L'auteur : tgi54
La course : Grand Raid 56 - Golfe du Morbihan
Date : 26/6/2009
Lieu : Locmariaquer (Morbihan)
Affichage : 4774 vues
Distance : 177km
Objectif : Pas d'objectif
Partager : Tweet
Et bien voilà, je me lance : c'est parti pour mon 1er CR qui risque d'être un peu long (merci de votre patience).
Mon histoire avec le raid du Morbihan a commencé il y a maintenant 1 an lors de l'édition précédente où en délicatesse avec mes genoux et un tendon d'achille récalcitrant, j'abandonnais vers le 117ème km.
Cette année, c'est sur je vais le terminer !!!
L'entrainement commence assez tôt (début décembre) puis arrivent les courses intermédiaires : le 100 km du CAF de Nancy mi-avril, le Metz-Nancy (69 km) début mai et enfin le Nancy-Epinal (74 km) début juin. Entre ces courses, des semaines d'entrainement avec 4-5 sorties dont 1 sortie longue le week end.
La semaine du 26 juin arrive enfin et nous voient débarquer ma petite femme et moi en Bretagne, à Auray précisément. Le jour de la course, petite ballade tranquillou le matin dans les rues de Vannes, repas pâtes le midi, et en début d'après-midi, direction le parc Chorus pour y laisser mes sacs de course et y récupérer mon dossard. Petite frayeur à ce moment on me demande une pièce d'identité que je n'ai pas, heureusement la carte grise de la voiture aura suffi (au passage, merci au gentil bénévole de ne pas avoir été trop pointilleux). C'est maintenant parti pour Locmariaquer, je sens la tension monter doucement mais surement. Sur le parking, c'est parti, le Thierry se déguise en coureur. On peut remarquer le visage serein, calme et détendu .
Une fois sur le stade, je retrouve mon pote Paulin et sa femme qui me suivront pendant un petit moment au rythme des ravitos. J'en profite également pour faire un petit coucou à Cédric (le Castor Junior) qui me présentera Totote, la future gagnante féminine.
C'est à ce moment que je me rend compte que si j'ai bien le bracelet, je n'ai pas la puce qui va avec. Pfff, c'est tout moi ça ... Après un rapide aller-retour à la voiture, miracle, je la retrouve où elle était depuis le début, c'est-à-dire dans l'enveloppe que l'on nous avait remise ...
Après un report d'une ½ heure pour permettre aux derniers (coincés dans des embouteillages) d'arriver et une minute de silence en hommage aux disparus du Mercantour (moment très émouvant), c'est parti, le départ est donné !
Contrairement à l'an dernier où je me sentais comme un gamin dans la cour des grands, cette année je me sens à ma place, prêt à en découdre avec le Golfe. Je pars donc doucement à un rythme de 8,5 km/h. La traversée de Locmariaquer est fantastique : pleins de gens partout qui nous applaudissent en nous encourageant par nos prénoms, on se croirait champion du monde !
Je rentre tout doucement dans mon rythme, cadencé par une cyrano de 9 mn de course pour 1 mn de marche.
Arrive le 1er ravitaillement de Kérouach ou j'ai 5mn d'avance sur mes prévisions. Tout va bien, j'avale 2 bouts de pain, 2/3 verres d'eau et de coca et c'est reparti pour la suite.
Jusqu'à Auray, je suis dans mon rythme, dans ma bulle et j'ai l'impression que c'est un peu le cas des autres coureurs autour de moi : chacun semble concentré sur sa foulée et ça ne discute pas trop.
D'après Christine, ma femme, j'ai ¼ d'heure d'avance sur mes prévisions, va falloir se calmer si je veux aller au bout... De nouveau, même régime qu'à Kerrouach, le plein de ma poche à eau, et c'est reparti après 5mn de pause.
Maintenant direction Le Bono, où l'an dernier la succession de petites bosses m'avaient pas mal mis à mal. Cette année, surprise, ça passe nickel chrome, je m'amuse comme un petit fou, j'en oublie même ma cyrano. Le cimetière de bateaux n'a pas bougé et est toujours aussi beau. Passage sur la passerelle, toujours aussi sympa et c'est l'arrivée au ravitaillement où j'arrive à 21h53 et où je retrouve mon pote Paulin et sa femme. On discute 5mn et c'est reparti pour un tour. Pour le moment, tout va bien, tous les signaux sont au vert.
La nuit ne vas pas tarder à tomber, je prépare donc les frontales que j'avaient testées lors de mes sorties nocturnes. Je recommence à courir tranquillou et là, je ne sais pas si le début de la fatigue, si c'est mon éclairage qui est insuffisant mais je me retrouve incapable de « lire » le relief au sol : je n'arrête pas de trébucher sur les cailloux ou les racines. Après 2/3 frayeurs, je me décide donc à faire le reste de la nuit en marche rapide. Il faut dire que contrairement à de nombreux coureurs, marcher ne me dérange pas, puique j'ai pratiqué cette activité de nombreuses années avant de me mettre à courir.
Larmor Baden : 1er gros ravitaillement et une ½ heure d'arrêt. Comme l'an dernier les bénévoles sont toujours aussi efficaces : à peine ai-je pointé que l'on me tend mon sac à dos. Je vais alors passer un maillot manche longue, changer de chaussettes, et m'enduire copieusement les pieds de Nok de façon à passer la nuit sereinement.
A partir de là je n'ai plus trop souvenirs très précis de ce qu'il s'est passé mis à part que je n'arrêterai pas de faire le yoyo avec Danièle, une centbornarde avertie. Elle court, je marche, et l'on se croise à chaque fois que le terrain est à l'avantage de l'un ou de l'autre. On arrivera quand même à se perdre deux fois en ratant des bifurcations pourtant pas trop mal indiquées (à noter l'effort particulier fait par l'organisation cette année sur la balisage avec un grand nombre de balises fluorescentes).
Arrive le petit matin, où comme l'an dernier à l'approche de Moréac, je suis pris d'un énorme coup de barre. Je cherche un banc depuis un petit moment lorsque je double une concurrente qui n'a pas l'air au mieux. Je lui demande donc comment elle va et elle me répond que c'est juste la fatigue. A peine l'ai-je dépassée qu'un banc se présente que nous partagerons tous les deux. Mais pas de bol, même si je suis fatigué, le sommeil ne vient pas et je me résous à rejoindre le ravitaillement. Là je m'allongerai une dizaine de minutes à même le sol. Ce petit intermède va me permettre de me refaire provisoirement la cerise et d'envisager de rallier Vannes dans de meilleures dispositions.
C'est à ce moment que je rallume mon portable et que je reçois quelques SMS et messages qui me feront le plus grand bien. Celui de Colimaçon est celui que je garderai en tête à chaque moment difficile : « si t'en chies, dis toi que j'aimerai être à ta place ».
J'arrive sur Vannes vers 8h25 : 1h d'arrêt avec au programme douche, soupe et changement complet de tenue. A la reprise, les jambes sont dures mais petit à petit je peux recommencer à trottiner. Aux alentours du 107ème km, gros coup de fatigue, de plus mon genou gauche se met à faire des siennes. C'est alors que je tombe sur un champ hospitalier sur lequel je me ferai une petite sieste d'1/2 heure. Au réveil, impossible de recourir, mais le genou semble se faire oublier en marche rapide, je terminerai donc en marchant avec mes bâtons.
Ravitaillement de la pointe du Bill où je retrouverai ma petite femme. Si je ne suis pas trop loquace à ce moment là, sa présence me fait énormément de bien. C'est donc reparti après ¼ d'heure, pour un tronçon que j'appréhende énormément puisque c'est celui où j'ai abandonné l'an dernier.
En chemin, je rattraperai 2 autres coureurs, David et Dominique, avec lesquels je cheminerai vers Noyalo. On n'arrête pas de papoter, Dominique en profite même pour nous déclamer le poème de José-Maria de Hérédia « le coureur », le temps passe vite, surtout la fameuse (très longue) ligne droite le long de la nationale et nous arrivons au ravitaillement de Noyalo vers 16h. J'y referai une petite sieste d'1/2 heure, laissant filer mes 2 compagnons.
S'en suit la partie du parcours que j'ai préférée, une traversée dans les marais : j'ai l'impression d'être seul au monde dans un paysage absolument magnifique qui me fait un peu penser au Nouveau Brunswick. La suite se passe bien et j'approche de Sarzeau dans un état complètement euphorique. A Sarzeau, passage chez les podologues pour cause de grosses ampoules.
Pour la 1ère fois de course j'ai faim et en profite pour manger une assiette de pâtes que mon estomac me fera regretter une bonne partie de la nuit. C'est maintenant parti pour les 30 derniers kilomètres ; dans ma tête maintenant c'est clair, je ne peux plus abandonner. Au début, pour sortir de Sarzeau, je suis complètement à l'ouest, je me plante une paire de fois, heureusement les coureurs du raid commencent à me doubler, toujours avec un mot sympa ou une tape amicale. Tout va à peu près bien jusqu'à la tombée de la nuit où là, je vois toujours aussi mal et où le parcours commence à se corser pas mal : monotraces sinueux, premiers escaliers et passages en bord de mer, souvent les pieds dans l'eau. Le ravitaillement de Port Neze arrive à point nommé : coca express et nouvelle petite sieste d'1/2 heure.
Le tronçon suivant va être à l'image de ce qui s'est passé depuis le début de cette seconde nuit : grosse bavante et plus des masses de plaisir, j'ai sommeil, ça commence à me gonfler grave et je suis vraiment pressé d'arriver.
Bernon arrive, c'est tout bon, plus que 10 bornes ! Avant de repartir je vais encore m'allonger pour une nouvelle sieste d'1/2 heure. Et c'est reparti pour le final. A ce moment là, je suis de plus en plus dégouté, et seule l'envie d'en finir me permet d'avancer. Je repense au récit que May avait fait sur son raid 2007 où elle qualifiait les chemins de « stupides », je suis dans le même état d'esprit et regretterait presque les bouts de route qui me faisait râler lors de la nuit précédente. De plus, si jusqu'à présent le fait de me faire doubler ne me gênait pas, maintenant cela me met le moral dans les baskets : j'ai beau me dire que se sont les coureurs du semi, qu'il est normal qu'ils soient plus frais que moi, rien à faire, je commence à ronchonner dans ma barbe, vivement que ce soit fini.
Un sujet d'étonnement à ce moment : il doit être vers les 4 heures du matin, et il ya encore des spectateurs qui nous applaudissent, jamais ils vont se coucher ?
Enfin arrivent les lumières de Port-Navalo, naïvement je crois que c'est l'arrivée, mais non on n'y est pas encore, il reste encore prêt de 3 km. Heureusement, les sentiers tortueux et les escaliers sont terminés on se retrouve sur un terrain plus roulant. Un concurrent du 86 km me dépasse et me fait remarquer que l'on ne voit plus mon dossard, on en profite pour discuter un peu et grâce à lui le temps et les kilomètres passent plus vite, un grand merci à lui. Après un peu de jardinage, le port du Crouesty apparait enfin, il ne reste plus que les quais à remonter pour arriver enfin. Ca y est je l'ai fait, mais je ne ressens pas la joie que je m'attendais à ressentir, je suis complètement hébété, il ne me reste qu'un immense sentiment de fatigue, je ne trouve même pas moyen d'être sympa avec les gens qui nous accueillent à l'arrivée, je n'ai qu'une envie : dormir.
Après un petit somme d'1/2 heure encore une fois (à croire que pendant toute la course, j'avais un réveil dans la tête), petite ballade sur l'aire d'arrivée après laquelle j'appellerai ma femme pour qu'elle vienne me chercher.
15 jours après, les moments les plus pénibles commencent à s'en aller de ma tête et les meilleurs restent. Il y a de grandes chances pour que j'y retourne l'an prochain : cette course est superbe, l'organisation de mieux en mieux, les bénévoles extraordinaires, les spectateurs fantastiques, un grand merci à eux tous. Un grand merci également à ma petite femme pour m'avoir supporté pendant ces 35h50 de course, durée pendant laquelle je n'ai pas forcément toujours été très agréable.
3 commentaires
Commentaire de L'Castor Junior posté le 14-07-2009 à 19:55:00
Bravo Thierry : tu es venu à bout de ce gros morceau du trail en France, avec la détermination de celui qui voulait aller au bout.
Désolé de ne t'avoir que si peu vu pendant le weekend. A charge de revanche ;-))
Commentaire de totote01 posté le 04-08-2009 à 16:06:00
Sympa ton Cr avec de bien belles photos.
Bravo d'avoir terminer cette année, malgrès les gros coups de moins bien.
Allez, l'an prochain la même course sans dormir!!! o;)))
a+ totote
Commentaire de hellaumax posté le 08-12-2009 à 12:31:00
J'ai adoré ton récit, Thierry. j'avais hâte de le lire depuis notre rencontre de vendredi, et c'est maintenant chose faite. j'espère que tu en feras un pour les 24h du Téléthon.
Amicalement
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.