Récit de la course : 24 heures de Saint-Fons 2005, par fhobl
L'auteur : fhobl
La course : 24 heures de Saint-Fons
Date : 9/4/2005
Lieu : St Fons (Rhône)
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Distance : 0km
Objectif : Pas d'objectif
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Bonjour à tous et spécialement aux circadiens de St Fons qui doivent émerger d'une sieste bien méritée : comment cela, non ? Certains d'entre vous ont repris le boulot ce matin ? Alors là chapeau ! Moi j'ai bien fait de prendre ma journée, car d'une part je suis HS, plus cassé que les victimes de Brice de Nice (la nouvelle coqueluche de ma fille...), et d'autre part il m'a bien fallu l'après-midi pour lire tous les CR et posts relatifs à ces 24 h de St Fons qui ont encore été pour un W.E. le centre de la galaxie UFO.
Bon, par où commencer ? Pas facile, et pas envie, de faire le tri dans tant d'émotions, de sensations, de tranches de course, de rencontres et de partage.
En résumé, j'avais décidé de faire de ma première expérience sur 24 h, un défi assez ambitieux : non pas en raison de l'objectif kilométrique (je m'étais fixé un minimum de 200 km, ce qui semblait raisonnable au vu de mon chrono sur mon 1er 100 km un mois plus tôt), mais parce que je voulais voir s'il était possible de concilier deux choses apparemment incompatibles : transformer son corps en "machine à courir" tout en gardant l'esprit zen et surtout ouvert un minimum sur l'extérieur de manière à profiter aussi du contact avec les autres coureurs, accompagnateurs et organisateurs.
Pour y parvenir, j'ai commencé par une préparation spécifiquement orientée vers ce type de course, petite révolution pour le traileur que je suis : j'ai repris l'entraînement, après 3 mois d'arrêt sur blessure, début janvier, par de la PPG, des séances de vitesse et les cross fédéraux. En février, j'allonge les sorties, notamment avec les 6h off de la Marmotte à Chambéry, dont la météo déplorable s'avèrera un excellent entraînement pour résister à celle de St Fons 2005. Fin février/début mars, vitesse spécifique 100 km puis 100 km de St Nazaire les Eymes, qui se passent bien malgré beaucoup de temps "perdu" en arrêts ravito et pipi : environ 30 mn, c'est trop. Sur un 24 h, il faudra que je m'y prenne autrement. L'idée germe alors de la "machine à courir" : ne pas s'arrêter en dehors des inévitables arrêts pipi. Beaucoup me conseillent la méthode Cyrano (alternances régulières course/brèves période marchées) pour y parvenir, mais j'ai horreur de marcher en course (même en trail) et je décide de ne pas l'appliquer sauf en cas d'extrême nécessité (même si elle n'est pas faite pour cela et porte ses fruits si elle est appliquée dès le début). Fin mars-début avril, travail de la vitesse spécifique 24 h sur des séances de 2h à 4h + un test en "grand" entre Grenoble et Chambéry pour Franchir, très profitable. Je cherche une vitesse où je suis bien et c'est 5'30 / km (près de 11 km/h) qui semble me convenir. Ce sera ma vitesse de démarrage à tenir durant le premier tiers des 24 h, puis je compte faire le second tiers en diminuant progressivement la vitesse, avec une résultante autour de 9 de moyenne de manière à obtenir une moyenne de 10 km/h au bout de 16 h de course, et finir le dernier tiers comme je pourrai, c'est l'inconnu total... Durant mes séances à vitesse spécifique, réalisées souvent sur piste au stade, j'ai introduit tous les 10 km un 1000 m en 3'20" pour me mettre en état de fatigue musculaire avant de reprendre le rythme à vitesse spécifique pour à nouveau 10 km. De plus, pour me préparer à rester actif toute la nuit, j'ai programmé le week-end précédent la course une grosse et dure sortie spéléo (14 h à patauger dans de l'eau à 6°C) qui a largement débordé sur la nuit. Enfin, j'ai décidé de ne pas faire de régime alimentaire spécial (genre RDS comme je le fais sur trail) la semaine avant la course, faisant simplement attention à ne pas trop manger de "salo...ries" , mais craquant la veille de la course (le vendredi midi) sur une dégustation de Côtes du Rhônes (Gigondas, Cornas, Côtes Rôties... excusez du peu) organisée au boulot, accompagnées de caillettes, jambonnette et saucisson ardéchois (Laurent me comprendra !). J'arrive le jour de la course sans bobo, en ayant fait du jus toute la semaine, et en ayant dégrisé de la veille, donc tout ce présente bien, si ce n'est la météo, mais elle est la même pour tous. En revanche, je pense que tout le monde n'est pas préparé de la même façon à surmonter de telles conditions et j'avais sans doute un avantage sur ce point, en tant que trailer ayant vécu l'UTMB 2003, mais aussi en tant que géographe et spéléologue ayant l'expérience d'expéditions dans les endroits les plus humides et ventés de la planète (genre Patagonie chilienne).
Le samedi matin, je me réveille en me disant que c'est un bon jour pour courir. Je veux positiver de bout en bout. Ce 1er 24h, tout comme le 100 km à St Nazaire, je l'attends depuis un an et je voulais que ce soit St Fons (le saint patron des ultrafondus ?). Nous y sommes donc : je dis "nous" car je suis accompagné de mon père, déjà efficace à St Nazaire sur son vélo, avec aujourd'hui le renfort de ma mère pour se relayer durant 24 h non-stop au chevet du rejeton. Cette assistance est une pièce maîtresse dans ma stratégie de course : le corps, machine à courir donc, aura besoin de ravitaillement à la volée, sans arrêt au stand, tandis que l'esprit, toujours en éveil, aura besoin en permanence d'encouragements et de stimulation. Ils seront parfaits sur tous ces points et c'est avant tout à eux que je dois ma réussite sur cette course.
Tout a déjà été dit sur l'immédiat avant-course, la rencontre avec les coureurs et accompagnateurs présents, l'ambiance quasi magique qui met immédiatement à l'aise, zen, aucun stress comme avant le départ d'une course rapide, grâce à un accueil lui aussi parfait et réglé dans les moindres détails pour satisfaire les coureurs. Je ne connais pas les éditions précédentes, mais j'ai trouvé cette formule gymnase + nouveau parcours extrêmement satisfaisante : à refaire !
Le départ donné, tout se déroule comme dans un rêve, je sens immédiatement que je suis bien, dans un bon jour. J'évite de partir en tête, de toutes façons ça part trop vite, comme d'hab : je suis dans les 10 en 5'20 au kilo ! Fredou se retrouve à mes côtés et on fait les premiers km ensemble, il sait qu'il est trop vite, mais il se fait plaisir. On discute de son incroyable épopée Lyon-Turin et ce qu'il a vécu et raconte permet de relativiser les agressions météorologiques qui se révèlent gênantes dès les premiers tours : la pluie, la froidure et le vent qui se lève et ne cessera de se renforcer pour atteindre des rafales à 70 / 100 km/h. Je fais face dans la grande ligne droite ouest, orientée plein vent, veillant à continuer de courir dans cette turbine : ce sera mon test : tant que je pourrai courir sur ce tronçon, je serai encore dans le coup.
Sinon, tout se passe comme prévu : j'enchaîne les tours sans m'arrêter aux stands, je ne lorgnerai jamais vers ce havre de paix et de chaleur qu'est le gymnase, sachant trop quel piège il peut devenir. A chaque passage, je regarde à gauche, du côté du chrono, guettant les encouragements du staff et plus particulièrement l'accent chaleureux et ensoleillé de mmi. La "machine à courir" fonctionne donc bien, entretenue et alimentée par mes parents : j'ai aussi décidé comme stratégie de course, non seulement de m'arrêter et de marcher le moins possible, mais aussi de m'alimenter le plus "normalement" possible, c'est à dire en faisant de vrais repas aux heures habituelles des repas (soupe, bol de pâtes, steak haché, banane, le tout en courant, il faut 4 tours pour le repas !), entrecoupés d'en cas solides espacés, et agrémentés de prises de liquides plus rapprochées, en alternant isostar, eau minérale plate, eau minérale gazeuse, carbo-load toutes les 6 h, thé sucré la nuit. A intervalles réguliers, j'absorbe également en alternance des granules d'arnica, de la sporténine et un cachet de viva-mag (magnésium et sels minéraux anti-crampes). Cette stratégie d'alimentation fonctionne bien pendant les deux premiers tiers de course, puis le dernier tiers, plus laborieux, me voit contraint de repartir sur des prises fréquentes de ravitaillement glucidique quasiment à chaque tour (n'est-ce pas Koline ?) : ah les pâtes de fruit de St Fons, je leur dois une fière chandelle : qu'est-ce qu'elles passaient bien ! Si je ne m'en suis pas enfilé 30 sur ce 24 h).
Si la machine ronronne avec plaisir la majorité de la course, c'est aussi parce que j'arrive à rester l'esprit serein et ouvert, concentré mais pas refermé ni enfermé dans une quelconque douleur à évacuer. Certes, j'ai de temps en temps le tibia gauche qui me lance, le genou droit qui est traversé par une aiguille à tricoter, une ampoule que je sens éclater sous le pied droit (j'ai protégé le gauche avec du sparadrap, pas le droit pour voir la différence : j'ai vu...), mais rien de persistant ni d'inquiétant.
Je peux donc aussi profiter un minimum de l'ambiance de la course, observer les uns et les autres, malheureusement pas tous, pas tout le temps, de moins en moins vers la fin : des scènes hallucinantes s'impriment à la volée dans ma mémoire : le shadock volant dans la ligne droite vent dans le dos : pas une fois, mais à chaque tour : le shadock a fait un 24 h en fractionné, si si je n'ai pas rêvé, d'autres l'ont vu aussi. J'ai bien essayé de copier, mais sans succès... Pas évident ! Et Bibi qui nous donne en direct-live un TP de coaching incroyable. Bibi/Shadock, Shadock/Bibi, ça fait des bulles !
Je ne peux citer toutes les personnes qui n'ont pas arrêté de nous encourager sur le bord de la piste, tous les coureurs qui m'ont toujours soutenu : "allez fab", un pouce levé (la grande sportivité d'oignon03, pas dans un grand jour lui hélas, mais toujours élégant en course), Koline et son sourire radieux, qui me fait prendre conscience de "tout ce pouvoir d'être", les encouragements mutuels à chaque croisement avec Pascal Pélardy, qui explose son record et c'est mérité : on a couru sensiblement au même rythme vu qu'on se croisait souvent aux mêmes repères, la différence finale vient je pense des arrêts. J'ai réussi à ne jamais m'arrêter (sauf pour de nombreux arrêts pipi mais rapides : une quarantaine de secondes étirements compris), et je n'ai pas dû marcher plus de 150 m en tout (boire un thé sans m'en mettre de partout, enfiler une épaisseur supplémentaire en milieu de nuit.) J'ai eu la chance de ne pas avoir à le faire, de ne subir aucun incident de course. Je n'ai pas eu à changer de tenue ni a effectuer un soin quelconque. Ne m'arrêtant pas, je n'avais pas à repartir, phase délicate tant moralement que physiquement. Certes, on a tous laissé des plumes dans le vent de face, et j'aime à penser que les 230 km auraient sans cela pu être franchis par plusieurs coureurs, mais je suis au final bigrement heureux de cette course, et notamment du final d'anthologie avec les derniers tours de folies accomplis par Gérard Cain et Pascal Pélardy, qui àchaque fois qu'ils me dépassaient me proposaient d'accrocher mon wagon, mais je m'en sentais bien incapable, au bout du rouleau et satisfait de finir à 225 km. Mais je n'avais pas encore tout vu d'un 24 h : Fredou, après s'y être entraîné jusqu'à la taille dans les Alpes entre Lyon et Turin, et venu me faire la trace pour la dernière heure." On a commencé ensemble, on finit ensemble... et jusqu'au bout. Je renâcle, il est inflexible et convaincant. Un lien invisible s'établit alors entre nous et il m'emmènera jusqu'au bout de la fête. 226, 227, 228 km... Je me surprends même à sprinter sur les 300 derniers mètres pour franchir les 229 km. Seul coup de tête de ma part sur cette course, que je paye très cher après l'arrivée : décollement du périoste gauche (sans doute fragilisé pendant la course), fibres musculaires cassées dans les cuisses, contracture au mollet gauche, tendinite au genoux droit... Le massage d'après-course, habituellement si plaisant et réparateur, est un vrai calvaire. je prends ces bons secouristes pour des tortionnaires. J'ai affreusement mal au tibia, qui est enflé et tout violacé. Je ne peux plus marcher seul. Bref, pas beau à voir, le fab à l'arrivée (ni sa plante de pied gauche, car ce que je prenais pour des ampoules est en fait d'énormes poches de sang très impressionnantes !). Un podium dans les vapes, où j'arrive à oublier de dédier ma victoire aux Franchisseurs et à JSC, cela me tenait pourtant à coeur puisque St Fons était aussi une course de cloture de l'opération et que la marraine Bibi était là, ainsi que le Bourrin. Désolé pour ce moment d'absence...
Reste à gérer l'après-course, la récup et la reconstruction. je pensais passer au trail dans 15 j. avec la Nivolet-Revard, j'ai peur de devoir sursoir un bon moment... Mais je ne regrette rien, ha ça non.
Merci encore à tous et toutes, nous y sommes tous un peu pour quelque chose dans les victoires de chacun.
fab
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fabien hobléa
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