L'auteur : YannC
La course : La 6000 D
Date : 29/7/2007
Lieu : La Plagne (Savoie)
Affichage : 2583 vues
Distance : 55km
Objectif : Pas d'objectif
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Samedi 28/07 – Veille de course
Nous avions décidé avec Olivier de mettre toutes les chances de notre côté pour notre premier ultra trail en arrivant la veille de la course et en réservant une chambre d’hôtel à Aime. Nous rejoignons notre destination vers 14H le samedi. Le temps est parfait, la montagne superbe, le personnel de l’hôtel accueillant. Malgré ce climat idéal, nos ventres sont noués et nos paroles rares. Ces pentes qui nous entourent, ces sommets qui semblent si beaux mais si loins sont aussi ceux que nous devrons gravir demain. Il n’y a plus d’échappatoire, plus d’entraînement permettant de positiver ou de dire qu’on a encore le temps de se préparer. Demain, il faudra s’élancer et faire face à ce terrain de jeu magnifique qui n’est pas du tout celui que nous pratiquons d’habitude.
Après quelques courses au village d’Aime, nous décidons de monter à Plagne Bellecôte retirer nos dossards et manger un bout. Sur place, la remise des prix du Trail des lacs (22km 1100 m +/-) prend fin. L’ambiance est décontractée, les coureurs anonymes se baladent sur les stands de course, essaient de trouver la bonne occase en repérant le matériel de trail de fin de saison soldé. Parmi les anonymes, les figures de la discipline sont là. Dawa Sherpa sert volontiers la main des coureurs qui le sollicitent et leur offre un sourire sincère. Corinne Favre retire son dossard comme Madame tout le monde et salue chaleureusement le personnel de l’organisation.
Nous occuperons notre fin d’après midi à repérer quelques passages de course afin de visualiser autant que possible les portions de course et leur profil : descente de l’arpette depuis Plagne Bellecôte, Plagne centre-Lac des Blanchets-Roche de Mio depuis Aime 2000, parcours au départ au plan d’eau de Mâcot.
Un bon repas à l’hôtel et une préparation minutieuse de notre matériel de course finiront par nous achever et nous permettre de trouver le sommeil relativement facilement.
Dimanche 29/07 – 6000D
Le réveil nous confirme à 5h00 qu’il est bel et bien l’heure de nous lever. Tant mieux, les minutes commençaient à être longues et Olivier et moi étions en fait déjà réveillés. Nous avalons un petit déjeuner classique 3h avant le départ afin d’éviter des troubles digestifs. Nous nous recouchons jusqu’à 6h15 afin de tirer un maximum de bénéfices du temps de repos qu’il nous reste.
Comme prévu la veille, la météo est au rendez-vous. La journée sera chaude mais un léger vent devrait nous permettre de ne pas trop souffrir de cette chaleur en altitude. Nous arrivons à 7h sur le lieu de départ. Il y a déjà énormément de monde sur le site, l’ambiance est à la fête.
Nous trottinons un peu histoire de dégourdir un peu les jambes et d’aller poser nos sacs. L’heure est enfin arrivée de s’élancer. Le stress va bientôt disparaître pour nous laisser à l’écoute de notre corps, pour nous laisser composer et gérer avec la forme du jour, du terrain, des aléas de course.
8h, c’est parti. Je pars avec deux objectifs :
- Finir
- Mettre moins de 6h00 si possible
J’ai décidé de prendre un départ relativement rapide sur les 3km de plat précédent les premiers mètres de D+ afin de pouvoir faire mon propre rythme dans la montée vers Aime 20000. Malgré quelques bousculades dans le premier virage, j’arrive à me caler dans un bon wagon. L’allure est assez soutenue. Nous passons aux alentours des 3km en 11’30’’. Je n’avais pas prévu de partir aussi vite. Je décide assez rapidement de calmer le jeu connaissant la richesse du menu qui nous attend par la suite. Bientôt nous quittons la route pour les premiers sentiers qui montent à Aime 2000. La pente devient très raide. Il est désormais l’heure de marcher. Nous prendrons 1400m + sur à peu près 7km soient 20% de pente moyenne ! Je suis dans un groupe assez régulier depuis 45mn. Nous passons à Aime 2000 en 1h35 de course (environ 11km – 1400+). Je suis bien dans les temps que je me suis fixé. Je sens néanmoins que cette première heure et demie de course m’a déjà bien marquée au niveau musculaire. Je profite de la descente vers Plagne centre pour me décontracter et me refaire une petite santé.
Toujours avec le même petit groupe, nous quittons Plagne Centre pour la montée vers le lac des Blanchets puis la Roche de Mio. Les pentes sont moins abruptes que sur la première partie mais rares sont les sections où nous pouvons courir de manière prolongée. Mes sensations sont bizarres. Je lâche quelques mètres à mes compagnons du jour. J’ai du mal à savoir ce qui cloche. Je ne suis pas dans le rouge au niveau du rythme, je n’ai mal nulle part mais les jambes ne répondent pas à mes attentes. Je me dis que les deux gels pris depuis le départ ne sont peut être pas suffisants. J’essaie de me forcer à prendre autre chose. Ca passe difficilement. La rampe finale vers la Roche de Mio arrive enfin. La plupart des coureurs décident de couper et de ne pas prendre les 2 lacets qui permettent d’atteindre le col. Je commence à retrouver petit à petit ma forme. J’ai peur que ce raccourci me replonge dans la difficulté. J’avale les 2 lacets en trottinant avec un plaisir retrouvé. Les spectateurs sont nombreux pour nous encourager. De surcroît, je sais qu’une descente assez roulante de 3km m’attend avant d’aborder la montée vers le Glacier. La descente se passe bien. Je discute avec un collègue de route pour qui tout semble aller comme sur des roulettes. Notre rythme est régulier et efficace. La première VF1 nous double. Impressionnant ! Suivre serait suicidaire mais ce n’est pas notre objectif ;-) Bravo Madame.
Col de La Chiaupe en 2h52 (environ 25 km – 2100m+). Je suis dans les temps prévus. J’ai perdu autour de 5mn avec mon passage à vide mais ce n’est pas bien grave. La course est encore longue et le physique semble de retour. Je décide de faire le plein de mon Camel back afin de pouvoir faire une descente du Glacier sans arrêt ni coupure de rythme.
Je commence l’ascencion du Glacier de Bellecôte d’un pas régulier. Au bout de 5mn, une crampe de séclenche sur la face interne de ma cuisse gauche. Je suis stoppé. Je ne sais trop comment étiré ce muscle. Jambe tendue je le masse pendant quelques minutes afin de pouvoir repartir. Je baisse le rythme car je sens la crampe latente sur les deux cuisses cette fois. J’essaie de minimiser l’effort autant que possible à chaque pas afin de pouvoir continuer ! Je croise les premiers dans la descente. Leur légèreté et leur style sont beaux à voir. Roudik est assez largement en tête. Suivent Aurélien Brun, Marc Maroud et Dawa Sherpa. Après un passage qui ressemble plus à l’escalade à qu’à de la marche nous arrivons au ravitaillement en eau que je pense être le haut du parcours. Je m’attends (de part mes différentes infos prises sur la course) à un passage plus ou moins plat avant de redescendre. Faux. Archi faux Yann ! Ca remonte et très fort ! Hop je chope des crampes aux mollets pour en rajouter une petite couche. Je me dis que mes espoirs de chrono sont quasiment fichus. Je vais désormais essayer de gérer mes crampes et de finir avec elles tant bien que mal. Je me lance à l’assaut du point culminant du parcours avec un léger sourire intérieur. Je vois les coureurs devant moi utiliser leurs mains pour gravir les 50 derniers mètres. Qu’est-ce que je fous là avec mes muscles tétanisés et encore 25 km à parcourir?
Point culminant 3050m en 3h46 (environ 30 km – 2700m+). Je sais désormais que les 6H sont très difficilement accrochables voire impossible avec les problèmes de crampes que je rencontre. Je m’étire une minute en me disant que c’est un investissement pour la suite de la course. Je sais que je peux faire une super descente si mes muscles m’oublient quelques heures ;-(
Je commence la descente doucement afin de familiariser mes muscles à ce nouveau profil. Je prévois d’augmenter la cadence creshendo si tout se passe bien. Je parviens pour une deuxième fois au Col de la Chiaupe en 4h03. J’essaie de voir si je ne croise pas Olivier dans la montée. J’espère que tout va bien pour lui. Je suis un peu inquiet car il n’a pas du tout l’habitude des profils escarpés. J’espère simplement qu’il ne crampe pas autant que moi et qu’il est toujours de la partie.
J’ai à nouveau de bonnes sensations. Je descends maintenant à un très bon rythme. Je reprends pas mal de coureurs. J’aperçois au loin la montée de l’arpette mais ce n’est pas pour tout de suite.
Physiquement je suis assez bien mais j’ai à nouveau des crampes (mollets et cuisses) me reprennent (trois arrêts entre Col de la Chiaupe et le Col du Carroley, 1 arrêt dans la descente de l’arpette, 1 arrêt à Plagne Bellecôte).
Plagne Bellecôte en 5h07 (environ 45 km – 3000+). C’est quasi mort pour les 6H (et oui je sais 10km en 53 mn c’est pas bien dur pourtant ;-). Malgré la fatigue je suis super heureux d’être dans un état correct et de voir l’arrivée approcher. Je décide de profiter pleinement de cette dernière heure de course et de ne plus regarder ma montre. La descente commence par un chemin forestier de 3-4 km à flanc de montagne. C’est tout sauf de la descente. Faux plat montant puis faux plat descendant, puis de courtes montées de quelques dizaines de mètres. Je croise quelqu'un en vélo en sens inverse et lui demande si le chemin qui descend est encore loin. Il me répond : « non, 1,5 km ». Mes jambes apprécient moyennement la réponse mais l’échange est cordial. C’est pas bien grave. L’arrivée est en bas de la vallée. Ca va bien finir par descendre à un moment ou un autre! Hop je bascule enfin sur la gauche dans un sentier. Pour le coup ça descend fort, très fort. Tout se passe bien. Il me reste environ 3km avant l’arrivée. Mes satanées crampes me rattrapent. Des coureurs me doublent et m’encouragent. Un s’arrête et me donne un cachet de Sportéine. Merci monsieur, je connais pas mais je prends quand même. Ca peut pas me faire de mal. Je bois un coup et c’est reparti. J’arrive enfin dans le dernier km de course. Je regagne la route. J’avais oublié ce que c’était. J’entends le speaker, je devine sur ma gauche entre les sapins l’arche d’arrivée. Elle me semble encore bien loin. Je m’arrête deux nouvelles fois pour me battre en duel avec mes mollets. Je leur demande à l’approche du plan d’eau de me laisser tranquille afin de passer cette ligne d’arrivée dignement. Mes mollets me doivent bien ça. Plus que quelques mètres. Ca y est.
Arrivée en 6h09mn15s (55km – 3000m+/3000m-). J’ai besoin d’eau et de m’asseoir quelques minutes afin de me désaltérer tranquillement. Je suis marqué mais heureux d’en avoir fini. Dawa Sherpa qui passe par là et qui me voit récupérer s’arrête et me demande si ça va. Sympa. On échange quelques mots. Je lui dis que je l’ai croisé lorsqu’il descendait le glacier et qu’il était 4ème. Je lui demande son résultat. Il me dit qu’il a gagné la course en 4h41 soient une heure et demie de moins que moi. Bravo et merci pour ces quelques mots. Rare de voir l’élite d’un sport cotoyer naturellement des amateurs en toute simplicité et sincérité.
Je vais ensuite manger un bout et me faire masser. Mes jambes sont dures, très dures. Je n’ai maintenant plus qu’une seule idée en tête : voir Olivier passer cette ligne d’arrivée. J’ai envie de le voir passer cette ligne, de le prendre dans mes bras pour le féliciter. Rien que cett image me met les larmes aux yeux. Le corps est fatigué, meurtri.
Après un bon massage je vais voir la liste des abandons. 7h30 de course sont écoulées, Olivier ne figure pas sur la liste. Les barrières horaires sont les suivantes : 8H de course à Plagne Bellecôte et 10H de course à l’arrivée. Je prévois d’appeler Olivier après la barrière des 8H s’il n’a pas franchi la ligne avant. Je ne veux pas le déranger s’il est en train de lutter avec le chrono. Vincent m’appelle pour prendre des nouvelles de mon résultat. Je lui dis ma déception de ne pas avoir tenu le chrono des 6H mais aussi ma joie d’avoir tout donné et de n’avoir aucun regret. D’un coup je vois Olivier arriver sous l’arche. Je raccroche en vitesse pour aller le féliciter et lui apporter mon aide si besoin. Il est super heureux, ému. On a envie de pleurer mais on se retient dignement. 7h58 pour Olivier. Super. Il visait 8h si possible. Il m’avoue avoir pensé finir en 7h30 à Plagne Bellecôte mais que la descente avait été difficile (crampes).
On finira l’aventure par un bon resto pour fêter ça le dimanche soir. Une petite mousse, une entrée, un plat, un dessert et des étirements. Rien que du bonheur de refaire la course les pieds sous la table entre amis.
Petite synthèse de cette première expérience en ultra trail :
- La course : parcours à la hauteur de sa réputation avec des passages en montée très raides et exigeants. Belle organisation et belle ambiance sur le parcours. Très beaux paysages, des sections variées. Seul petit bémol, beaucoup de remontées mécaniques croisées (d’un autre côté cela permet d’avoir un public nombreux sur la course).
- Forme physique et préparation : l’objectif que je m’étais fixé était réaliste et en ligne avec l’idée que j’avais de ma forme physique. Le travail long réalisé a été bon. C’était un gros point d’interrogation pour moi car je n’avais jamais fait de marathon ou d’ultra.
- Le gros problème que je vais devoir résoudre consiste à comprendre pourquoi les crampes sont arrivées si vite. J’avais déjà connu une pareille mésaventure sur des fins de raids longs mais à une moindre échelle et beaucoup plus tard dans l’effort. Ces crames surviennent sur le face interne des cuisses (vastes internes ?). Je ne pense pas avoir commis d’erreur d’hydradation (j’ai bu 3L d’eau minimum par jour la semaine précédent la course et quasiment 4L en course de boisson isotonique). J’ai mangé régulièrement toutes les heures.
En parlant après la course avec des coureurs, j’ai entendu parler de diverses possibilités. Avez-vous des des conseils :
- sportéine : à quoi ça sert et est-ce utile ?
- cure 15j avant la course d’anti-oxydant. De quoi s’agit il ? Est-ce neutre pour l’organisme et cela nécessite-t-il une prescription médicale ?
- plus d’entrainement en D+ tout simplement
- un départ plus cool et une montée en régime plus progressive
- …
On va maintenant repartir pour du plus court avec le semi de Lyon. Il sera ensuite temps de préparer la SaintéLyon.
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