L'auteur : stephnoz
La course : SwissPeaks Trail - 170 km
Date : 7/9/2023
Lieu : Oberwald (Suisse)
Affichage : 1333 vues
Distance : 171km
Objectif : Terminer
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Après avoir couru en 2022 le Grand Raid des Pyrénées, je recherchais pour 2023 un nouveau 100 miles réputé pour la beauté de ses paysages. C'est ainsi que je suis tombé sur le site web de la SwissPeaks, dont les teasers photos et vidéos m'ont vraiment donné envie.
De plus, l'itinéraire de la course passe par la fenêtre d'Arpette, que j'avais faite en randonnée et que j'avais trouvée vraiment magnifique, avec sa vue sur le glacier de Trient.
Pouvoir y revenir en trail a été le déclencheur de mon inscription.
Et c'est ainsi que je me suis retrouvé il y a quelques jours, après un entrainement qui s'est bien déroulé, au départ de cette course réputée comme très difficile...
Je rejoins vers 5h00 les autres coureurs sur un parking de la ville Suisse du Bouveret, le long du lac Léman, tout près de la frontière française. De là, une navette nous amène au départ de la course, en bas du barrage de la grande Dixence, à 2200 m d'altitude.
Le départ a lieu un peu plus haut, devant l'hôtel du barrage.
Le site est grandiose, une construction humaine vraiment impressionnante, qu'on remonte progressivement par un chemin carrossable assez facile sur 1 à 2 km, qui nous offre un bon échauffement et étire le peloton.
Les sacs sont lourds ; l'organisation a activé le "kit grand chaud". Deux litres d'eau obligatoires sur soi !
On atteint rapidement le plan d'eau du barrage.
Puis c'est parti pour les sentiers de montagne !
La première montée jusqu'au col de Prafleuri, le point culminant de la course à quasiment 3000m, se passe bien pour moi. Mon entrainement récent dans les Pyrénées fait que je ne souffre pas particulièrement de l'altitude.
Après ce col, on rentre dans le "grand désert", qui porte bien son nom : de grandes étendues sans un signe de vie, qui font penser à un reg. Une partie technique et fatigante, avec de nombreux pierriers.
On sort du grand désert par une descente de quelques centaines de mètres sur un chemin qui offre une superbe vue sur une vallée et un lac turquoise avec les sommets enneigés au-dessus. A ce moment, c'est 100% de plaisir !
La montée raide qui suit vers le col de Louvie à 2900 m environ me remet les pieds sur terre...
De là-haut la vue est magnifique, mais permet de se rendre compte que la suite du programme va être éprouvante : on voit bien, 1800 m plus bas (!), le village de Lourtier où se situe le ravitaillement.
En regardant avant le départ le profil de la course, je l'avais bien repérée cette descente, et elle m'inquiétait : 1800 m de D- en 10 km, c'est du très costaud et je ne l'avais jamais eu encore l'occasion de le faire malgré mes nombreuses courses !
Les 300 premiers mètres de D- se font plutôt bien, mais le chemin devient après hyper raide, sans aucune pause dans la descente : 30% de pente moyenne sur 5km 😲 ! Le tout en plein soleil, dans une chaleur harassante ; près de 30° et pas un poil de vent ni un torrent pour mouiller la casquette...
J'arrive en bas de la descente nettement déshydraté. Au milieu du village, une fontaine me tend les bras. Je m'y arrête comme plusieurs autres coureurs pour y boire plusieurs gobelets d'eau fraiche et remplir les flasques.
J'arrive au ravito épuisé. Déjà 5 heures de course et seulement 21 km parcourus 😐 ! C'est la première fois que je suis dans un tel état de fatigue si tôt. Mais j'ai 1h30 d'avance sur la barrière horaire, tout va bien de ce côté-là !
Heureusement, la pause ravito me redonne de l'énergie pour repartir et attaquer la côte de 1000D+ qui suit jusqu'à la cabane Brunet.
20% de pente moyenne sur 5km, mais on est dans l'ombre la plupart du temps et un petit vent frais permet de ne pas trop monter en température. Je cueille et mange avec plaisir en bord du chemin des framboises et des myrtilles, dont l'acidité permet de couper agréablement le sucre des barres énergétiques.
La cabane Brunet est dans un cadre super beau, je me dis qu'il serait sympa d'y revenir en randonnée et y déjeuner. Je remplis les flasques à nouveau à la fontaine de la cabane.
La suite est assez longue, au soleil, avec des petites montées / descentes, mais sans difficulté particulière.
On a la plupart du temps une belle vue sur les villages situés en bas dans la même vallée que Lourtier.
Je mange à nouveau régulièrement des myrtilles au bord du chemin. Puis la pente devient plus raide, les myrtilliers finissent par disparaitre. Quelques passages bien raides permettent d'arriver finalement au ravitaillement de Mille, une tente perdue au milieu de la montagne.
Là je croise surtout des coureurs très fatigués, qui parlent d'abandonner. La montée a été longue mais pour ma part, je suis encore prêt à en découdre.
Je prends une bonne soupe avec beaucoup de matière, deux verres de coca et je repars du ravito revigoré par la pause et la nourriture. Une montée raide amène au Mont Brûlé (2571 m), la 2ème grosse bosse de la course.
Magnifique vue encore de là-haut ! On ne voit pas -mais on imagine- Orsières, où il faudra passer, près de 1700m plus bas (!).
Heureusement cette seconde grosse descente n'a rien à voir avec la première. Elle est beaucoup plus roulante et nettement moins pentue sur sa plus grande partie.
Je me sens plutôt bien, je déroule, et moi qui suis souvent assez mauvais dans les descentes, je double plusieurs coureurs moins en forme que moi.
En bas à Orsières, je rattrape un jeune coureur très sympa qui travaille dans le domaine de la physique quantique, et avec qui je fais quelques km. Il a couru plusieurs fois l'intégrale de l'Echappée Belle et me dit qu'il trouve ce début de la Swiss Peaks nettement plus compliqué. Ça me rassure de voir qu'il n'y a pas que moi qui souffre ! 😉
La nuit commence à tomber, on sort les frontales et on remonte ensemble jusqu'à Prassurny, où se situe le ravitaillement suivant.
47 km parcourus et presque 12h30 de course… 🤨
Au ravitaillement je prends une bonne soupe aux croutons. Je suis fatigué mais j'ai la motivation pour attaquer la troisième grosse difficulté : la montée d'Arpette. J'arrive en zone connue (TMB et CCC), ça me fait plaisir (il en faut peu !). Mais je sais aussi que cette montée d'Arpette (1800 D+ entre Orsières et Arpette) est technique et sera probablement le passage le plus difficile de la course.
Je repars du ravito de Prassurny avec mon collègue avec presque 2h d'avance sur la barrière horaire. Comme je monte plus vite que lui, on se sépare rapidement et je finis la montée vers Champex seul.
La température s'est rafraîchie, ça devient nettement plus agréable et j'aime courir la nuit. Cette montée vers Champex passe vite.
Le long du lac de Champex, je me trouve un nouveau compagnon de route, un jeune marin pompier, et on attaque ensemble la montée vers Arpette. A un moment, en pleine nature, on entend des cloches de vaches ; leurs sons se rapprochent et on finit par tomber sur deux vaches en train de dormir au milieu du chemin !
Il faut passer doucement entre elles 🙂
La montée est longue, le chemin devient de plus en plus raide et technique. Il faut lever les jambes de puis en plus haut pour monter sur les pierres, ça devient vraiment difficile.
On fait plusieurs pauses dans la montée. On éteint alors les frontales, et ça devient magique : la nuit sans lune ni nuages est remplie d'étoiles, on voit nettement la voie lactée 🤩. Difficile de se motiver pour redémarrer ! Au-dessus de nous se découpe dans la nuit la silhouette de la fenêtre d'Arpette, qu'éclaire parfois la lumière d'une frontale, ce qui permet de se rendre compte de la raideur de la pente qu'il nous reste encore à parcourir...
Même à 2500 m d'altitude, il ne fait pas froid avec l'effort, je suis encore en tee-shirt à 23h 😲.
Le dernier km de montée, très technique sur pierrier, est vraiment dur, avec une pente moyenne à 35°. On avance à peine à 1km/h 😣.
Mais enfin arrive la délivrance avec le sommet ! Dommage, il n'y a pas de lune, on ne voit rien du glacier de Trient juste en face...
Une petite pause et on attaque la descente.
J'avais bien en tête que la montée vers Arpette allait être difficile, mais j'avais oublié que le début de la descente était presque pire !
C'est vraiment très raide, il faut s'engager tout le temps, sinon on dérape et le ravin est au bord du chemin... Je me demande à plusieurs moments comment il n'y a pas des accidents chaque année sur la course à cet endroit.
On traverse plusieurs fois des petits torrents, le sentier et les chaussures sont humides, ça glisse sur les rochers.
Avant d'être arrivé à la partie où la descente devient moins raide, je me fais une entorse chaque cheville (heureusement pas sérieuses) et une ecchymose au bas du mollet droit 🤐.
J'abandonne mon compagnon de route lorsque le chemin redevient moins pentu (il n'arrive plus à courir) et je trottine jusqu'au joli village de Trient, où je retrouve avec plaisir sa belle église rose ; un grand plaisir également d'y trouver le ravitaillement ! 😉
Je prends une bonne assiette de pâtes à la carbonara. Il y a là plusieurs autres coureurs avec des têtes de zombies. Je me dis que je dois donner la même impression... Il y a un vent froid et beaucoup d'humidité à ce ravitaillement, je décide de ne pas m'y attarder pour ne pas me refroidir.
Je me renseigne sur la prochaine étape : "7 km jusqu'à Finhaut" répond un des bénévoles.
On se regarde tous, rassurés : ça devrait aller !
Le bénévole ajoute : "700 m de D+. Ca monte, ça redescend, ça remonte".
On est tous dépités parce qu'on voit bien ce que ça va donner !!!
Je repars juste après un petit groupe, que je double rapidement dans la première montée de 350 m de D+, assez raide et le long d'un ravin. Je la franchis relativement facilement.
Puis c'est parti pour 700 m de descente en solo... La première moitié est plutôt facile. Je vois les lumières de Finhaut à ma hauteur en face.
Mais ça ne s'arrête pas là, il faut descendre vers les gorges mystérieuses de tête noire, par une série d'escaliers vraiment raides, puis un chemin technique et très glissant, qui casse les jambes. Les lumières s'éloignent progressivement vers le haut et finissent par disparaitre 😢
Je suis fatigué, je fais plein d'erreurs qui me font déraper et prendre des risques, ça me fatigue encore plus.
Dans les gorges, c'est la nuit noire, j'entends juste le torrent en dessous mais je ne le vois pas. Je sais qu'à un moment je vais atteindre le fond, mais ça ne vient pas... Cette descente me semble interminable !!! Enfin j'arrive en bas, à bout de forces.
La remontée vers Finhaut sur 350m de D+ est elle aussi très raide, je suis obligé de m'arrêter régulièrement, je n'ai plus d'énergie...
J'arrive enfin à Finhaut. Ca n'est pas la 1ere fois que j'arrive épuisé à un ravitaillement et que finalement ça finit par repartir avec la pause et la nourriture. Je me dis que j'aviserai après le repas...
C'est une base de vie, je récupère mon sac suiveur, je vais prendre un plat de pâtes que j'engloutis.
Je croise les bras devant mon assiette vide, je penche la tête et je tente une micro-sieste... qui se transforme en une vraie sieste de 20 minutes, la tête en équilibre au-dessus de l'assiette. Un gros moment d'absence ! 😴😁
Mais le ravitaillement et la sieste n'y fond rien : je ne me vois pas du tout repartir pour attaquer les 1200m de D+ jusqu'au col de Fenestral. L'envie n'y est pas et je n'ai pas retrouvé l'énergie nécessaire.
Je me résous à aller annoncer aux organisateurs que j'abandonne, pour la première fois de ma vie. 😕
C'est plus sage pour ne pas se blesser ; on sait qu'on va souffrir dans ce type de course, mais elles doivent rester un plaisir. Il n'y était plus.
Je rentre en train jusqu'au Bouveret (l'arrivée) où je prends un très bon déjeuner et une douche.
Pas du tout de regrets, je suis content d'avoir réussi à faire ces 77 km exigeants et la moitié du D+.
Je me dis que je m'inscrirai probablement une prochaine année aux 100km de la Swiss Peaks, qui démarrent à Finhaut et me permettront de me confronter à la fin du parcours.
Bilan de la course :
C'était vraiment une course très difficile (trop pour moi en tout cas).
Le 1er du classement (Robin Fournier) a mis 33h. La 2ème 36h30. Ces temps illustrent bien la difficulté de l'épreuve...
Seulement 69 coureurs (sur 178 au départ) ont franchi la ligne d'arrivée 😨. Je n'ai jamais vu un ratio aussi faible ! Même avec mon abandon avant la moitié de la course, je me retrouve dans le deuxième tiers du classement.
Cette première grosse descente m'a trop épuisé pour que je sois capable de finir la course. Ca a été le cas de tous ceux avec qui j'ai échangé lors de la course. J'ai compris que c'était la 1ere fois que le parcours l'empruntait, je ne sais pas s'ils vont renouveler compte tenu de l'hécatombe...
Il me reste à ajouter que l'ambiance de course est très bonne, les ravitaillements sont très qualitatifs, l’organisation au top !
A recommander à ceux qui veulent se confronter à du très lourd, ou qui ont des gènes de bouquetin dans le sang !!!
7 commentaires
Commentaire de AYB posté le 29-12-2023 à 13:02:45
Bonjour stephnoz
Un grand merci pour ton récit et tes photos tu ma replonger dans la course. UN grand bravo à toi quand même 77km sur cette courses ses pas rien. Hâte de te lire sur tes futur aventure.
Sportivement
Commentaire de AYB posté le 29-12-2023 à 13:04:57
Bonjour stephnoz
Un grand merci pour ton récit et tes photos tu ma replonger dans la course. UN grand bravo à toi quand même 77km sur cette courses ses pas rien. Hâte de te lire sur tes futur aventure.
Sportivement
Commentaire de stephnoz posté le 29-12-2023 à 17:42:04
Merci pour ton commentaire ! On se croisera peut-être sur une prochaine course...
Stéphane
Commentaire de tgl1931 posté le 12-07-2024 à 13:39:19
Merci pour ton récit stephnoz et bravo pour ta performance avec cette chaleur extrême!! Apparemment, cette année le parcours ne passe pas par le col de Mille ni par le Mont Brûlé, mais qques centaines de mètres plus pas. Bon été à toi et salutations, Thierry
Commentaire de stephnoz posté le 13-07-2024 à 16:02:57
Merci Thierry ! Si tu cours la SwissPeaks cette année tu y prendras beaucoup de plaisir : c'est une magnifique course indépendamment de sa difficulté !
Bel été sur les chemins de montagne !
Commentaire de tgl1931 posté le 15-07-2024 à 20:49:56
J'aurais encore qques questions:
- tu as dormi lorsque c'était vraiment nécessaire ou tu avais prévu déjà à l'avance où et quand tu allais dormir? Ou peut-être que tu n'as pas dormi du tout ?
- quelles sont les choses que tu referais pareil (qui ont fonctionné ) et celles que tu ferais autrement ?
Commentaire de stephnoz posté le 16-07-2024 à 08:05:22
Compliqué de répondre à tes questions...Je pense qu'on est tous différents dans notre ressenti et notre expérience d'une même course. Je ne planifie pas ma stratégie de sommeil ou de pause aux ravitos parce que sur les terrain ça peut être vraiment très différent de ce qu'on attendait, à cause de la météo ou d'un imprévu.
comme tu l'as vu je n'ai pas été au bout de cette course, j'ai couru environ 24h et je n'ai pas dormi du tout, à part au-dessus de mon assiette au dernier ravito.
Je pense que pour le sommeil il faut faire aux sensations et surtout éviter de dormir le long du chemin en plein soleil ou dans le froid ou l'humidité de la nuit. Il y en a qui font des microsiestes régulières pour rendre le redémarrage moins difficile, d'autres qui préfèrent faire un break d'une heure... Je serais bien malvenu de te donner un conseil sur ce sujet.
Quand j'ai couru le Grand raid des Pyrénées, j'ai dormi 2h30 en tout (1h superficiellement le long du chemin à l'ombre et 1h profondément sur un lit dans une tente -c'est mieux-).
Sur la question de ce que je referais : j'ai pris mon temps aux ravitos (la swisspeak est réputée pour leur qualité, c'est justifié), pris mon temps pour manger des myrtilles sur le chemin, de boire dans les torrents... Aucun regret, les barrières horaires sont plutôt larges, j'ai profité du paysage, de l'expérience, et pu aller à mon rythme.
Un conseil : ne pas sous-dimensionner la fenêtre d'Arpette, c'est costaud !
Profite bien et bonne fin de préparation !
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