Récit de la course : TOR330 Tor des Géants 2024, par stephane5174

L'auteur : stephane5174

La course : TOR330 Tor des Géants

Date : 8/9/2024

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 396 vues

Distance : 330km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Tor des géants - un beau voyage en Val d'Aoste

Préambule

C’est la première fois que j’écris un compte-rendu après une course. Jusque-là, je n’en avais pas ressenti le besoin. Mais cette course est spéciale, par sa beauté, par sa dureté, et par la façon dont elle marque le corps et l’esprit. Les souvenirs vont s’estomper (ils ont déjà commencé j’en suis certain). Alors j’ai voulu rédiger ce texte assez rapidement afin de partager cette aventure et pouvoir m’y replonger dans quelques semaines, quelques mois, quelques années, et pouvoir ressentir à nouveau les émotions de ce voyage hors norme.

 

Etape 1 : Courmayeur – Valgrisenche

Quelques minutes avant le départ : je suis placé à une vingtaine de mètres de l’arche de départ. J’observe les autres coureurs. Je ressens un mélange d’impatience, d’excitation et d’appréhension. Le speaker nous souhaite un bon voyage. Voilà exactement comment il faut le vivre : un voyage, une aventure à vivre pleinement. Cela a le mérite d’enlever cette part d’appréhension liée à la peur de l’échec.

10h00 : c’est parti, enfin ! Les premiers kilomètres traversent Courmayeur. Je fais un départ très raisonnable contrairement à mon habitude. Je suis doublé à droite, à gauche. Mais je me raisonne : le voyage sera long. Nous entamons le col de l’Arp, une pluie fine puis plus prononcée commence à tomber. La montée est régulière, il y a beaucoup de monde. Je reçois plusieurs coups de bâtons de coureurs maladroits. J’arrive rapidement au sommet de ce premier col. Les sensations sont bonnes, mais cette pluie est désagréable. Elle est annoncée pour toute la journée et une bonne partie de la nuit.

Nous basculons dans la descente vers La Thuile. Je descends tout en contrôle alors que le chemin incite à se lâcher. J’arrive au ravitaillement complètement trempé. Je ne m’attarde pas mais prends une soupe pour me réchauffer et repars rapidement pour entamer l’ascension du Col du Haut Pas (Passo Alto). Au début, la montée est régulière, puis se fait plus raide, plus technique. Cela donne un bon aperçu de ce qui nous attend pour les prochains jours. Les sensations ne sont pas excellentes à cause du froid et de la pluie, mais le col est malgré tout franchi assez facilement du fait de la fraicheur physique en ce début de course. Je me félicite d’avoir coupé complètement l’entraînement la semaine précédant la course, contrairement à mes habitudes. Après une descente dont le début est assez technique, j’entame la montée du col de la Crosatie. C’est un col avec quelques passages assez aériens, mais sans danger. Je ne profite pas beaucoup du panorama, toujours en raison de la météo, qui reste excécrable. La fin du col de la Crosatie est assez difficile, mais le sommet arrive assez rapidement. Je bascule dans la descente vers Valgrisenche. Je suis satisfait du début de course. L’enchaînement des premiers cols s’est fait sans difficulté ; les jambes répondent bien.

J’arrive à la base vie de Valgrisenche lundi à 20h50. Je fais un stop rapide pour me changer (notamment les chaussures qui sont trempées), manger. Je n’ai pas prévu de dormir sur cette première base vie et je repars rapidement. Je sors de la base vie lundi à 21h21.

 

Etape 2 : Valgrisenche – Cogne

Cette deuxième partie est une des plus difficiles avec l’enchainement Col de Fenêtre, Entrelor, Loson (toit du Tor à 3 300 mètres). N’étant pas habitué à des cols aussi hauts, j’appréhende ma réaction à l’altitude et redoute certains passages aériens du Col d’Entrelor.

La montée du Col Fenêtre se passe bien, elle est régulière. En revanche, la descente est impressionnante : raide, technique et glissante. Je prends mon temps avec prudence, quitte à m’écarter pour laisser passer des coureurs plus à l’aise en descente.

La descente nous amène au ravitaillement de Rhêmes Notre Dame, d’où commence la montée vers le col Entrelor. La montée s’effectue d’abord dans la forêt de manière régulière. Mais dès les premières minutes, je ne me sens pas bien. Je suis nauséeux et je finis par vomir. Je ne m’explique pas cet épisode car au fond, cela passe assez vite et je reprends la montée à mon rythme. J’ai le sentiment de monter lentement mais régulièrement. A l’approche du sommet, le chemin devient beaucoup plus raide. Il s’agit d’un véritable mur sur les derniers hectomètres avec des échelles ancrées dans la paroi, que j’agrippe à 4 pattes pour monter la fin du col. Ce passage est assez glissant avec la pluie qui continue à tomber mais je le passe sans encombre.

A nouveau, une fois le col atteint, le début de descente est assez raide. Je le passe avec prudence et bascule dans la descente vers Eaux Rousses. J’attaque ensuite la longue montée ver le col du Loson, qui constitue le toit de ce Tor à 3 300 mètres d’altitude. La montée est très régulière au début, sans réelle difficulté. Mais elle devient beaucoup plus raide sur les derniers hectomètres. Le sommet a été saupoudré de neige : c’est superbe ! En haut du col de Loson, une superbe perspective s’ouvre de l’autre côté : sans doute un des plus bels endroits de ce Tor. Une fois les premiers hectomètres de descente passés (comme d’habitude assez raides), la descente sur Cogne est agréable et permet de projeter l’esprit vers la suite du parcours.

J’arrive sur Cogne lundi à 13h14. Je prends mon temps pour bien manger et je repars à 14h25. Le moral est excellent, les deux premières étapes sont validées ; je sais que la suivante est censée être « facile ».

 

Etape 3 : Cogne – Donnas

Cette étape est assez facile, si on la compare aux autres. Elle consiste en une longue montée à la fenêtre de Champorcher, puis une longue descente vers Donnas. Finalement, je vais avoir le sentiment de ne pas être très efficace sur cette partie. La fatigue commence à se faire sentir, et je n’ai toujours pas dormi. De plus, j’ai des débuts d’ampoules et des échauffements et je sais déjà que je devrais faire un stop complet à Donnas pour repartir dans de bonnes conditions pour la suite du parcours.

Après la montée à la fenêtre de Champorcher, je bascule vers la longue descente vers Donnas. En fin de descente, j’arrive dans un village que je crois être Donnas alors qu’il s’agit en réailté du village de Bard. Je dépasse donc ce village sans avoir trouvé la base vie. Il fait nuit ; je me demande si je n’ai pas raté la base vie et si je ne suis pas en train de continuer sur le parcours. Je fais demi-tour sans succès. Je finis par croiser un coureur asiatique (que je retrouverai plus tard) qui est persuadé que la base-vie est plus loin. Il a raison mais étant peu lucide, j’attends un autre coureur (italien) qui confirme que la base vie est encore à 3 km. Une route bitumée nous y amène.

J’arrive à la base vie de Donnas mardi matin à 1h38. Je décide de me faire soigner les pieds en arrivant. Deux podologues examinent longuement mes pieds avant de les soigner. Une ampoule s’est ouverte sous un doigt de pied et une autre s’est formée sous un autre doigt de pied. Ils discutent en appuyant tour à tour sur cette dernière ampoule. A chaque fois, j’ai un cri de douleur mais ils recommencent 7 ou 8 fois à tour de rôle, à croire qu’il s’agit d’un jeu.

Finalement, après s’être bien amusé avec mon ampoule, ils commencent à réparer mes pieds en les momifiant littéralement. Je m’endors sur la table et dormirai donc ici environ 1 heure (premier sommeil de la course). Les pieds momifiés, je file au ravitaillement, je m’installe pour manger et je vois Grégory (un ami ultra traileur rencontré sur la TDS 2023 et avec qui j’ai sympathisé). Je vais le voir ; je suis surpris : je le pensais beaucoup plus loin. Il me fait part d’une douleur au tibia et envisage l’abandon. Il me demande si j’ai des bâtons en back up (car il n’en dispose pas, ayant l’habitude de courir sans). Heureusement, j’en ai ! S’en suit une scène surréaliste avec une formation expresse à l’usage des bâtons. Nous décidons de repartir ensemble avec chacun une paire de bâtons. Nous sommes mardi, il est 3h25.

 

Etape 4 : Donnas – Gressoney

Le début de cette étape est marqué par des montées brèves et assez faciles mais j’ai du mal à relancer en raison d’un mal de dos. J’ai besoin de m’étirer régulièrement et commence à craindre que cette douleur s’accentue au point de devenir insupportable. L’arrivée est encore loin. Je laisse partir Gregory que je n’arrive pas à suivre. Je décide de refaire mon sac, pour alléger la poche arrière et mettre des choses plus lourdes sur l’avant. Ce rééquilibrage et les étirements me soulagent et je finis par rejoindre Gregory vers le refuge Coda (enfin la mi-course !). J’appelle ma femme à qui je dis que je suis à mi-course, et qui me fait remarquer (gentiment mais maladroitement) que je ne suis pas à la moitié du temps.

Peu m’importe, le moral est bon et je commence à avoir de très bonnes jambes. Petite péripétie sans conséquence : je me fais piquer par une abeille au niveau du cou. Heureusement, je ne fais pas de réaction allergique, même si je ressens quelques picotements diffus au niveau du torse et du dos. Ne constatant pas d’évolution négative, je ne le signale même pas aux médecins. La journée est belle, le soleil ayant franchement fait son apparition. Je monte bien, et je m’amuse dans les descentes dans les rochers. Cette étape, pourtant réputée technique, me réussit bien. Etat de grâce… j’en profite ! Trop peut-être : à mon arrivée à un ravitaillement, un coureur italien me fait signe avec un pouce levé en m’ayant vu faire la descente dans les rochers, mais me dis aussi d’y aller tranquille : c’est encore long (il a raison !). Je mange les meilleures pâtes (accompagnées de prosciutto) depuis le départ. Le bénévole propose même du vin rouge ou de la bière.

Après cet intermède, j’attaque la descente sur Niel où je me régale de la fameuse polenta de La Gruba. La polenta est avalée en 10 minutes et je suis déjà reparti ! Une douce euphorie s’empare de moi : j’ai l’impression d’enchainer les montées et les descentes sans difficulté. J’arrive à Gressoney mercredi matin à 0h01.

Je décide de faire un vrai stop sur cette base vie de Gressoney avec douche, massage, soin des pieds, ravitaillement et (vraie) sieste. Une fois douché je vais me faire soigner les pieds et me faire masser.  Mes pieds sont momifiés pour les protéger, ils tiendront ainsi jusqu’à l’arrivée sans nouvelle intervention. Je vais ensuite dormir 1h30 sur un lit de camp. Sommeil de moyenne qualité mais j’en avais bien besoin. Je repars de Gressoney mercredi matin à 4h13 (ce sera mon plus long stop de la course).

 

Etape 5 : Gressoney – Valtournenche

Cette étape commence avec l’ascension du Col Pinter, régulière au début et plus dure sur la fin. Je m’arrête au refuge Alpenzu, où j’ai l’impression de faire mon premier vrai petit déjeuner de la course : café et dolci au chocolat. Le sucré me fait du bien. Pour la fin de l’ascension du col Pinter, j’ai droit à un magnifique lever de soleil. J’en profite pour appeler ma femme avant l’arrivée au col. Chaque appel à mes proches me fait un bien fou.

Après la descente, j’arrive à Champoluc. En sortie de ravitaillement, je passe par un parc et je m’accorde une sieste de 15 minutes sur un banc. Puis, j’attaque la montée du col de Nannaz avant de redescendre vers la base vie de Valtournenche. L’arrivée à Valtournenche est longue. J’alterne marche et course mais je récupère en vue de me ravitailler et bien manger à la base vie. J’arrive à Valtournenche mercredi à 15h28, j’en repars à 16h11.

 

Etape 6 : Valtournenche – Ollomont

En partant de la base vie, je demande la direction à un passant, et je m’entends dire que les premiers sont passés depuis bien longtemps ! J’en souris. Je ne suis pas là pour le classement mais juste pour terminer, boucler ce parcours et prendre du plaisir. Je sais que mon objectif est sur le point d’être rempli. Mais il me faut encore boucler ces deux dernières étapes dont celle-ci qui mène à Ollomont.

J’ai décidé de ne pas trainer sur la base vie de Valtournenche car la pluie est annoncée pour la nuit et je veux avancer au maximum avant, afin de pouvoir dormir au refuge Maggia. Pourtant, dès la première montée vers le refuge de Barmasse, j’ai sommeil. Mes yeux se ferment en marchant, et je m’oblige à chanter pour rester éveiller. Je massacre quelques chansons. Heureusement, je suis seul et j’épargne les tympans des autres coureurs. Le ravitaillement du refuge de Barmasse me requinque. C’est dingue comme manger peut parfois empêcher de dormir. Je repars beaucoup mieux et je vais donc enchainer jusqu’à la fenêtre de Tsan à un bon rythme. Je croise dans cette montée des vaches qui ont eu la bonne idée de manger les drapeaux indiquant les chemins. J’ai parfois quelques doutes sur le chemin à suivre, mais je retrouve toujours de temps en temps de la peinture indiquant la via alta sur les rochers.

Je redescends vers le refuge de Maggia où j’ai décidé de dormir. Quatre lits sont disposés derrière les tables de ravitaillement, dans la même salle. Bruit, lumière, tout est réuni pour ne pas dormir. Mais finalement ce n’est pas ce qui me gêne le plus. Une fois allongé je suis pris de douleurs intenses aux 2 jambes, avec notamment une douleur lancinante qui remonte dans la hanche gauche. J’essaye de m’étirer sans succès et je me lève après une heure passée à chercher une position confortable pour dormir sans y parvenir réellement. Assis sur le lit, je me demande comment je vais pouvoir faire les 90 derniers km alors que je me sens incapable de faire quelques pas. Et pourtant, petit à petit, la douleur disparaît en se levant. Il est temps de partir. Il s’en suit un enchaînement assez casse-pattes où j’ai l’occasion de discuter avec coureur sino-singapourien. Il est habillé de façon (trop) légère et est frigorifié. Il m’explique que là où il habite les plus basses températures sont autour de 21 à 22 degrés… En discutant avec lui, je me rends compte qu’il a fait spécialement le déplacement pour le Tor… Mais qu’il ne connaît rien de l’histoire de cette course. Je trouve cela totalement fou de traverser la moitié de la planète sans s’intéresser à ce qu’on va vivre. Bref, après cet échange, je reprends mon chemin et une dernière descente finale nous amène à Oyace.

J’arrive donc à Oyace où, je pense, se situe la base vie Oyace-Ollomont. Or j’ai mal lu le road book, et j’apprends que la base vie d’Ollomont se situe à 12 km et 1 200 D+. Le calcul est vite fait dans ma tête : je viens d’en reprendre pour 3h30… Le moral est touché. Mais pas pour longtemps. Je suis résolument positif et une fois la nouvelles digérée, la routine reprend le dessus : un pied devant l’autre… et le Col Brison est avalé.

J’arrive à Ollomont à 12h40 et j’en repartirai à 13h50 après m’être ravitaillé, m’être changé et avoir adapté le matériel. En effet, on nous annonce des températures glaciales (-18 °ressenti) et de la neige sur le col de Malatra. Les crampons deviennent obligatoires. Je m’équipe également avec des vêtements chauds pour la fin de course.

 

Etape 7 : Ollomont – Courmayeur

A ce stade, il ne reste plus que le col de Champillon et celui de Malatra avant la descente finale sur Courmayeur. En temps normal, j’aurais vu cette dernière portion comme une récompense et une formalité. Mais la méteo annoncée me fait douter. Je n’ai pas l’habitude de ces conditions en montagne, je n’ai jamais utilisé de crampons. J’ai envie d’arriver vite à Malatra et j’espère même en me dépêchant passer avant la nuit, qui sait. Alors je fais une montée rapide du col de Champillon. Les jambes sont là ! Je décide de « faire la descente ». Elle me convient avec une pente douce et un chemin sans racine ni rocher, elle se court facilement. Une fois arrivé en bas, je vérifie le road book et bien sûr il est impossible que je puisse franchir Malatra de jour. Le manque de lucidité me joue des tours. Je reprends donc un rythme plus normal et je me résous à passer Malatra de nuit, dans le froid et dans la neige. Après tout, être finisher du Tor mérite bien cela.

Après la descente du col de Champillon, une longue portion roulante de plat de 10 km nous amène à Saint Rhemy en Bosses. J’y fais la connaissance de deux coureurs : Stéphane et Yann (qui lui est engagé sur le 130). Nous alternons marche et course même si des douleurs au genou gauche m’empêchent de les suivre jusqu’à Saint Rhémy où je les retrouve. Nous nous ravitaillons et nous prenons la décision de passer Malatra ensemble. Chacun appréhende un peu le passage vu les conditions annoncées et la nuit. Dans la montée vers le refuge Frassati, nos rythmes diffèrent tellement que nous décidons de nous séparer et de nous retrouver au refuge pour passer cette dernière épreuve. J’arrive à Frassati en 2ème position de notre trio… mais aucune trace de Stéphane. Je me ravitaille, et je dors sur un coin de table en attendant Yann. Vingt minutes plus tard, il me réveille et m’informe que Stéphane dort dans le dortoir et a décidé d’attendre le petit matin pour passer Malatra. Nous décidons de notre côté de repartir sans attendre. Il est minuit et le temps est glacial. Il fait nuit, il fait froid, il neige. Mais je veux passer Malatra sans plus attendre. Je sais que le col a parfois été fermé et la course neutralisée. A 2 km du sommet, je ne veux pas que la course soit neutralisée et être finisher sans avoir passé Malatra. Je veux passer ce dernier col, je n’ai pas envie d’être « considéré » comme finisher, je veux l’être et pour cela dans mon esprit, je dois passer Malatra. Nous avançons rapidement malgré le froid, le vent, la neige. La trace est claire, contrairement à certaines portions précédentes. Aucun risque de se tromper. Tout là-haut, on aperçoit la lumière au sommet du col. Que c’est haut… A mesure que nous avançons, la neige commence à être de plus en plus présente au sol. Nous enfilons les crampons pour franchir les derniers hectomètres. Agrippé aux cordes, j’aperçois le photographe qui immortalise chacun des passages. Encore quelques mètres… je suis un géant ! Il fait froid, le vent est glacial et pourtant je profite de ces quelques instants au sommet avec un véritable sentiment d’accomplissement. Reste la dernière descente sur Courmayeur. Nous gardons les crampons quelques kms car la neige est encore plus abondante sur ce versant, avant de les enlever pour finir la course.

Un peu plus bas, un petit ravitaillement en plein vent… impossible de recharger en eau, les flasques sont gelées. Nous ne nous attardons pas et continuons à descendre pour retrouver des températures plus clémentes. Nous descendons ainsi jusqu’à Bertone où nous décidons de gérer chacun la dernière descente technique avant de se retrouver à l’arrivée. En effet, je préfère prendre mon temps dans cette dernière descente car je suis pris par le sommeil. Mes yeux se ferment et j’ai du mal à me concentrer sur les racines et les rochers qui caractérisent cette descente. Mes yeux ne font plus la mise au point ; j’ai l’impression de ne pas arriver à me concentrer sur un point précis. Chaque pas me paraît dangereux.

Enfin, la descente se termine et je retrouve le bitume annonçant l’arrivée à Courmayeur. Les larmes coulent. Je ne sais pas dire s’il s’agit de soulagement, de fatigue, de joie : sans doute un mélange de toutes ces émotions. J’échange quelques mots avec ma femme et ma fille au téléphone. Je suis exténué mais heureux. Je passe le Parc Bollino, je savoure les derniers mètres dans la rue principale de Courmayeur. J’aperçois l’arche… Une pensée me vient : vais-je réussir à la monter en courant ? Oui bien sûr. Quelques pas encore, je la franchis, j’essuie mes larmes. Je suis Finisher du Tor des géants en 116 heures 49 minutes et 54 secondes (94ème).

 

Epilogue

Et maintenant ? Quelques jours après, mon esprit est encore un peu là-haut. Ce n’est pas pour autant que j’ai envie d’y retourner (c’est même tout l’inverse), mais je ressens une sorte de sentiment de plénitude, ce genre de ressenti qui me fait aimer ce sport et qui permet de répondre à la fameuse question que nos proches nous répètent : «Pourquoi fais-tu cela ? »

4 commentaires

Commentaire de Lécureuil posté le 19-09-2024 à 09:33:21

Bravo pour cette première qui en appellera d'autres, il faut juste laisser le temps et l'appel des sirènes de la montage faire leur travail dans les prochaines semaines ;-)

Commentaire de stephane5174 posté le 19-09-2024 à 11:25:34

Merci ! Il est fort possible que le nature revienne au galop... Pour le moment, je profite :)

Commentaire de chirov posté le 20-09-2024 à 11:31:53

Merci pour ton récit et bravo pour ta course, moins de 117h c'est un sacré résultat ! Je suis impressionné par le peu de temps que tu passes en base de vie, et le fait que dormir si peu n'impacte pas + ta performance (moi quand je commence à entrer en mode zombie, j'avance plus, du coup je fais tout pour que ça n'arrive pas).

Commentaire de stephane5174 posté le 20-09-2024 à 14:55:20

Merci beaucoup. Pour ce qui est du temps passé basé en base de vie et du sommeil, j'ai essayé de m'écouter et j'ai été moi-même surpris du peu de temps sommeil global sur la course. La seule exception est la dernière nuit où j'ai un peu "poussé' en raison de l'envie de passer Malatra rapidement, et j'ai connu le mode zombie sur la dernière descente (où j'ai clairement manqué de lucidité). Avec le recul, j'aurais sans soute dû dormir au refuge de Frassati pour mieux profiter de la fin de course et de l'arrivée.

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