L'auteur : karma-b
La course : 100 km de Millau
Date : 29/9/2007
Lieu : Millau (Aveyron)
Affichage : 2739 vues
Distance : 100km
Matos : Nike Vomero 2
Objectif : Terminer
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La 36 ème édition des 100 kilomètres de Millau vient de se terminer. Il y a comme un vide après toutes ces heures d'entraînements quasi journaliers. Tant de mois de préparation pour un seul jour. Mais quelle Aventure !
Ce fut une première. Il y a plus de deux ans que je songeais à faire cette course mythique. C'est en lisant l'Encyclopédie du jogging que l'idée a germé lentement. Des personnes arrivent à courir cent kilomètres ! Pourquoi pas moi ?
Je m'y suis préparé pleinement en mêlant les entraînements physiques à de nombreuses lectures glanées çà et là (les livres de Cottereau, Jogging international, etc.). Les témoignages lus sur les forums m'ont également beaucoup appris. Plusieurs fois, il m'a semblé vivre la course en direct. Une multitude de questions se sont posées : Vais-je y arriver ? A quoi ressemble la côte du viaduc ? Celle de Tiergues ? Comment faire sans accompagnateur ? La météo ? L'alimentation ? Etc. Voici mon témoignage. Si ça peut aider quelqu'un...
Prélude
Dimanche 24 septembre 2006, je pars pour deux heures d'entraînement, sous une pluie battante, en vue du marathon de Pertuis (Vaucluse) qui doit se dérouler dans un mois. Mon objectif est de le faire en moins de 3 heures 30. Mais en fait, je pense déjà à Millau qui aura lieu dans un an. En regardant sur internet, j'apprends que la veille, lors de la 35 ème édition, il a plu toute la journée. Les coureurs en ont bavé. Donc, le fait de partir sous cette pluie diluvienne me met déjà dans l'ambiance. Le ton est donné pour les prochains mois. Plus qu'un an à attendre.
Dimanche 26 octobre, j'ai fait mon marathon en 3 heures 23 minutes. Le parcours était difficile. Au 30 ème, il y avait une côte d'environ 6 % sur deux kilomètres. Les prémices de Tiergues ?
01.01.2007. Résolution pour 2007 ? Faire Millau évidemment. La veille, j'ai fait un jogging de 30 kilomètres pour finir l'année en beauté. Je réserve l'hôtel dès février.
En avril, je cours la montée du Faron (Toulon), et le marathon de Paris. J'effectue, au minimum, quatre sorties par semaine, soit environ 40 kilomètres hebdomadaires. Il faudra faire beaucoup plus, je le sais. C'est parfois difficile de conjuguer vie professionnelle et familiale avec la course à pied.
A partir de juillet, j'augmente progressivement passant à sept heures par semaine. Je profite des vacances à Port-Vendres pour faire des côtes, des descentes mais aussi du plat.
L'entraînement spécifique
Lundi 30 juillet, les vacances sont terminées. Reprise du travail et début de l'entraînement spécifique. Il fait très chaud (Toulon). J'augmente la durée à dix heures hebdomadaires. Je m'inspire d'un plan récupéré sur Jogging international. Je l'utilise pendant quinze jours. Alain, un copain, me confectionne un planning plus poussé sur deux mois. Il me conseille de faire davantage de résistance douce, mais pas de résistance dure. Il y a des semaines où j'ai jusqu'à 11 heures 15 de course (six jours sur sept). Je n'ai jamais autant couru de ma vie. C'est dur mais ça passe. J'affectionne même de faire la résistance douce sur les pentes du Faron où l'inclinaison approche parfois 8 à 10 %. Est-ce que ça ressemble à Tiergues ?
Mes mollets ont pris beaucoup de volume. Avant tout, j'apprends mon allure spécifique. Depuis mai, je connais ma fréquence cardiaque réelle. Auparavant, tous mes entraînements étaient réalisés par rapport à la théorique (220 moins mon âge). Grossière erreur. Donc, je ne dépasse pas les 75 % (de ma fréquence cardiaque maximale) et reste globalement à 70-72% (sauf en résistance douce). A force, je n'ai même plus besoin de regarder mon cardio. C'est fou, je deviens presque drogué du jogging. Les entraînements de trois heures me paraissent durer une heure. C'est de bon augure. Je m'hydrate régulièrement. Par contre, je ne fais aucun étirement. Il y a eu des essais infructueux.
Je ferai les "100" tout seul comme un grand, sans accompagnateur. Mon frère qui s'était proposé a eu une rupture du tendon d'Achille. S'il y a des personnes qui l'ont fait en solo, pourquoi pas moi ?
Mentalement et matériellement, je m'y prépare en testant tout durant mes entraînements. J'abandonne l'idée du Camelbak. Le flocfloc de l'eau m'agace. J'opte pour un petit sac à dos de 300 grammes très confortable et pour une ceinture porte-gourde (400 ml). Mon alimentation se compose uniquement d'eau et de sucre en poudre dosé à trente grammes par litre. J'investis également dans des chaussettes-manchons.
Il est temps que cet entraînement d'enfer se termine. Carole, mon épouse, et mes enfants ne supportent plus de me voir partir tous les jours après le travail. Millau exige beaucoup de sacrifices.
Voilà, nous sommes le mercredi 26 septembre et je viens de finir ma dernière sortie (40 minutes à 65%). OUF ! C'est fini, ou presque car il reste un long jogging de...cent kilomètres prévu samedi.
Deux jours à attendre. C'est long. J'ai posé mon vendredi pour arriver à Millau "frais" et dispo. Ma principale obsession : la météo. Ils prévoient du beau temps avec des températures glaciales le matin. Pas de pluie, c'est déjà ça.
Le vendredi, nous arrivons sur site.
Avant d'aller à l'hôtel, nous repérons la deuxième partie du parcours en commençant par Saint-Rome-de-Cernon et la côte de Tiergues. Moi qui en rêvais depuis des mois, je visualise enfin cette route. La descente vers Saint-Affrique est longue. Ce sera dur. Les deux côtes du viaduc m'impressionnent. La première partie (côté Millau) est un véritable mur à 7%. Je suis scotché. Le moral en prend un petit coup.
Dans l'après-midi, nous retrouvons Alain. C'est par lui que tout a commencé. Il m'a inoculé le virus de la course à pied. Ce jeune homme de soixante et quelques printemps a fini l'édition 2006 en 9 heures 12 (premier de sa catégorie)!!! Il connaît bien Cottereau et doit me le présenter en fin d'après-midi. Auparavant, nous faisons ensemble les repérages de la première boucle. J'écoute attentivement ses conseils. Le parcours n'a aucun secret pour lui. Demain, je courrai le premier kilomètre à ses côtés.
Vers 18 heures, après avoir récupéré mon dossard, j'ai la grande joie de faire la connaissance de Monsieur Cottereau (une vraie légende). C'est lui qui a créé les 100 kilomètres de Millau. Il est abordable et attentif. Compte tenu de mon meilleur temps sur marathon (3 heures 23), il m'indique que je mettrai sûrement, au minimum, 10 heures 30. Me voilà fixé.
Après une courte nuit, lever à 5 heures 45 pour prendre un petit déjeuner composé de pain, d'un oeuf et d'un peu de café. Aucun sucre. Il fait très froid. La pression monte petit à petit. Je profite des dernières heures pour régler les détails. Il faut faire des choix stratégiques comme : " la lampe torche, je la prends à Millau ou plus tard ? ", " Ipod ou pas ? ", etc. Avant de quitter l'hôtel, je m'enduis les pieds avec une crème spéciale anti-échauffement. Cela fait plusieurs jours que j'en mets avant chaque entraînement. Résultat : aucune ampoule.
Vers 9 heures 15, nous nous retrouvons au parc de la Victoire. Je donne un sac pour Sainte-Affrique. Il comprend une tenue de rechange, des chaussures, la lampe torche, une polaire sans manches et des sachets de sucre. Zut, la petite carte comportant mon numéro de dossard s'est détachée du sac. Perdue. Carole se charge de régler le problème. No stress. En deux secondes, un organisateur, tout sourire, m'en confectionne une nouvelle. Il était affairé sur autre chose mais il a pris le temps de nous aider. Un grand MERCI aux organisateurs et aux bénévoles. Quelle générosité et quel professionnalisme.
Le parc de la Victoire est noir de monde. C'est la fête.
Je suis Alain, Christine et Vladimir (deux joggers rencontrés la veille). Nous allons chez un de leur copain qui tient un magasin près de la ligne de départ. Nous sommes au chaud. Toutes les conditions sont réunies pour se concentrer, " faire sa bulle ".
A 9 heures 50 nous nous présentons sur la ligne de départ. Nous sommes très bien placés, à deux ou trois mètres du portique. A 9 heures 55, je prends dix grammes de sucre et une gorgée d'eau. Le speaker annonce que le départ est imminent. Il énumère les secondes restantes. 5,4,3,2,1...PAN ! C'est ENFIN parti.
La course
Jusqu'au marathon...
Je suis scrupuleusement les conseils d'Alain. Nous parcourons donc le premier kilomètre, lentement, en 6 minutes 10. A partir de là, nous nous quittons tous. Chacun doit faire sa course à son rythme. J'enlève mon coupe vent et le donne à Carole qui se trouve au bord de la route. Nous avons pris rendez-vous au kilomètre 42,5 pour faire un ravitaillement.
J'essaye de prendre le bon tempo, le principal danger étant d'aller trop vite. Ce n'est pas évident, mais ça vient progressivement. Chose importante, je n'utilise pas le cardio. Toutes les vingt minutes, j'ai choisi de m'arrêter trente à quarante secondes pour me ravitailler et me relaxer (j'ai une trentaine de sachets de sucre avec moi).
Nous passons sur la double voie. Comme indiqué sur les forums, on entend aboyer les chiens de la SPA de l'autre côté de la route. Il fait beau et la température se radoucit rapidement. Je me retourne pour voir le spectacle de cette grande caravane humaine. C'est impressionnant ! Nous sommes environ deux milles a avoir pris le départ (marathoniens compris).
Les vingt premiers kilomètres sont roulants. Le paysage est superbe. Mais quelque chose m'inquiète. Je n'ai pas la "pèche" et surtout j'ai mal au ventre depuis le quinzième kilomètre. J'ai sûrement trop bu. Cela fait déjà trois fois que je me suis arrêté pour uriner. Le stress? Le froid sur la ligne de départ ? Tant pis, je vais attendre que cela passe. Je regarde la route, le paysage. Je double, suis doublé. C'est un grand accordéon permanent. Je scrute la tenue des coureurs. Beaucoup ont mis des chaussettes manchons. On verra à l'arrivée si c'est vraiment efficace. Pour l'instant je ne ressens aucune gêne, c'est même agréable.
Beaucoup de coureurs discutent entre eux. L'ambiance est bon enfant. Quelque chose m'interpelle : c'est la moyenne d'âge des joggers. En effet, il y a beaucoup de vétérans. Quel exemple ! Je demande à un vieux loup du bitume à quelle moyenne nous courons. Avec l'accent de Marseille, il me répond : "10,5 mon gars. T'as fait 3 heures 23 au marathon ? Tu vas trop vite, ralentis". Immédiatement, je suis ses conseils.
Au semi-marathon, nous passons le Tarn. C'est splendide ! Cela fait déjà 1 heure 54 que je cours. Le temps passe vite. Nous arrivons au Rozier avec la première difficulté de la journée. Une côte de 300 à 400 mètres. Je la monte tranquillement à mon rythme. Il y a encore beaucoup de monde sur la route. Depuis le kilomètre 6, les accompagnateurs à vélo se sont joints à nous. Dans la descente, il y a la première photo du jour. Allez un grand sourire en direction de l'objectif.
Je gère cette partie sans trop accélérer, en faisant des petits pas. Je coupe les trajectoires au maximum. Mon mal au ventre empire.
Jusqu'à La Cresse, il y trois côtes qui sont sans réelles difficultés (à part la dernière). Je ne force surtout pas. Le trentième kilomètre apparaît enfin. J'envoie un SMS à Carole. Je serre le poing. Ca avance. Plus que...(non surtout pas faire ce genre de calcul!).
Depuis cinq kilomètres je cherche désespérément un fourrée à l'abris des regards car j'ai la colique. Trouvé ! je perds quelques minutes, mais ça va beaucoup mieux. Je reprends doucement sans essayer de rattraper mon retard.
Il y a un faux plat descendant jusqu'à Millau-Plage. je continue à respecter les pauses, toutes les vingt minutes, sans oublier de m'alimenter. Les jambes sont un peu lourdes. Le kilomètre 40 apparaît. Nouvel SMS. L'arrivée dans Millau monte légèrement. Je croise Carole et Stéphane, un ami venu spécialement de Toulon pour m'encourager. Il faut passer par la ligne d'arrivée pour repartir. C'est dur.
Le marathon est bouclé en 4 heures 06. C'est mon plus mauvais temps sur cette distance. Il faut accepter d'avoir couru à l'économie et de m'être retenu durant 42 bornes.
Plus que 58 kilomètres...
J'ai un premier coup au moral. Je serre les dents et m'arrête quelques minutes sur le bord de la route, comme prévu, après le passage à niveau dans Millau. Carole me donne mon sac à dos. Elle remplit ma gourde. Je refais ma réserve en sachets de sucre en marmonnant : "il faut être complètement fou pour faire cette course ". Mes deux supporters m'encouragent.
(ravito avec Carole à Millau)
Je ne m'éternise pas et repars aussitôt. Ils doivent me rejoindre, au 60 ème, à Saint-Rome-de-Cernon puis à Sainte-Affrique. Ils devront faire des détours en voiture car la route principale est interdite à la circulation. Je n'ai toujours pas le moral. Le fait d'être passé par cette ligne d'arrivée et de ne pas avoir atteint la mi-course m' insuporte. Mais surtout, le plus dur reste à faire...je l'ai tellement lu et entendu.
Je sors de Millau et passe le Tarn pour la troisième fois de la journée. Les jambes sont douloureuses, sans plus. Je n'ai jamais autant couru d'une seule traite. Une légère montée m'amène à Creissel. J'en profite pour remplir la gourde et m'arroser la tête. Il y a déjà un peu moins de monde sur la route. Après trois kilomètres, se profile la deuxième difficulté du jour : la montée vers le viaduc. C'est un mur. La plupart des accompagnateurs poussent leur vélo et beaucoup de coureurs marchent. Je choisis de monter en courant à mon rythme, sans aller " dans le rouge ". Après être passé sous le Géant, je rencontre Doudou 83 (un Forumer du site Planet Aveyron). Très sympa. Nous faisons un à deux kilomètres ensemble en discutant. Je fais une nouvelle pause. Le soleil est voilé depuis trente minutes . Il fait chaud. Je range mes lunettes. Va-t-il pleuvoir ?
Le 50 ème est enfin passé. Nouvelle photo. Je trouve la descente interminable. Elle me fait mal aux mollets. Après une longue ligne droite plane et monotone, nous arrivons à Saint-Georges-de-Luzençon. Ce n'est pas très beau. Je m'arrête au ravito (dans un gymnase) pour remplir ma gourde. Certains coureurs ont les traits tirés. Moi aussi ? Je repars sans tarder.
Il y a maintenant un faux plat montant de sept kilomètres. Je cours toujours à mon rythme. Pour l'instant, mon allure moyenne est de 10 km/h. Mais le temps commence à être long. Les kilomètres défilent très lentement. Le 55 ème arrive enfin. Une musique m'interpelle. Face à moi, apparaît une voiture officielle. Jean-Jacques Moros est déjà là!!! Il survole le bitume. Quel style! Je l'encourage. Il finira premier en 7 heures 15 !
Peu après, je rattrape le groupe des 11 heures. Bruno Heubi (vainqueur 2005), à vélo, se joint à eux. Il leur indique que les meneurs des 10 et 9 heures ont craqué ajoutant que "c'est l'hécatombe cette année". Je les dépasse lentement. J'ai enfin la "gniaque", "l'oeil du tigre". Saint-Rome (60ème) se profile à l'horizon. Je languis de voir mes deux soutiens moraux. Je veux leur montrer ma hargne d'y arriver. Petit arrêt au ravito. Ils ne sont pas là.
J'attaque Tiergues (la légende) en courant, sans accélérer. La plupart des coureurs marchent. J'en double quelques uns. J'ai la patate. Appel de Carole : "T'es où ?" "Ben dans la montée de Tiergues", "Zut on t'a loupé de peu, rendez-vous à Sainte-Affrique". Je passe les deux lacets. Mes jambes me font mal sans excès. Aucune crampe à l'horizon, mais mieux vaut ménager la monture. Ouf ! C'est la descente vers Saint-Affrique. J'ai un peu moins la frite.
Une goutte frappe mon visage...puis une deuxième. Il pleut . Je profite du ravito pour desserrer le lacet de ma chaussure droite. Je bois et reprends du sucre en poudre. Ce régime alimentaire commence à m'indisposer. La nausée m'envahit progressivement. J'attaque la descente. Une spectatrice m'encourage. Les gouttes continuent de tomber. Je lui lance : "il ne manquait plus que ça". Elle sourit.
Dans la descente la pluie s'arrête. Il fait toujours gris. J'ai peur pour la fin de course. Ca devient interminable. De l'oeil du tigre, je suis passé à l'oeil de hareng saur. J'ai de nouveau mal au ventre. Ballonné comme une baudruche, je ne supporte plus l'eau et le sucre. Rien que l'idée d'en avaler me donne envie de vomir. La descente est longue longue. Je croise Alain qui remonte comme une fusée. Je l'encourage en hurlant son prénom. Sainte-Affrique où es tu ? Au prochain virage ? Non, toujours pas ! Des coureurs que j'avais doublés dans la montée me dépassent rapidement. Le moral n'y est plus. Mon ventre est douloureux. C'est le grand doute. Vais-je y arriver ? Un accompagnateur m'indique que son coureur a le même problème. Je ne suis donc pas le seul !
Le panneau des 70 kilomètres est en vue. Un spectateur me dit que la ville est à 800 mètres.
Carole et Stéphane m'attendent au bas de la descente. Je suis décomposé. Mes jambes tiennent sans problème. Mais, j'ai la " gerbe ", mal au " bide ". L'abandon me frôle l'esprit une demie seconde. Ca doit se voir sur mon visage. Carole ne s'apitoie pas sur mon sors : " tu ne craques pas ! " Pourtant, je n'ai rien dit. Je ne m'attarde pas et pars vite à la salle des fêtes pour pointer.
7 heures 18 de course. Fini les 10 km/h de moyenne. Là, je prends mon temps, une quinzaine de minutes en tout. Je demande mon sac, prends ma lampe torche, ma polaire. J'avale un Smecta emporté au cas où. Au niveau alimentation, j'opte pour de l'Orangina coupée au 2/3 avec de la Sainte-Yorre. Ca va mieux à présent. Le moral remonte légèrement. Il faut repartir. Je mets un gilet. Ma gourde commence à dégouliner à cause de la pression exercée par le gaz de l'Orangina. Nouvel arrêt. Le bidon tombe par terre. Il y en a marre. Mes deux supporters sont encore là pour m'encourager. Je les regarde et ne leur adresse même pas la parole (quel ingrat !). Carole tient au courant notre entourage. Elle me fait part de tous les témoignages de soutien. Ca fait du bien de l'entendre.
Maintenant, il faut remonter Tiergues, sur plus de sept kilomètres, en passant du point le plus bas du parcours au point le plus haut. 29000 mètres avant de rejoindre Millau ! Facile !
Le début de la remontée passe par une rue très étroite. La pente s'accentue franchement. Je choisis, pour la première fois, de marcher. Après vingt mètres, je cours deux minutes. Nouvelle pause pour enlever la polaire. Ca me prend deux minutes car il faut détacher mon sac à dos et ma ceinture porte-gourde puis vice versa. Ouf ! Ca va beaucoup mieux. Une gorgée puis c'est reparti. Le moral est revenu.
Je cours 200 mètres. La pente est raide. Après plus de 70 kilomètres, je préfère ménager mes jambes et mon coeur. J'opte donc jusqu'au sommet pour cent mètres de marche très rapide et 300 mètres en courant. La marche détend mes jambes miraculeusement. J'arrive à hauteur d'une concurrente. Nous échangeons quelques mots sur deux kilomètres. Je dépasse, de nouveau, le groupe des 11 heures qui avance tranquillement.
Le panneau des 75 est vite avalé. Le ravito se profile à l'horizon. Nouvel arrêt. Je fais le plein de mon breuvage magique. Il y a encore quelques gouttes de pluie qui tombent. On est à plus de 600 mètres d'altitude. La bascule vers Saint-Rome est longue à venir. La deuxième côte de Tiergues est finalement vite passée.
Dans la descente, j'ai peur d'avoir les mêmes symptômes que précédemment. Je cours en faisant des petits pas. Quelques concurrents me doublent. Le panneau des 80 km apparaît enfin. Nouvel SMS. Après un kilomètre et demi, au bas de la descente, j'aperçois mes deux compères qui hurlent mon prénom. Ils ne m'ont pas laissé tomber. Merci et encore merci à vous deux. Je m'arrête vingt secondes et repars aussitôt. Stéphane court trente mètres avec moi jusqu'au bas de la descente. Tiergues : c'est fini.
Arrêt d'une minute au ravito de saint-Rome. Je demande du Whisky au bénévole. Il me propose de la soupe chaude. Non merci.
Il reste moins de vingt bornes à parcourir. Mais la partie qui s'amorce est très monotone. L'avantage est qu'il s'agit d'un faux plat descendant. Il y a de moins en moins de monde sur la route.
Les kilomètres vont défiler lentement, très lentement. 85 kilomètres. J'envoie un SMS à Carole pour la rassurer.
Malgré la nuit qui tombe irrémédiablement, l'avenir s'illumine. Je vais finir, c'est sûr ! Plusieurs concurrents sont à peine au 55 ème kilomètre. Ils devront passer une grande partie de la nuit sur la route. Quel courage ! J'en interpelle un pour lui demander si Saint-Georges est encore loin. "Tout près à deux kilomètres environ". Je n'oublie pas de m'arrêter toutes les vingt minutes. La route tourne à droite. Ca y est, voilà le village. Je choisis de ne pas faire de pause. Maintenant, il faut finir au plus vite.
Le 90 ème kilomètre annonce la montée du viaduc. Dernière difficulté de la journée. Comme pour Tiergues, j'opte pour la marche rapide en alternance avec la course. Le Géant se profile à l'horizon illuminé dans la nuit tombée trente minutes auparavant. Il fait déjà plus frais. Patiemment je grimpe, rattrapant même quelques coureurs. Le viaduc est à portée de pieds mais il va falloir encore attendre plusieurs minutes avant de le franchir. Ca devient très long.
Au sommet, on aperçoit Millau qui scintille de mille feux dans la nuit aveyronnaise. Je suis presque arrivé. Il reste quand même huit kilomètres à parcourir. Ca fait environ dix heures que le chrono a démarré.
J'amorce la descente tranquillement. Un accompagnateur me dit que je descends "super bien". Là, c'est le déclic. Je pars comme une fusée vers Millau en courant tel un dératé. Les jambes tiendront, je le sais. Les panneaux 95 km ,96 km ,97 km se succèdent très vite. Il devient urgent de finir. Le kilomètre 98 se situe sur le pont du Tarn. Il y a un côté irréel à courir dans la nuit.
J'entre enfin dans Millau. Ca monte encore. Je passe la place du Mandarou et aperçois le panneau annonçant le 99 ème kilomètre. Dernier SMS ! Un passant hurle que je peux finir en moins de 10 heures 40 : " vas-y petit ". Fonçant vers le parc de la Victoire, on dirait Forrest Gump. Dernière montée entre les platanes. J'arrive en trombe sur la ligne d'arrivée. Même là, il faut encore gravir, sur deux mètres, un plan incliné. Je suis aux anges. Carole et Stéphane hurlent de joie. Le chrono s'arrête à 10 heures 39 minutes et 19 secondes. Cottereau avait raison.
Le speaker me demande mes premières impressions. Après cela, je descends embrasser chaleureusement mes deux compères. Merci d'être restés avec moi jusqu'au bout.
Epilogue
L'après course est un peu plus difficile. La salle est noire de monde. J'avale une soupe et une pomme de terre. Après quelques minutes : retour à l'envoyeur. Mon estomac ne l'a pas supporté. Direction l'hôtel. Petite douche. Carole m'aide à mettre mon pantalon. Les jambes me font terriblement souffrir. Nous descendons au restaurant pour fêter ça. L'accompagnateur du deuxième arrivé vient me féliciter. Il m'indique que son coureur s'est entraîné jusqu'à 200 kilomètres par semaine ! Je l'aperçois, il n'a même pas l'air fatigué.
J'avale une gambas, bois une gorgée de bière. Epuisé, je vais me coucher.
"Désolé Carole, désolé Stéphane, on fera la fête plus tard".
Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, je réalise enfin que je suis "centbornard". Moi qui la veille avais décidé ne plus participer à cette course, je pense déjà à m'inscrire pour l'édition 2009 afin de fêter mes 40 ans dignement. Dingue non ?
2 commentaires
Commentaire de moumie posté le 21-10-2007 à 22:53:00
salut Karma,
Merci beaucoup pour ce superbe cr.
Franchement beaucoup de respect pour ce que tu as fait, tu as eu la volonté et tu y es arrivé. Félicitation
Maintenant, place au repos bien mérité en pensant à l'année prochaine?
A bientôt et bonne récup
Moumie
Commentaire de agnès78 posté le 22-10-2007 à 13:42:00
Quelle volonté!
Merci pour ce beau récit plein d'émotions!
BRAVO monsieur le centbornard!
J'espèrre que la récup se passe bien
bises
agnès
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