Récit de la course : Les 66 du Doubs 2008, par Cerium

L'auteur : Cerium

La course : Les 66 du Doubs

Date : 10/5/2008

Lieu : St-Ursanne (Suisse)

Affichage : 871 vues

Distance : 66km

Matos : Porte gourde double

Objectif : Balade

1 commentaire

Partager :

St-Ursanne bis et ter.

St-Ursanne bis et ter.

Mes premiers pas sur cette épreuve là :

http://www.kikourou.net/recits/recit-1247-les_66_du_doubs-2003-par-cerium.html

ou ici :

http://www.ultrafondus.fr/content/view/1049/87/ 

« Plus jamais ça, plus jamais comme ça »

Voilà les pensées qui tournent dans mon esprit à Chervillier, 38°km, lors de l’édition 2006 de cette course qui a lieu tous les deux ans.

Ces raisonnements sont provoqués par des jambes dures comme je ne l’avais jamais connu.  Mais surtout parce que ces douleurs musculaires sont provoquées par une mauvaise gestion de ma course, et ça m’enrage !

Tout ça parce qu’a une époque où avoir fait l’UTMB n’étais pas encore une obligation mondaine et où je découvrais les subtilités de la communication sur internet et son incidence sur la célébrité, deux coureurs m’accompagnant me flattaient admirativement. Ou comment un peu de fierté légitime se mue en gros coup d’orgueil…

Encensé pour ma performance autour du Mont-Blanc, je tiens un rythme déraisonnable au vu de la distance, en me disant que si eux tiennent cette vitesse, je me dois d’en faire autant. Grosse bêtise qui se payera cash quelques kilomètres plus loin. Ils abandonneront, me laissant serrer les dents et me maudire tout le reste de la course.

D’autan plus que le terrain détrempé et boueux est particulièrement pénible, forçant les muscles latéraux des cuisses à un travail forcené et inhabituel pour maintenir l’équilibre, et que je suis équipé de chaussures efficaces dans le terrain mais peu dynamique sur la route.

Bref, je suis déçu de mon comportement, de mon manque de lucidité et passablement cuit. Seule la traversée d’une vaste zone boueuse à grands pas rageurs me permettra de décompresser et de retrouver un semblant de sérénité.

Arrivée en 6h31, soit un temps identique à 2003, mais avec le sentiment d’avoir largement gâché ma course. 

 

10 mai 2008, je me présente à nouveau au départ, dans une situation complètement nouvelle et un autre état d’esprit. Seul subsiste le « plus jamais comme ça »

En effet, j’ai participé le weekend précédent aux 24 heures de Bâle, et une certaine fatigue est prévisible. Je désire quand même courir, quitte à finir en balade si ça ne vas pas trop bien. Pourquoi ? ben parce que :

Pour la nouveauté de l’expérience, étant jusque là très structuré, avec repos, montée en puissance et compétition, le tout parfaitement planifié pour être en forme au bon moment.

Parce qu’à force de fréquenter des zigotos aux idées saugrenues sur les forums ou en course, je fini par me laisser aller de bon cœur à mes propres loufoqueries.

Comme suite à un post sur internet, j’ai réussi à rameuter plus de 6,2% des participants, (facile ça en fait deux, on est tout juste 31 au départ !) je ne veux pas me tirer les flutes….

Que si ce n’est pas la meilleure performance chronométrique, le plus important est de réussir une bonne course en fonction de la forme du moment.

Et ça fait deux ans que mon épouse me glisse régulièrement qu’elle accepterai volontiers une invitation à déguster une de ces fameuses truites du Doubs.

 Il y a dans le lot un argument incompressible, donc acte.

En pénétrant dans la salle de gym, j’y retrouve Jacques, fidèle régional de l’étape. On recommence à discuter en vieux habitués comme si on s’était quittés la veille. Quelques autres connaissances et en plus les bénévoles qui n’ont pas changés, ça donne une ambiance très « sortie entre copains ». Parfait pour moi, j’ai bien fait de venir.

Quelques mots, plaisanteries et tentatives de photos avec Eric, que je connais très bien « virtuellement », à peine « en vrai », et on s’élance tranquillement sur la route. Le temps de clore les discutions en cours, nous attaquons la montée dans les chemins creux. Comme prévu, je règle mon « intensimètre d’effort interne » à bas niveau, et je laisse partir les collègues sans sourciller.

Il fait bon, le terrain est sec, les chevaux curieux ou envieux, je coure bien à l’aise en restant à l’écoute d’un éventuel couinement ou grippage interne. Pas le moindre souci, tout baigne.

Je retrouve des paysages connus, les détails caractéristiques des villages ou fermes ressortent, d’autan que j’ai plus le temps de les observer. Toujours tranquillement, bien calé à une allure agréable et facile, je commence à remonter des concurrents partis eux, un peu trop vite. Surprenant de passer des coureurs sans attaquer, ni chercher à accélérer. J’imagine pourtant très bien les pensées et craintes des concurrents fatigués qui voient se dérouler devant eux les longs chemins ondulés. …Et dire qu’il faut encore aller jusque là-bas, …tourner devant l’ancienne douane, …remonter cette longue route, …  redescendre encore une fois au bord du Doubs…

Je me surprends même à courir avec légèreté certaines montées franches, puisque je n’arrive pas à leur base trop essoufflé. J’aborde donc avec confiance la passerelle de Clairbief, rassuré sur ma capacité à dérouler une foulée roulante sur la longue partie plate qui suit.

Mais avant, il reste une petite bosse à franchir. J’y dépasse un concurrent en difficulté, petit « ça vas ? » « Bof pas terrible ». C’est l’un des coureurs qui est venu suite à mon post, pas sûr que cet instant soit le mieux choisi pour les présentations… La redescente abrupte sur une trace scabreuse me renvoie sur la route. L’édition précédente avais d’ailleurs fais l’impasse sur ce tronçon, trop défoncé par les pluies.

Ah oui, là il y a du plaisir, à dérouler sans souffrance le long du Doubs, à admirer les petits chalets, à regarder s’envoler les hérons. Et aussi à dépasser des collègues grimaçants qui n’ont pas l’air du même avis. Oh que je les comprends…

Traversée de la passerelle de Chervillier en même temps qu’un groupe de randonneurs Suisses-Allemands.  Mon esprit taquin me pousse naturellement à tester si mes 64 kg suffisent à insuffler un mouvement  ondulatoire à cette imposante masse d’une douzaine de beaux bébés d’au moins 110 kg pièce. Petite session de foulées bondissantes, ça marche suffisamment pour déclencher quelques exclamations et invectives gutturales et intraduisibles qui me font comprendre que j’ai de la chance que la chasse à l’olibrius soit interdite dans le secteur.

Je suis définitivement de bonne humeur, et m’élance avec entrain dans la montée, au travers des herbes hautes. Je ne tarde pas à apercevoir deux silhouettes un peu plus haut. Tient, il me semble que c’est Eric. Tout en me retenant d’accélérer, je parviens à leur hauteur, échange quelques nouvelles. Eric ressent le manque de fond dû à une bonne grippe qui a coupé sa préparation, bref, il est un peu court et dans le dur. Je profite de ma relative fraicheur pour le laisser en compagnie de Res, un Suisse-Allemand parfaitement trilingue, et bascule rapidement sur Epauvillier et son ravitaillement.

Regroupement  à la table, 10’’ d’avance au départ, le temps de me retourner deux fois pour me rendre compte que le duo me suit à 30 m, et je décide de me joindre à eux. Je ne suis pas  aujourd’hui d’humeur à m’arracher les tripes et à me mettre la pression pour un chrono. Un choix qui m’offre une place assez confortable : pas le meilleur en montée, mais pas le plus faible, pas le plus rapide à la descente, mais pas le plus lent, très à l’aise sur le plat, je peux profiter de bavarder sans risquer d’être le boulet du groupe.

On profite de faire un peu mieux connaissance, progressant parfois à trois, parfois légèrement séparés, selon les soubresauts du tracé. Entre deux anecdotes, Eric nous gratifie d’une brillante démonstration de nettoyage des chaussures avec le contenu de son camelback, je me venge aussitôt par un coup bas psychologique en indiquant minutieusement dans le terrain la grosse montée qui se prépare et le tour des crêtes qui s’en suit. Bien sûr, je précise qu’il nous reste au moins deux bonnes heures à parcourir les pâturages, mais que St-Ursanne est à moins de dix minutes… dans l’autre direction ! Heureusement que Res maintient un peu de pondération dans cette bande de FOU1. (tient, j’ai pas le tiercé dans l’ordre là.)

La grimpée de Montmelon a un petit air de grand col de Ferret pour certain mais on se rassemble tous sagement dès le passage sommital, prêt à débouler sur le golf de la Caquerelle après quelques détours dû à l’évitement d’une ferme isolée, ou plutôt de la vindicte de son propriétaire.

C’est peut-être le signe que je tourne papy, mais une grosse envie de faire la sieste me tombe dessus. Pas fatigué, non, juste sommeil. Je tente de récupérer pendant que « le gros » du peloton plaisante avec les bénévoles affairés à la dégustation de grillades. Le terrain qui se présente n’est guère propice aux pérégrinations les yeux fermés, plutôt casse pattes jusqu’au col des Rangiers. Le « Fritz2 » nous accorde la priorité pour traverser, heu non, c’est plutôt le bénévole d’un rallye moto qui a lieu dans la région.

L’émulation de groupe permet de trottiner vaillamment pour la dernière montée, et après une ultime vision panoramique, on s’engage sur le rocailleux chemin de crête.  Signe de déconcentration, je me tords légèrement la cheville, spectaculaire mais heureusement sans conséquence, juste assez pour me rappeler à la prudence. D’autan que la dernière descente, qui s’amorce droit « outre en bas » le champ, se présente à travers les derniers arbres.  

C’est pas que je gène au milieu du chemin, mais l’entrainement spécifique pour un 24h n’inclus pas forcément beaucoup de dénivelé, et je ne me sens pas trop les jambes pour plonger sans retenue. J’invite Eric à passer, le temps de tourner la tête pour savoir de quel côté il est, et je ne vois plus quelques brindilles d’herbes qui volettent dans l’air devant moi… Oulà, il est soudain pressé, il doit sentir une odeur de clafouti aux cerises… objectif moins de 7h, juste raté pour 2’, va falloir qu’il revienne…

Je me contente de descendre normalement, enfin, comme quelqu’un de normal, assez vite d’ailleurs.  Res me rejoins  au dernier ravitaillement et nous finissons ensemble en 7h 04. Il est content d’améliorer son résultat de 10’, et si je suis à plus d’une demi-heure de mon temps, je suis très satisfais de ma gestion de course, et d’avoir passé une belle journée en bonne compagnie.

Pierre-André

1 FOU / UFO = http://www.ultrafondus.fr/

2 Le Fritz  = surnom de la Sentinelle des Rangiers, monument en hommage aux soldats qui ont défendus la frontière durant la première guerre mondiale. Responsable d’une certaine allergie urticante  parmi les autonomistes Jurassiens, il fut renversé à deux reprises  puis définitivement démonté.

 

1 commentaire

Commentaire de seapen posté le 03-07-2008 à 14:57:00

Excellent récit qui me plonge dans cette course et dont les prospectus la présentant me font rêver. Il faudrait que je travaille un peu mon ultra pour franchir le cap. En attendant je suis abonné aux Tchérattes. Merci. Salutations.

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Version grand écran