Récit de la course : 24 heures de Saint-Fons 2004, par yvesg83

L'auteur : yvesg83

La course : 24 heures de Saint-Fons

Date : 10/4/2004

Lieu : St Fons (Rhône)

Affichage : 2806 vues

Distance : 92.692km

Objectif : Pas d'objectif

Partager :

Le récit

"Par mesure de sécurité et dans le cadre du plan Vigipirate nous vous rappelons qu'il est interdit de déposer vos bagages dans les compartiments des voitures de ce TGV..."
Ce sont les haut-parleurs de la gare de Toulon qui m'accueillent par ces mots en ce vendredi 09 avril.
Mon TGV part à 12h21 et comme il est à peine 11h00 je m'installe tranquillement sur un banc pour bouquiner un peu et penser à autre chose que ce qui m'obsède depuis plusieurs jours déjà: les 24H de St Fons...

J'ai découvert ce type d'épreuve à Vallauris en décembre dernier (http://coureurs.ultrafondus.com/coureurs/yvesg83/crvallauris2003.html) et même si j'y ai souffert, j'y ai aussi pris goût et ai donc décidé de récidiver à St Fons (près de Lyon) où en plus une multitude d'UFO (www.ultrafondus.com) doit aussi tenter l'épreuve.
C'est pourquoi je rejoins Avignon par le train pour retrouver Léonard (déjà présent à Vallauris) qui nous conduira jusqu'au but.

Lorsque je sors du TGV il est 13h45 et comme Léo ne doit pas arriver avant une petite heure je décide d'aller à pied jusqu'au centre commercial voisin histoire de me rassasier.
C'est au Quick voisin que je fais le plein sans aucun scrupule: c'est le moment de prendre des forces à griller. Hein? Quel prétexte bidon? PFFF... vous voyez le mal partout...
Finalement Léo sera un peu en avance mais on finit par se retrouver entre le centre commercial et la gare. J'embarque et nous prenons l'autoroute en direction de Lyon; nous discutons de course à pied bien sûr de 24H, d'entraînement, de chaussures, de planification de course etc etc... Plus nous avançons vers le nord, plus le temps se dégrade et c'est une pluie fine qui nous attend lors de notre arrivée sur l'agglomération lyonnaise, ça promet...

Nous arrivons finalement sur le site de l'épreuve peu après 16h30 où nous sommes accueillis chaleureusement par l'équipe du Millepatte en train de finir de monter les tentes qui serviront au pointage et au ravitaillement des coureurs.
Je suis enchanté de faire la connaissance d'Alain (le Millepatte), c'est pas tous les jours que je rencontre un vice champion d'Europe de 100km.
Je me rend compte rapidement qu'en plus j'ai affaire à un être humain exceptionnel qui se plie en 4 pour que "ses" 24h soient le plus beau possible et que "ses" coureurs soient chouchoutés.

Avec Léo nous allons installer nos affaires dans le gymnase où des salles sont aménagées pour que nous y dormions. Là nous faisons connaissance de Théo Schmitt qui nous propose un tour de circuit de reconnaissance.
En chemin nous apprenons qu'il a participé à la dernière Trans333 (course de 333 km non stop au Rajasthan); plus tard j'apprendrai par un autre concurrent que Théo nous avait caché qu'il l'a… gagnée en battant le record de l'épreuve en 48h23 alors que c'était sa première participation…
Voir ici: (http://www.alsapresse.com/jdj/03/12/14/IRF/article_1.html)
Pour ma part à l'heure actuelle je ne me sens pas à ma place tant le niveau va être élevé et je me dis souvent que je n'ai rien à faire ici; on verra bien.

Peu à peu d'autres concurrents arrivent et j'ai un peu peur de les citer certain d'en oublier la majorité mais parmi eux il y a pour moi "l'évènement" de la soirée: l'arrivée de Bruno Heubi ramassé au passage par MMI (pseudo à prononcer façon compagnie d'assurance pour lofteurs décérébrés ;-)
Comme pour Alain, Théo, et plus tard Chico et Yves je m'apercevrai avec Bruno que les plus grands athlètes sont aussi les plus modestes et les plus à l'écoute des autres, chapeau.
Pour l'heure MMI fait son "show" sous la tente avec son matériel de retransmission en direct pour le site UFO: webcam, appareil photo numérique, ordi portable relié au téléphone il a tout prévu. Il est un peu space comme garçon, je l'ai même entendu parler de Kenyans blancs, port'nawak le mec je vous dis… En fait la retransmission de l'épreuve pour le site n'est qu'un prétexte et finalement il se dit que quitte à être là autant courir... A 15 jours des 100 km de Belvès et un mois après ceux de St Nazaire c'est un peu osé mais bon si il faut être raisonnable en plus...

La Marmotte profite de l'occasion pour lancer les invitations aux courses qu'il organisera en 2005 dont un36 h qui me fait déjà saliver...

Peu après nous passons à table avec la "tribu" Marty arrivée entre temps; pendant que nous mangeons Bruno et Chico arrivé entre temps se font une petite séance cool… pour eux: 16 tours à un peu plus de 13 de moyenne. En les regardant ça paraît facile, ils sont hyper décontractés et semblent ne faire aucun effort. En observant Alain, Bruno, et Chico on s'aperçois vite d'un point commun à ces coureurs de 100 km et de 24H de très haut niveau: ce sont de très petits gabarits tout secs; mes parents ayant déjà fait la moitié du travail en me faisant tout petit tous les espoirs me sont permis, j'ai plus qu'à perdre une bonne trentaine de kg quoi ;-)))

Alors que nous mangeons je vois Pil entrer sous la tente. J'ai fait sa connaissance à Vallauris où malheureusement il avait dû abandonner après 60 km. Comme je sais qu'il doit venir avec Gérard Cain, le mec qui l'accompagne est forcément… Gérard Cain dont je vais enfin faire la connaissance. Allez voir son site (www.gcain.com) notamment les rubriques "-55kg" et sa page de présentation "Gérard Cain" afin de comprendre toute l'admiration qu'il peut inspirer.
Alors que nous mangeons, Pil nous avoue avoir involontairement fait un gâteau à la Caloreen en la confondant avec du fructose. Comme on commence à le chambrer sévère il est obligé de nous le faire goûter. Il n'a aucun goût mais comme de l'avis des plus grands spécialistes présents (Bruno Heubi et Chico) ça ne peut pas être mauvais, Pil s'en tire avec les honneurs.

Je fais également la connaissance de DidierP qui nous parle notamment des 24 H de dénivelé positif de Val d'Isère: une montée de 703m de dénivelé positif avec redescente en télésiège à effectuer le plus grand nombre de fois possibles en 24h00; le record est à 25 montées chez les hommes et 20 chez les femmes… Quand je lui dis que c'est un truc "à la con" il approuve mais on est UFO ou on ne l'est pas ;-)))

Après le repas je vais retirer mon dossard auprès du Zèbre, l'un des organisateurs qui semble tomber de haut quand je lui demande le n° 100 vu qu'il n'en a pas. Comme à Vallauris le dossard 80 m'avait "permis" de faire 80 km j'avais demandé le 100 avec le secret espoir que ça marcherait aussi. A cause du comptage électronique par puce (salut Tuc…) ce n'est pas possible et j'hérite donc du 83.
Je suis un peu déçu mais au moins j'aurai une bonne excuse bidon si je n'atteins pas les 100 km que je me suis fixé comme 2è objectif (le 1er étant évidemment de battre ma distance de Vallauris)...

Il est un peu plus de 22h00 quand je rejoins mon duvet pour ce que je pense être une bonne nuit...
En fait je ne dormirai pas plus de 3 heures :-(( à cause, dans le désordre, du ronfleur à 2m de moi, des trains, des 2 cafés bus après le repas et de l'excitation due à l'approche de l'évènement.
Lorsque mon réveil sonne à 7h00 du matin je ne suis vraiment pas frais et ce n'est qu'après une bonne douche que j'émerge peu à peu.
Au petit dèj' ce sera un chocolat et de bonnes tartines/biscottes au beurre, de toutes façons les calories en trop on va se faire une joie de les brûler dans la douleur, alors...
Après je me fais aider de Pil pour préparer mes pieds: à Vallauris j'avais collectionné 11 ampoules, une double tendinite et un malaise vagal.
Pour la double tendinite j'ai fait faire des semelles orthopédiques et en buvant un verre d'eau par tour à une vitesse de 5km/h et plus de 6 ou 6,5 je devrais y échapper, pour le malaise vagal je pense pas m'y abonner (on en reparlera) et pour les ampoules j'ai prévu les grands moyens: 4 tubes de crème Nok, 3 élastos de largeur différentes et 2 paires de chaussettes l'une sur l'autre.
Si j'ajoute à ça que je ne me suis pas entraîné du tout ou presque c'est encore une fois dans l'inconnu que je vais me lancer tout en ayant annoncé mon intention d'atteindre les 100 km.

Une fois les pieds prêts (merci Pil) je vais finir de m'habiller puis me rends avec mon sac pour la course (ravitaillement perso, fringues de rechange, etc etc) sur la ligne de départ où la tension monte...
Là je fais enfin la connaissance de Phil arrivé tard dans la nuit.
Phil c'est l'âme des Ufos, le maître d'œuvre du site et du magazine du même nom enfin en gros celui sans qui je n'aurais sans doute jamais découvert les joies de l'Ultra et de la souffrance pendant24 h alors évidemment je suis très heureux de le rencontrer...

Maintenant nous sommes à 30 minutes à peine du départ, je marque mon pseudo sur le dossard histoire que les autres n'hésitent pas à m'encourager et cherche à mettre des visages sur les pseudos que je côtoie sur internet: Bags, Brunor, Jésus, Beaujolais Runner, etc etc…
Je note la présence d'un coureur qui a coupé ses chaussures sans doute pour faire respirer ses doigts de pied.
Bruno Heubi se transforme en caméraman de webcam et procède à des interviews, on fait les photos d'avant départ; le juge officiel a mesuré une dernière fois le circuit pour vérifier qu'il faisait bien 1, 000km. Le spectacle peut commencer...

Il est un peu plus de 10 h 00 lorsque le départ est donné; avec les autres marcheurs nous partons de derrière ce qui nous permet de voir le peloton s'étirer lentement.
Contrairement à Vallauris les équipes de relais ( 6coureurs se relayant à chaque heure) ne partent pas comme des furieux et nous avons le temps de faire quasiment un tour avant d'être rattrapés... pour la 1ère fois.

Parlons une fois pour toutes du circuit: il se compose de 8 segments à angle droit auxquels il convient d'ajouter 2 virages quasiment en épingle à cheveux. Le site est légèrement penché dans sa largeur et si le dénivelé positif est constant et jamais problématique car quasiment insensible le dénivelé négatif lui est visible à 2 endroits: au moment de descendre sur le terrain de foot et au moment de quitter le niveau de celui-ci pour reprendre la ligne droite la plus longue qui longe la voie ferrée. Si dans les1 ères heures ces "descentes" ne seront pas gênantes, à mon avis il n'en sera pas de même plus tard; on verra bien.

Une fois le1 er tour "d'échauffement" fini je décide de mettre en action la stratégie que j'ai eu le temps de planifier pendant mes insomnies de la nuit précédente: courir sur une partie du circuit.
Moi qui ai toujours annoncé être un marcheur j'ai décidé, non pas de courir sur la totalité du tour mais sur les segments1 , 2 et 3 (1 étant celui de la ligne de départ) puis 6 et 7 qui sont sur le terrain de foot, en clair partout où le sol est mou afin de préserver mes articulations.
Le but n'est certainement pas de gagner du temps puisque ma vitesse de course ne doit pas être de plus de 6 km/h mais je me dis qu'en alternant marche et course je réduirai encore les risques de tendinite. En fait c'est une foulée très rasante que j'adopte et ça n'a rien à voir avec une foulée classique qui serait probablement assez traumatisante répétée sur plusieurs heures.

Evidemment je me fais chambrer par tous ceux qui savent que je ne courre jamais mais pour moi la seule question est combien de temps vais-je tenir?
En alternant marche et course je tourne environ à5 ,5km/h en comptant l'arrêt ravitaillement et l'arrêt pipi; ben vi, vu qu'à chaque arrêt ravitaillement en plus d'un peu d'orange, de pomme, de banane, de pain d'épice, ou de chocolat je bois un verre d'eau je me retrouve également rapidement à faire un arrêt pipi (bien blanc pas d'impuretés ça c'est clair) par tour; pour ce faire j'utilise la petite construction en béton qui est sur le segment 5 ce que beaucoup remarqueront et ne manqueront pas de me le faire savoir. D'ailleurs Alain pour l'année prochaine si tu pouvais marqué sur cette construction "emplacement réservé exclusivement à l'usage urinaire d'yvesg83" ça m'arrangerait j'ai parfois du faire la queue et c'est intolérable non? ;-)))

Au1 er classement publié je suis 79è avec derrière moi Virginie, Priscilia et Greg de la tribu Marty ;-) Les coureurs me tournent évidemment autour mais 2 marcheurs également: il s'agit de Dominique et de Willy qui pratiquent la marche athlétique, forcément ne traînent pas comme moi et je les encouragerai autant que je pourrai. Quand Willy me dit tenter un 24 H pour la 1 ère fois je me dis qu'il est peut être un peu optimiste vu son rythme mais je souhaite me tromper et… je me tromperai énormément, tant mieux.
Nicolas charmant petit garçon d'Alain je crois m'encourage régulièrement me confiant même que je suis son préféré et me promettant de faire le dernier tour avec moi demain; les enfants soutiennent naturellement les plus faibles… ;-)
Gérard Cain m'encourage régulièrement et je m'amuse à le menacer de finir devant lui puisque je sais que se réservant pour le Raid Montpellier-Valence de la semaine prochaine il n'a prévu de faire que les 5 premières et les 5 dernières heures de courses tout en sachant évidemment qu'en simplement 10 h de course il peut sans forcer finir devant moi.

L'ambiance est sympa, chacun(e) est en train de trouver sa place à son rythme, mes pieds tiennent, mes tendinites pour l'instant inexistantes et après 5 h de course avec 27 km au compteur je commence à y croire: pour atteindre les 100 km j'ai prévu d'être à 60 à la mi-course et ça paraît jouable. Je rajoute 5 km dans la 6è heure ce qui me permet de passer le cap du quart de la course à 32 km.

A mon rythme j'ai le temps de regarder les autres courir tout à mon aise admirant notamment la foulée aérienne de Bibi (Brigitte Bec) qui aligne les tours avec une régularité stupéfiante. En fait elle est là pour voir ce qu'est un24 H avant de se lancer "pour de vrai" à Brive pour le championnat de France le mois prochain, c'est d'ailleurs pour ça qu'elle ne courra pas toute la course mais assurera, et avec quelle abnégation, l'assistance de son Shadock de mari également en course mais lui avec la ferme intention d'aligner des bornes. Une autre chose notable à admirer: les mollets de Yoyo (Lionel Planes) admirablement dessinés probablement par son passé cycliste.

Peu à peu au fil des tours j'apprends les prénoms des divers concurrents histoire de les encourager (Allez Chacal!, Allez Cyrano!, Allez Jésus! Allez L'électron! etc etc) tout en continuant mon alternance marche/course jusqu'à la 6è h environ où je comprends que cette stratégie n'était pas la bonne: une douleur énorme apparaît au genou et je devrai désormais me contenter de marcher. La douleur est intense mais comme mécaniquement parlant je n'ai aucun problème je décide de serrer les dents et d'attendre que ça passe; l'attente durera 4 longues heures.

Durant le 2è quart d'autres douleurs se réveillent et notamment une brûlure de plus en plus intense sous la plante des pieds. Comme apparemment je n'ai aucune ampoule en formation je me dis que c'est un moindre mal mais je commence à me dire que même si j'aime bien la Marmotte, 36 h ça fait beaucoup.
Pour me remonter le moral je récupère mon portable pour lire et écouter les messages ainsi qu'appeler ma petite famille; ça fait du bien.
Le matin j'avais enfilé un cuissard sous le pantalon de survêtement au cas où le soleil ferait son apparition mais il est maintenant plus de 17 h, depuis le départ c'est un régime nuages/averses et je soupçonne fort l'empilage de 3 épaisseurs (slip, cuissard, survêtement) d'écraser ma vessie exagérément ce qui explique des arrêts pipi trop fréquents.
Comme je n'ai pas de temps à perdre c'est avec une paire de ciseaux que je le "quitte" ;-)

Après 9 h de course je suis à 46 km, mon rythme a baissé (même si j'utilise mon urinoir préféré moins souvent ;-) mais je suis encore dans la plaque pour la barre des 60 km à mi course.
La nuit est maintenant tombée, l'élite franchit peu à peu la barre des 100 km: en tête Emmanuel Conraux (une pointure dans le monde pluridisciplinaire de l'Ultra avec notamment un record sur 24 H à plus de 244 km) est suivi à 5 tours par Yves Chomont (Oignon03 ) supporté par tous ses congénères UFO qui a un record à un peu plus de 202 km et dont le but aujourd'hui est de le battre.
Vers21 h soit à une heure de la moitié de la course je me dit que malgré tout le sucre que je prends (orange, pain d'épice, chocolat, coca etc…) il me faudrait quelque chose pour me tenir au ventre, le goût du salé me manque un peu et je m'arrête 3 minutes le temps de manger un steak haché découpé en 30 morceaux au moins tant je dois me forcer pour manger du solide salé.
Un tour après je me force avec un hot dog ce qui me rassure, je ne sais pas pourquoi.

J'ai de plus en plus de mal à marcher avec la voûte plantaire en feu et lorsque arrive la mi-course je ne suis qu'à 58 km.
Je rentre pour la1 ère fois sous la tente des coureurs où je retrouve Gérard Cain et Pil.
Gérard s'est arrêté pour la nuit après avoir parcouru 67 km en plusieurs fois sans forcer son immense talent. Comme je suis juste à 9 km derrière je l'encourage à aller dormir longtemps et profondément ;-)))
Me voyant souffrir de la voûte plantaire Gérard examine ma semelle orthopédique et diagnostique immédiatement que sa texture est inadaptée à un usage intensif; je décide de remettre les semelles d'origine de mes NB 765 que j'avais pris la précaution d'emporter et demande à Gérard s'il peut me soulager de l'effort d'aller chercher mon sac ce qu'il s'empresse de faire, ce mec est adorable.
Il revient, je remplace les semelles, enfile les pompes pour repartir remercie Gérard puis ai juste le temps de lui dire: "houlà ça va pas bien aide moi à m'allonger, la tête me tourne" avant de faire un magistral malaise vagal comme à Vallauris. Lorsque je rouvre les yeux j'ai une secouriste qui a lâché son massage pour venir me voir; entre-temps je me suis redressé le temps de vomir tous les aliments sucrés non digérés probablement à cause de la viande.

Je mange 3 sucres et m'allonge veillé par Pil alors que Gérard est parti se coucher. Après une heure à somnoler je me redresse. Il me demande si je vais me coucher et je lui réponds évidemment que... je repars; j'ai signé c'est pour en ch... que diable!!!
Tranquillement j'enchaîne les tours à3 km/h, m'asseyant 6 ou 7 minutes entre chaque pour me reposer en faisant très attention à l'alimentation et c'est ainsi qu'après 16 h de courses je cumule66 km et je sais que les 100 km se sont éloignés définitivement. Toutefois comme je sens un mieux je décide de pousser un peu le rythme: mon malaise vagal est derrière moi, je soulage régulièrement ma plante de pied en vidant des tubes de Nok (les 4 vont y passer ;-) je n'ai toujours aucune ampoule ni tendinite et j'essaie de maintenir un petit 4 km/h.
C'est lors d'un de ces tours que j'ai eu l'honneur d'être ravitaillé par Bruno Heubi et je peux vous dire que quand un membre de l'équipe de France se met au service des obscurs ça leur remonte le moral d'une force... Merci Bruno.
Plus la nuit avance et moins nous sommes nombreux à tourner sur la piste. Après 20 h de course je suis à 80 km moment important et 1 er objectif pour moi...

Dans le 81è tour je vais battre mon kilométrage de Vallauris (80,08km) et du même coup, bien involontairement passer devant Stéphane Haack (le Furet) qui a abandonné après son ami le Chacal mais qui est le1 er à m'encourager Ca m'embête un peu d'être devant ces2 spécialistes de l'Ultra diminués aujourd'hui mais promis je le ferai plus et rétablissez-vous bien.
Sachant la barre des 100 inatteignable je décide de tourner désormais à 2 km/h ce qui me mènera tranquillement à un nouveau record de88 km. Je fais donc un tour tranquillement en 15 minutes puis me repose 15 minutes. Le redémarrage est à chaque fois plus dur, les 2 descentes font maintenant très mal aux cuisses et finalement je décide de faire une pause à 84 pour rajouter un tour dans le dernier quart d'heure histoire de doubler la distance du marathon.
J'en profite pour faire sauter mes bandages d'élasto de mes pieds, ce qui décomprimera ceux-ci. Gérard Cain après avoir bien dormi a repris la piste après que je lui ai dit que j'avais 15 bornes d'avance sur lui et qu'il lui restait3 h pour me les reprendre ce qui était largement à sa portée.

Alors que je végète affalé sur un banc mes yeux ébahis voient passés MMI et Phil qui ont décidé de reprendre la piste. Si MMI est à 12tours derrière, Phil par contre est juste à 2 km derrière moi, il est hors de question que je le laisse se dédoubler et tant bien que mal je me remets en route sachant que désormais il va falloir que je végète... hâtif (oui je sais elle est facile mais elle va plaire à MMI ;-)
C'est d'autant plus dur qu'en fait je pars en chasse alors qu'ils ont déjà refait un tour et que je dois absolument leur coller aux basques. Je les rejoins peu après et on tape la discute remerciant Phil de m'avoir filé la motivation pour repartir, MMI me demandant si je compte faire un malaise vagal à chaque course je lui réponds que oui mais que si possible pour la prochaine j'essaierai de le faire avant le départ ça m'évitera de perdre plus d'une heure à cause de ça.

Nous sommes maintenant dans les dernières 90 mn et si je pense préserver ma place en restant un tour devant Phil je commence à calculer que la barre des 90 est atteignable sans soucis.
Après 23 H de course je suis à 86 km et je décide de pousser un peu la machine sur la dernière heure en essayant de faire au moins4 km. Mais après tout ce temps on n'est plus très lucide, je m'enlève un tour sans le savoir et décide de ne plus m'arrêter jusqu'à la fin.
Devant Emmanuel Conraux est assuré de sa victoire mais ne battra pas son record (il terminera à plus de 238 tandis que Yves lui a battu le sien pendant que sa chérie faisait passer sur la sono la musique de Christophe Colomb mais accuse un sacré coup au moral.
C'est alors que je vois Gérard Cain le prendre "en remorque" fixant le rythme; au tour suivant 3 autres coureurs se joignent à lui et c'est "à l'aspiration" d'une vraie garde rapprochée lui ouvrant la route, qu'il pourra porter son record à presque 222 km. C'est un très beau moment que nous avons vécu là avec 4 coureurs se mettant entièrement au service d'un autre simplement pour que sa journée soit plus belle encore; l'Ultra c'est vraiment un monde à part.

Pour ma part ça va tellement bien que je décide désormais de franchir la ligne d'arrivée en courant à chaque tour et maintenir cette course le plus longtemps possible. Mais pas une course comme au départ en petite foulée rasante, une vraie course façon 400 m en déroulant bien les jambes qui en fait ne demandent que ça puisque ça leur permet de travailler différemment et qu'on pourrait même comparer ça à une forme d'étirements. Bien entendu je n'ai pas la condition physique pour le faire sur un tour complet mais rien que sur les 3 premiers segments ça me permet de finir l'épreuve en moins de 9 minutes au tour ce qui ne m'est jamais arrivé avant ;-))) C'est ainsi que dans la dernière heure je parcours plus de6 km ce qui est tout simplement ma meilleure heure ce qui ne doit pas être le cas de tous ;-))))

Je fais mon dernier tour avec L'Toro et... Emmanuel Conraux sur... 200m simplement parce que j'avais beau être à fond il était plus rapide que moi le bougre ;-)
A une minute d'intervalle 2 coups de feu claquent: c'est fini.
Je termine à la 64è place avec 92,692km au compteur et je suis heureux; contrairement à Vallauris je ne verse aucune larme mais je suis bien.

Une minute avant la fin de la course tout allait bien, dans l'euphorie collective je n'avais mal nulle part, une minute après j'ai mal partout et n'arrive plus à mettre un pied devant l'autre correctement. Je me hâte comme je peux vers les douches pour enfin me détendre sous l'eau chaude. Ensuite c'est le buffet campagnard où Pil et Gérard me défient de sauter à pieds joints par-dessus un banc ce que j'exécute sans difficultés à mon grand étonnement; par contre personne ne désirera le tenter après moi ce qui m'étonne beaucoup moins ;-)))

Ensuite ce sera la remise des prix animée par le Zèbre qui s'est défoncé au micro pendant ces 24 H merci à lui et merci à toute l'équipe: Christine, Alain et tous les autres (ravitaillement, poste de secours etc etc...)

Voilà, ça fait maintenant plus de 4 jours que c'est fini et si je ne suis pas mécontent de moi j'ai quand même quelques regrets et notamment ne pas avoir pu mettre des visages sur tous les pseudos. Merci encore à vous tou(te)s.
Sur le plan sportif mon regret est de ne pas avoir cru même à partir de mon malaise vagal et même après 20 h que les 100 km étaient atteignables mais je ne savais pas encore que je pouvais piquer des sprints après avoir autant souffert.
Je note la chose et pour le prochain elle me sera profitable; enfin j'espère…
Parce que si pendant la course je me suis juré de ne plus m'y faire prendre il va de soi que dès la ligne d'arrivée franchie je n'avais qu'une envie: recommencer.

Pour les résultats complets c'est là:
http://www.ultrafondus.com/13_RESULT/2004-24h-Saint-Fons.php

yvesg83

Aucun commentaire

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version grand écran - 0.07 sec