L'auteur : boulard raymond
La course : 6 heures de Gravigny
Date : 26/4/2008
Lieu : Gravigny (Eure)
Affichage : 1199 vues
Distance : 0km
Objectif : Pas d'objectif
Partager : Tweet
Proscrire tentation, pensée
d’abandon ?
6 heures de Gravigny 2008
Un titre peu enjoué pour une course belle et dure dans sa durée, à mi chemin entre le marathon et le 100 KM. Mais ce sujet mérite quelques lignes que j’évoquerai au cours de mon résumé.
Début septembre, avec mon pote José, l’objectif était les 100 kilomètres de Vendée. Notre jeune retraité Morin avec ses problèmes de dos a reporté cette perspective; ceci étant au regard de ce 6 heures je reste persuadé que ce 100 bornes, il l’avait dans les jambes.
Nous nous sommes donc dirigés vers un 6 heures et en prime, comme compagnon de route, notre ami le grand Michel Cauchard.
Un entraînement raisonnable sur une période de deux mois, à raison de trois séances la semaine dont une longue sortie.
Dans les années 90, j’avais eu l’occasion de courir plusieurs fois les 6 heures de Maison Alfort, le plus dur physiquement me semble-t-il était le passage entre la quatrième et la cinquième heure.
Samedi 26 avril après consommation de sucres lents, vers 10h15 les trois jeunots comme le dit si gentiment Denis Morel, partent vers Gravigny pour un grand bol d’air.
On récupère nos dossards à la salle des fêtes, peu de participants sont arrivés.
En avance sur l’horaire, Michel et José m’accompagnent sur le circuit, tranquillement en marchant pour que je puisse repérer les obstacles éventuels afin de palier à mon problème de mal voyance.
Un circuit de 1.450 kilomètres, sécurisé par des barrières, une partie montante au départ, suivi d’un passage en campagne exposé plein soleil , une descente ombragée et enfin retour en ville. Ce genre de course est difficile à organiser : circulation, stationnement, sécurité totale des coureurs, animation, ravitaillement, pointage,…chapeau aux organisateurs !
Côté météo, les prévisions sont très chaudes, on annonce la température la plus élevée depuis le début de l’année. Le départ de la course étant à midi, on peut craindre les 14h00, le soleil sera au zénith et les UV auront atteint le maximum de leur puissance.
Suivant l’exposition d’une partie du circuit, un puissant cagnard attend les coureurs de grande taille, desséchés et les petits, asphyxiés avec les effluves du macadam. Tout un programme !
11h30 : briefing sur l’aire de départ. Le speaker rappelle le règlement pour les individuels et relayeurs et les consignes pour la sécurité des coureurs.
12 h00 :coup de pistolet de monsieur le maire de Gravigny. C’est parti pour 6h00 de course. José me propose de rester ensemble les trois premiers tours, le temps nécessaire pour que la petite foule des fondeurs s’étoile et que je puisse évoluer plus facilement.
Je peux courir. Il me suffit de suivre les barrières placées sur la route, à un mètre de distance des trottoirs.
Au bout du deuxième tour, le peloton est déjà beaucoup moins dense, José, notre métronome, s’évertue à régler notre allure entre 9 et 10 km/heure. A chaque passage, le speaker annonce les numéros de dossards aux pointeurs qui les comptabilisent.. Avec beaucoup de sympathie, il nous interpelle " le grand Michel, le jeune retraité, le p’tit Raymond " et nous encourage jusqu’au bout de l’effort.
Septième tour, 1 heure de course, José est toujours avec moi. Michel est légèrement en retrait. J’ai bien mémorisé visuellement le circuit et reste concentré. Depuis plusieurs années, je cours toujours avec un binôme (notamment avec Greg, Olivier, José ou Sébastien).De mémoire, en 2003, au marathon de Paris, j’ai couru en solo et aujourd’hui, une certaine fébrilité m’envahit.
Début du huitième tour, José se laisse décrocher volontairement. Je stabilise mon allure, double et me fait doubler. La course commence seulement.
Le peloton est composé en majorité de vétérans, de quelques seniors, très peu de femmes, en tout cas capable de donner le pion à la gente masculine.
Dans ces courses au long court, au fil des kilomètres, des tours, on discute. Je parle avec une coureuse. Elle me raconte son trail des Templiers en 2007, Trail mythique.
3h00 de course, tout va bien, de bonnes sensations. Les ravitaillements qui avaient lieu tous les trois tours en début de course, sont plus fréquents : tous les deux tours maintenant car la chaleur s’impose de plus en plus.
3h30, depuis peu je viens de terminer un tour, le speaker annonce le passage du grand vétéran 3 du CSADN. Je viens de doubler Michel sans m’en apercevoir. José, toujours selon les informations, est quelques centaines de mètres derrière moi.
Côté spectateurs, quelques personnes qui seront omniprésentes pendant ces 6 heures : des amis, des membres de la famille. Des coureurs sont là au contrôle, nous encouragent, nous applaudissent à chaque tour.
Plus que 1h50 et toujours de bonnes sensations, je suis étonné car le plus difficile arrive.
4h30 de course, je sens des remontées gastriques, je marche, Martine, ma petite femme, Michèle, Francine et Mathieu viennent d’arriver.
Je m’écarte un peu pour aller vomir. Depuis quelques temps, à cette durée de la course, je suis confronté à ce genre de problème et je n’ai pas encore trouvé la solution pour y remédier. Intérieurement, je fulmine et t’empeste, en un quart d’heure le bien et le mal.
Je discute avec Francine, je lui fait part de mon envie d’arrêter la course. A ce moment précis, José me double. En passant, il me dit gentiment et fermement :
Je repars et décide de faire le tour en marchant, petites foulées. Après trois tours, José et Michel me rattrapent, quelque mots gentils et toujours cette consigne de continuer.
A cet instant précis de la course, je sais que j’irai au bout des 6 heures, quelque soit le résultat kilométrique.
Je reprends des forces, j’alterne course et marche. La majorité des concurrents est dans cette situation de rando-course. Je médite sur ce passage à vide et me pose les questions suivantes :
Abandonner c’est :
Balayer d’un revers les heures et les kilomètres parcourus à l’entraînement avec des copains.
Abandonner c’est :
C’est se priver de situations cocasses en fin de parcours volontairement et légèrement déformées par l’auteur, de l’humour rien que de l’humour.
Partie légèrement descendante, j’aperçois le dossard 49, il s’arrête à l’abreuvoir, enlève son joli maillot bleu ciel.
Bizarre, étrange, je ralentis ma foulée, facile, j’avance plus.
Un supporter peu être ou bien le propriétaires des lieux l’attend un gant de toilette à la main.
Un peu de patience, je continue.
Ce brave homme trempe le linge providentiel dans l’eau glacée et frictionne le dos du grand Michel.
Pas gêné ! me dis-je. Il a les moyens d’avoir son masseur personnel.
Je tends l’oreille, un dialogue s’installe entre les deux complices.
" ça fait du bien mon grand ?
tais toi et frotte !
calme toi, tu es fatigué lapin !
grouille toi, José attend, il va gueuler "
Le ton feutré de l'âme charitable, le ton vindicatif de notre ami Cauchard, sans doute est-il sorti de sa bulle.
Je passe mon chemin à pas de loup avant d’être repéré et je ne sais POURQUOI j’ai écouté, car cela ne me regarde pas.
Abandonner c’est :
Se priver de ce regard et des mots bienveillants de coureurs septuagénaires qui me disent :
c’est bientôt fini, vous allez au bout monsieur
Du spectateur qui s’exclame :
C’est la dernière heure la plus belle
Entendre ma femme me dire :
Vas-y Papoum
De cette fraternité entre coureurs, supporters et amis
Abandonner c’est
Désenchanter notre future lauréate Magali et oublier nos copains du CSADN.
Dans un récit sur le site kikourou, jeanluc78 résume remarquablement cette vision de course :
" Avant d’abandonner, j’en ai vu aussi à Millau des vedettes, mais elles n’y courent pas le cachet. Même certains, comme B.Heubi qui aurait eu d’excellentes raisons de ne pas se présenter ou d’abandonner compte tenu de sa blessure et de son manque d’entraînement, et qui a tenu à finir par respect aux organisateurs , aux bénévoles et pour les autres coureurs. Clin d’œil et chapeau bas à Mr Heubi. "
Il est évident que des incidents corporels graves conduisent à arrêter un projet. Mais globalement, ce sujet mérite d’être évoqué. Excusez-moi d’avoir été un peu longuet, ce moment me concernait.
En tout cas, avec une philosophie différente de l’objectif, on peut transformer le négatif en positif.
Plus que 30 minutes de course. 3 tours, environ, en compagnie d’un coureur, nous évoluons entre marcheurs, coureurs.
Dernier tour, plus que 1,450 km, je ne vole pas vers l’arrivée, je marche, je cours, je marche, je rêve.
6h02, c’est fini ! Mon objectif de 60 kilomètres n’a pas été atteint mais c’est dérisoire par rapport au bonheur de terminer.
José et Michel arrivent quelques minutes plus tard, fatigués mais le sourire radieux.
Nos épouses nous ont rejoins, les coureurs(es) du CSADN sont là pour nous féliciter.
Je m’éloigne discrètement du groupe pour aller vomir copieusement. j’aimerais comprendre pourquoi je rencontre ce problème.
Vaseux, peu loquace, je suis désolé d’avoir fait preuve d’aussi peu de sympathie envers les membres conviviaux du CSADN. Je vous présente mes excuses.
Je repars avec les femmes, José et Michel pour attendre les résultats.
Dimanche 27 avril au matin, je pars courir 10 km pour penser, pour récupérer, pour savourer la course. Je croise un copain, on fait un bout de route ensemble.
A midi, invitation chez Chantal et Claude Heudebert, accueil chaleureux, sympathique, dans un esprit sportif.
Deux jeunes retraités en forme : Chantal marche 50 à 60 kilomètres par semaine, Claude ancien champion cycliste UFOLEP, court tous les jours.
Envie de refaire un 6 heures, pourquoi pas, à Gravigny l’organisation est top, le seul bémol : l’heure du départ par rapport à la météo !
Si des coureurs ou lecteurs connaissent l’origine, l’historique des 6 heures, transmettez le moi sur ma messagerie. MERCI.
Mille fois merci :
A ceux qui ont crée cette course, aux organisateurs qui ont travaillé sans compter, aux bénévoles toujours présents et très actifs.
Remerciements particuliers :
A Martine, Michèle, Francine et Mathieu pour nous avoir encouragé.
A Claude HEUDEBERT pour sa bienveillance discrète à mon égard et la disponibilité dont il a fait preuve pour nous accompagner durant l’entraînement.
Aux coureurs(es) du CSADN pour leur reportage photographique et leur présence sur la ligne d’arrivée.
A Michel, grand coureur par la taille et l’humilité. Qu’il veuille bien me pardonner de l’avoir taquiné dans ce récit.
A José, mon pote de course à pied depuis 20 ans, pour sa gentillesse, ses encouragements et surtout pour m’avoir permis, en repérant à mes côtés les obstacles sur le parcours, de pouvoir courir en autonomie ce 6 heures de Gravigny.
Raymond Boulard
St Marcel, le 01 Mai 2008
2 commentaires
Commentaire de hagendaz posté le 03-05-2008 à 13:28:00
très sympa, beaucoup de sentiments. cela me projette pour mon 6h dans 1 mois
Commentaire de agnès78 posté le 04-05-2008 à 19:54:00
Magnifique récit emplein de beaucoup d'émotion mais aussi beaucoup de volonté pour aller au bout de cette épreuve horaire! Un très grand BRAVO... Pour les 60kils ce sera pour bientôt, j'en suis certaine.
Bises et bonne récup
agnès_qui_va_encourager_son_chéri_sur_son_premier_6H... ;-)
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.