L'auteur : gilgamesh
La course : Le Tour des Glaciers de la Vanoise - parcours de repli
Date : 6/7/2008
Lieu : Pralognan La Vanoise (Savoie)
Affichage : 2583 vues
Distance : 72km
Objectif : Balade
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Samedi 5 juillet 2008, 18H00, place de Pralognan. Comme tout le monde, j’écoute les explications de Philippe Delachenal sur le parcours de repli proposé aux participants en lieu et place du « vrai » TGV, annulé pour cause de météo capricieuse. Pourtant, ma décision est déjà prise : je ne ferai pas cette course. Mais je ne suis pas venu pour rien. J’avais prévu un jour de congé le lundi, histoire de faire tranquillement la route du retour. Or le lundi, les prévisions météo sont plutôt meilleures que pour le dimanche. Alors pourquoi ne pas utiliser ce lundi pour faire le parcours du « vrai » TGV, tranquillou et en solo, quitte à rentrer un peu à la bourre ?
La présentation du parcours de repli achève de me convaincre. Ayant passé l’été dernier à Pralognan, je connais déjà la majeure partie des sentiers proposés, et en général c’est plutôt la nouveauté qui m’intéresse. Qui plus est, la montée/descente au col de Chavière, vraisemblablement sous la pluie, sur une piste assez roulante, ne m’attire pas beaucoup. J’ai beaucoup plus envie de découvrir ce qu’il y a de l’autre côté de la calotte glaciaire, là où je n’ai jamais été. Alors c’est décidé : sous réserve de l’actualisation des prévisions météo, je me tape le vrai parcours du TGV le lundi. Je passe rapidement acheter les cartes IGN du secteur et quelques barres énergétiques supplémentaires, et je quitte Pralognan. Je n’y reviendrai que le dimanche soir, et du coup, n’aurai que peu d’infos sur ce qui s’est passé sur la course officielle. Je ne le saurai qu’après grâce aux récits des kikoureurs.
J’entame donc mon périple sur cette même place de Pralognan, le lundi matin à 4H00 du matin. J’ai décidé de partir tôt pour pouvoir prendre mon temps et avoir un peu de marge. Et puis de toute façon, je ne suis pas un rapide. Evidemment je n’aurai pas de ravitaillement, donc j’ai embarqué suffisamment de bouffe pour tenir le coup sur la journée. Il y a bien 5 refuges sur le parcours, mais je ne suis pas sur qu’ils puissent me servir à tout moment ou qu’il n’y en ait pas un malencontreusement fermé pour travaux ou pour inventaire annuel. J’ai également tout le matos pour tenir le coup par tous les temps car la météo reste assez moyenne et annonce notamment un temps assez froid. Donc je suis plutôt lesté, et pour l’instant équipé de ma frontale pour trouver mon chemin car il va faire encore nuit pendant environ une heure.
Montée au col de la Vanoise.
Je connais à peu près le chemin, mais la nuit, et en plus dans les nuages, c’est quand même pas évident. Je trouve néanmoins mon chemin avec parfois quelques tâtonnements. Je décide de prendre un « rythme UTMB », c’est à dire une marche hyper lente, qui, je l’espère, m’assurera le succès fin août à Chamonix. Une première tentative sur cette course l’année dernière (je parle de l’UT…bien sur) s’est soldée par un échec. La bestiole a eu le dessus sans discussion. Mais cette année…Bref je profite de ma solitude pour tenir un rythme d’escargot difficile à tenir en course. Vous savez, on est toujours entraîné par les autres et par son petit ego. Stupidement, on ne veut pas être derrière…Le jour se lève alors que j’arrive au refuge des Barmettes. C’est encore assez nuageux, et pas franchement engageant pour le restant de la journée. Je me demande si j’ai fait le bon choix. Mon rythme d’escargot finit par me permettre d’arriver au col de la Vanoise en 2H10, ce qui m’assurerait sans problème une place dans les derniers s’il s’agissait du vrai trail. Il y a visiblement des gens au refuge du col (Felix Faure), mais personne n’est encore levé. L’ambiance est encore assez glauque. Je remplis mon camelback et je repars sans trop traîner.
Col de la Vanoise - refuge de l’Arpont.
J’aborde des sentiers que je n’ai jamais fréquentés. Pour la première fois de la journée, je commence à courir le long des lacs, en légère descente. Ma fréquence cardiaque (j’ai mon cardio) s’avère plus élevée que quand je marchais en montée. Bizarroïde. Le ciel se dégage et je peux davantage profiter du paysage. Une lumière magnifique envahit le vallon de la Leisse. C’est trop bon de profiter de ces moments matinaux. Un blockhaus, un petit franchissement de névé, un pierrier sans trop de difficultés et me voilà en route pour les lacs Lozières. Contrairement à ce que je craignais compte tenu des pluies de la veille le terrain n’est pas trop gras. Par contre les torrents sont à un niveau assez élevé. Certains sont même en furie, mais il y a de nombreuses passerelles donc pas de problèmes de franchissement. Je n’aurai à me mouiller les pieds qu’une seule fois. Après le passage des lacs et de belles vues sur ce que je crois être le dôme de chasseforêt, ça remonte de nouveau, et les nuages reviennent. Je sors mon poncho, et quelques minutes plus tard il se met à pleuvoir. Une petite pluie moins violente que celle qu’on eu à subir les vrais concurrents de la veille, d’après ce que j’ai pu lire. Néanmoins dans la descente vers le refuge de l’Arpont, il y a pas mal de cailloux et ça devient un peu casse-gueule. D’ailleurs je m’étale une ou deux fois, heureusement avec juste un bobo à la main. Enfin, alors que la visibilité devient très mauvaise car nous sommes dans les nuages, les cabanes du refuge de l’Arpont apparaissent soudainement, sans que je m’y attende. Il est 8H35. Si j’avais fait la vrai course, je serai hors délai pour 5 minutes et je me serais vraisemblablement fait virer à ce stade. Avec ce brouillard et ce silence, on se croirait dans un de ces films d’horreur des années 30. Pourtant, ce n’est pas Frankenstein que je vois sortir du refuge mais un groupe de randonneurs emmitouflés dans leurs ponchos. Premiers êtres humains aperçus depuis 4H30, mais dans le bazar de leur départ, ils m’ont à peine remarqué et le temps n’est pas propice au dialogue. Je fais le plein de mon camel. L’entrée du refuge étant un peu encombrée, j’ai intelligemment posé mes affaires le long du mur extérieur, juste sous une gouttière. En 1 mn tout est trempé. Bravo ! Je repars après avoir sorti mon premier sandwich du sac.
Arpont - Plan sec.
Je double les randonneurs en courant dans la descente, avec mes bâtons dans une main et mon sandwich à la bouche. Ils doivent me prendre pour un hurluberlu. Sans visibilité, ce n’est pas facile de s’orienter, mais le chemin est assez évident, même s’il y a peu de balisage. Il y a des panneaux directionnels très clairs à chaque intersection, et je n’aurai en définitive que quelques moments de doute mineurs. A la fin de la descente, au lieu dit « Le mont », nouveau moment un peu insolite. J’aperçois des bergeries, et puis soudain, au milieu du brouillard, des centaines de têtes de moutons qui m’arrachent brutalement à ma solitude. Je demande au berger si je suis sur le bon chemin, mais il ne connaît pas le sentier jusqu’à Plan sec ! C’est un stagiaire ou quoi !? Juste après la bergerie, les nuages disparaissent comme par enchantement, et nous avons droit à une superbe vue sur la Maurienne. Plus tard, je croise les randonneurs partis le matin de Plan sec. A la Loza, s’ensuit un passage en faux plat montant assez chiatique. Je commence à trouver le temps long. J’aurai bien fait ce trajet avec d’autres coureurs, comme pour toute sortie « off » qui se respecte, mais là, c’était un « off » un peu improvisé. Je sors mon balladeur, et j’essaie de trouver une fréquence radio pour obtenir une réponse à la question qui me taraude : qui a gagné Wimbledon ? J’avais laissé le match la veille à 2 sets zéro pour Nadal. Je n’avais plus aucun espoir pour Federer. Malheureusement, je ne trouve pas la fréquence de France info. Je resterai dans l’angoisse jusqu’au mardi midi. Résultat : j’aurai raté un des matchs du siècle ! J’embraie sur un peu de musique, et je finis par arriver au refuge de Plan sec. Il est 11H45. Tiens, je suis rentré dans les délais de ma course « virtuelle », qui me servent en fait de référence pour ne pas arriver trop tard à Pralognan. A Plan sec, il y a une éclaircie. La vue est dégagée, et la tenancière du refuge, très sympathique, me propose une soupe que j’accepte sans me faire prier. Je m’accorde une pause qui durera trois quart d’heures. Je profite abondamment du lieu qui dégage une quiétude et une sérénité qui justifient tous les efforts.
Plan sec-Orgère.
Le contournement du lac de Plan d’Amont offre de beaux points de vue. Le temps est maintenant agréable et les randonneurs se font plus nombreux. Je pense au temps où, moi-même randonneur, je prenais les coureurs croisés sur les sentiers pour des timbrés ne sachant pas prendre le temps de vivre. La descente en sous bois vers Orgère est magnifique, mais mes quadriceps commencent à souffrir. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il y ai jusqu’alors beaucoup de descente raides ou particulièrement éprouvante. J’en prends mon parti, et arrive au refuge de l’Orgère vers 14H45. Là, l’ambiance est beaucoup moins sympathique. On est au bord de la route, et la toiture est en travaux. Je fuis le vacarme après avoir avalé un ultime sandwich.
Orgère-col de Chavière.
C’est ici que les choses sérieuses commencent. Je savais que normalement, je devais arriver jusqu’à Orgère sans trop de difficultés. Mais je sais aussi que maintenant, il y a pratiquement 1000 m de montée jusqu’à un col situé à 2900 m ce qui est une altitude élevée pour un trail. Cette montée peut me poser des problèmes. Et en fait c’est justement pour ça que je suis venu. Je l’aborde extrêmement lentement, en soignant la respiration qui est mon gros point faible et m’a déjà joué des tours à partir de 3000/3500 m de dénivelé cumulés. Néanmoins, je monte en fait sans vraiment de difficultés. Ma stratégie à l’économie porte ses fruits. Passée la première partie, assez raide en forêt, puis la seconde, en terrain découvert, moins pentue mais régulière, il y a du plat, et même quelques petites descentes. Je parviens à relancer doucement en courant sur ces passages. Je sais maintenant que j’irai au bout. De toute façon, je n’ai pas le choix, il faut que je sois au bureau demain matin ! La dernière partie du col est assez sauvage, surtout avec tous les névés qui restent encore. Je ne croise qu’un troupeau de bouquetins, dont certains sont magnifiques, et qui se déplacent à peine en me voyant. Il reste encore environ 400 m de montée. L’autre côté du col est obscurci par pas mal de nuages, et je me demande si je ne vais pas me reprendre un peu de flotte. Cette dernière montée se passe sans vraiment de soucis. La respiration est plus difficile, mais compte tenu de l’altitude, c’est assez normal. Je ne rencontre pas mes problèmes habituels, ce qui est peut-être du à mon allure encore très tranquille.
Col de Chavière – Pralognan. Le début de la descente est raide, puis encore encombrée de pas mal de névés, qui se franchissent néanmoins sans difficultés. On retrouve ensuite une piste assez large, qu’on du emprunter la veille les concurrents du « vrai » TGV. Les quadri sont assez douloureux, mais petit à petit, je m’enhardis. Les nuages ne sont pas si terribles. Je finis par accélérer franchement, le terrain s’y prête. Je ne m’arrête pas à Peclet polset. Cette descente est interminable. 1500 m quand même. Au roc de la pêche, j’en ai vraiment marre, et j’accélère encore plus. J’arrive à Pralognan vers 19H30, après 15H30 de course. Petite satisfaction, je finis dans les délais « virtuels » après avoir été « virtuellement » éliminé au premier ravito. En passant devant la patinoire, j’ai le temps de me voir dans les vitres, et je me rends compte qu’avec mon poncho, alors qu’il fait grand soleil, j’ai vraiment l’air d’un gros cake ! J’ai en plus une tête de déterré et je dois faire peur aux passants. La fatigue est arrivée insidieusement.
Je n’ai pas eu de véritables problèmes à part une ampoule. En arrivant à ma voiture, par contre, je prends un méga coup de bambou. Je me sens soudain très faiblard, avec une très grosse envie de dormir et des nausées. Je dois m’allonger dans ma voiture. C’est sans doute du à l’emballement dans la descente, pendant laquelle, pressé d’arriver, je n’ai pas beaucoup bu et pas mangé. Je passe d’un état hyper zen au doute total. A l’UTMB, il faudra avoir du mental dans ces moments là, et je ne suis pas sur d’en avoir suffisamment.
Après être rentré, le lendemain, des copains coureurs me disent soit que j’ai eu « un gros mental » pour faire ça tout seul, soit que je suis totalement inconscient. Je n’ai pas le sentiment que ce soit l’un ou l’autre. J’ai quand même l’impression d’avoir fait un truc un peu étrange avec ce « TGV off » en solo. La grosse connerie, c’est d’avoir enchaîné avec de la route, sans avoir mangé car j’avais mal au ventre, et dans un état d’endormissement avancé. Ne faites jamais ça, c’est beaucoup plus dangereux que de courir seul à plus de 2000 m d’altitude.
3 commentaires
Commentaire de JLW posté le 11-07-2008 à 23:41:00
Certes original ce mega off en solitaire je pense en effet qu'il aurait été un peu plus prudent de le faire au moins à deux... Mais est-on vraiment raisonnable par moment dans notre sport préféré ?
En tout cas bravo et je te souhaite un bon UTMB.
Commentaire de philkikou posté le 12-07-2008 à 09:23:00
Bravo pour ve OFF en solo....
Très bonne préparation pour ton objectif UTMB...et bonne analyse des points + et - : avec cette sortie plus l'expérience de utmb 07, ca va passer pour 2008 !!!
Commentaire de DidierC posté le 12-07-2008 à 12:13:00
Rhhaaaa !!! je suis encore + frustré de ne pas avoir fait le grand tour !!! bravo 15h30 en autonomie c'est pas mal du tout! par contre en effet la voiture quand on somnole, PAS BIEN ! mais qui ne l'a pas fait...
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