L'auteur : marathon-Yann
La course : No Finish Line Paris - 24 heures Officiel
Date : 25/5/2024
Lieu : Paris 07 (Paris)
Affichage : 355 vues
Distance : 0km
Objectif : Pas d'objectif
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Samedi, 11h45. Harry, le speaker bien connu des courses parisiennes, vient se renseigner sur nos CV de coureurs pour nous présenter. Mon copain Ray a une chouette idée : on va chacun présenter son voisin. "Yann a fini deux fois le Spartathlon, il est le tenant du titre ici, et il est en forme, il vient de finir 3eme de la Nove Colli.". Je reprends aussi sec "Ray, c'est déjà 53 victoires en ultra, et il est en forme, il vient de battre son record avec 209 km en 24h". Avec de telles présentations, on ne pourra pas nous reprocher de nous être cachés ! Qui sera le meilleur, on se le demande...
En vrai, on n'est pas venu pour se faire la guerre. Les premiers tours sont sympas, il y a beaucoup à apprendre pour s'installer confortablement dans la course. On découvre le nouveau parcours dans le parc André Citroën, circuit légèrement raccourci par rapport à l'an dernier en raison de travaux, il fait un peu plus de 850m, avec un passage un peu délicat devant la file d'attente pour le ballon Generali. On fait connaissance avec les bénévoles. L'une d'entre elle raconte à sa collègue qu'elle a refusé de donner de la pastèque à une dame en fauteuil roulant car c'était "réservé pour les coureurs ", je trouve ça un peu rude quand même. Les ravitaillements ne sont pas forcément très complets, mais cette année nous bénéficions de boissons fraîches, ce qui est vraiment appréciable dans la rare chaleur de ce mois de mai.
Nous découvrons aussi les autres coureurs. Je fais la connaissance de Juan Carlos, un coureur bien connu dans le monde de l'ultra, qui m'épate par son extrême gentillesse. Je retrouve Guillaume, qui avait fini second l'an dernier. Mais aussi des coureurs au profil varié, comme Estelle, dont la sortie la plus longue jusqu'à aujourd'hui était 26km, et qui finira sur le podium féminin, ou Guy, finisher entre autres de la deuxième édition du Spartathlon et de 41 marathons de Paris. Et bien d'autres encore, je ne peux pas tous les citer mais je retrouve avec joie de nombreux visages qui étaient là l'année dernière.
Ray, avec qui je cours depuis le départ, me fait remarquer la plupart des gens qui viennent bouquiner au parc rangent leur livre après 3-4 passages, soit une vingtaine de minutes, et sortent leur téléphone. En ce début d'après midi, la file d'attente devant la montgolfière Generali s'allonge, nous obligeant à slalomer dangereusement entre les enfants.
Mon père est passé me voir. C'est au tour de mon collègue Sylvain de passer partager quelques tours avec moi, comme un écho à la visite de notre collègue Isabelle l'an dernier, ça me touche beaucoup. Cette nuit, ce sera mon frère, Cindy et Lila qui passeront. Dans l'immensité d'un 24h, ces instants partagés résonnent longtemps. Ray aussi retrouve des amis avec lesquels il courre un peu plus lentement qu'avec moi. Sans le vouloir, je lui prends un tour, deux tours.... À la tombée de la nuit, je compte jusqu'à 4 tours d'avance sur lui, ce n'était pas prévu.
Ce qui n'était pas prévu non plus c'est qu'un troisième coureur, Thoai, s'est immiscé entre nous deux. Il nous annonce sans sourciller qu'il vise 200 km aujourd'hui pour son premier 24h. S'il nous avait dit ça après 1 ou 2h de course, on n'y aurait peut-être pas prêté attention, après 8h, c'est autre chose.
C'est un moment assez particulier. Je veux attendre Ray sans me laisser rattraper par Thoai. Spécificité des courses horaires, nous pouvons partager des tours avec des coureurs qui sont 2 ou 4 km derrière nous, et papoter avec eux. Nous courons souvent ensemble tous les trois, discutant amicalement, ce qui permet à Ray, fort de ses expériences de course, de nous distiller les conseils qui vont bien.
Et puis Thoai a besoin de dormir 20 minutes, Ray me rattrape officiellement, et nous finirons la course ensemble. L'occasion de vérifier le proverbe africain : "Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin." Ça tombe bien, le but est de faire le plus de km possible.
L'ambiance a changé la nuit. Le parc nous est réservé. Deux coureurs sortent de curieuses balles lumineuses et les poussent au pied. Une coureuse, qui m'avait surpris cette après midi en poussant son chien dans une trottinette, libère son fauve maintenant que les gardiens sont partis. La brave bête est contente de se dégourdir les pattes. La chaleur est tombée, sans qu'il fasse vraiment froid. Je pense que c'est le bon moment pour boire mon powerade, mais mon estomac ne le supporte pas et je me retrouve à 4 pattes dans un buisson. A partir de maintenant, ce sera très difficile de boire, et impossible de m'alimenter. Il reste près de 12h de course.
Vers 4h, les oiseaux se mettent à chanter dans l'obscurité, moment en suspension, magique. C'est le moment où la course se décante. Thoai nous prend un tour assez rapidement. Pour s'éviter une fin de course pénible, nous faisons l'effort pour lui reprendre ce tour. Il n'aura plus l'énergie de venir disputer notre première place, mais il maintiendra un bon rythme pour atteindre son objectif de 180 km et pour préserver sa troisième place, disputée par l'excellent Guillaume. Ça nous oblige par ricochet à continuer sérieusement. Ce n'est pas mon adversaire, mais l'ami grâce auquel je donne le meilleur de moi-même.
Avec le jour, l'ambiance du parc change de nouveau. Des coureurs du 24h réapparaissent après s'être reposé un peu. Nous prenons plus de temps pour discuter. Les agents du parc ramassent quelques bouteilles en plastique, puis le parc réouvre.
Nous faisons des calcul sur notre marque finale et celle de nos concurrents. Le parc s'anime de nouveau, des sportifs, des familles reviennent. Nous guettons le retour des parents de Ray, mais également de mon père, de mon frère, de Sylvain.
Harry le speaker nous a repéré. Il s'amuse de nous voir toujours ensemble, surtout que nous marchons au passage de la ligne pour profiter du ravitaillement. Pour donner l'image d'une lutte féroce, nous nous amusons à sprinter sur les derniers tours, mais personne n'est dupe. Pour le dernier passage, à 11h58, nous sommes bras dessus dessous, après avoir parcouru plus de 194 km.
J'éprouve beaucoup de sentiments au moment où, sur le podium, nous nous disputons avec Ray le trophée au Chi Fu Mi : de la joie, de la fatigue, de l'amusement, un peu de fierté, de la gratitude, ... Mais le meilleur de tous, celui que je retiendrai de cette journée, c'est cette sensation extraordinaire que procure l'amitié.
2 commentaires
Commentaire de bubulle posté le 04-06-2024 à 15:45:58
Super récit, Yann... Et aussi, ça me remet de la perspective sur votre duo avec Ray (que je ne connaissais pas encore......bien que j'aie participé aux 5 premières NFL Paris). J'aime vraiment bien ce monde la course horaire, qui n'est pas vraiment techniquement ma tasse de thé (je dois dire à peu près à chaque récit que je n'aime pas le plat...et que je suis meilleur marcheur que coureur), mais qui gagne vraiment beaucoup à être découvert.
Je reviendrais vraiment bien sur cette NFL dans les années à venir....il faut donc que j'espère éviter la collision avec l'UBS (ça ne vous dirait pas, à tous les deux, de vous mesurer un jour aux escaliers lyonnais ?) ou avec le GR73, qui sont parmi mes courses chouchoutes.
Et bravo encore pour les 12h de Bures, juste une semaine après !
Commentaire de Bert' posté le 05-06-2024 à 12:17:01
Bravo Yann pour ce nouvel exploit.
Quelle endurance et bonnes histoires encore. C'est clairement le sel de ces défis.
Pour la première fois depuis 2015, je n'ai pas pu venir à la NFL... mais ce n'est que partie remise !
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