Récit de la course : L'Intégrale de Riquet 2004, par nicocz
Le récit
Par où commencer mon CR ? je sais pas trop….on va s’y essayer quand même.. un petit flou stylé pour faire « retour dans le passé » comme dans les films…
Cette année je voulais m’essayer aux 100 kms, j’avais très envie de faire St Nazaire les Eymes mais une finale de coupe du Val d’Oise avec mon équipe ne me permettra pas de me libérer…Je dois avouer avoir été assez déçu, enfin partagé entre le plaisir de m’investir auprès de jeunes dans un sport que j’adore et la déception de ne pouvoir participer à cette belle fête UFO pour la thérapie perso qu’est la course à pied …
Enfin l’objectif restait l’intégrale de Riquet, cette épreuve qui devenait la plus longue en France à ma connaissance et une première édition, ce qui finissait de me convaincre qui fallait que j’en sois.
La préparation ? Hachée et incomplète…j’ai un peu perdu pied et même si je prenais le cardio, je n’ai suivi absolument aucun plan d’entrainement, ni rien noté de ma progression…j’ai vainement tenté d’écluser des reliquats de congés en juin mais j’ai dû trop souvent supprimé des demi-journées pour revenir au boulot…
Au final, j’ai bien essayé de courir tous les jours un peu, mais très peu de sorties longues, seulement 3 entrainements croisés (2H vélo, 1h30 CAP dans cet ordre) et 3 doubles entrainements CAP (1h30 matin, 1h aprem).
Bref, je me sentais vraiment léger en arrivant à mon objectif de l’année.
Pour compléter le tableau, je me suis pas du tout préparé mentalement, n’ayant enregistré aucune info sur le parcours, le type de terrain, etc…tout à fait l’opposé de ma préparation UTMB de l’an dernier…
Je finis en ayant dormi 4h dans la nuit de mercredi à jeudi, en ayant fait 9h de route le jeudi pour descendre sur place…des conditions idéales !!!
Bref j’arrive sur cette course super tendu, parce que j’ai besoin de me prouver que je suis capable, ça fait trop longtemps que je n’ai pas couru d’ultra et réussi « un truc »…mais en même temps je suis obligé de ne pas m’enflammer, d’envisager que je risque fort de ne pas arriver au bout…
Pour rajouter à la pression, je dois préciser que j’ai découvert dans la liste des inscrits qu’un très bon ami à mon père, Bernard, est aussi sur la course…c’est très émouvant pour moi, je pense beaucoup à mon père (je me dois de vous éclairer un peu, il est décédé quand j’avais 10 ans).
Voilà le tableau planté…j’arrive donc à Toulouse jeudi vers 18h.
Bernard est assez nerveux, il a tout préparé minutieusement (je viens à peine de passer acheter des barres énergétiques !!) et il mise aussi beaucoup sur cette course, un retour pour lui le centbornard après des soucis de santé..
Nous voilà partis pour la pasta party…très sympa..Je rencontre l’organisateur Christian qui a « l’excellente » idée de nous demander de présenter notre palmarès lors de la remise des dossards…Je suis liquéfié !!! l’un a fait 109 cent bornes, et qui marathon des sables, et qui spartathlon..je trouve rien d’autre à dire que « je suis néophyte » !!!
Y’a Monsieur Guyomarch, je sais pas l’appeler autrement tellement il m’impressionne par sa simplicité mais aussi pas la maîtrise qui dégageait de lui lorsque je l’ai côtoyé à Gravigny l’an dernier..
Bon, la tarte tarde à arriver et mes sacs ne sont toujours pas prêts donc vers 22h30 nous nous éclipsons…Couchez à minuit environ avec mes différents sacs de prêts.. j’ai prévu de changer de T-Shirt à chaque ravito..j’ai des chaussettes au cas où, une deuxième casquette, des vêtements chauds pour la nuit et des barres pour chaque ravito…
Mon sac de course sera le « gros » sac raidlight utilisé lors de l’UTMB, peut être trop lourd mais bon, j’ai que celui là et en plus je le trouve confortable..
Une bonne nuit de sommeil (c’est pas mal d’être complètement épuisé, on passe une nuit d’avant course très calme !!) et petit dej, et nous voilà parti..ce départ à 10h me va bien moi qui suis pas vraiment du matin !!
On retrouve tout le monde, Vincent Toumazou et son père nous ont rejoint, surpris de me voir là..normal je n’ai pas du tout parlé de mon inscription sur le forum UFO, trop peur de me faire traiter de cinglé..et d’exploser après 60 bornes…
Je vous passe les quelques minutes d’avant course, tout le monde est excité…la photo sous la statue de Riquet et nous voilà partis avec quelques minutes de retard (mais bon perso, je vais pas chipoter !!)
Je suis content d’être là…je viens pour moi, j’y crois et surtout je sais que mes deux fées y croient aussi...c’est nouveau pour moi mais j’ai envie de courir pour quelqu’un d’autre..elles se moquent de la course à pied, mais elles savent que ce défi comptent beaucoup pour moi et donc elles vont me soutenir tout au long de la course via texto et coup de fil..du pur bonheur pour moi..(mes deux fées, sont deux petites du basket qui ont volé mon cœur…)
Nous courrons tous ensemble quelques temps, petite mise en chauffe qui me va très bien..mais les ténors se placent en tête et voilà c’est parti…j’essaie quelques temps de courir tranquille en restant avec des coureurs qui adoptent un rythme qui me semble convenir mais vu que je n’ai pas du tout de tactique, ni travailler une quelconque allure spécifique (pas taper Bruno !!), mes jambes n’aiment pas…je décide donc de courir à un rythme qui me va bien, certainement autour de 11-12 kms/h…Je me sens super bien sur ce revêtement goudronné, lisse et c’est du pur plaisir que de courir comme ça…je me dis que même si c’est certainement suicidaire au moins j’aurai pris mon pied, c’est pour ça que je suis venu….ça déroule, je bois beaucoup..au deuxième ravito en eau on nous annonce sur des bases d’environ 3h30 au marathon !!! ouf du grand n’importe quoi !!!je continue mon bonhomme de chemin, j’apprécie encore d’être le long de ce canal paisible, de croiser du monde : piéton, runner, cycliste, roller et même un vélo couché !!la dernière partie avant le ravito du 60 je commence à sentir des petites fatigues qui me font réaliser que je dois lever le pied si je veux continuer…
Après la troisième heure (ou la deuxième je ne sais plus !!), je m’oblige à marcher 5 minutes toutes les heures.
Plus tard, je double un concurrent qui n’a plus d’eau, lui en donne un peu…l’écluse suivante, l’éclusier me salue, je lui demande s’il a de l’eau ; réponse : « oui, plein le canal !!! »..je lui explique le cas du concurrent qui me suit et lui demande de lui en proposer parce que je suis pas certain qu’il lui demandera…j’apprendrai plus tard qu’il a rempli son bidon…
Voilà le ravito du 61 kms (un peu plus ??)…je mange et bois bien, change de T-shirt..Bernard me rejoint au ravito, il va bien..
C’est reparti mais j’ai du mal à relancer…les pâtes me restent sur l’estomac et je n’arrive pas à bien courir..j’alterne donc marche et course et après quelques temps je peux repartir sur une bon rythme..je n’arrive toujours pas à courir lentement, et j’adopte donc plus ou moins à taton une stratégie qui consiste à courir 10 minutes et à marcher 5 minutes..je rythme ainsi mes heures de 4 cycles que je tiens plutôt bien…
Aux alentours du 100eme kilomètre, je me fais doubler par une coureuse, qui m’encourage en me doublant comme une fusée..à ce moment je ne sais pas encore que c’est la femme de Patrick Merle, un autre concurrent..à ce moment, je la maudit !! ça m’a vraiment mis un coup de la voir si bien alors que je n’ai pas encore atteint la moitié !!! c’est pas gagné !!!
Nous voilà à Carcassonne, je suis seul depuis longtemps, je ne me souviens plus quand Bernard m’a doublé mais il est devant…Patrick me rejoins au ravito de Carcassonne et repart devant…à la sortie de la ville je sors la frontale…nous voilà dans la nuit...j’adore ça…je continue sur mon rythme habituel..10 minutes / 5 minutes..je me sens vraiment bien… Je suis très content d’avoir pris l’halogène, c’est vraiment agréable dans la partie courue.
J’arrive enfin à Trèbes…là c’est les premiers abandons…Bernard est là, un peu hagard…je resterai environ 1h (pas de pâtes cette fois), un bon massage…je me lave le visage, prend le temps de récupérer…Bernard parti dormir se relève, il va mieux…Jean-Louis son copain de course a fait une hypo, il dormait lui aussi…
Je repars sans les attendre, je sais qu’ils me rattraperont…c’est le cas plus loin..je reste en T-shirt manche courte (j’en ai quand même pris un manche longue dans le sac !!)…Jean-Louis part devant comme prévu.. Avec Bernard ma stratégie fait que nous jouons au yo-yo pendant longtemps, d’autant qu’il s’est trompé de chemin et qu’il a dû revenir sur le canal à travers un labour et un bosquet de broussaille, guidé par ma lampe..une chance qu’on se soit retrouvé à cet endroit là !!
C’est la nuit, j’adore ça…c’est paisible, et on ne voit pas le bout là-bas, si loin…j’aime la nuit parce que je suis vraiment dans l’instant, attentif aux bruits..j’ai dit à mes fées que j’avais besoin d’aller au bout pour me sentir vivant..je crois que la nuit c’est un peu ça…je ne me disperse plus, je suis là, à cet instant, dans cet endroit…je trouve ça rassurant..
Les ravitos de nuit..toujours agréable de discuter..je crois que les gens se souviendront de moi comme un bavard, je le suis..mais c’est ça que j’aime aussi..ces rencontres au milieu de nulle part…et puis je me dis que si nous on est barjot, alors les bénévoles sont complètement cinglés…rester là au milieu de la nuit pour le plaisir de quelques masos qui ont décidé de courir 240 bornes !!! chapeau mesdames, messieurs les bénévoles…
Toute la nuit, on fait le yo-yo avec Bernard que je lâche finalement..nous avons aussi doublé Patrick Merle alors que nous faisions le tour d’un étang…il semblait bien fatigué…
Au petit matin j’arrive sur le ravito de Paraza…après quelques discussions, je me rends compte que c’est la fameux d’Esnambuc et Mamie Gateau que j’ai en face de moi…je suis tout ému..je me sens con parce que j’avais vu depuis longtemps qu’il était impliqué dans l’organisation…encore du virtuel qui devient réel…ça fait du bien…
Et c’est reparti…j’ai du mal ; mais j’y crois…cette partie jusqu’à Capestang est longue…le pire..c’est quand je vois Capestang enfin sur la droite…un beau sourire sur le visage…mais..il est con ou quoi ce canal ? il part sur la gauche !!!!il faut faire tout le tour car le canal passe bien évidemment sur le flanc des coteaux…Nous voilà à Capestang..ça veut dire un massage réparateur et quelques soins pour mes pieds qui depuis longtemps sentent tous les cailloux…Depuis déjà longtemps j’ai changé mon rythme…je suis passé à 8 minutes de marche et 7 minutes de course…et oui, dans le petit matin je me suis d’abord gentiment offert une minute de marche en plus, puis deux..puis trois…et là j’ai retrouvé un rythme qui me convient bien avec un rythme de course qui a baissé mais toujours décalé avec ce type de course longue distance..
Des soins des pieds, des massages…et..du melon..je rêve de melon depuis Carcassone..je fais attention à pas en prendre trop..il reste quand même 56 kms !!!
C’est reparti…non sans remercier les bénévoles que j’ai baptisé depuis longtemps les « mandarines radioactives », en raison de leur T-shirt orange qui rendrait jaloux n’importe quel agent de la DDE…
Patrick Merle m’a doublé quelques temps avant le ravito..il courrait bien, il semble en grande forme…
J’apprend l’abandon de Bernard qui a pris soin de me transmettre ses encouragements via le kiné..Une raison de plus de finir…
Je sais que j’irai au bout mais je ne suis pas du tout certain de pouvoir finir dans les temps..
Un ravito juste avant Bézier sur l’écluse multiple de …(j’ai oublié le nom)..Patrick est encore là, il a du mal…repartir en descente sous un soleil de plomb sera particulièrement difficile…je vais marcher un bon moment…Je ne sais plus à quel moment mais nous sommes rejoints par les VTT qui ferment la course. ;c’est sympa d’être ainsi escorté…les pauvres en ont plein les pédales eux aussi, à un rythme si faible…j’alterne toujours mes 7/8…nous passons près d’un concurrent longtemps 4eme arrêté sur un banc, en train de siroter une bière…
Ma maman a rejoint le circuit, je la sens partagée entre joie et inquiétude..je suis un peu froid avec elle mais je sens bien que je n’ai pas les ressources pour gérer correctement tout ça. ;je sais qu’elle comprend…
Le dernier ravito…Christian est là…il nous rassure sur le fait qu’on sera classé..même si c’est pas le plus important, ça rassure, on devrait avoir le beau T-shirt finisher…
C’est reparti, lentement…je regarde ma montre, si j’arrive à me donner un peu je pourrais rentrer dans les 34h !! je décide donc de faire l’effort..je continue à mon rythme 7/8 mais j’augmente la vitesse des 7 minutes courues et tente de bien tirer sur les bras pour les 8 marchées..
Quelques hésitations sur le chemin à suivre…et puis je n’arrive pas à donner autant que j’aimerai…tant pis..ça ne sera pas pour cette fois le moins de 34h…d’autant que nous avons une incertitude sur les kilomètres restants..sans savoir précisément combien il reste je ne peux pas griller mes dernières cartouches….
Les VTT accompagnateurs ont droit aux pérégrinations de ma vessie qui me font arrêter toutes les 10 minutes au moins. Un truc qu’est sûr c’est que je bois suffisamment !!!
La dernière écluse et un passage étroit au milieu des roseaux…mes accompagnateurs en VTT aimerait bien se défouler dans ce terrain de jeu plus sauvage mais mon pied n’est pas assez sûr, j’ai trop peur de me mettre au canal…Je marcherai donc…
Voilà la dernière traversée de route…Bernard, ma mère et son ami arrivent exactement au même moment au bout des 1,5 kms de chemin qui nous séparent du phare…je cours un peu (pour le film !!) avec Bernard mais les cailloux pointus du chemin m’arrêtent..je l’aurai vraiment fait sinon mais là j’ai les pieds défaits…
Finalement on passe devant le comité d’accueil et je me remets à courir jusqu’au phare un peu plus loin…
J’y suis, je le vois, je le touche..34h23h12s…je l’ai fait…je m’assois et je souris…je me sens vivant…encore une fois, comme cette nuit je sens l’énergie de ce lieu..je suis là, à ce moment là…je pense à mes fées, je les appelle rapidement…pas besoin d’en dire beaucoup…elles sentent mon bonheur, elles le partagent…je suis vivant et j’ai le cœur rempli…
J’ai encore ce bonheur d’être au bout, de l’avoir fait…je mesure la chance que j’ai d’avoir la possibilité de faire ce genre de futilité…
Les moments qui suivront seront du pur bonheur. Ce plaisancier qui me demande d’où on arrive…Toulouse…son sourire..sa réponse.. « ouai, mais sérieusement !! »…
Et puis la soirée..un peu en demi-teinte…ça n’est pas la fête que Christian et l’organisation avaient rêvée…
Alors, je les ferai les remarques demandées par Christian..mais avant je veux le remercier lui et tout les bénévoles de m’avoir fait sentir vivant une fois de plus, d’avoir pu réaliser cette belle folie dont je suis fier et qui m’a fait rechargé mes batteries pour un petit moment..
Sur les polémiques, je veux juste dire que beaucoup luttent contre le poids (comme à l’UTMB)et que j’avais une réserve d’eau de 2,5l remplie le plus souvent à 2l et qu’il me semble que beaucoup n’ont pas bu suffisamment…
Pour le reste, le coup des ravitos insuffisants, je trouve ça un peu gonflé…si on peut faire des reproches sur une diffusion d’information un peu légère, ça n’est certainement pas sur ce point là… les choses étaient claires pour les ravitos !!
Je conclurai donc en disant que le canal peut être lassant à la longue et que 240kms, c’est quand même un morceau…Je ne la referai pas l’an prochain mais je conseille cette course à tous ceux qui veulent rêver, qui veulent se déchirer sur une épreuve hors du commun…Il faudra seulement partir avec beaucoup d’humilité…comme la montagne lors de l’UTMB, je pense que le canal doit s’apprivoiser….
1 commentaire
Commentaire de pierrot34 posté le 18-01-2009 à 18:52:00
Bon je vois maintenant de quoi il s'agit. Une volontaire veut se lancer cette année et cherche des accompagnateurs VTT. Je ne vois pas encore très bien comment cela peut se passer à ce niveau mais pour le coureur, chapeau! Il "en" faut!!!!Exaltant. Hors du commun.Ca m'intéresserait beaucoup, un accompagnement, pour voir et sentir ce que vous ressentez. Bravo nico. A plus si il y a du nouveau pour l'épreuve de 2009....
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