquer les cuisses… je suis heureux de m’être préparé sur les pentes ardues de cette fameuse Sainte victoire !! en effet , la monté intermédiaire vers le refuge des Mottets est sans appel. Un tracé 100% psychopathe qui vient couper tout droit un DFCI déjà bien pentu ! et là, c’est le drame… pas encore pour moi, mais plutôt pour les coureurs parti trop fort, ou dans un jour « sans », qui en viennent déjà à s’asseoir sur les bordures herbeuses du sentier.
Vitesse de progression : 1, 2, ou soyons fou, 3km/h ?? du grand n’importe quoi !! Je sors les bâtons et commence à me rendre compte de l’embouteillage que je suis en train de créer…. J’aurai du me coller un mauvais « sticker » où il est marqué « je roule pas vite mais je suis devant vous »… En même temps, libre à chacun de me doubler, me dirais-je pour me rassurer…même si le single ne permet, en réalité, que très difficilement les dépassements !!
Bon, je me concentre sur mon planté de bâtons, version « les Bronzés font du Trail ». Péniblement, je fais l’effort et commence à trouver le bon rythme. Elle finie jamais cette côte ou bien??
Arrivée au refuge, km 32, je suis surpris de ne pas voir le ravito de l’an dernier. Certain de l’atteindre dans peu de temps, je commets LA faute du débutant : ne pas profiter d’une source providentielle pour faire le plein d’eau, et croire que mon fond de Camel suffira à me conduire jusqu’au ravitaillement suivant.
Erreur fatale. Sous un soleil de plomb, et quelques km plus tard, un bruit suspect se fait entendre lors d’une gorgée impromptue. Le bruit caractéristique d’une poche vide, très vide, excessivement vide. J’essaie de me rappeler les techniques de survie apprises dans différents ouvrages, comme ouvrir une noix de coco, couper un cactus, sucer des racines… mais pas encore d’opportunités ici.
Tant pis, passé le col, j’interpelle un bénévole et tente de lui soutirer quelques décilitres. Je lui raconte ma mésaventure, lui parle de mon enfance difficile dans le Bronx, de ma prothèse de jambe, et de ma cécité récente. Je le sens quelque peu perplexe, mais dans un moment d’inattention, je profite de son embarras et me précipite sur sa bouteille d’eau… en réalité, sa bienveillance m’évitera ce geste malheureux, mais j’en étais capable !!
La descente vers les chalets de Laval est sans doute l’un des tronçons du parcours les plus somptueux : lacs, rivières, étendues de verdure.. une vraie carte postale !! à l’approche du 2ème ravito, les randonneurs se font plus nombreux. L’idée d’inscrire le prénom du coureur sur son dossard me rappelle des souvenirs de CCC. Les encouragements nominatifs du genre « Allez Raphaël » , « Courage Raph », « Bravo Raphy » me donnent l’impression d’être l’un des leaders de la tête de course !! Réflexion faite, mon allure réduite et ma démarche improbable me ramènent vite vers mon statut d’amateur dominical.
J’arrive enfin sur le ravito, fais le plein en eau (50% plate, 50% gazeuse) et victuailles, et me rend compte que Sam et son amie sont sur le point de repartir.. Mais ils sortent d’où eux ?? Ils étaient derrière moi ?? Ils ont profité de mes (nombreuses) haltes pipi pour me dépasser.. les saligauds..
Rapide coup d’œil, discret, sur le gros morceau de la journée : the col of the Béraudes… je fais un point psychologique sur mon état, rassemble mon restant de lucidité et le temps d’avaler mon pain sportif, je distingue Sam déjà bien loin.
De nombreux trailers décident de se poser quelques minutes, certains assis, d’autres allongés voire écroulés sous le poids des km. Par expérience, je connais ce piège du fameux « non mais vous inquiétez pas, je m’arrête juste une minute… » Mouai….
Je repars donc à l’assaut de ce monstre béraudinique, qui démarre lui aussi par un espèce de mur coupe jambe. Le rythme est le même pour tout le monde. Lent mais régulier. La course se joue ici pour beaucoup d’entre nous. Commence alors cette longue, belle, mais interminable ascension. Une procession allongée de coureurs permet de distinguer l’ampleur de la tâche à accomplir, le magnifique sentier nous conduisant d’abord au lac, puis vers le col.
En ligne de mire, je distingue Sam qui ne cesse d’encourage Elisabeth, sa protégée. Les rattraper sera ma seule obsession du moment. Je commence à dépasser d’autres coureurs pour qui, ce passage sera leur chemin de croix, tant la pente est forte. L’ambiance est caractéristique de ces longues et difficiles montées : un silence religieux et l’envie commune de lever le pied. Dès lors, je partage silencieusement cette souffrance momentanée (mais un peu longue quand même..) avec mes compagnons de galère.
J’arrive enfin à la hauteur du duo de choc. Bonnes sensations, malgré un espèce de mauvais vent tout froid et tout fort qui nous oblige à nous couvrir. Les derniers km de grimpette nous font traverser des névés où la vigilance reste de rigueur.
Km 43 : le col à 2895m. c’est surnaturel : un vrai comité d’accueil (et de pointage) est là, devant nous, dans la joie et la bonne humeur, au rythme d’un accordéoniste particulièrement motivé…. La bascule sur l’autre versant se fera à l’aide d’une main courante qui sera la bienvenue ( j’aurai du le prendre ce piolet…)
Je m’imagine alors dérouler tranquillement jusqu’à Fontcouverte où se trouve le dernier ravito. La fleur au fusil, j’entame paisiblement une descente assez technique qui laissera des traces dans les Quadri..
Au détour d’un virage, je prend conscience d’une légère omission du parcours, qui porte le nom très poétique de « col du Chardonnet ». Le sol, lui, en tout cas, n’a rien de poétique. Gros pierriers instables à y laisser une cheville !! la montée se fera au moral, même si l’inclinaison reste « relativement » raisonnable.
Km46 : le sommet ! venté et rocailleux, très peu hospitalier. Petit coup de moins bien qui m’est confirmé par Sam que je viens de rejoindre. Avec sa diplomatie légendaire, il me lance, « Putain, t’es blanc !! prend un gel !! » . Mais j’en ai pris déjà 50 boîtes de gels !!! (ps : les gels à la pomme d’un goût….douteux, et offerts sur les stands, sont ils vraiment homologués ?? en tout cas, ils se vomissent facilement, c’est au moins ça !!)
Bref, descente sur Fontcouverte très agréable et particulièrement jolie. Le groupe dans lequel je suis, trottine à bon rythme. La différence se fait sur les relances, sur les parties plates ( je tiens le wagon !!)
Je m’arrête à une source pour faire le plein, et perd quelques places. Vu ma fatigue, je reste plutôt satisfait et confiant pour la suite.
L’arrivée au ravitaillement me rappelle l’ambiance CCCiste, avec la présence de tous ces bénévoles et randonneurs qui vous encouragent. Tout est sympathique, hormis la charcuterie qui n’aura pas résisté à l’assaut des UV d’un mois de juillet. Entre 2 cocas et une madeleine, un bénévole croit nous réconforter en nous annonçant les « derniers 16 km »…..une broutille !!
Le départ se fait par une longue relance qui met tout le monde d’accord… pas de folie. Puis la découverte du nouveau final, le col de Buffère. Un coin vraiment joli, mais qui démarre lui aussi par une montée raide et sèche, qui sera fatale à certains du groupe. Les bâtons sont vraiment utiles (environ 30% de l’effort soulagé par les bras..).
Le passage du col marque le retour sur Mônetier, qui se distingue déjà en contre bas. Beaucoup ont du mal a courir sur la première partie (DFCI qui écrase les cuisse). Enfin, après 5 km de ce long chemin 4x4, le retour se fait par un sentier en sous bois ombragé, habituellement emprunté. On relance un peu, histoire de pas trop se faire dépasser. Je croise un coureur ayant chuté, le genou bien amoché. Il finira sans doute en marchant.
Après 11h15mn d’effort, l’arrivée se fait juste à l’heure des remises des récompenses, sous les encouragements de clacla (ma douce) et de Lionel qui courait le 28km, … un peu surpris que seuls les 3 premiers montent sur le podium.. Ils auraient pu aller jusqu’au 271ème quand même !!!! Ma déception passera rapidement par l’embrassade de ma p’tite clacla.
Voilà. Un parcours très exigent( si si), qui peut vite devenir un calvaire si l’entraînement et la forme ne sont pas au rdv..
Il reste que les paysages sont terribles, avec une succession panoramas hallucinants. Un trail, costaud, à faire et à refaire !!
Rafouille.
5 commentaires
Commentaire de riri51 posté le 15-07-2009 à 13:30:00
Félicitations rapha pour ce CR et pour ta performance...bonne fin de prépa UTMB!
Commentaire de akunamatata posté le 15-07-2009 à 13:38:00
Tres bien le récit plein d'humour, mais on sent quand meme que tu as du en ch..
Commentaire de Fimbur posté le 15-07-2009 à 13:46:00
MErci pour ton cr et bravo pour ta course,
Bonne récup pour l'UTMB,
Fimbur
Commentaire de joy posté le 15-07-2009 à 17:25:00
Bravo, la grande classe ce cr, au plaisir...
Commentaire de Tano5himo posté le 20-07-2009 à 11:43:00
Bravo pour ta course et pour ton CR.
J'étais un de ceux qui avaient du mal à courir dans la première partie de la descente finale...Dés que je me mettais à courir, j'avais très mal au ventre et je devais remarcher. Dommage car les jambes n'étaient pas trop mal. Mais petit à petit la douleur est devenue supportable et j'ai pu finir en petite foulée...à 2 minutes derrière toi :)
Eric, 272ème.
PS: j'étais surpris du classement de Samuel B. mais grâce à ton CR, j'ai compris.
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