Récit de la course : Raid du Golfe du Morbihan 2005, par hubert

L'auteur : hubert

La course : Raid du Golfe du Morbihan

Date : 1/7/2005

Lieu : Locmariaquer (Morbihan)

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Distance : 175km

Objectif : Pas d'objectif

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CR du Raid les 1 et 2 juillet 2005

Habituellement, lorsque nous prenons la route du golfe du Morbihan, un 1er juillet, nous ne sommes comblés que si le baromètre est sur le « beau fixe », avec la bonne vingtaine de degrés qui va avec.
Ce matin-là, le gris du ciel, et la douceur, pour ne pas dire la fraîcheur nous auraient plutôt réjouis !
Direction Locmariaquer donc, après avoir entassé dans le coffre pas moins de 5 sacs chacun, puisque l’organisation du Raid du Golfe du Morbihan, auquel nous nous apprêtons à participer, nous permet de déposer des sacs à différents points du parcours.
Didier, qui participe également à ce raid, m’a proposé une place dans la voiture de ses parents.
Ils ont décidé de suivre la course, grâce à un pied à terre près de Vannes et je profite de l’aubaine.
La composition des sacs a bien sur été une opération minutieuse, objet de nos loisirs des soirées précédentes.
Nous arrivons à Locmariaquer vers 10h00, soit une bonne heure avant le départ, après un trajet super tranquille.
L’organisateur nous avait mis en garde sur le contenu du sac à dos, et sur le sérieux du contrôle de celui-ci. Ce sera effectivement l’opération la plus fastidieuse, mais le préalable à la remise du dossard.
Chaque coureur devait prévoir une réserve « suffisante » en boisson, en alimentation, une couverture de survie, une lampe frontale, des piles de rechange, un brassard réfléchissant, un téléphone portable.
Bien que strict, le règlement laissait place à une assez large plage d’interprétation. On pouvait voir par exemple des gens partir avec des ceintures à 2 gourdes + compartiment.
Pour ma part, j’avais imité la grande majorité des concurrents avec un sac à dos type raid, dans lequel j’avais disposé une deuxième poche à boisson afin d’accéder librement à la pipette eau ou à celle de boisson énergétique. J’avais, par ailleurs, réparti dans des poches accessibles sur les épaules et la ceinture, les différents gels, barres et comprimés de sodium.
L’importance de la distance à parcourir et le peu de dénivelé prévu m’avaient fait choisir des chaussures de route, plutôt que celles de trail afin de favoriser l’amorti et la stabilité.
Enfin, à 11h00 précises, la délivrance, le départ est donné, nous quittons le terrain des sports, pour rejoindre la pointe de Kerpenhir, après avoir traversé le bourg. Premier contact avec l’océan, le sable, le vent, et le poinçonnage de la carte. Le ciel a choisi son camp et semble résolu à rester dans la grisaille pour la journée, le crachin est en prime !
Les premières foulées ne sont pas fluides. Bien qu’habitué au port du sac, je n’ai jamais eu aussi lourd sur le dos ! De plus, il me semble que ça part assez vite !
J’avais prévu de pratiquer le marcher-courir dès le départ mais j’y ai renoncé, j’aurais été tout seul en queue !
Très vite, je me stabilise en milieu de peloton dans un groupe « conduit » par René Heintz, reconnaissable entre 1000 avec ses manchons « booster ”, et à son « petit » numéro de dossard.
Sa présence me conforte dans l’idée que l’allure, apparemment modeste, est la bonne !
On découvre assez vite que les coureurs de tête ont suivi à tort la voiture des commissaires, et que le premier plantage a déjà eu lieu.
Le parcours rejoint très vite des chemins dans les terres où le vent ne nous chatouille plus.
C’est le premier contact avec cet arrière-pays verdoyant, où de splendides chaumières font le bonheur de quelques privilégiés.
Nous passons au premier ravitaillement, au Km 12, dans le village de Kerouarc’h, rive droite, et embouchure de la rivière d’Auray. Ensuite nous nous enfonçons dans les terres, via Crac’h, et direction Auray.
Le crachin persiste mais il n’atteint que la viabilité du road-book, pour ceux qui l’ont emporté, pour moi, c’est ma feuille des temps de passage, rapidement rendue illisible.
Nous parvenons à Auray au km 25, en 2h45 de course. C’est le premier tournant de la course, puisque nous allons traverser la rivière, dans le petit port de St Goustan où le deuxième ravitaillement est disposé.
Les bénévoles sont à nos petits soins, les ravitaillements sont copieux, variés et les quelques 220 coureurs apparaissent déjà clairsemés sur le parcours.
Nous attaquons la rive gauche de la rivière par un deuxième cafouillage sur le balisage à hauteur du lycée technique d’Auray, et rapidement nous franchissons la rivière du Bono, sur un magnifique pont de bois, dans le bourg du même nom. C’est déjà le 3ème ravito et nous empruntons désormais un sentier côtier alors que nous courrons vers Larmor Baden.
Je suis en retard sur mes temps de passage mais je ne m’en alarme pas, puisque tout va bien par ailleurs. Je me contente de prévenir ma petite femme, en train de prendre place sur l’itinéraire, qu’elle devra prendre son mal en patience. Le téléphone portable aura encore bien servi à cette occasion !
Les paysages, bien que décidément gris sont magnifiques. Nous passons doucement, de l’ambiance rivière à celle, plus maritime, en même temps que nous approchons de Larmor Baden où nous attend le premier repas chaud,
C’est le km 50, je retrouve Jérôme, et Dominique déjà attablés devant une soupe, avec leurs accompagnateurs. Certains visages sont déjà marqués…
Le temps passe vite à cet endroit, on s’installerait bien !
Nous repartons finalement tous les trois, nous allons faire un petit bout de chemin ensemble.
Leur allure est plus rapide, alors nous allons faire le yoyo jusqu’à Vannes.
Cette portion est une des plus belles, elle emprunte majoritairement le « douanier », et nous expose à l’ »Ile aux Moines », puis à l’Ile d’Arz et ensuite à la presqu’île de Conleau.
Dès le départ de cette longue étape, et au diapason de mes 2 acolytes, j’adopte le marcher courir sur un rythme de 10 min courues pour 1 min marchée.
Catherine passera la nuit à Vannes, chez Pascal, un ami. Ils m’attendent tous les 2 au Moulin de Pomper. C’est le km 66. et le 6ème ravito. Il est environ 18h00.
Pascal connaît cette portion, il m’avertit de la difficulté qui m’attend sur la portion suivante. Elle est jonchée de racines, de caillasses et est plus accidentée que ce que l’on a eu précédemment.
A Conleau, cela devient franchement difficile. Je m’accorde à plusieurs reprises des plages marchées de 2 ou 3 minutes. De plus, j’ai pris du temps au ravitaillement de Moréac (Km 77), où j’ai dû m’alimenter de façon plus substantielle et refaire le plein des poches à eau.
Des forces me reviennent lors de l’entrée dans Vannes.
C’est amusant de se retrouver, à rebrousse-poil, sur le parcours du marathon. Nous approchons du centre ville et nous apparaissons comme des Martiens dans ce port où l’agitation d’une soirée de week-end bat son plein . Remontée de la rive droite du port, j’aperçois sur la rive opposée Jérôme et Dominique. Finalement mon retard du début d’après-midi s’est stabilisé.
Ces écarts, Je les dois à un terrain finalement plus technique que je ne le pensais à la simple lecture des courbes de niveau et à du temps passé sur les ravitaillements, l’intendance, toujours l’intendance !
J’arrive au ravitaillement vannetais aux environs de 23h00 km 94. Prévenus par mes soins il y a peu par téléphone, Catherine et Pascal sont déjà là pour m’accueillir. Didier est là aussi. Je le vois chaussé de mules, je comprends tout de suite que la course est achevée pour lui. Pendant que je me rends à la cambuse, il m’explique sa course, finalement rapide jusqu’à Vannes et les raisons de son forfait.
Il me confie, en m’encourageant chaleureusement, le « fanion» du club !
Désirant être le plus rapide possible, je m’alimente précipitamment avant de m’occuper sous l’autre tente du contenu du sac, des poches à eau, d’une petite toilette et de l ‘équipement règlementaire pour la nuit.
Mes sacs posés sur un lit de camp, je suis entouré de quelques coureurs qui sont occupés à la même chose que moi, avec les variantes qui montrent que côté manies et côté bobos, nous sommes tous différents.
Il y a, par ailleurs, des coureurs étendus pour une pause de sommeil que je n’ai pas envisagée, pour ma part, et d’autres, se reposant, en attendant la navette qui rapatrie les coureurs après leur abandon. Je n’oublierai pas le regard de ces derniers.
A peine ai-je commencé mon déballage, que le repas tout juste pris, décide de faire son aller-retour. J’ai à peine le temps de m’extirper de la tente !
Réaction strictement mécanique, je vais bien. Je ne ferais pourtant pas d’autre tentative pour me nourrir, je me contenterais de partir 2 gâteaux à la main.
Mon dos est douloureux depuis plusieurs heures. Lorsque j’ôte le tee-shirt, je découvre que toute la peau en contact avec les bretelles du sac, ainsi que l’élastique du short est enflammé.
Pas beau à voir !
Un coup de bombe de produit miracle administré par un soigneur et je renfile un autre maillot.
Déjà passablement retardé, je ne prends pas le temps de refaire les points sensibles au Nok. Erreur que je paierai cher par la suite !
Sur le coup ce ne sera pas handicapant, la douleur a disparu. Lorsque je repars, je suis bien davantage préoccupé à retrouver au plus vite une foulée digne de ce nom. Ca me prend 20 bonnes minutes, un arrêt pipi, l’ajustement de la lampe frontale en bisbille avec la casquette et l’extraction de l’air des poches à eau, opération indispensable mais oubliée lors de l’escale de Vannes.
Mais tout ça accompli, je cours, je suis serein, la nuit est belle et j’arrive rapidement sur la presqu’île de Séné. Toutes les rencontres que je fais sont celles de coureurs qui marchent. Cela m’attriste, mais je reste concentré.
Peu avant le ravitaillement de Port Anna, je rejoins à nouveau Jérôme et Dominique. Ils me confient avoir marché depuis Vannes.
Je les encourage à essayer à nouveau de courir, mais ils renoncent à la deuxième tentative. Je leur fausse alors compagnie pour atteindre vers 1h30 du matin le ravitaillement n°9 km 107
Celui-ci a été installé face au golfe, dans un local de pêcheur ou d’ostréiculteur, je ne sais pas trop, en tout cas le lieu est exotique, en pleine nuit !
Ce ravitaillement-là se fait également remarquer : il est le seul à proposer de la poudre Overstim à disposition des coureurs voulant refaire un plein de poche à eau.
La portion suivante est psychologiquement la plus dure, en effet, elle nous ramène au Prat, la zone industrielle de Vannes, que nous avons quitté depuis plusieurs heures.
En vision nocturne, le paysage reste savoureux même en l’absence de clarté lunaire.
Le tour de la presqu’île s’achève sur un sentier à dominante « douanier » et sur de beaux chemins stabilisés pour le vélo. Ensuite, on nous fait emprunter de beaux chemins ruraux dans une campagne que l’on devine boisée en remontant vers la ZI du Prat.
Cette dernière partie, je la passe seul également. Je dépasse à nouveau un petit groupe puis des coureurs isolés, que des marcheurs. Les échanges sont furtifs, amicaux, chaleureux mais brefs. On ne peut pas discuter avec quelqu’un qui t’aveugle avec une lampe frontale !
Au plein cœur de la nuit mais certainement pas au summum de la lucidité, alors que j’ignore ma position, je manque une balise et débouche sur une route où déjà 2 coureurs cherchent à s’orienter.
Nous faisons galère commune, perdons le 3ème élément, et atterrissons finalement à l’entrée de la ZI déjà citée.
Déjà passablement énervé, nous appelons le PC course où le premier interlocuteur nous envoie à l’opposé de la bonne direction.
Nous rappelons l’organisation où une autre personne nous donne finalement le bon tuyau.
Un minibus s’arrête à notre hauteur. Il est plein d’une dizaine de coureurs ayant rendu leurs dossards. Que de regards hébétés ! Ils font route vers Port Crouesty, le chauffeur nous propose de l’aide que nous déclinons, nous n’en avons plus besoin !
Juste après, une demi-douzaine de coureurs surgit d’on ne sait où, nous leur filons le train.
Nous rageons contre ce temps perdu et les places qui vont avec !
Après presque une heure de galère, nous rejoignons la course sur une large allée rectiligne, plein sud, recouverte d’une épaisse frondaison. Il y a une balise tous les 50mètres ! A pisser de rire !
Les parties nocturnes étaient sensées être balisées avec des bâtonnets fluorescents ou avec des lumignons à LED. Il semblerait que les équipes de balisage ne soient pas toutes allées à la même école au vu des résultats sur le parcours !
A cet endroit, le tracé refait route vers le sud car nous entrons dans la presqu’île de Rhuys.
L’épisode « plantage » a laissé des traces, d’autant que nous atteignons la nationale qui emmène jusqu’à Port-Navalo. Nous la longeons jusqu’à Noyalo, 2 km sur la bande d’arrêt d’urgence, une vraie galère ! Cette fois je marche.
Thierry, que je n’ai pas quitté pendant tout l’incident, a plus de forces, il s’échappe lors de cette phase « goudron »
Je peste et décide d’arrêter. J’ai mon compte, j’ai largement dépassé les 100km de course et j’ai les pieds qui chauffent.
Dans la traversée de Noyalo, j’apostrophe les organisateurs qui ont la mauvaise idée de me demander si tout va bien. Je leur en veux davantage de me faire passer sur la nationale que d’avoir trop «légèrement«  balisé le parcours.
Le bourg traversé, nous empruntons à nouveau des chemins et atteignons le ravitaillement tant attendu : Noyalo Km 125, il est 5h00 du mat !
Le jour commence à se lever. En fait, je ne sais pas trop où j’en suis !
J’arrête mon chrono et enlève mon dossard. Thierry qui m’a précédé à cette escale me rappelle à l’ordre. Il m’ouvre les yeux sur mon état qui n’est certainement pas pire que celui de la demi-douzaine de gugusses qui m’entourent !
3 verres de coca, une banane, je réépingle le dossard, redémarre le chrono, et je repars !
Il fait jour ! Le paysage est magnifique. Il est rural tout d’abord avec des chemins qui serpentent dans un bocage et rejoins ensuite des chemins qui sillonnent les marais du fond du golf.
Me revoilà seul à nouveau mais depuis ce nouveau départ, la course a repris avec les mêmes intervalles de 8-2 min courues-marchées.
En se rapprochant de Sarzeau, une envie irrépressible de dormir m’envahit. De plus je suis complètement à sec, côté boissons. L’idée d’abandon me traverse à nouveau, et Thierry, mon ange gardien, que j’ai rejoint cette fois me sermonne à nouveau. Il me dit : « Il y a un élastique qui est tendu entre toi et l’arrivée. Tu n’as pas le droit de le couper ! » me dit il !
Des phrases simples suffisent à mon esprit simple et l’arrivée au ravitaillement de Kerbodec me remet en selle.
Entre-temps, nous avons devisé de nos expériences, des siennes surtout ! (Spartathlon, 100km, etc…) et mine de rien…. Nous sommes à l’avant-dernier ravito, km 140.
Il y a peu de monde, mais que du beau monde : JBJ, G. Racinne, Thierry, etc…
L’impossible n’existe plus. Je prends tout le temps qui faut à me restaurer légèrement, des pâtes, du jambon, un café, à refaire le plein de liquide, reconstituer de la boisson avec la poudre qui m’attend dans le sac que l’organisateur a acheminé, à enlever une couche de vêtement et après un coup de fil à Catherine, pour lui annoncer ma position, et mon état, avant qu’elle-même ne prenne la route,
C’est reparti.
Nous empruntons désormais des rues traversant du résidentiel, ainsi que des chemins de campagne, nous sommes rarement en bord du golfe.
Le jour s’est levé avec du quasi beau temps, pas trop chaud, idéal.
C’est une formalité que d’arriver au dernier contrôle qui marque le vrai final de l’épreuve, et le retour sur le douanier. Porh Nézé Km 152
Plus que 23 km, je rêve, je suis seul depuis Sarzeau mais n’en ai rien à faire. Je remonte encore des coureurs et entame enfin mon dernier chemin de croix : La succession de 4 criques qui précèdent l’arrivée à Port Navalo, et marquent la sortie du golf.
Du vrai douanier pur et dur : escaliers, racines, cailloux, forts dénivelés, du bonheur !!!
Enfin, j’arrive à Port-Navalo, Catherine est seule à m’accueillir. Cette fois, je connais bien ma position, et je ne cesse de courir. En finir, vite, et digne.
Je reprends un dernier coureur sur la promenade de Port Navalo, et dévore les 4 derniers kilos.
J’en termine en moins de 27 h 00 à l’arrivée à Port Crouesty. Km 175
Catherine et Pascal, Valérie, Didier et toute sa famille sont là pour m’accueillir. L’animateur ne veut plus me libérer, j’ai droit à une véritable interview !
Je suis juste déçu de ne pas apercevoir Thierry, mon plus efficace partenaire, arrivé finalement 3 places devant moi, celui qui m’a botté le cul à plusieurs reprises et à qui je dois tant !
Finalement, je ne suis pas décomposé. Bien sur, je suis exténué. L’état de mon dos s’est sérieusement aggravé, mais ce n’est que du vernis !
Je ne déplore aucune ampoule et souffre seulement du releveur côté droit devant le tibia, cela me fera boiter 3 jours et sera presque oublié une semaine plus tard.
Comment en arriver là ? Mon expérience est bien juste pour en faire profiter autrui mais les principaux enseignements sont : être humble sur la vitesse de croisière, marcher fréquemment tôt dans l’épreuve mais PAS TROP (voir méthode Cyrano dans Ultrafondus.com), hydratation, sodium contre les crampes et se positionner mentalement sur des étapes courtes : le ravito suivant, en général, et enfin, avoir des pensées positives…..

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