Récit de la course : 24 heures de Saint-Fons 2004, par Cyrano

L'auteur : Cyrano

La course : 24 heures de Saint-Fons

Date : 10/4/2004

Lieu : St Fons (Rhône)

Affichage : 2478 vues

Distance : 203.414km

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

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Le récit

La première fois où l’on m’a parlé de 24 heures doit remonter à 2 ou 3 ans. Un de mes collègues et néanmoins ami, centbornard confirmé, m’a dit : « tu sais pas, il paraît qu’il existe aussi des 24 heures, ça me plairait bien d’essayer pour voir, pas toi ? »
Ma réponse fut assez péremptoire : « Si tu veux y aller, je peux te servir d’accompagnateur, mais moi, pas question, je trouve que le 100 km, c’est vraiment la limite ! »
De l’eau a coulé sous les ponts, des coureurs ont accomplis des milliers de révolutions autour des anneaux, et moi, je suis entré en collision avec Ultrafondus …
Il aura fallu un an pour que les propos étranges tenus par quelques illuminés sur ce forum de dingues se frayent un chemin jusqu’à mon cortex avant que je ne me décide à passer moi aussi à ce type de réjouissance. C’est ainsi que je fis mes débuts à St Just le Martel en décembre 2003 . Je crus ce jour là avoir réalisé du premier coup une performance hors du commun (ou du moins, de mon commun) avec 188,440 km.
L’effervescence qui s’est créée à nouveau sur le forum autour de la manifestation circadienne de St Fons a de nouveau imposé sa volonté à mon esprit faible, et c’est ainsi que je me suis retrouvé au départ ce 9 avril 2004.
Le doute principal qui me rongeait était celui-ci : serais-je capable de reproduire, de confirmer ma performance inattendue de St Just le Martel ?
Rien de moins sur …
Pour ne pas avoir l’air de jouer petit bras, j’avais annoncé, sans grande conviction, un objectif de 200 km . Mais je me dois de dire que tous les mètres parcourus au delà de 190 km ne seraient que du bonus.
C’est dans cet état d’esprit que je pointai mon museau dans la banlieue de Lyon .
Mon plan de course était fort simple, et ceux qui commencent à me connaître y sont déjà habitués.
- Pendant les 6 premières heures, alternance de 6 minutes de course avec 1 minute de marche,
- de 6 à 12 heures, 5 minutes 30 de course alternées avec 1 minute 30 de marche
- de 12 à 18 heures, 5 minutes de course et 2 minutes de marche,
- après 18 heures …on verra … ce qu’on pourra.

Une condition impérative : les 12 premières heures doivent être faciles, sinon ça augure mal de la suite !
Au moment du départ, les conditions météo sont plutôt sévères, la température est fraîche, très fraîche même, et l’ambiance humide.
L’ambiance du public est au contraire bien chaude, et la famille UFO présente en nombre incroyable. Tout le monde se salue, se présente, se reconnaît, se serre la main, s’embrasse …
A 10 heures le départ est donné et tout ce monde se lance, chacun bien dans son tempo.
Je pars dans mon rythme, et je respecte scrupuleusement celui-ci. Les tours s’égrènent en même temps que les kilomètres, de 6/1 en 6/1. De temps en temps, je commence à doubler des concurrents, ça permet d’échanger un mot ou deux, et des encouragements avec les uns et les autres. A bout d’à peu près 30 mn, c’est à mon tour d’être dépassé pour la première fois.
La différence de vitesse est hallucinante, certains doivent être à 14 km/h !
Je bois de l’eau toutes les 30 minutes, et du coca toutes les heures. En outre, toutes les deux heures, je me ravitaille en solide sous forme de riz au lait.
Les heures passent, et j’atteins à la 6 ème les 61 km. Cela me paraît un peu rapide, mais je suis encore vraiment bien. Je continue donc sur le tempo prévu pour ce deuxième quart. Il semble que devant le rythme se soit un peu calmé, et il m’arrive de pouvoir faire un tour avec des gars de la tête de course . C’est ce qui est agréable sur le double tour d’horloge, et que j’avais déjà constaté à St Just. Avec le temps les niveaux se nivellent et il est possible d’échanger avec tous. Le temps passe ainsi plus vite, ce qui explique que nous en arrivions déjà à la douzième heure, pour un kilométrage de 116. Je sais que vais encore vite, puisque j’étais passé au 100 ème en 10 h 10 environ. Il n’y a pas si longtemps, cette perf sur la distance m’aurait comblé. Aujourd’hui, je l’ai fait dans la plus grande décontraction. Pourvu que ça dure …
J’attaque le troisième quart après un arrêt un peu plus prolongé pour me changer. Le jour a vacillé, et comme d’habitude, c’est la nuit qui est tombée … il commence à faire frisquet, et j’ai préféré me couvrir chaudement.
C’est parti pour le tempo 5/2, et ça passe tranquille jusqu’à la 15 ème heure. Là, ça commence à se corser un peu, et je décide le garder le même rapport course/marche, mais de modifier le rythme. Je passe donc à 2 mn 30 de course pour 1 mn de marche. Je me rend compte tout de suite que ça me permet de m’économiser un peu plus.
Autour de la piste, les rangs me semblent plus clairsemés. En fait, certains sont allés se reposer un peu. En ce qui me concerne, je suis fermement décidé à ne pas m’arrêter, sauf le temps nécessaire aux ravitaillements. Pour le reste, toujours être en mouvement, quitte à marcher sans arrêt, mais au moins, quand on marche, on avance, et on grignote quelques kilomètres supplémentaires.
C’est ainsi que la 18 ème heure se présente, et avec elle un total de 161 km.
C’est alors que j’ai du m’endormir, car un rêve s’est emparé de moi : je rêve des 200 km !!!
6 heures pour faire un peu moins de 40 km, en aurais-je encore la force ?
J’arrive à 177 km à la 20 ème heure, mais c’est maintenant beaucoup plus dur. Je me suis fixé des repères physiques entre lesquels j’alterne toujours course et marche. Je reste concentré sur ces repères, et j’avance, j’avance, j’avance encore …
Je dois passer 184 km à la 21 ème heure, et là, c’est la catastrophe ! je ressens une douleur intense à la cheville gauche, et chaque pas, même en marchant, est une souffrance !
Je perd toute illusion d’arriver aux 200 kilomètres, mais je m’accroche à l’idée d’améliorer mon record, et surtout de dépasser les 190. Je continue donc à marcher en claudiquant, malgré cette douleur lancinante. Une heure de plus s’est écoulée, et je suis autour des 188. C’est alors que deux fous furieux, coureurs internationaux de surcroît, se jette sur moi : Bruno Heubi et Christian Leroux, dit Chico la gazelle …
D’après eux, il me reste 2 heures pour faire 12 km et atteindre les fameux 200 km !!!
Je sais que cela m’est hélas impossible, et j’essaie de les convaincre. Je suis blessé, je n’en peux plus, je vais essayer de finir comme ça, en marchant doucement. Rien n’y fait ! Ils refusent de me laisser faire et m’intiment de repartir, au moins d’essayer. Chico est derrière moi. Je sens son gourdin verbal sur mes mollets : « allez repars, tu peux le faire, tu dois le faire, tu vas le faire ! » Je cède et je trottine un peu, puis je marche, je retrottine, je remarche, etc.
Chico ne me lâche pas pendant un tour entier, il n’y a pas moyen de tricher et je continue donc en serrant les dents. A chaque passage de la ligne, le zèbre et Mickaël décomptent les tours pour moi : plus que 8, plus que 7 … allez Jean-Marc, il te reste 1 heure et demie pour 6 km !!!
Je me reprend à y croire, je continue sur ce rythme. En fait, il ne me faudra qu’une heure pour les faire, ces 6 km !
C’est dans une ambiance triomphale que le franchis la barre symbolique des 200 km en 23 h 30.
A ce moment, je retrouve Brunor, et c’est ensemble que nous continuerons jusqu’au coup de pistolet final.
203 kilomètres et 414 mètres, vient m’annoncer Bruno.
C’est incroyable, je suis abasourdi, et heureux. Ce résultat, presque incongru, est une réelle surprise. Sans les encouragements de ces géants, je n’y serai jamais parvenu. En fait, je ne sais pas trop me faire mal. Moi, j’aime bien finir mes courses en bonne forme, le sourire aux lèvres, la fierté du « même pas mal » sur le visage. C’est là que j’ai compris que ces mecs du haut niveau, c’est autre chose. Il savent ce que se dépasser veut dire.
C’est une grande leçon.
Voilà, c’était ma course à moi, vécue et racontée d’une manière intérieure, qui tranche un peu avec mes écrits habituels.
Mais ce n’est pas tous les jours qu’un petit coureur comme moi a le sentiment de faire un grand truc, et ça ne se reproduira peut-être pas de sitôt.
Merci à tous, organisateurs, spectateurs, coureurs, et même si ça ne transparaît pas ci-dessus, j’ai encore plein d’images de vous tous dans la tête.
Alors, au plaisir de vous rencontrer de nouveau …


Nez en moins
Jean-Marc
de Bergerac
http://coureurs.ultrafondus.com/coureurs/cyrano

1 commentaire

Commentaire de jymm posté le 13-04-2008 à 10:31:00

un bel enseignement doublé d'un beau récit !!!!

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