Récit de la course : La 6000 D 2007, par Nono limit

L'auteur : Nono limit

La course : La 6000 D

Date : 29/7/2007

Lieu : La Plagne (Savoie)

Affichage : 3157 vues

Distance : 55km

Objectif : Faire un temps

1 commentaire

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Le récit

Samedi 28 juillet 2007, je pars de La Côte d'Arbroz en Haute Savoie, lieu de nos vacances, pour rejoindre Les Coches, lieu de vacances de mon compadre de course, Fabien, alias "coach". Pour l'occasion, je ne suis pas seul, j'ai emmené avec moi une supportrice de choc, ma fille de 6 ans, Elisa, qui retrouvera ses copines, les filles du coach.

Arrivés vers 16h aux Coches, nous posons les bagages. Je pars chercher les dossards avec Fabien. Pour cette année (2ème fois que je participe à la 6000 D) j'ai le dossard 430.

A Plagne Bellecôte, il fait froid, 12 degrés. Pour se réchauffer, direction la terrasse d'un café pour prendre une (pas trop) bonne bière. Nous discutons de la stratégie de course. Primo, partir dans les 50 premiers sur toute la partie plane, c'est à dire du 15 km/h sur les 3 premiers kilos pour éviter l'embouteillage de la montée vers Aime 2000. Secundo, passer à Pra Very, km 8, à 9h, c'est à dire 1000 m de dénivelé/heure. Tertio, sur toutes les parties descendantes jusqu'au Glacier (entre Aime 2000 et Plagne centre, entre Roche de Mio et col de la Chiaupe) relancer, c'est à dire faire du 14-15 km/h ... si les jambes fonctionnent bien. Quarto, Passer au glacier en 3h30 (mini)-4h (maxi), pour pouvoir dérouler sur la descente en 2h (mini)-2h30 (maxi) et tutoyer les moins de 6h, c'est l'objectif de cette année. Pour finir, ne pas se blesser (appréhension légitime après l'entorse de la cheville droite en février et deux mois d'arrêt) dans la descente parfois carrément casse-pattes (surtout la descente au col de la Chiaupe, l’arrivée avant le ravito de Plagne Bellecôte, et entre Les Tuiles et le Villard de Sangot). Autrement dit, l'objectif est de faire mieux que l'année dernière avec une ascension très mal gérée : le palpitant à 180 entre Bonnegarde et Aime 2000 et un chrono de 6h39'35''.

Le soir, nous profitons de la pasta party, dans une belle salle avec un groupe de jazz qui divertit une assemblée complètement concentrée sur sa course ... et son assiette. Nous observons les athlètes, taillés, pour certains, dans la masse et le muscle. Alors que nous, avec notre mètre soixante-dix et nos 60 kilos tous mouillés, nous faisons figure de marathonien, non de coureur en montagne. Mais bon, mieux vaut partir léger !

Retour à l'appart, préparation du matériel : camel-bag avec poche de 2l, 6 barres pâte d'amande, corsair kalenji, tee-shirt 6000 D 2006, polaire sans manches, chaussettes anti-petits-cailloux-qui-rentrent-dans-la-chaussure-et-qui-font-maaaaaaaaaaaal, chaussures montrail continental divide et l'inséparable casquette go sport grise et orange qui protège bien du soleil quand on est bigleux comme moi !

Réveil à 6h... après 7h de sommeil moyen, il est difficile d'ingurgiter un morceau de gatosport et un thé. Préparation des 2 litres de boisson isotonique décathlon (goût neutre), des 6 petites pastilles de sel (une toutes les heures) et de la pastille de magnésium (300mg) au cas où (crampes).

A 7h15, nous passons prendre un ami de Fabien qui participe aussi à la course, son objectif : finir dans les délais. Décision ô combien sage pour une première participation.

A 7h40, nous faisons 10 mn d'échauffement. Nous croisons la foulée titanesque de Corinne Favre, l'indétrônable victorieuse depuis que la 6000 D existe. Le jour où elle ne gagnera pas, c'est qu'elle ne sera pas là !

7h50, dans le sas de départ. Le speaker rappelle les consignes d'usage puis nous annonce que le départ sera calé sur le passage d'un hélico qui doit filmer le lâchage des furieux sur la piste. Sur la ligne de départ, 4 guignols passablement éméchés après leur nuit de beuverie se mettent en tête (pour ce qu'il en reste) de perturber le lâcher. Vive le sport ! C'est en substance ce que leur dit le speaker avant que la meute se mette en branle.

8h ... VRRRRRRAAAOUUUUUM, la machine est en route, tout de suite en cinquième, boostée par l'adrénaline. Celui qui veut partir tranquille, tranquille sur une telle course doit prendre du valium avant le départ.

Au bout des 3 kilos de plat, je regarde mon chrono : 12'10''. Chouette ! Premier objectif atteint, nous sommes dans le wagon de tête (enfin presque). Dès le début de la montée je laisse Coach devant. Il monte comme un cabri avec le palpitant à 140. Moi, je commence à me dire que je vais payer les 3 premiers kilos et que je suis en train de faire la même erreur que l'année précédente. Les kilos passent et mon compagnon s'éloigne : 100 m, 200 m ... A Pra Very, au bout de 50 mn, Fabien "Coach" me fait comprendre qu'il a des fourmis dans les jambes et qu'il souhaite accélérer. Je lui dis Ciao et je ne le reverrai plus jusqu'à l'arrivée.

Désormais, c'est une course en solo qui se profile avec le moral qui commence à flancher, en même temps que les cuisses. Je sais qu'en voyant partir Coach, mes rêves de moins de 6 heures s'éloignent. La montée vers Aime 2000 est laborieuse, pour ne pas dire désespérante. Je n'avance plus, me fais doubler par une bonne cinquantaine de coureurs. Pourtant, je suis au ravito à 9h45, soit dans les temps prévus, grâce au temps gagné dans les 8 premiers kilos (merci Coach !). Arrêt de 4 mn, puis essai de relance dans la descente vers Plagne Centre. A part l'appréhension de l'entorse, je descends plutôt bien. Il faut dire que suis aussi bon descendeur que mauvais grimpeur (en toute modestie). Autant certains sont des sangliers, taillés pour creuser des tranchées dans les sentiers, autant moi, je suis plutôt gazelle (à lunettes), sautillant de roche en roche pour éviter les OUAAAAAAAAAAAH BAOUM. Voilà !

L'année dernière, entre Plagne centre et la Roche de Mio, j'avais vainement essayé de trottiner, ne pouvant bien souvent que marcher car les jambes et le palpitant ne répondaient plus. Cette année, je ne gambade pas, mais j'avance d'une foulée assurée, bien que rasante. Bien sûr, je me fais doubler, mais beaucoup moins que l'année dernière. Pour preuve, au lac des Blanchets, je suis 103ème, pour arriver 107ème à la Roche de Mio. Je suis la quatrième féminine et un tee-shirt du trail de Faverges. Ils ont la forme car ils discutent comme en promenade. Au pied de la Roche de Mio, je décide de prendre à gauche, par le sentier serpentant, moins raide que le mur (emprunté l'année dernière et qui m'avait valu de cracher mes poumons, mon cœur, mes intestins ... vidé quoi !). La quatrième féminine s'engage dans le mur : bon courage. Je suis le traileur de Faverges. Il est à 50m devant moi, je reste au contact. C'est bon d'avoir quelqu'un à suivre quand on n’a pas de repère. Cela fait une cible à atteindre lorsque la vista reviendra.

A la Roche de Mio, je respire un bon coup et le moral, avec l'énergie, revient dans la descente vers le col de la Chiaupe. Je m'arrête 5 mn pour remplir mon camelbag. Puis je repars à l'assaut de la dernière, mais non moins difficile, ascension : 500 m de D+ en 4 km ! Là, j'avance tranquillement en marchant, me laissant dépasser par quelques coureurs. Je les retrouverai dans la descente, me dis-je. Après quelques minutes d'ascension, je croise le premier en sens inverse : Rudik, puis les suivants, jusqu'à Dawa Sherpa 6ème à ce moment-là. Je lui hurle "Allez Dawa, 4'30'' de retard sur le premier". Ces athlètes survolent les rochers. Ils ne retiennent pas, au contraire, ils laissent couler dans la descente ou même accélèrent. C'est bluffant !

En attendant, moi, je me bats pour mettre un pied devant l'autre entre les rochers, les ruisseaux, les rochers, les ruisseaux .... Au glacier, je pointe en 3h53'46'', à la 127ème position. Mieux que l'année dernière, certes, où j'y arrivais en 4h11'54'' à la 170ème place. Mais mon objectif de moins de 6h à très peu de chance de se réaliser. Il faudrait descendre en 2h05, alors que l'année dernière j'avais mis près de 2h30 pour rallier l'arrivée... Heureusement, pour le moral, la musique rythme les pas avec les percussionnistes bariolés. Et puis j'ai le bonheur de voir ma fille accompagnée de ses copines et de leur maman.

Un petit bisou, quelques pas de danse au son des percu et  AIE, AIE, AIE !!! Un coup de poignard dans le mollet droit me foudroie sur place. Je me retrouve le cul par terre, incapable de faire autre chose que de hurler de douleur en voyant mes muscles agités de spasmes incontrôlables. La crampe, celle que je n'attendais pas (et alors, ça sert à quoi les pastilles de sel !?) s'est invitée à la fête. Un coureur sympa s'arrête, m'aide à étirer le mollet coupable puis me conseille : "continue en marchant lentement". OK gars, c'est bien sympa, mais il me reste encore 27 km à boucler, alors, si c'est dans cet état autant abandonner. Abandonner, quoi, quel mot affreux. C'est ma treizième compétition depuis 1 an et demi et je n'ai jamais abandonné, même lors des plus grosses difficultés aux Templiers 2006. Alors, c'est pas maintenant que je vais me laisser dominer par mon frêle petit corps. Je continuerai, mais si ça ne va vraiment pas, genre blessure, je mettrai en avant l'intégrité physique plutôt que le défi personnel, capable de me ruiner la santé si je n'y prends pas garde.

En attendant il reste 900 m à faire pour arriver au Téléski, point culminant de la course avec ses 3050 m. Je les fais trèèèèèèèès lentement, à l'écoute du moindre spasme dans le mollet. Arrivé en haut, que vois-je ? Non, est-ce possible ? Des névés ! Il va falloir courir là-dessus sur un terrain en pente ... Oh, yes ! Ça c'est un sacré challenge ! (et surtout, ça me fait oublier ma crampe). Et c'est parti pour 3-4 mn de pure folie où chacun essaye de suivre la meilleure trace (un peu comme au ski). Un seul but : bien glisser pour ne pas tomber !

La descente au col de la Chiaupe est, comme l'année dernière, dantesque. Il faut slalomer entre les cailloux, mais aussi parfois les rochers. Se retenir, c'est perdre du temps et surtout se faire mal aux cuisses. Alors allons-y coulé, aérien, rapide et concentré, le regard à 10m pour anticipé la difficulté, ça glisse, ça dérape, ça tourne, ça vire, mais ça encaisse, ça tient bon jusqu'au ravito. Oh oui, ça c'est la course comme je l'aime : une dose d'adrénaline, une pincée de concentration, un poil d'agilité et ça passe ... ou ça casse. Cette fois, ça passe.

3 mn au ravito de la Chiaupe et en avant pour le Dérochoir. Je sais que la descente est faussement facile. Les appuis sont incertains dans les single tracks et un moment d'attention, hop, vous perdez le chemin. C'est ce qui m'arrive, mais un coup d'œil rapide et je repère des coureurs 10 m plus bas. La descente m'a redonné des ailes, mais REAIE AIE AIE. Merde, la mortelle crampe au mollet refait son apparition. Rebelote, je m'arrête, un coureur me porte secours (merci à toi ô athlète altruiste !). Et je repars ... en marchant. Pas trop grave car dans cette portion la pente s'accentue en D+ jusqu'à réserver des surprises dans le col du Carroley. Beaucoup de coureurs l'oublient ce passage-là. On se dit qu'on a fait le plus dur en arrivant en haut. C'est dans la poche (du camel-bag). Mais en vérité, pour les non-grimpeurs, dont je fais partie, la vraie difficulté est là, après 41 km d'effort, il reste ces 154 m de D+ en 950 m. Et là, ça fait maaaaaaal !

Certes, la vue est magnifique depuis le sommet du col : d'un côté le Mont-Blanc (pas cette année), de l'autre, le lac du Carroley. Mais qu'elle est dure cette montée. Et après ... oh la belle descente dans les verts pâturages alpins. C'est pas trop difficile, jusqu'à 500 m de l'arrivée au ravito de Plagne Bellecôte où la pente s'accentue carrément pour devenir très raide et très casse-pattes (des cailloux, des trous, des cailloux, des trous, ouille ! une tranchée).

Je pointe en 5h15'51'' à la 116ème position à Plagne Bellecôte (l'année dernière, 5h43'57'' en 158ème position). L'objectif de 6h s'envole à jamais, mais je pense quand même sérieusement exploser mon temps de l'année dernière ... enfin, si le mollet tient (et il tient le bougre !) et la cheville (ça va, merci pour elle !). A ce ravito, il y a encore beaucoup de monde, c'est vraiment très sympa. 2 mn d'arrêt pour boire un coup et manger de la banane (c'est ce qui me réussit le mieux en trail long).

Allez, à l'attaque des 1600 m de D- en 11 km ! Mais ceux qui l'ont déjà faite, savent que cela ne fait pas que descendre. Une succession de petites bosses vous coupent le souffle dans les 3-4 premiers km de cette "descente". Je les gère en trottinant. Puis passées Les Frasses, je lâche tout, 5 km à fond, dans le style de la descente du Glacier, sur le fil de la rupture en permanence. Encore une fois, ça passe ou ça casse ! Je double une bonne quantité de gars qui, gentiment, s'écartent "au passage du train" !

Dernier kilo, j'entends le speaker. Alors, à fond, je double un dernier coureur puis 50 m avant l'arrivée, j'attrape la main de ma fille et nous faisons les derniers mètres ensemble. 55 km, 6000 m+ (et même plus) bouclés en 6h06'52''. Moins de 6h, objectif non atteint, bien que, sans les arrêts aux ravitos ...

Sur la ligne d'arrivée, je retrouve Fabien "Coach", qui, avec ses 5h32 réalise un temps canon, 30 mn de mieux que l'année dernière pour lui, chapeau bas ! Pour ma part, 33 mn de mieux que l'édition précédente, je ne suis pas peu fier.

Merci aux organisateurs, aux bénévoles, aux supporters, aux coureurs-sauveteurs de crampes, à ma femme (qui m'a laissé du temps pour m'entraîner), aux amis ("coach" en tête et sa femme pour sa présence et ses photos) et à mes filles (la petite et la grande qui vont finir par choper le virus de la course à force de voir leur papa partir courir).

A une prochaine rencontre pour une prochaine course. Et n'oubliez pas "Qui va piano va sano. Mais qui va sans eau n'va pas loin !"

Nono Limit

1 commentaire

Commentaire de gastéropode posté le 10-05-2009 à 01:34:00

Bravo pour ta course Nono, quels progrès!! mais fait gaffe aux blessures!
Pascal

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